DEUX TESTS DECISIFS POUR OZAL
En mars: Les élections locales
En novembre: Les élections
présidentielles
Le destin de l'administration
Ozal va être déterminé en 1989 par deux événements politiques majeurs:
les élections municipales et provinciales qui auront lieu le 26 mars et
les élections présidentielles de novembre.
Depuis novembre 1987, le parti
d'Ozal, le Parti de la Mère Patrie (ANAP), n'a plus de mandat véritable
pour gouverner le pays.
En effet, lors des élections
législatives de novembre 1987, les partis de l'opposition ont totalisé
64% des voix. Bien que l'ANAP n'ai obtenu que 36% des suffrages, il a
acquis 64% des sièges au Parlement et ce grâce à des modifications du
système électoral opérées en dernière minute.
Le référendum constitutionnel de
septembre 1988, qui a pour objet d'anticiper les élections municipales,
a été transformé en vote de confiance au gouvernement par Ozal
lui-même. Pourtant les électeurs ont, une fois de plus, exprimé leur
opposition au pouvoir d'Ozal en votant à 65% contre les amendements
proposés par le gouvernement.
Les élections municipales et
provinciales à venir sont une occasion de plus pour l'opposition de
remettre en question le mandat du parti gouvernemental. Le résultat des
élections provinciales sera particulièrement significatif à ce propos
car chaque citoyen votera, tandis que lors des municipales qui auront
lieu en même temps, seuls les habitants des zones urbaines sont invités
à voter.
Si le score électoral de l'ANAP
descend en dessous de 35%, sa crédibilité sera sérieusement atteinte.
Compte tenu du fait que ce parti est une coalition de tendances et
intérêts très difficilement conciliables, certains estiment qu'un
déclin majeur lors des prochaines élections pourrait favoriser en son
sein l'émergence de tendances centrifuges (voir "l'Alliance Sacrée et
les Libéraux au sein de l'ANAP", Info-TΩrk, décembre 1988).
Le résultat de ces élections va
également faire apparaître la crédibilité réelle de l'opposition
social-démocrate qui se divise en deux partis: le Parti populiste
social-démocrate (SHP) d'InπnΩ et le Parti de la Gauche démocratique
(DSP) d'Ecevit.
Ci-dessous figurent les
principaux concurrents des élections à venir ainsi que les scores
qu'ils ont réalisées lors des élections de novembre 1987:
Le Parti de la Mère Patrie
(ANAP): 36,3%; le Parti populiste social-démocrate (SHP): 24,8%; le
Parti de la Juste voie (DYP): 19,2%; le Parti de la Gauche démocratique
(DSP): 8,5%; le Parti du Bien-être (RP); 7,1%; le Parti nationaliste du
Travail (MCP): 2,9%; le Parti de la Démocratie réformiste (IDP): 0,8%.
Les deux partis nouvellement
fondés: le Parti Socialiste (SP) et le Parti des Verts (YP) ne se sont
pas encore préparés à ces élections. Par conséquent, elles ne
fourniront aucune indications précise des chances électorales des
tendances marxistes et écologistes en Turquie.
Par contre, les résultats de ces
élections auront un impact considérable sur les élections
présidentielles de novembre. Cette année, le septennat du général
Evren, nommé "président de la République" sous la menace lors du
référendum de 1982, prend fin.
La constitution de 1982 prévoit
que c'est le parti majoritaire qui procédera à la désignation du
président. Les milieux proches du premier ministre insinuent qu'Ozal a
l'intention de remplacer le général Evren au Palais présidentiel. Mais,
si l'ANAP essuie un échec électoral lors des élections locales, il
sera, dès lors, très difficile pour ce parti gouvernemental de désigner
le prochain Président de la République.
LES MILITAIRES FORCENT DES PAYSANS KURDES A INGERER DES EXCREMENTS
Le quotidien Cumhuriyet du
24 janvier dernier a publié la déclaration suivante, faite par le
Muhtar (ancien) d'un village kurde: "Je suis sous pression depuis les 9
dernières années. Mais jusqu'à présent, nous ne nous sommes jamais
plaints pour ne pas apparaître comme des opposants au régime. J'ai
attendu, jusqu'à ce que les gens soient obligés d'avaler des
excréments. J'ai adressé une pétition au procureur car tout ce qui se
passe ici est incompatible avec la dignité de l'Etat."
L'incident auquel il fait
allusion s'est produit pendant la nuit du 14 janvier, au village de
Yeªilyurt, près de la ville de Cizre dans la province de Mardin, deux
jours après que des militants du PKK aient abattu deux policiers dans
la région.
L'ancien du village, Abdurrahman
Mustak, a déclaré que l'officier qui commandait l'escouade de
gendarmes, le major Cafer †aglayan, a fait rassembler tous les
habitants sur la place du village et les a interrogé au sujet des
"terroristes". Comme il ne recevait pas de réponse satisfaisante, il a
fait s'allonger les hommes par terre et a ordonné qu'on les batte,
trois d'entre-eux ont été blessés. Malgré cela, les habitants n'ont
fourni aucune information. Alors, il a ordonné à l'oncle de l'ancien du
village, Kamil Mustak, de collecter des excréments humains et de les
mettre dans la bouche des personnes présentes.
Après avoir lu l'article du
Cumhuriyet, trois députés du SHP, CΩneyt Canver, Ahmet TΩrk et
Fuat Atalay se sont rendus à Yeªilyurt pour s'entretenir avec les
villageois. Le même jour, des gendarmes sont également arrivés et ont
emmené l'ancien du village dans une maison abandonnée. Là, ils ont
ouvert un sac en plastique dans lequel ils transportaient cinq grenades
et une mine.
Canver a confié aux journalistes
que l'abandon de ces munitions dans une maison inoccupée ressemblait à
s'y méprendre à une tentative du complot visant à impliquer l'ancien du
village ainsi que les habitants de Yeªilyurt qui ont eu le courage de
signer la pétition.
Les députés ont également
rencontré Taybet Dadak, une jeune femme enceinte âgée de 22 ans qui
leur a déclaré avoir été complètement déshabillée et avoir subi des
chocs électriques lors de son interrogatoire à Cizre.
Ces révélations ont été faites
juste après la vague d'arrestation dans les provinces kurdes
orientales. A la veille des élections locales du 26 mars, les forces de
sécurité ont arrêté près de 500 personnes, pour la plupart des membres
ou des sympathisants du SHP, dans les villes de Batman, d'Eruh et de
S∑rnak dans la province de Siirt, de Silvan et de Bismil dans la
province de Diyarbakir et de Cukurova dans la province d'Hakkari.
Le président du SHP, Erdal InπnΩ,
a déclaré lors d'une interview qu'il a accordée à la BBC le 17 janvier
dernier, que les arrestations ont pour but de ternir l'image de son
parti, que les personnes détenues sont accusées d'avoir aidé des
membres du parti ouvrier du Kurdistan (PKK). Or, toujours selon Erdal
InπnΩ, le SHP n'entretient aucune relation avec des groupes illégaux,
et bien que ces personnes aient été libérées, les gens se demandent
pourquoi des membres du SHP ont été impliqués et s'il est prudent de
voter pour ce parti et qui plus est, d'en faire partie.
UN DEPUTE KURDE DESAVOUE PAR SON PARTI
Un membre du Commission
parlementaire mixte CEE-Turquie a été désavoué par son propre parti
pour avoir évoqué la question kurde lors de la première réunion de la
commission à Strasbourg en janvier dernier.
M. Ibrahim Aksoy, député SHP de
la province de Malatya, a déclaré à Strasbourg: "Il est illogique de
nier l'existence d'un problème kurde en Turquie. Si vraiment il
n'existe pas, pourquoi y a-t-il un état d'urgence, un gouvernement
régional, des unités spéciales de police, la seconde Armée et 12.000
protecteurs armés de villages? J'estime que ce même fait de reconnaître
un statut de minorité aux Kurdes serait complètement faux. Les Kurdes
sont une communauté nationale et devraient jouir des droits nationaux."
La parution de cette déclaration
dans la presse turque a fait l'effet d'une bombe à Ankara et les partis
de droite ont aussitôt lancé une campagne de calomnies contre ce député
d'origine kurde.
Les dirigeants du SHP, sous la
pression des militaires et de leurs électeurs conservateurs, ont dû
sanctionner Aksoy. Le Comité disciplinaire du parti a considéré que sa
déclaration allait à l'encontre de la position du parti et a décidé de
le suspendre du parti pendant deux ans. La décision a été adoptée par 5
voix contre 4.
Le 7 février, Aksoy a déclaré
qu'il ne méritait pas une telle punition et qu'il allait porter
l'affaire en justice. Il a ajouté qu'il n'envisage pas de quitter son
parti et qu'il agira toujours en social-démocrate. Il a critiqué les
décisions du parti prises lors d'une querelle personnelle avec son
secrétaire général: Deniz Baykal dont il dénonce "le goût personnel
pour les luttes entre factions" (Voir: L'opération centriste au sein du
SHP. Info-TΩrk, décembre 1988).
Cette censure a provoqué de
sévères critiques de la part des cercles démocratiques de Turquie sur
la fa•on d'agir du principal parti de l'opposition. Un député du parti
au pouvoir, l'ANAP, Nurettin Y∑lmaz, qui est d'origine kurde, a même
estimé que la décision du SHP était contraire à la liberté d'opinion.
UNE MOTION EN FAVEUR DES REFUGIES KURDES
M. Arbelsa Muru, membre espagnol
du Parlement européen, a présenté une motion demandant au gouvernement
turc de reconnaître le statut de réfugié aux Kurdes qui ont fui l'Irak
et qui ont demandé l'asile politique à la Turquie.
Près de 50.000 Kurdes vivent
actuellement dans des camps, dans des conditions effroyables.
Le gouvernement turc s'abstient
de leur attribuer le statut de réfugié de crainte d'être obligé de
reconnaître l'identité et la langue kurdes et de devoir ainsi autoriser
que leur éducation et leurs activités culturelles se fassent dans leur
langue maternelle. Une telle reconnaissance pourrait amener les 10
millions de Kurdes de Turquie à revendiquer des droits similaires.
L'IHD PRIMEE AU DANEMARK
La Fondation danoise pour la paix
a attribué le prix 1989 à l'Association des Droits de l'Homme de
Turquie (IHD) pour sa lutte en faveur du respect des droits de l'Homme
en Turquie. L'IHD est également candidate au prix 1989 des Droits de
l'Homme du Conseil de l'Europe.
L'ARRESTATION DES ADOLESCENTS POUR PROPAGANDE COMMUNISTE SE POURSUIT
Alors qu'une controverse a éclaté
en Turquie et à l'étranger, suite à la mise en accusation d'un étudiant
de 15 ans, pour "propagande communiste" (Voir: Info-TΩrk, janvier 1989)
les autorités d'Ankara, ne tenant aucun compte des critiques dont il
fait l'objet, a ordonné l'arrestation de quatre autres adolescents pour
le même motif.
Selon le numéro du 18 février du
quotidien Milliyet, trois étudiants de l'Ecole d'enseignement
Orhan Veli, H.F., M.D. et H.K., ont été arrêtés il y a 2 mois, pour
avoir peint des slogans de gauche sur les murs de l'école.
H.F. et M.D., âgés tous deux de
15 ans, sont jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul et
risquent des peines de prison allant jusqu''à dix ans. Quant à H.K. qui
n'a pas encore 15 ans, il est jugé par une Cour spéciale pour enfants,
pour les mêmes motifs.
Un jeune homme de 17 ans, A.K.,
issu d'une famille d'émigrants, a été arrêté il y a deux mois à Turhal,
pour "propagande communiste". Il passe actuellement en jugement devant
une cour criminelle à Kayseri. A.K. a déclaré qu'il a été torturé lors
de son interrogatoire par la police qui voulait lui faire avouer qu'il
était venu en Turquie pour organiser le parti communiste de
Turquie/Union (TKP/B) à Turhal.
D'autre part, le procès de Metin
Calayl∑oµlu, de 15 ans, se poursuit à la Cour de Sûreté de l'Etat
d'Izmir. Après avoir été privé de sa liberté pendant près de 5 mois, il
a été relâché le 4 février dernier. Mais son procès pour propagande
communiste n'est pas encore terminé. La Cour attend le rapport de
médecine légale, Calayl∑oµlu risque toujours une peine de prison de 8
ans. Avant qu'il n'ait été libéré, sa mère, Cavidan Calayl∑oµlu avait
tenté de se suicider, suite à une dépression nerveuse.
Entre-temps, Turhan Baysal, le
directeur d'école qui l'avait dénoncé, remis en question même par les
journaux de droite, a été démis de son poste le 8 février dernier pour
calmer les parents des élèves de l'établissement scolaire. Apprenant
cette décision, il a demandé si c'était un crime de dénoncer un
communiste.
ARRESTATION D'UN AVOCAT AGE DE 71 ANS
La police ne s'en prend pas
uniquement aux adolescents, mais aussi aux personnes âgées.
Le 18 janvier dernier, Ibrahim
Acan, avocat âgé de 71 ans, a été arrêté sur ordre de la Cour de Sûreté
de l'Etat d'Ankara pour avoir publié un livre intitulé "Une défense qui
juge". Ce livre contient la défense écrite des membres présumés de
l'Union des communistes révolutionnaires de Turquie (TIKB), qui ont été
jugés par un tribunal de la loi martiale à Istanbul.
Le procureur a déclaré que ce
livre a été publié pour faire de la propagande communiste et a requis
une peine de prison de 20 ans.
Acan est né en 1917. Après avoir
servi dans l'armée turque jusqu'en 1964, il s'en est retiré avec le
rang de colonel. Après avoir obtenu son diplôme à la faculté de droit
de l'Université d'Ankara, il est devenu avocat et s'est affilié au
Barreau d'Ankara. Il est également membre de l'Association des avocats
contemporains (CHD) et de l'Association des droits de l'homme de
Turquie (IHD).
Lors de la période qui a suivi le
coup d'Etat de 1980, il a pris part à de nombreux procès politiques en
tant qu'avocat de la défense.
Selon le numéro du 19 janvier du
quotidien Cumhuriyet, le Procureur a insulté Acan lors de son
intérrogatoire à la Cour de Sûreté de l'Etat et ses cheveux ont été
coupés après son arrestations.
LES DERNIERES POURSUITES POLITIQUES
Le 6 janvier, à Ankara, 125
personnes ont été mises en état d'arrestation, et ce suite au procès du
TKP qui avait débuté durant la période de la loi martiale.
Le 13 janvier, le procureur
d'Istanbul a engagé de nouvelles poursuites pénales contre trois
membres dirigeants de la section d'Istanbul de l'IHD pour avoir
organisé une soirée en faveur de "conditions de vie humaines".
Le 23 janvier, une cour
criminelle d'Istanbul a vu comparaître l'ancien président du Parti de
la Juste Voie (DYP), Mr Husamettin Cindoruk dans cinq affaires
différentes. Dans chaque cas, il était accusé d'avoir insulté le
premier ministre lors de ses discours ou interviews qu'il a prononcés
pendant qu'il dirigeait le parti. Il risque un total de 15 ans de
prison.
Le 24 janvier, un nouveau procès
contre 34 membres présumés du PKK a commencé à la Cour de Sûreté de
l'Etat de Diyarbakir. Le procureur a demandé la peine de mort pour 10
d'entre eux et des peines de prison allant jusqu'à 15 ans pour les
autres.
Le 26 janvier, un membre du
comité central du parti socialiste (SP), Mehmet Ulusoy, a été arrêté à
Ankara et tous les documents du parti, qui étaient en sa possession ont
été saisis sur ordre du procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat.
Toujours le 26 janvier, la
présidente de l'Association des femmes pour la Démocratie (DEMKAD)
ainsi qu'un certain nombre de ses dirigeantes, ont été traduites devant
une cour criminelle pour avoir participé à une manifestation organisée
en septembre 1988 à Istanbul, par le SHP. Le procureur a également
requis l'interdiction de cette association.
Le même jour, à Izmir, 29
personnes ont été jugées par une cour criminelle pour avoir mené une
grève de la faim en guise de protestation contre les conditions de vie
inhumaines des détenus dans les prisons turques.
Le 28 janvier, deux handicapés
physiques dans la chaise roulante, Ali R∑za Kayim et Mahmut Kement, ont
été retenus pendant 6 heures par la police d'Istanbul pour avoir posé
un écriteau politique sur la voie publique.
Le 30 janvier, le procès de 57
membres présumés du PKK a commencé à la cour de sûreté de l'Etat de
Malatya. Deux d'entre eux sont passibles de la peine de mort et les
autres de peines de prison allant jusqu'à 15 ans.
Au 31 janvier, le nombre des
peines capitales ratifiées par la Cour de Cassation et soumises au
Parlement pour ratification, atteignait 230. Parmi les personnes
concernées 121 appartiennent à des organisations de gauche et 20 à des
organisations de droite. On trouve également quatre militants
palestiniens accusés d'homicide.
Le 7 février, à Kayseri, quatre
responsables provinciaux du parti socialiste (SP), Zeki Ok, Mustafa
Y∑ld∑r∑m, Zihni Dursun et Mehmet Orucoglu, ont été arrêtés pour avoir
utilisé l'expression "citoyens kurdes" dans un message destiné à une
réunion du parti dans la province orientale de Van.
LES TRIBUNAUX TURCS DEBORDES
Selon des chiffres officiels
publiés par le ministère de la justice, en 1987, un total de 643
tribunaux disséminés à travers tout le pays ont traité 3,6 millions
d'affaires dont 1,5 millions ont occasionné des poursuites pénales et
2,1 millions des poursuites civiles.
De plus, au cours de la même
année, plus de 2,1 millions de dossiers entraînant des poursuites
pénales ont été transmis aux procureurs de la République.
Pour traiter tous ces dossiers,
les 643 tribunaux turcs ne disposent que de 3.606 juges et 1.922
procureurs, donc, chaque juge ou procureur examine plus de 1.000 cas
par an.
Quant au nombre de personnes
détenues dans les 639 prisons et maisons d'arrêt turques, il se montait
fin 1988 à 49.315, et bien que ces pénitenciers soient d'une capacité
de 99.226 détenus, 64 nouvelles prisons sont en construction dans
diverses provinces.
LES CAPITAUX ETRANGERS AFFLUENT
Selon un rapport sur les
investissements étrangers, les entrepreneurs étrangers ont investi 824
millions de dollars en Turquie durant l'année 1988. Les secteurs
intéressés sont plus particulièrement les manufactures, le tourisme et
les services. En un an, le nombre d'entreprises à capitaux étrangers a
atteint 270.
Actuellement, près de 827 firmes
jouissent d'investissements étrangers d'une valeur totale de 3
milliards 163 millions de dollars. Le départment d'inestissement
étranger de l'organisation d'Etat de planification (DPT)r a annoncé que
1989 verra ce chiffre augmenter de 1 milliard 500 millions de dollars.
UN NOUVEAU PROJET E LOI ANTI-PRESSE
Considérant que la censure légale
est insuffisante, le gouvernement a présenté à l'Assemblée nationale un
nouveau projet de loi qui prévoit des peines plus sévères pour les
journalistes.
Si ce projet est accepté par
l'Assemblée et si un nouveau paragraphe est ajouté à l'article 312 du
code pénal, toute tentative de diffuser des rumeurs oralement ou par
écrit qui pourraient provoquer des dommages à la vie, santé ou
propriété d'une personne, sera punie. Le fait de violer la loi sera
puni de 1 à 3 ans de prison et/ou d'une amende de 2 à 10 millions de LT
(1.000 à 5.400 dollars). Si la violation est le fait de mass-média, la
punition est multipliée par 0,5.
Le projet de loi ne change rien
aux articles 141, 142 et 163 qui sont appliqués aux prisonniers de
conscience.
Selon les associations de
journalistes, ce projet de loi a été préparé dans le but de mettre un
terme aux critiques de la presse contre les membres du parti au pouvoir
ou leurs proches qui sont corrompus et impliqués dans des affaires
douteuses.
Actuellement, les mesures de
censure qui frappent la presse sont la stricte application des lois
suivantes:
1) Le code de presse n° 5680:
Articles 5, 6 et 7: toute personne ayant été condamnée à une peine de
prison supérieure à 5 ans ne sera plus autorisée à faire paraître une
quelconque publication. Des publications en langues étrangères
nécessitent une autorisation spéciale du gouvernement.
Article 30: quiconque publiera
des documents relatifs à des poursuites pénales sera passible d'une
peine de 6 mois de prison.
Suite à un amendement de ce code,
intervenu en 1983, les procureurs ont la possibilité d'interdire la
publication et la diffusion de publications sans avoir obtenu le mandat
d'une Cour.
Le code de presse autorise le
gouvernement d'interdire l'introduction en Turquie de publications
imprimées à l'étranger.
2) Le code pénal turc: l'article
140 prévoit une peine de prison d'au moins 5 ans, pour toute personne
ayant diffusé des informations susceptibles de nuire à la réputation de
l'Etat turc à l'étranger.
L'article 142 prévoit une peine
de prison allant jusqu'à 15 ans pour toute tentative d'établissement de
la domination d'une classe sociale sur les autres (propagande
communiste) et pour toute tentative d'affaiblissement de l'unité et/ou
l'honneur de l'Etat (propagande séparatiste).
L'article 158 prévoit une peine
de prison de 4 ans et demi au minimum pour toute personne ayant insulté
le Président de la République.
L'article 159 prévoit un
emprisonnement maximum de 6 ans pour insulte aux autorités. On entend
par là: l'Assemblée nationale, le gouvernement et l'armée.
L'article 163 prévoit des peines
de prisons allant de 5 à 8 ans pour toute tentative de porter atteinte
au caractère laïc de l'Etat.
Les articles 266 et 268 prévoient
un emprisonnement allant jusqu'à 3 ans pour insulte à un fonctionnaire
de l'Etat.
L'article 273 prévoit un
emprisonnement allant jusqu'à 4 ans pour insulte à un membre de
l'Assemblée nationale.
L'article 311 prévoit une peine
de prison de 3 à 5 ans pour incitation au meurtre.
L'article 312 prévoit une peine
de prison de 6 mois à 2 ans pour éloge du crime.
Les articles 426 et 427 prévoient
des amendes pour les publications considérées comme "obscènes".
3) Le code relatif aux pouvoirs
et autorités de la police: il prévoit la confiscation par la police de
toute publication considérée par elle comme "une atteinte aux valeurs
morales de la société".
4) La loi n° 1117 de protection
des mineurs contre les publications nuisibles a institué un bureau
spécial qui a le pouvoir d'interdire la distribution et la vente de
telles publications.
MONOPOLISATION ET DECADENCE DE LA PRESSE TURQUE
En janvier dernier, le magnat
d'affaires Asil Nadir, un chypriote turc basé à Londres, a ajouté un
autre journal turc à l'empire qu'il a récemment acquis en Turquie. Les
cercles de l'opposition turcs ont l'impression qu'il est en voie de
monopoliser l'ensemble de la presse. Il paraîtrait que sa prise de
possession du quotidien Gunes lui aurait coûté près de 100
milliards de LT (54 millions de dollars).
Asil Nadir, actionnaire
principale du groupe britannique Polly Peck, possède actuellement le
tiers de la presse turque, or il n'a presque pas vécu en Turquie et ne
connaît pas grand chose au journalisme.
Dans un premier temps, il a
acheté le groupe Veboffset qui publie deux journaux nationaux très
populaires: Gunayd∑n etTan en plus d'un certain nombre de
magazines et de quatre journaux provinciaux. Dans un second temps, il
s'est approprié la compagnie Gelisim qui publie l'hebdomadaire
Nokta, 14 autres périodiques et 24 encyclopédies. Sa dernière
acquisition, le quotidien Gunes a été fondé en 1982 et a changé
deux fois de propriétaire avant que Nadir ne l'achète.
Les milieux de la presse
dénoncent la tentative de monopolisation de Nadir et accusent le
gouvernement de la soutenir.
Dans les années 1970, grâce à des
subsides très importants et à l'achat bon marché du papier journal, le
presse turque a accompli une transformation technologique en offset qui
lui a permis d'imprimer des journaux bon marchés.
Mais dès 1980, Turgut Ozal,
auteur des mesures l'économiques draconiens du 24 janvier, s'est
déclaré contre les subsides de l'Etat. En augmentant le prix du papier
journal et d'autres produits d'imprimerie, Ozal a provoqué la faillite
des groupes de presse, les obligeant ainsi à céder leurs publications à
Asil Nadir. Le quotidien Gunes a rapporté, à l'occasion de
l'anniversaire du 24 janvier, que le prix du papier journal a augmenté
par 133 fois en 9 ans, ce qui constitue un record.
A cause des facteurs mentionnées
ci-haut et de la concurrence de la télévision d'Etat, la circulation
totale des quotidiens stagne depuis des années à 2,7 millions, alors
que le taux de croissance annuel de la population turque est de
plus de 2%.
Erdal InπnΩ, leader de
l'opposition, a déclaré: "Même dans les pays capitalistes, il existe
une législation anti-trust et anti-monopole. La corporation de la Radio
et Télévision turque (TRT) est déjà un monopole gouvernemental. Le
gouvernement utilise les moyens financiers dont il dispose pour réduire
la presse turque à sa plus simple expression. La presse turque devrait
s'opposer à cette tendance monopolistique dans son propre secteur."
Selon les chiffres de 1988, les
parts respectives des principaux journaux turcs sur une circulation
quotidienne totale de 2,7 millions d'exemplaires sont:
Hurriyet (Erol Simavi)
Sabah (Dinc Bilgin)
Milliyet (Aydin Dogan)
Gazete (Erol Simavi)
Gunaydin (Asil Nadir)
Turkiye (un groupe islamiste)
Tan (Asil Nadir)
Gunes (Asil Nadir)
Tercuman (Kemal Ilicak)
Cumhuriyet (Nadir Nadi)
628.914
506.671
304.927
273.725
267.531
190.886
152.315
142.884
118.298
114.389
Baisse de l'édition des livres
Depuis l'arrivée d'Ozal au
pouvoir en 1983, le nombre de nouveaux livres imprimés par rapport à la
population est en chute libre. Ce phénomène est dû principalement à
l'inflation, au coût élevé du papier journal et aux pratiques
obscurantistes du gouvernement.
Ci-dessous figurent les chiffres
publiés le 26 janvier dernier par le journal de droite, TercΩman:
Année
1983
1984
1985
1986
1987
1988
nombre de livres
nouvellement
imprimés
5.351
5.073
4.877
4.785
4.660
4.500
nombre de
copies de
nouveaux livres
14.715.250
13.950.750
13.411.750
13.158.750
12.815.000
12.375.000
Nombre de copies
par 1000
habitants
543
449
421
403
383
360
NOUVELLES POURSUITES CONTRE LA PRESSE
Le 2 janvier, un autre livre du
poète Nihat Behram, intitulé "A l'aube, leurs cœurs sont des
étincelles" et publié par Yurt Yay∑nlar∑, a été confisqué par la Cour
de Sûreté de l'Etat d'Ankara. Le poète est accusé de faire de la
propagande communiste et de provoquer des sentiments de haine et
d'hostilité parmi la population.
En décembre 1988, la même cour
avait confisqué le livre du poète qui s'intitule "Le journal
d'une victime de la torture".
Le 3 janvier, le journaliste
Ozcan Ozgur a été condamné à deux mois de prison par la cour criminelle
de Mugla pour avoir insulté un prêtre musulman.
Le 5 janvier, le n°2 de la revue
mensuelle Yonelis a été confisqué par la Cour de Sûreté de l'Etat
d'Istanbul qui l'accuse de contenir de la propagande communiste et
séparatiste.
Le 6 janvier, le rédacteur en
chef de la revue mensuelle Yeni Ac∑l∑m, M. ∫efik Cal∑k, a été
traduit devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Il est accusé de
propagande communiste.
Le 9 janvier, la police de la
province de Bursa a confisqué quatre livres de la maison d'édition Sol.
Il s'agit du "Capital" de Marx, de l'"Economie politique" de Nikitin,
de "l'ABC du socialisme" de Huberman et des "Principes fondamentaux de
la Philosophie" de Politzer. Tous ces livres ont déjà fait l'objet de
poursuites légales et ont été acquittés par les tribunaux.
Le 11 janvier, le célèbre
chanteur folklorique Arif Sag, qui est également député SHP, a été mis
en accusation pour avoir insulté le gouverneur d'Ankara.
Le 13 janvier, le numéro de
janvier du mensuel Emek Dunyas∑ a été saisi sur ordre de la la
Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Deux rédacteurs, Y∑lmaz Eksi et
Osman Gunes ont été mis en accusation par le procureur pour avoir écrit
un article critiquant la privatisation du secteur public.
Le 18 janvier, le procès de
Huseyin Coskun, correspondant de la revue mensuel Yeni Cozum à
Uªak a commencé à la Cour de Sûreté d'Etat d'Izmir. Il est accusé de
propagande communiste et séparatiste.
Le 19 janvier, une cour
criminelle d'Izmir a condamné Hacay Y∑lmaz à 6 mois de prison et à une
amende de 37.000 LT pour éloge de la résistance des ouvriers des
l'usine Taris d'Izmir en 1980.
Le 20 janvier, le procès du
romancier Kerim Korcan, âgé de 70 ans, et de l'éditeur Mme Rabia Sen a
commencé à la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Ils sont accusés de
se livrer à la propagande communiste dans le roman intitulé "Le pont de
feu". Korcan risque 10 ans de prison.
Le 21 janvier, Serdar Y∑ld∑z,
étudiant, a été arrêté à Ankara pour avoir écrit un article qu'il a
envoyé au mensuel Yeni Kat∑l∑m.
Le 23 janvier, deux rédacteurs du
mensuel Ozgur Gelecek, Mehmet Bayrak et Bekir Kesen, ont été
arrêtés sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara. De plus,
celle-ci a ordonné la saisie du numéro de janvier de la revue mensuelle.
Le 24 janvier, le rédacteur en
chef du mensuel Toplumsal Kurtuluª, le Dr. Yal•∑n Kucuk a été
arrêté sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour
propagande communiste et séparatiste.
Toujours le 24 janvier, l'éditeur
de la revue humoristique Limon, M. Tuncay Akgun a été traduit
devant une cour criminelle d'Ankara pour avoir publié la lettre d'un
lecteur. Le Procureur soutient que cette lettre insulte la religion
islamique.
Le même jour, la Cour de Sûreté
de l'Etat d'Ankara a délivré un mandat d'arrêt contre Osman Tayfun
Mater, auteur du livre "Avant et après le 12 septembre: défense du
procès d Dev-Yol". Mater était l'un des accusés de ce procès de masse,
le plus important que la Turquie ait connu lors de ces 9 dernières
années. La Cour de Sûreté de l'Etat considère que le fait de publier la
thèse que la défense avait exposée devant la Cour de la Loi Martiale
constitue un acte de "propagande communiste".
Le 26 janvier, les autorités
pénitentiaires de la prison d'Ayd∑n ont défendu l'entrée de 402
publications différentes à la prison. Parmi les auteur interdits, on
retrouve Voltaire et Kafka.
PRESSION SUR LES ORGANISATIONS ESTUDIANTINES
Le quotidien Cumhuriyet,
dans son numéro du 4 janvier dernier, rapporte que le gouvernement a
recours à tous les moyens pour éviter la formation d'organisation
d'étudiants. Pendant ces deux dernières années, près de 2.000 étudiants
universitaires qui avaient participé aux tentatives de création
d'associations ont été arrêtés et 450 d'entre eux ont été mis en
accusation par des cours criminelles.
Actuellement, il existe 50
associations d'étudiants dans les 20 universités turques.
Bien que la loi sur l'éducation
supérieure, édictée par la junte militaire, stipule que la création de
telles associations dépend de la permission spéciale du recteur, des
cours administratives ont interprété différemment cette obligation et
ont autorisé les étudiants à créer ces organisations sans permission
préalable.
Pendant ce temps, les
administrations universitaires ont créé des organisations fantoches
avec le concours d'étudiants pro-gouvernement et ce, dans le but de
contrecarrer les associations démocratiques d'étudiants. De plus, toute
action de ces associations démocratiques est confrontée à
l'intervention de la police qui clame que derrière elles et derrière
leur action, se cachent des organisations politiques illégales.
Récemment, le 19 janvier, 17 étudiants de l'université d'Anadolu ont
mené une grève de la faim contre ces arrestations et attaques
arbitraires. A la fin du mois de janvier, la police les a arrêtés.
LE PRESIDENT DU SP INTERDIT DE VOYAGER
Les autorités turques ont refusé
de délivrer un passeport à M. Ferit Ilsever, président du Parti
Socialiste (SP) qui désirait de rendre à l'étranger, en réponse à
l'invitation du PCI, pour assister au congrès de ce parti qui se
déroulera du 18 au 22 mars 1989.
UN PROJET DE LOI POUR LA CITOYENNETE
Le gouvernement a préparé un
projet de loi visant à permettre à certaines personnes qui ont perdu
leur citoyenneté, de la regagner. Après la ratification de ce projet
par l'Assemblée nationale, les personnes concernées pourront revenir en
Turquie dans un délai de deux ans. Pourtant, le gouvernement procédera
à une enquête et seulement ceux qui seront admis "sans réserve"
pourront à nouveau jouir de leur citoyenneté.
Ce projet de loi a pour but de
modifier un certain nombre d'articles du code de citoyenneté turque. La
motivation de ce projet est le besoin de clarifier les contradictions
existant entre les différents cas. Bien que le préambule du brouillon
ne le dise pas ouvertement, il s'agit des citoyens turcs qui ont été
privés de leur nationalités sans aucune base légale valable, mais
uniquement sur la demande des commandeurs de la loi martiale.
Cependant le projet de loi
accorde au gouvernement le pouvoir de décider qui peut redevenir un
citoyen turc.
Il existe 14.000 Turcs qui sont
privés de leur nationalité.
SECOND REFUS POUR NAZIM HIKMET
Le 18 janvier dernier, la Haute
Cour administrative de Turquie a refusé, pour la seconde fois, de tenir
compte d'une pétition en faveur du rétablissement post-mortem de la
citoyenneté turque du poète Naz∑m Hikmet. La Cour s'est déclarée
incompétente pour prendre une décision sur base de la pétition
présentée par la famille du poète.
Après avoir purgé une peine de
prison de 12 ans, Naz∑m Hikmet a fui la Turquie en 1951. En effet, dès
sa libération, il avait re•u l'ordre de s'enrôler dans l'armée pour
accomplir son service militaire. Après son départ, le gouvernement turc
l'avait privé de sa nationalité. Naz∑m Hikmet a vécu 11 ans en exil et
est mort à Moscou.
CONTROLE EUROPEEN DE LA TORTURE
Le 1er février dernier, la
convention européenne de prévention de la torture et des traitements
inhumains ou dégradants signée par les Etats membres du Conseil de
l'Europe, dont la Turquie, est entrée en vigueur. En vertu de cette
convention, une commission européenne devra être mise sur pied dans le
but d'organiser une visite d'inspection dans les centres de détention
en Turquie. Cette visite aura lieu sans avoir été annoncée
préalablement.
A cette occasion, l'Association
des droits de l'Homme en Turquie (IHD) a rendue publique, lors d'une
conférence de presse, la liste des détenus torturés au centre de la
police politique d'Ankara au cours de l'année 1988, ainsi que les
rapports médicaux délivrés par des médecins qui certifient l'existence
de séquelles. Nous reproduisons cette liste ci-dessous, les dates et
cotes des rapports médicaux figurent entre parenthèses:
Unal Demir, Tarik Topcu, Serdar
Toka, Suat Karabulut (17.3.1988/11326-11327-11334), Cem Ali Timucin
(14.3.1988/10833), Kemalettin Karaman (14.3.1988/108325), Ismail
Durgut, Cevdet Tastan, Nail Turak (14.5.1988/20031-32-33-34), Remzi
Ozturk, Ibrahim Aydogan, Mehmet Kelkitli (15.6.1988/1597), Mehmet Aslan
(23.8.1988/31625), Galip Yagan (1.8.1988/3204), Zeynep Aldogan
(11.8.1988/33558-59-60-61-62-63-64), Huseyin Can Balicanli
(22.9.1988/40059-60), Nadir Nadi Usta (6.10.1988/42265), Mehmet Ali
Cakiroglu (6.10.1988/42266), Bayram Balci (30.9.1988/41260), Kadri
Esenturk, Tayfun Sen (24.10.1988/44977-78), Ugursel Ozturk
(7.11.1988/47140-41-42), Huseyin Colak, Ayca Uslu, Ziya Yavuzes
(8.11.1988/47306-307-308), Muzaffer Serdar Kayaoglu, Osman Albayram,
Iskender Cetin, Aysel Gurel, Rustu Yuksel, Ahmet Ates
(10.11.1988/47592-93-94-600-603), Mustafa Kapikiran (2.12.1988/50911).
Bien que la convention soit déjà
entrée en vigueur, le contrôle européen ne sera effectif qu'en automne
1989.
De plus, la quotidien
Cumhuriyet rapporte dans son numéro du 27 janvier 1989 que les
ministres turcs de la justice et de l'intérieur ont déjà envoyé des
directives confidentielles aux gouverneurs, aux procureurs, aux
administrations pénitentiaires et aux départements de police, leurs
demandant de prendre les mesures nécessaires dans le but d'éviter de
fournir une preuve quelconque de l'existence de la torture en Turquie à
la commission européenne dans le cas où celle-ci ferait usage du droit
de visite non annoncée que leur attribue la convention européenne.
OZAL S'ADRESSERA AU CONSEIL DE L'EUROPE
Le Président de l'Assemblée
Parlementaire du Conseil de l'Europe a invité le premier ministre turc
Turgut Ozal à s'adresser à l'Assemblée en qualité d'invité d'honneur.
Cette invitation constitue une étape supplémentaire dans le processus
de normalisation des relations turco-européennes.
Une telle invitation, qui a pour
but d'honorer le responsable d'un régime anti-démocratique, a provoqué
de violentes réactions de la part des organisations démocratiques en
Turquie.
GOUVERNEMENT TURC CONTRE-ATTAQUE AMNESTY INTERNATIONAL
En réponse aux révélations
d'Amnesty International non gouvernementale sur la violation des droits
de l'homme en Turquie, le conseiller du ministre turc des affaires
étrangères, M. Nuzhet Kandemir, a invité, le 16 janvier dernier, les
ambassadeurs occidentaux en poste à Ankara à transmettre à leurs
gouvernements le vœux du gouvernement turc de ne pas les voir accorder
leur soutien aux groupes qui "travaillent" contre la Turquie.
Il a déclaré aux ambassadeurs que
ces groupes font tout ce qui leur est possible pour éviter
l'intégration économique et politique de la Turquie au sein de l'Europe
et ce, au lieu de l'aider dans ses efforts de démocratisation.
Au même moment, les ministres
turcs de la justice et des affaires étrangères ont crée une commission
chargée de leur remettre un rapport intitulé "La torture dans les Etats
membres des Communautés européennes". Selon le numéro du 5 janvier du
quotidien Milliyet, le groupe rassemble actuellement des
informations sur les victimes du mauvais traitement de la police et des
autorités pénitentiaires en France, en Suisse, au Portugal, en RFA et
en Espagne. Ce rapport sera rendu public fin 1989.
Continuant sur sa lancée, le 17
janvier dernier, le ministère turc des affaires étrangères a fait un
briefing sur "les Droits de l'Homme en Turquie" devant les ambassadeurs
de tous les Etats ouest-européens ainsi que des USA et du Canada.
Suite à cette contre-attaque,
Amnesty International a publié, dans sa revue de janvier 1989, un
nouveau document concernant les conditions carcérales en Turquie. Dans
un article intitulé "Sont-ils morts sous la torture?" Amnesty
International publie les noms de 144 prisonniers qui sont décédés lors
de leur détention et somme les autorités turques de fournir des
informations sur les causes de ces décès. Ci-dessous, nous avons
sélectionné les noms des victimes qui sont décédés ces deux dernières
années suivis du nom des endroits où elles étaient détenues ainsi que
de la date présumée de leur décès:
Muhammet Hilmi Musa (Ankara-Feb
87), Hasan Acar (Istanbul-14.2.87), Zulfikar Bayram
(Pirinclik-21.2.87), Sabri Cuhadar (Edirne-March 87), Hidir Keskin
(Elazig-March 87), Ahmet Cetin (Ankara-16.3.87), Mehmet Temel Oktay
(Eregli-20.3.87), Ibrahim Savas (Sirnak-27.3.87), Feridun Celik
(Istanbul-22.4.87), Mehmet Kalkan (Diyarbakir-14.6.87), Huseyin
Kurumahmutoglu (Ankara 15.7.87), Ibrahim Ozturk (Istanbulk-11.10.87),
Kemal Karapinar (Erzurum-2.12.87), Emin Ozkaya (Antalya-Jan 88), Manuel
Demir (Istanbul 24.1.88), Nihat Yurtoglu (Ankara-10.4.88). (Pour une
liste plus complète comprenant les noms des 253 détenus politiques qui
sont décédés lors de leur interrogatoire ou qui ont disparu depuis leur
arrestation en 1980-86, consulter Info-TΩrk de novembre 1986).
Au début de cette année, la
section américaine d'Amnesty International a lancé une campagne sur la
Turquie en affichant du portrait de Melih Calayl∑oµlu sur les murs. Cet
adolescent de 15 ans a été arrêté en janvier dernier sous prétexte
qu'il se livrait à de la propagande communiste. Sur ces affiches, on
pouvait lire: "Il est toujours difficile de grandir, mais en Turquie
cela peut être une véritable torture".
Cette campagne a été qualifiée
par la presse turque de nouveau complot d'Amnesty International, ayant
pour but de porter préjudice au tourisme turc et d'empêcher l'adhésion
de la Turquie aux Communautés européennes.
Selon le numéro du 6 février du
quotidien Hurriyet, l'ambassadeur turc en poste à Washington, M.
SΩkrΩ Elekdag, a déclaré que cette campagne était scandaleuse et que le
fait que c'est la Turquie qui a été choisie comme victime parmi 160
autres pays démontre clairement leur parti-pris contre elle.
De plus, quelques jours plus
tard, le Congrès américain a engagé un débat sur la question des droits
de l'homme en Turquie. Le ministère américain des affaires étrangères,
dans son rapport annuel au Congrès, une fois de plus attiré l'attention
de ce dernier sur les pratiques de torture et les discriminations dont
les kurdes et les minorités religieuses en Turquie ne cessent d'être
les victimes. Lors du débat au sujet de ce rapport, les membres du
Congrès ont entendu les représentants de la section américaine
d'Amnesty International et du Comité Helsinki Watch à savoir Mrs. David
Aasen et Jeri Laber.
Alors qu'une contreverse au sujet
des positions d'Amnesty International concernant la Turquie éclatait à
Ankara, le secrétaire général de cette organisation, M. Ian Martin,
s'est rendu en Turquie et ce à l'invitation d'un groupe turc
non-gouvernemental. Lors d'une réunion à Istanbul le 6 février dernier,
M. Ian Martin a expliqué les raisons de la position critique de son
organisation au sujet des droits de l'Homme en Turquie.
Il a nié l'affirmation que son
organisation a une attitude hostile envers la Turquie, comme le
gouvernement Ozal le prétend. Il a précisé qu'Amnesty International
lutte contre la violation des droits de l'Homme, non seulement en
Turquie, mais aussi partout à travers le monde. Il a également rappelé
que son organisation a déjà, à plusieurs reprises, attiré l'attention
sur le sort des minorités turques en Grèce et en Bulgarie.
Monsieur Martin a déclaré: "Il
est clair que ce ne sont pas que les membres du barreau et de
l'association des droits de l'homme qui veulent des changements, mais
aussi des personnes actives sur le plan politique. De telles personnes
ont fait preuve de courage en exprimant leurs vues et un souffrant pour
elles".
M. BΩlent Akarcali, chef de la
délégation parlementaire turque de la commission parlementaire mixte
turco-CEE a déclaré qu'Amnesty International aurait toujours ignoré les
demandes d'Ankara d'être consulté avant qu'un rapport sur les droits de
l'Homme en Turquie ne soit publié.
Mme Anne Burley, responsable
d'Amnesty International pour les pays européens, qui accompagnait M.
Martin a réagi à la déclaration de M. BΩlent Akarcali en déclarant
qu'elle l'avait re•u lorsqu'il s'était rendu à Londres en 1986 et
qu'elle avait eu avec lui une conversation, au sujet des droits de
l'Homme en Turquie.
APPEL D'ANKARA A DES FIRMES PUBLICITAIRES
Dans le but d'augmenter ses
chances d'adhérer aux CE, le régime d'Ankara a décidé de faire appel à
des compagnies de relations publiques et de publicité européennes et
américaines.
Le quotidien Milliyet, dans
son numéro du 15 décembre 1988, rapporte que deux compagnies, Havas et
Gruner-Jung, sont déjà engagées dans l'opération de charme destinée aux
Etats européens.
En ce qui concerne les USA, le
gouvernement turc a déjà signé un contrat de 875.000 dollars par an
avec l'International Advisers Inc. Cette compagnie a été fondée par
l'ancien adjoint du ministre à la défense nationale: M. Richard Perle.
Sous l'administration Reagan, Perle était connu pour être le plus
ardent défenseur du régime turc à Washington et était très souvent
salué par la presse turque comme "l'ami de la Turquie au Pentagone".
Perle a été engagé pour exercer
pression au sein du Congrès en faveur de la position d'Ankara en ce qui
concerne la distribution de l'aide US, la question arménienne, la
question greco-turque ainsi que pour faire pression sur les alliés des
USA en Europe en faveur de l'adhésion de la Turquie au CE.
LA TURQUIE OCCUPE LA 4e POSITION DANS LES DEPENSES MILITAIRES
Selon le dernier numéro du
magazine Military Balance, la Turquie occupe la 4ème position, au
sein de l'OTAN en terme de dépenses militaires, et ce après les USA, la
Grèce et la Grande Bretagne.
Le magazine, qui est publié par
l'OTAN rapporte que les dépenses militaires américaines représentent
6,4% du produit national brut des USA. Quant à la Grèce, la Grande
Bretagne et la Turquie, elles dépensent respectivement 6,3%, 4,9% et
4,7% de leur PNB dans des buts militaires.
L'Administration du développement
de l'industrie de la défense de Turquie (SAGEB) prévoit de mener à bien
5 des 13 projets prioritaires de défense dans la seule année 1989. Les
compagnies locales et internationales sont invitées à investir dans ces
plans dont la réalisation nécessite 10 milliards de dollars.
Un projet de radio haute
fréquence dont l'élaboration a pris 13 ans, figure parmi les cinq
prioritaires. Son coût est évalué à 700 millions de dollars. Trois
sociétés se disputent ce contrat, il s'agit de Plessey et Marconi (GB)
et de Siemens (RFA). Mais il semble que la compétition réelle se situe
entre les Anglais.
Un autre des projets prioritaires
consiste en un transporteur aérien léger dont le coût se monte à 100
millions de dollars. Durant l'année 1988, quatre sociétés ont fait des
offres, il s'agit de Casa (Espagne), de Havilland (PB), Nord America
(USA) et d'Air Italie (Italie).
L'armée turque insiste également
pour que le plan de radar mobile soit mené à bien. Ce dernier implique
l'installation de 14 unités radar. On en a estimé le coût à 100
millions de dollars. Les meilleures offres ont été faites récemment par
diverses compagnies, à savoir: pour les USA: Westinghouse, General
Electric et Aydin Corporation; pour la Grande Bretagne: Plessey et
Marconi; pour la France: Thomson et enfin pour l'Italie: Sellenia.
Le projet pour la production de
radar à monter sur les canons de 35 mm est aussi considéré comme une
priorité.
Un projet d'avion d'essai va être
intégré au plan du transporteur aérien léger.
Des négociations avec les fournisseurs du transporteur aérien léger
vont prochainement être engagées. Elles porteront sur la fourniture de
50 avions d'essai.
La réalisation de 6 autres plans
est prévue pour 1990 et les années suivantes. Ils s'agit du projet de
radar F-16 dont le coût est estimé à 80 millions de dollars; du projet
de couverture aérienne à basse altitude estimé à 75 millions de
dollars; du projet des aspirateurs miniers dont le coût n'a pas encore
été établi; des projets de modernisation des F/4-E et des M/113 estimés
respectivement à 50 et 150 millions de dollars et enfin du projet des
moteurs de missiles à carburant composite qui se monte à 100 million de
dollars.
L'année dernière, la SAGED a
signé deux des 13 contrats. Le premier avec la compagnie américaine FMC
et le groupe local NUROL pour la fourniture de transporteurs de
troupes. Le deuxième avec la manufacture locale de F-16. De même, la
formation d'une corporation avec participation de capitaux étrangers se
poursuit, et ce, dans le cadre du projet des transporteurs.
Un autre contrat concernant
l'équipement électronique des avions a été signé avec Loral Corp.
(USA), ce dans le cadre du projet des F-16. Il prévoit l'assemblement
de 111 systèmes de protection électronique qui équiperont les 160 F-16S
montés en Turquie. Cette commande a été passée en décembre dernier et a
mis fin à la lutte acharnée que se sont livrés les quatre compagnies
intéressées: 3 américaines et une anglaise.