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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


148

13e année - N°148
Février  1989
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

DEUX TESTS DECISIFS POUR OZAL

En mars: Les élections locales
En novembre: Les élections présidentielles


        Le destin de l'administration Ozal va être déterminé en 1989 par deux événements politiques majeurs: les élections municipales et provinciales qui auront lieu le 26 mars et les élections présidentielles de novembre.
        Depuis novembre 1987, le parti d'Ozal, le Parti de la Mère Patrie (ANAP), n'a plus de mandat véritable pour gouverner le pays.
        En effet, lors des élections législatives de novembre 1987, les partis de l'opposition ont totalisé 64% des voix. Bien que l'ANAP n'ai obtenu que 36% des suffrages, il a acquis 64% des sièges au Parlement et ce grâce à des modifications du système électoral opérées en dernière minute.
        Le référendum constitutionnel de septembre 1988, qui a pour objet d'anticiper les élections municipales, a été transformé en vote de confiance au gouvernement par Ozal lui-même. Pourtant les électeurs ont, une fois de plus, exprimé leur opposition au pouvoir d'Ozal en votant à 65% contre les amendements proposés par le gouvernement.
        Les élections municipales et provinciales à venir sont une occasion de plus pour l'opposition de remettre en question le mandat du parti gouvernemental. Le résultat des élections provinciales sera particulièrement significatif à ce propos car chaque citoyen votera, tandis que lors des municipales qui auront lieu en même temps, seuls les habitants des zones urbaines sont invités à voter.
        Si le score électoral de l'ANAP descend en dessous de 35%, sa crédibilité sera sérieusement atteinte. Compte tenu du fait que ce parti est une coalition de tendances et intérêts très difficilement conciliables, certains estiment qu'un déclin majeur lors des prochaines élections pourrait favoriser en son sein l'émergence de tendances centrifuges (voir "l'Alliance Sacrée et les Libéraux au sein de l'ANAP", Info-TΩrk, décembre 1988).
        Le résultat de ces élections va également faire apparaître la crédibilité réelle de l'opposition social-démocrate qui se divise en deux partis: le Parti populiste social-démocrate (SHP) d'InπnΩ et le Parti de la Gauche démocratique (DSP) d'Ecevit.
        Ci-dessous figurent les principaux concurrents des élections à venir ainsi que les scores qu'ils ont réalisées lors des élections de novembre 1987:
        Le Parti de la Mère Patrie (ANAP): 36,3%; le Parti populiste social-démocrate (SHP): 24,8%; le Parti de la Juste voie (DYP): 19,2%; le Parti de la Gauche démocratique (DSP): 8,5%; le Parti du Bien-être (RP); 7,1%; le Parti nationaliste du Travail (MCP): 2,9%; le Parti de la Démocratie réformiste (IDP): 0,8%.
        Les deux partis nouvellement fondés: le Parti Socialiste (SP) et le Parti des Verts (YP) ne se sont pas encore préparés à ces élections. Par conséquent, elles ne fourniront aucune indications précise des chances électorales des tendances marxistes et écologistes en Turquie.
        Par contre, les résultats de ces élections auront un impact considérable sur les élections présidentielles de novembre. Cette année, le septennat du général Evren, nommé "président de la République" sous la menace lors du référendum de 1982, prend fin.
        La constitution de 1982 prévoit que c'est le parti majoritaire qui procédera à la désignation du président. Les milieux proches du premier ministre insinuent qu'Ozal a l'intention de remplacer le général Evren au Palais présidentiel. Mais, si l'ANAP essuie un échec électoral lors des élections locales, il sera, dès lors, très difficile pour ce parti gouvernemental de désigner le prochain Président de la République.

LES MILITAIRES FORCENT DES PAYSANS KURDES A INGERER DES EXCREMENTS

        Le quotidien Cumhuriyet  du 24 janvier dernier a publié la déclaration suivante, faite par le Muhtar (ancien) d'un village kurde: "Je suis sous pression depuis les 9 dernières années. Mais jusqu'à présent, nous ne nous sommes jamais plaints pour ne pas apparaître comme des opposants au régime. J'ai attendu, jusqu'à ce que les gens soient obligés d'avaler des excréments. J'ai adressé une pétition au procureur car tout ce qui se passe ici est incompatible avec la dignité de l'Etat."
        L'incident auquel il fait allusion s'est produit pendant la nuit du 14 janvier, au village de Yeªilyurt, près de la ville de Cizre dans la province de Mardin, deux jours après que des militants du PKK aient abattu deux policiers dans la région.
        L'ancien du village, Abdurrahman Mustak, a déclaré que l'officier qui commandait l'escouade de gendarmes, le major Cafer †aglayan, a fait rassembler tous les habitants sur la place du village et les a interrogé au sujet des "terroristes". Comme il ne recevait pas de réponse satisfaisante, il a fait s'allonger les hommes par terre et a ordonné qu'on les batte, trois d'entre-eux ont été blessés. Malgré cela, les habitants n'ont fourni aucune information. Alors, il a ordonné à l'oncle de l'ancien du village, Kamil Mustak, de collecter des excréments humains et de les mettre dans la bouche des personnes présentes.
        Après avoir lu l'article du Cumhuriyet,  trois députés du SHP, CΩneyt Canver, Ahmet TΩrk et Fuat Atalay se sont rendus à Yeªilyurt pour s'entretenir avec les villageois. Le même jour, des gendarmes sont également arrivés et ont emmené l'ancien du village dans une maison abandonnée. Là, ils ont ouvert un sac en plastique dans lequel ils transportaient cinq grenades et une mine.
        Canver a confié aux journalistes que l'abandon de ces munitions dans une maison inoccupée ressemblait à s'y méprendre à une tentative du complot visant à impliquer l'ancien du village ainsi que les habitants de Yeªilyurt qui ont eu le courage de signer la pétition.
        Les députés ont également rencontré Taybet Dadak, une jeune femme enceinte âgée de 22 ans qui leur a déclaré avoir été complètement déshabillée et avoir subi des chocs électriques lors de son interrogatoire à Cizre.
        Ces révélations ont été faites juste après la vague d'arrestation dans les provinces kurdes orientales. A la veille des élections locales du 26 mars, les forces de sécurité ont arrêté près de 500 personnes, pour la plupart des membres ou des sympathisants du SHP, dans les villes de Batman, d'Eruh et de S∑rnak dans la province de Siirt, de Silvan et de Bismil dans la province de Diyarbakir et de Cukurova dans la province d'Hakkari.
        Le président du SHP, Erdal InπnΩ, a déclaré lors d'une interview qu'il a accordée à la BBC le 17 janvier dernier, que les arrestations ont pour but de ternir l'image de son parti, que les personnes détenues sont accusées d'avoir aidé des membres du parti ouvrier du Kurdistan (PKK). Or, toujours selon Erdal InπnΩ, le SHP n'entretient aucune relation avec des groupes illégaux, et bien que ces personnes aient été libérées, les gens se demandent pourquoi des membres du SHP ont été impliqués et s'il est prudent de voter pour ce parti et qui plus est, d'en faire partie.

UN DEPUTE KURDE DESAVOUE PAR SON PARTI

        Un membre du Commission parlementaire mixte CEE-Turquie a été désavoué par son propre parti pour avoir évoqué la question kurde lors de la première réunion de la commission à Strasbourg en janvier dernier.
        M. Ibrahim Aksoy, député SHP de la province de Malatya, a déclaré à Strasbourg: "Il est illogique de nier l'existence d'un problème kurde en Turquie. Si vraiment il n'existe pas, pourquoi y a-t-il un état d'urgence, un gouvernement régional, des unités spéciales de police, la seconde Armée et 12.000 protecteurs armés de villages? J'estime que ce même fait de reconnaître un statut de minorité aux Kurdes serait complètement faux. Les Kurdes sont une communauté nationale et devraient jouir des droits nationaux."
        La parution de cette déclaration dans la presse turque a fait l'effet d'une bombe à Ankara et les partis de droite ont aussitôt lancé une campagne de calomnies contre ce député d'origine kurde.
        Les dirigeants du SHP, sous la pression des militaires et de leurs électeurs conservateurs, ont dû sanctionner Aksoy. Le Comité disciplinaire du parti a considéré que sa déclaration allait à l'encontre de la position du parti et a décidé de le suspendre du parti pendant deux ans. La décision a été adoptée par 5 voix contre 4.
        Le 7 février, Aksoy a déclaré qu'il ne méritait pas une telle punition et qu'il allait porter l'affaire en justice. Il a ajouté qu'il n'envisage pas de quitter son parti et qu'il agira toujours en social-démocrate. Il a critiqué les décisions du parti prises lors d'une querelle personnelle avec son secrétaire général: Deniz Baykal dont il dénonce "le goût personnel pour les luttes entre factions" (Voir: L'opération centriste au sein du SHP. Info-TΩrk, décembre 1988).
        Cette censure a provoqué de sévères critiques de la part des cercles démocratiques de Turquie sur la fa•on d'agir du principal parti de l'opposition. Un député du parti au pouvoir, l'ANAP, Nurettin Y∑lmaz, qui est d'origine kurde, a même estimé que la décision du SHP était contraire à la liberté d'opinion.

UNE MOTION EN FAVEUR DES REFUGIES KURDES

        M. Arbelsa Muru, membre espagnol du Parlement européen, a présenté une motion demandant au gouvernement turc de reconnaître le statut de réfugié aux Kurdes qui ont fui l'Irak et qui ont demandé l'asile politique à la Turquie.
        Près de 50.000 Kurdes vivent actuellement dans des camps, dans des conditions effroyables.
        Le gouvernement turc s'abstient de leur attribuer le statut de réfugié de crainte d'être obligé de reconnaître l'identité et la langue kurdes et de devoir ainsi autoriser que leur éducation et leurs activités culturelles se fassent dans leur langue maternelle. Une telle reconnaissance pourrait amener les 10 millions de Kurdes de Turquie à revendiquer des droits similaires.

L'IHD PRIMEE AU DANEMARK

        La Fondation danoise pour la paix a attribué le prix 1989 à l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) pour sa lutte en faveur du respect des droits de l'Homme en Turquie. L'IHD est également candidate au prix 1989 des Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe.

L'ARRESTATION DES ADOLESCENTS POUR PROPAGANDE COMMUNISTE SE POURSUIT

        Alors qu'une controverse a éclaté en Turquie et à l'étranger, suite à la mise en accusation d'un étudiant de 15 ans, pour "propagande communiste" (Voir: Info-TΩrk, janvier 1989) les autorités d'Ankara, ne tenant aucun compte des critiques dont il fait l'objet, a ordonné l'arrestation de quatre autres adolescents pour le même motif.
        Selon le numéro du 18 février du quotidien Milliyet,  trois étudiants de l'Ecole d'enseignement Orhan Veli, H.F., M.D. et H.K., ont été arrêtés il y a 2 mois, pour avoir peint des slogans de gauche sur les murs de l'école.
        H.F. et M.D., âgés tous deux de 15 ans, sont jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul et risquent des peines de prison allant jusqu''à dix ans. Quant à H.K. qui n'a pas encore 15 ans, il est jugé par une Cour spéciale pour enfants, pour les mêmes motifs.
        Un jeune homme de 17 ans, A.K., issu d'une famille d'émigrants, a été arrêté il y a deux mois à Turhal, pour "propagande communiste". Il passe actuellement en jugement devant une cour criminelle à Kayseri. A.K. a déclaré qu'il a été torturé lors de son interrogatoire par la police qui voulait lui faire avouer qu'il était venu en Turquie pour organiser le parti communiste de Turquie/Union (TKP/B) à Turhal.
        D'autre part, le procès de Metin Calayl∑oµlu, de 15 ans, se poursuit à la Cour de Sûreté de l'Etat d'Izmir. Après avoir été privé de sa liberté pendant près de 5 mois, il a été relâché le 4 février dernier. Mais son procès pour propagande communiste n'est pas encore terminé. La Cour attend le rapport de médecine légale, Calayl∑oµlu risque toujours une peine de prison de 8 ans. Avant qu'il n'ait été libéré, sa mère, Cavidan Calayl∑oµlu avait tenté de se suicider, suite à une dépression nerveuse.
        Entre-temps, Turhan Baysal, le directeur d'école qui l'avait dénoncé, remis en question même par les journaux de droite, a été démis de son poste le 8 février dernier pour calmer les parents des élèves de l'établissement scolaire. Apprenant cette décision, il a demandé si c'était un crime de dénoncer un communiste.

ARRESTATION D'UN AVOCAT AGE DE 71 ANS

        La police ne s'en prend pas uniquement aux adolescents, mais aussi aux personnes âgées.
        Le 18 janvier dernier, Ibrahim Acan, avocat âgé de 71 ans, a été arrêté sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir publié un livre intitulé "Une défense qui juge". Ce livre contient la défense écrite des membres présumés de l'Union des communistes révolutionnaires de Turquie (TIKB), qui ont été jugés par un tribunal de la loi martiale à Istanbul.
        Le procureur a déclaré que ce livre a été publié pour faire de la propagande communiste et a requis une peine de prison de 20 ans.
        Acan est né en 1917. Après avoir servi dans l'armée turque jusqu'en 1964, il s'en est retiré avec le rang de colonel. Après avoir obtenu son diplôme à la faculté de droit de l'Université d'Ankara, il est devenu avocat et s'est affilié au Barreau d'Ankara. Il est également membre de l'Association des avocats contemporains (CHD) et de l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD).
        Lors de la période qui a suivi le coup d'Etat de 1980, il a pris part à de nombreux procès politiques en tant qu'avocat de la défense.
        Selon le numéro du 19 janvier du quotidien Cumhuriyet,  le Procureur a insulté Acan lors de son intérrogatoire à la Cour de Sûreté de l'Etat et ses cheveux ont été coupés après son arrestations.

LES DERNIERES POURSUITES POLITIQUES

        Le 6 janvier, à Ankara, 125 personnes ont été mises en état d'arrestation, et ce suite au procès du TKP qui avait débuté durant la période de la loi martiale.
        Le 13 janvier, le procureur d'Istanbul a engagé de nouvelles poursuites pénales contre trois membres dirigeants de la section d'Istanbul de l'IHD pour avoir organisé une soirée en faveur de "conditions de vie humaines".
        Le 23 janvier, une cour criminelle d'Istanbul a vu comparaître l'ancien président du Parti de la Juste Voie (DYP), Mr Husamettin Cindoruk dans cinq affaires différentes. Dans chaque cas, il était accusé d'avoir insulté le premier ministre lors de ses discours ou interviews qu'il a prononcés pendant qu'il dirigeait le parti. Il risque un total de 15 ans de prison.
        Le 24 janvier, un nouveau procès contre 34 membres présumés du PKK a commencé à la Cour de Sûreté de l'Etat de Diyarbakir. Le procureur a demandé la peine de mort pour 10 d'entre eux et des peines de prison allant jusqu'à 15 ans pour les autres.
        Le 26 janvier, un membre du comité central du parti socialiste (SP), Mehmet Ulusoy, a été arrêté à Ankara et tous les documents du parti, qui étaient en sa possession ont été saisis sur ordre du procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat.
        Toujours le 26 janvier, la présidente de l'Association des femmes pour la Démocratie (DEMKAD) ainsi qu'un certain nombre de ses dirigeantes, ont été traduites devant une cour criminelle pour avoir participé à une manifestation organisée en septembre 1988 à Istanbul, par le SHP. Le procureur a également requis l'interdiction de cette association.
        Le même jour, à Izmir, 29 personnes ont été jugées par une cour criminelle pour avoir mené une grève de la faim en guise de protestation contre les conditions de vie inhumaines des détenus dans les prisons turques.
        Le 28 janvier, deux handicapés physiques dans la chaise roulante, Ali R∑za Kayim et Mahmut Kement, ont été retenus pendant 6 heures par la police d'Istanbul pour avoir posé un écriteau politique sur la voie publique.
        Le 30 janvier, le procès de 57 membres présumés du PKK a commencé à la cour de sûreté de l'Etat de Malatya. Deux d'entre eux sont passibles de la peine de mort et les autres de peines de prison allant jusqu'à 15 ans.
        Au 31 janvier, le nombre des peines capitales ratifiées par la Cour de Cassation et soumises au Parlement pour ratification, atteignait 230. Parmi les personnes concernées 121 appartiennent à des organisations de gauche et 20 à des organisations de droite. On trouve également quatre militants palestiniens accusés d'homicide.
        Le 7 février, à Kayseri, quatre responsables provinciaux du parti socialiste (SP), Zeki Ok, Mustafa Y∑ld∑r∑m, Zihni Dursun et Mehmet Orucoglu, ont été arrêtés pour avoir utilisé l'expression "citoyens kurdes" dans un message destiné à une réunion du parti dans la province orientale de Van.

LES TRIBUNAUX TURCS DEBORDES

        Selon des chiffres officiels publiés par le ministère de la justice, en 1987, un total de 643 tribunaux disséminés à travers tout le pays ont traité 3,6 millions d'affaires dont 1,5 millions ont occasionné des poursuites pénales et 2,1 millions des poursuites civiles.
        De plus, au cours de la même année, plus de 2,1 millions de dossiers entraînant des poursuites pénales ont été transmis aux procureurs de la République.
        Pour traiter tous ces dossiers, les 643 tribunaux turcs ne disposent que de 3.606 juges et 1.922 procureurs, donc, chaque juge ou procureur examine plus de 1.000 cas par an.
        Quant au nombre de personnes détenues dans les 639 prisons et maisons d'arrêt turques, il se montait fin 1988 à 49.315, et bien que ces pénitenciers soient d'une capacité de 99.226 détenus, 64 nouvelles prisons sont en construction dans diverses provinces.

LES CAPITAUX ETRANGERS AFFLUENT

        Selon un rapport sur les investissements étrangers, les entrepreneurs étrangers ont investi 824 millions de dollars en Turquie durant l'année 1988. Les secteurs intéressés sont plus particulièrement les manufactures, le tourisme et les services. En un an, le nombre d'entreprises à capitaux étrangers a atteint 270.
        Actuellement, près de 827 firmes jouissent d'investissements étrangers d'une valeur totale de 3 milliards 163 millions de dollars. Le départment d'inestissement étranger de l'organisation d'Etat de planification (DPT)r a annoncé que 1989 verra ce chiffre augmenter de 1 milliard 500 millions de dollars.

UN NOUVEAU PROJET E LOI ANTI-PRESSE

        Considérant que la censure légale est insuffisante, le gouvernement a présenté à l'Assemblée nationale un nouveau projet de loi qui prévoit des peines plus sévères pour les journalistes.    
        Si ce projet est accepté par l'Assemblée et si un nouveau paragraphe est ajouté à l'article 312 du code pénal, toute tentative de diffuser des rumeurs oralement ou par écrit qui pourraient provoquer des dommages à la vie, santé ou propriété d'une personne, sera punie. Le fait de violer la loi sera puni de 1 à 3 ans de prison et/ou d'une amende de 2 à 10 millions de LT (1.000 à 5.400 dollars). Si la violation est le fait de mass-média, la punition est multipliée par 0,5.
        Le projet de loi ne change rien aux articles 141, 142 et 163 qui sont appliqués aux prisonniers de conscience.
        Selon les associations de journalistes, ce projet de loi a été préparé dans le but de mettre un terme aux critiques de la presse contre les membres du parti au pouvoir ou leurs proches qui sont corrompus et impliqués dans des affaires douteuses.
        Actuellement, les mesures de censure qui frappent la presse sont la stricte application des lois suivantes:
        1) Le code de presse n° 5680: Articles 5, 6 et 7: toute personne ayant été condamnée à une peine de prison supérieure à 5 ans ne sera plus autorisée à faire paraître une quelconque publication. Des publications en langues étrangères nécessitent une autorisation spéciale du gouvernement.
        Article 30: quiconque publiera des documents relatifs à des poursuites pénales sera passible d'une peine de 6 mois de prison.
        Suite à un amendement de ce code, intervenu en 1983, les procureurs ont la possibilité d'interdire la publication et la diffusion de publications sans avoir obtenu le mandat d'une Cour.
        Le code de presse autorise le gouvernement d'interdire l'introduction en Turquie de publications imprimées à l'étranger.
        2) Le code pénal turc: l'article 140 prévoit une peine de prison d'au moins 5 ans, pour toute personne ayant diffusé des informations susceptibles de nuire à la réputation de l'Etat turc à l'étranger.
        L'article 142 prévoit une peine de prison allant jusqu'à 15 ans pour toute tentative d'établissement de la domination d'une classe sociale sur les autres (propagande communiste) et pour toute tentative d'affaiblissement de l'unité et/ou l'honneur de l'Etat (propagande séparatiste).
        L'article 158 prévoit une peine de prison de 4 ans et demi au minimum pour toute personne ayant insulté le Président de la République.
        L'article 159 prévoit un emprisonnement maximum de 6 ans pour insulte aux autorités. On entend par là: l'Assemblée nationale, le gouvernement et l'armée.
        L'article 163 prévoit des peines de prisons allant de 5 à 8 ans pour toute tentative de porter atteinte au caractère laïc de l'Etat.
        Les articles 266 et 268 prévoient un emprisonnement allant jusqu'à 3 ans pour insulte à un fonctionnaire de l'Etat.
        L'article 273 prévoit un emprisonnement allant jusqu'à 4 ans pour insulte à un membre de l'Assemblée nationale.
        L'article 311 prévoit une peine de prison de 3 à 5 ans pour incitation au meurtre.
        L'article 312 prévoit une peine de prison de 6 mois à 2 ans pour éloge du crime.
        Les articles 426 et 427 prévoient des amendes pour les publications considérées comme "obscènes".
        3) Le code relatif aux pouvoirs et autorités de la police: il prévoit la confiscation par la police de toute publication considérée par elle comme "une atteinte aux valeurs morales de la société".
        4) La loi n° 1117 de protection des mineurs contre les publications nuisibles a institué un bureau spécial qui a le pouvoir d'interdire la distribution et la vente de telles publications.

MONOPOLISATION ET DECADENCE DE LA PRESSE TURQUE

        En janvier dernier, le magnat d'affaires Asil Nadir, un chypriote turc basé à Londres, a ajouté un autre journal turc à l'empire qu'il a récemment acquis en Turquie. Les cercles de l'opposition turcs ont l'impression qu'il est en voie de monopoliser l'ensemble de la presse. Il paraîtrait que sa prise de possession du quotidien Gunes  lui aurait coûté près de 100 milliards de LT (54 millions de dollars).
        Asil Nadir, actionnaire principale du groupe britannique Polly Peck, possède actuellement le tiers de la presse turque, or il n'a presque pas vécu en Turquie et ne connaît pas grand chose au journalisme.
        Dans un premier temps, il a acheté le groupe Veboffset qui publie deux journaux nationaux très populaires: Gunayd∑n  etTan  en plus d'un certain nombre de magazines et de quatre journaux provinciaux. Dans un second temps, il s'est approprié la compagnie Gelisim  qui publie l'hebdomadaire Nokta,  14 autres périodiques et 24 encyclopédies. Sa dernière acquisition, le quotidien Gunes  a été fondé en 1982 et a changé deux fois de propriétaire avant que Nadir ne l'achète.
        Les milieux de la presse dénoncent la tentative de monopolisation de Nadir et accusent le gouvernement de la soutenir.
        Dans les années 1970, grâce à des subsides très importants et à l'achat bon marché du papier journal, le presse turque a accompli une transformation technologique en offset qui lui a permis d'imprimer des journaux bon marchés.
        Mais dès 1980, Turgut Ozal, auteur des mesures l'économiques draconiens du 24 janvier, s'est déclaré contre les subsides de l'Etat. En augmentant le prix du papier journal et d'autres produits d'imprimerie, Ozal a provoqué la faillite des groupes de presse, les obligeant ainsi à céder leurs publications à Asil Nadir. Le quotidien Gunes  a rapporté, à l'occasion de l'anniversaire du 24 janvier, que le prix du papier journal a augmenté par 133 fois en 9 ans, ce qui constitue un record.
        A cause des facteurs mentionnées ci-haut et de la concurrence de la télévision d'Etat, la circulation totale des quotidiens stagne depuis des années à 2,7 millions, alors que le taux de croissance annuel de la population turque est de  plus de 2%.
        Erdal InπnΩ, leader de l'opposition, a déclaré: "Même dans les pays capitalistes, il existe une législation anti-trust et anti-monopole. La corporation de la Radio et Télévision turque (TRT) est déjà un monopole gouvernemental. Le gouvernement utilise les moyens financiers dont il dispose pour réduire la presse turque à sa plus simple expression. La presse turque devrait s'opposer à cette tendance monopolistique dans son propre secteur."
        Selon les chiffres de 1988, les parts respectives des principaux journaux turcs sur une circulation quotidienne totale de 2,7 millions d'exemplaires sont:

        Hurriyet (Erol Simavi)
        Sabah  (Dinc Bilgin)
        Milliyet (Aydin Dogan)
        Gazete (Erol Simavi)
        Gunaydin  (Asil Nadir)
        Turkiye (un groupe islamiste)
        Tan (Asil Nadir)
        Gunes (Asil Nadir)
        Tercuman (Kemal Ilicak)
        Cumhuriyet (Nadir Nadi)
   
       
        628.914
        506.671
        304.927
        273.725
        267.531
        190.886
        152.315
        142.884
        118.298
        114.389


Baisse de l'édition des livres

        Depuis l'arrivée d'Ozal au pouvoir en 1983, le nombre de nouveaux livres imprimés par rapport à la population est en chute libre. Ce phénomène est dû principalement à l'inflation, au coût élevé du papier journal et aux pratiques obscurantistes du gouvernement.
        Ci-dessous figurent les chiffres publiés le 26 janvier dernier par le journal de droite, TercΩman:

Année
1983
1984
1985
1986
1987
1988

nombre de livres
nouvellement
imprimés
5.351
5.073
4.877
4.785
4.660
4.500

nombre de
copies de
nouveaux livres
14.715.250
13.950.750
13.411.750
13.158.750
12.815.000
12.375.000

Nombre de copies
par 1000
habitants
543
449
421
403
383
360


NOUVELLES POURSUITES CONTRE LA PRESSE

        Le 2 janvier, un autre livre du poète Nihat Behram, intitulé "A l'aube, leurs cœurs sont des étincelles" et publié par Yurt Yay∑nlar∑, a été confisqué par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara. Le poète est accusé de faire de la propagande communiste et de provoquer des sentiments de haine et d'hostilité parmi la population.
        En décembre 1988, la même cour avait confisqué le  livre du poète qui s'intitule "Le journal d'une victime de la torture".
        Le 3 janvier, le journaliste Ozcan Ozgur a été condamné à deux mois de prison par la cour criminelle de Mugla pour avoir insulté un prêtre musulman.
        Le 5 janvier, le n°2 de la revue mensuelle Yonelis  a été confisqué par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul qui l'accuse de contenir de la propagande communiste et séparatiste.
        Le 6 janvier, le rédacteur en chef de la revue mensuelle Yeni Ac∑l∑m,  M. ∫efik Cal∑k, a été traduit devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Il est accusé de propagande communiste.
        Le 9 janvier, la police de la province de Bursa a confisqué quatre livres de la maison d'édition Sol. Il s'agit du "Capital" de Marx, de l'"Economie politique" de Nikitin, de "l'ABC du socialisme" de Huberman et des "Principes fondamentaux de la Philosophie" de Politzer. Tous ces livres ont déjà fait l'objet de poursuites légales et ont été acquittés par les tribunaux.
        Le 11 janvier, le célèbre chanteur folklorique Arif Sag, qui est également député SHP, a été mis en accusation pour avoir insulté le gouverneur d'Ankara.
        Le 13 janvier, le numéro de janvier du mensuel Emek Dunyas∑  a été saisi sur ordre de la la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Deux rédacteurs, Y∑lmaz Eksi et Osman Gunes ont été mis en accusation par le procureur pour avoir écrit un article critiquant la privatisation du secteur public.
        Le 18 janvier, le procès de Huseyin Coskun, correspondant de la revue mensuel Yeni Cozum  à Uªak a commencé à la Cour de Sûreté d'Etat d'Izmir. Il est accusé de propagande communiste et séparatiste.
        Le 19 janvier, une cour criminelle d'Izmir a condamné Hacay Y∑lmaz à 6 mois de prison et à une amende de 37.000 LT pour éloge de la résistance des ouvriers des l'usine Taris d'Izmir en 1980.
        Le 20 janvier, le procès du romancier Kerim Korcan, âgé de 70 ans, et de l'éditeur Mme Rabia Sen a commencé à la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Ils sont accusés de se livrer à la propagande communiste dans le roman intitulé "Le pont de feu". Korcan risque 10 ans de prison.
        Le 21 janvier, Serdar Y∑ld∑z, étudiant, a été arrêté à Ankara pour avoir écrit un article qu'il a envoyé au mensuel Yeni Kat∑l∑m.
        Le 23 janvier, deux rédacteurs du mensuel Ozgur Gelecek,  Mehmet Bayrak et Bekir Kesen, ont été arrêtés sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara. De plus, celle-ci a ordonné la saisie du numéro de janvier de la revue mensuelle.
        Le 24 janvier, le rédacteur en chef du mensuel Toplumsal Kurtuluª,  le Dr. Yal•∑n Kucuk a été arrêté sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour propagande communiste et séparatiste.
        Toujours le 24 janvier, l'éditeur de la revue humoristique Limon,  M. Tuncay Akgun a été traduit devant une cour criminelle d'Ankara pour avoir publié la lettre d'un lecteur. Le Procureur soutient que cette lettre insulte la religion islamique.
        Le même jour, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a délivré un mandat d'arrêt contre Osman Tayfun Mater, auteur du livre "Avant et après le 12 septembre: défense du procès d Dev-Yol". Mater était l'un des accusés de ce procès de masse, le plus important que la Turquie ait connu lors de ces 9 dernières années. La Cour de Sûreté de l'Etat considère que le fait de publier la thèse que la défense avait exposée devant la Cour de la Loi Martiale constitue un acte de "propagande communiste".
        Le 26 janvier, les autorités pénitentiaires de la prison d'Ayd∑n ont défendu l'entrée de 402 publications différentes à la prison. Parmi les auteur interdits, on retrouve Voltaire et Kafka.

PRESSION SUR LES ORGANISATIONS ESTUDIANTINES

        Le quotidien Cumhuriyet,  dans son numéro du 4 janvier dernier, rapporte que le gouvernement a recours à tous les moyens pour éviter la formation d'organisation d'étudiants. Pendant ces deux dernières années, près de 2.000 étudiants universitaires qui avaient participé aux tentatives de création d'associations ont été arrêtés et 450 d'entre eux ont été mis en accusation par des cours criminelles.
        Actuellement, il existe 50 associations d'étudiants dans les 20 universités turques.
        Bien que la loi sur l'éducation supérieure, édictée par la junte militaire, stipule que la création de telles associations dépend de la permission spéciale du recteur, des cours administratives ont interprété différemment cette obligation et ont autorisé les étudiants à créer ces organisations sans permission préalable.
        Pendant ce temps, les administrations universitaires ont créé des organisations fantoches avec le concours d'étudiants pro-gouvernement et ce, dans le but de contrecarrer les associations démocratiques d'étudiants. De plus, toute action de ces associations démocratiques est confrontée à l'intervention de la police qui clame que derrière elles et derrière leur action, se cachent des organisations politiques illégales.
Récemment, le 19 janvier, 17 étudiants de l'université d'Anadolu ont mené une grève de la faim contre ces arrestations et attaques arbitraires. A la fin du mois de janvier, la police les a arrêtés.

LE PRESIDENT DU SP INTERDIT DE VOYAGER

        Les autorités turques ont refusé de délivrer un passeport à M. Ferit Ilsever, président du Parti Socialiste (SP) qui désirait de rendre à l'étranger, en réponse à l'invitation du PCI, pour assister au congrès de ce parti qui se déroulera du 18 au 22 mars 1989.

UN PROJET DE LOI POUR LA CITOYENNETE

        Le gouvernement a préparé un projet de loi visant à permettre à certaines personnes qui ont perdu leur citoyenneté, de la regagner. Après la ratification de ce projet par l'Assemblée nationale, les personnes concernées pourront revenir en Turquie dans un délai de deux ans. Pourtant, le gouvernement procédera à une enquête et seulement ceux qui seront admis "sans réserve" pourront à nouveau jouir de leur citoyenneté.
        Ce projet de loi a pour but de modifier un certain nombre d'articles du code de citoyenneté turque. La motivation de ce projet est le besoin de clarifier les contradictions existant entre les différents cas. Bien que le préambule du brouillon ne le dise pas ouvertement, il s'agit des citoyens turcs qui ont été privés de leur nationalités sans aucune base légale valable, mais uniquement sur la demande des commandeurs de la loi martiale.
        Cependant le projet de loi accorde au gouvernement le pouvoir de décider qui peut redevenir un citoyen turc.
        Il existe 14.000 Turcs qui sont privés de leur nationalité.

SECOND REFUS POUR NAZIM HIKMET

        Le 18 janvier dernier, la Haute Cour administrative de Turquie a refusé, pour la seconde fois, de tenir compte d'une pétition en faveur du rétablissement post-mortem de la citoyenneté turque du poète Naz∑m Hikmet. La Cour s'est déclarée incompétente pour prendre une décision sur base de la pétition présentée par la famille du poète.
        Après avoir purgé une peine de prison de 12 ans, Naz∑m Hikmet a fui la Turquie en 1951. En effet, dès sa libération, il avait re•u l'ordre de s'enrôler dans l'armée pour accomplir son service militaire. Après son départ, le gouvernement turc l'avait privé de sa nationalité. Naz∑m Hikmet a vécu 11 ans en exil et est mort à Moscou.

CONTROLE EUROPEEN DE LA TORTURE

        Le 1er février dernier, la convention européenne de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants signée par les Etats membres du Conseil de l'Europe, dont la Turquie, est entrée en vigueur. En vertu de cette convention, une commission européenne devra être mise sur pied dans le but d'organiser une visite d'inspection dans les centres de détention en Turquie. Cette visite aura lieu sans avoir été annoncée préalablement.
        A cette occasion, l'Association des droits de l'Homme en Turquie (IHD) a rendue publique, lors d'une conférence de presse, la liste des détenus torturés au centre de la police politique d'Ankara au cours de l'année 1988, ainsi que les rapports médicaux délivrés par des médecins qui certifient l'existence de séquelles. Nous reproduisons cette liste ci-dessous, les dates et cotes des rapports médicaux figurent entre parenthèses:
        Unal Demir, Tarik Topcu, Serdar Toka, Suat Karabulut (17.3.1988/11326-11327-11334), Cem Ali Timucin (14.3.1988/10833), Kemalettin Karaman (14.3.1988/108325), Ismail Durgut, Cevdet Tastan, Nail Turak (14.5.1988/20031-32-33-34), Remzi Ozturk, Ibrahim Aydogan, Mehmet Kelkitli (15.6.1988/1597), Mehmet Aslan (23.8.1988/31625), Galip Yagan (1.8.1988/3204), Zeynep Aldogan (11.8.1988/33558-59-60-61-62-63-64), Huseyin Can Balicanli (22.9.1988/40059-60), Nadir Nadi Usta (6.10.1988/42265), Mehmet Ali Cakiroglu (6.10.1988/42266), Bayram Balci (30.9.1988/41260), Kadri Esenturk, Tayfun Sen (24.10.1988/44977-78), Ugursel Ozturk (7.11.1988/47140-41-42), Huseyin Colak, Ayca Uslu, Ziya Yavuzes (8.11.1988/47306-307-308), Muzaffer Serdar Kayaoglu, Osman Albayram, Iskender Cetin, Aysel Gurel, Rustu Yuksel, Ahmet Ates (10.11.1988/47592-93-94-600-603), Mustafa Kapikiran (2.12.1988/50911).
        Bien que la convention soit déjà entrée en vigueur, le contrôle européen ne sera effectif qu'en automne 1989.
        De plus, la quotidien Cumhuriyet  rapporte dans son numéro du 27 janvier 1989 que les ministres turcs de la justice et de l'intérieur ont déjà envoyé des directives confidentielles aux gouverneurs, aux procureurs, aux administrations pénitentiaires et aux départements de police, leurs demandant de prendre les mesures nécessaires dans le but d'éviter de fournir une preuve quelconque de l'existence de la torture en Turquie à la commission européenne dans le cas où celle-ci ferait usage du droit de visite non annoncée que leur attribue la convention européenne.

OZAL S'ADRESSERA AU CONSEIL DE L'EUROPE

        Le Président de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a invité le premier ministre turc Turgut Ozal à s'adresser à l'Assemblée en qualité d'invité d'honneur. Cette invitation constitue une étape supplémentaire dans le processus de normalisation des relations turco-européennes.
        Une telle invitation, qui a pour but d'honorer le responsable d'un régime anti-démocratique, a provoqué de violentes réactions de la part des organisations démocratiques en Turquie.

GOUVERNEMENT TURC CONTRE-ATTAQUE AMNESTY INTERNATIONAL
   
        En réponse aux révélations d'Amnesty International non gouvernementale sur la violation des droits de l'homme en Turquie, le conseiller du ministre turc des affaires étrangères, M. Nuzhet Kandemir, a invité, le 16 janvier dernier, les ambassadeurs occidentaux en poste à Ankara à transmettre à leurs gouvernements le vœux du gouvernement turc de ne pas les voir accorder leur soutien aux groupes qui "travaillent" contre la Turquie.
        Il a déclaré aux ambassadeurs que ces groupes font tout ce qui leur est possible pour éviter l'intégration économique et politique de la Turquie au sein de l'Europe et ce, au lieu de l'aider dans ses efforts de démocratisation.
        Au même moment, les ministres turcs de la justice et des affaires étrangères ont crée une commission chargée de leur remettre un rapport intitulé "La torture dans les Etats membres des Communautés européennes". Selon le numéro du 5 janvier du quotidien Milliyet,  le groupe rassemble actuellement des informations sur les victimes du mauvais traitement de la police et des autorités pénitentiaires en France, en Suisse, au Portugal, en RFA et en Espagne. Ce rapport sera rendu public fin 1989.
        Continuant sur sa lancée, le 17 janvier dernier, le ministère turc des affaires étrangères a fait un briefing sur "les Droits de l'Homme en Turquie" devant les ambassadeurs de tous les Etats ouest-européens ainsi que des USA et du Canada.
        Suite à cette contre-attaque, Amnesty International a publié, dans sa revue de janvier 1989, un nouveau document concernant les conditions carcérales en Turquie. Dans un article intitulé "Sont-ils morts sous la torture?" Amnesty International publie les noms de 144 prisonniers qui sont décédés lors de leur détention et somme les autorités turques de fournir des informations sur les causes de ces décès. Ci-dessous, nous avons sélectionné les noms des victimes qui sont décédés ces deux dernières années suivis du nom des endroits où elles étaient détenues ainsi que de la date présumée de leur décès:
        Muhammet Hilmi Musa (Ankara-Feb 87), Hasan Acar (Istanbul-14.2.87), Zulfikar Bayram (Pirinclik-21.2.87), Sabri Cuhadar (Edirne-March 87), Hidir Keskin (Elazig-March 87), Ahmet Cetin (Ankara-16.3.87), Mehmet Temel Oktay (Eregli-20.3.87), Ibrahim Savas (Sirnak-27.3.87), Feridun Celik (Istanbul-22.4.87), Mehmet Kalkan (Diyarbakir-14.6.87), Huseyin Kurumahmutoglu (Ankara 15.7.87), Ibrahim Ozturk (Istanbulk-11.10.87), Kemal Karapinar (Erzurum-2.12.87), Emin Ozkaya (Antalya-Jan 88), Manuel Demir (Istanbul 24.1.88), Nihat Yurtoglu (Ankara-10.4.88). (Pour une liste plus complète comprenant les noms des 253 détenus politiques qui sont décédés lors de leur interrogatoire ou qui ont disparu depuis leur arrestation en 1980-86, consulter Info-TΩrk de novembre 1986).
        Au début de cette année, la section américaine d'Amnesty International a lancé une campagne sur la Turquie en affichant du portrait de Melih Calayl∑oµlu sur les murs. Cet adolescent de 15 ans a été arrêté en janvier dernier sous prétexte qu'il se livrait à de la propagande communiste. Sur ces affiches, on pouvait lire: "Il est toujours difficile de grandir, mais en Turquie cela peut être une véritable torture".
        Cette campagne a été qualifiée par la presse turque de nouveau complot d'Amnesty International, ayant pour but de porter préjudice au tourisme turc et d'empêcher l'adhésion de la Turquie aux Communautés européennes.
        Selon le numéro du 6 février du quotidien Hurriyet,  l'ambassadeur turc en poste à Washington, M. SΩkrΩ Elekdag, a déclaré que cette campagne était scandaleuse et que le fait que c'est la Turquie qui a été choisie comme victime parmi 160 autres pays démontre clairement leur parti-pris contre elle.
        De plus, quelques jours plus tard, le Congrès américain a engagé un débat sur la question des droits de l'homme en Turquie. Le ministère américain des affaires étrangères, dans son rapport annuel au Congrès, une fois de plus attiré l'attention de ce dernier sur les pratiques de torture et les discriminations dont les kurdes et les minorités religieuses en Turquie ne cessent d'être les victimes. Lors du débat au sujet de ce rapport, les membres du Congrès ont entendu les représentants de la section américaine d'Amnesty International et du Comité Helsinki Watch à savoir Mrs. David Aasen et Jeri Laber.
        Alors qu'une contreverse au sujet des positions d'Amnesty International concernant la Turquie éclatait à Ankara, le secrétaire général de cette organisation, M. Ian Martin, s'est rendu en Turquie et ce à l'invitation d'un groupe turc non-gouvernemental. Lors d'une réunion à Istanbul le 6 février dernier, M. Ian Martin a expliqué les raisons de la position critique de son organisation au sujet des droits de l'Homme en Turquie.
        Il a nié l'affirmation que son organisation a une attitude hostile envers la Turquie, comme le gouvernement Ozal le prétend. Il a précisé qu'Amnesty International lutte contre la violation des droits de l'Homme, non seulement en Turquie, mais aussi partout à travers le monde. Il a également rappelé que son organisation a déjà, à plusieurs reprises, attiré l'attention sur le sort des minorités turques en Grèce et en Bulgarie.
        Monsieur Martin a déclaré: "Il est clair que ce ne sont pas que les membres du barreau et de l'association des droits de l'homme qui veulent des changements, mais aussi des personnes actives sur le plan politique. De telles personnes ont fait preuve de courage en exprimant leurs vues et un souffrant pour elles".
        M. BΩlent Akarcali, chef de la délégation parlementaire turque de la commission parlementaire mixte turco-CEE a déclaré qu'Amnesty International aurait toujours ignoré les demandes d'Ankara d'être consulté avant qu'un rapport sur les droits de l'Homme en Turquie ne soit publié.
        Mme Anne Burley, responsable d'Amnesty International pour les pays européens, qui accompagnait M. Martin a réagi à la déclaration de M. BΩlent Akarcali en déclarant qu'elle l'avait re•u lorsqu'il s'était rendu à Londres en 1986 et qu'elle avait eu avec lui une conversation, au sujet des droits de l'Homme en Turquie.

APPEL D'ANKARA A DES FIRMES PUBLICITAIRES

        Dans le but d'augmenter ses chances d'adhérer aux CE, le régime d'Ankara a décidé de faire appel à des compagnies de relations publiques et de publicité européennes et américaines.
        Le quotidien Milliyet,  dans son numéro du 15 décembre 1988, rapporte que deux compagnies, Havas et Gruner-Jung, sont déjà engagées dans l'opération de charme destinée aux Etats européens.
        En ce qui concerne les USA, le gouvernement turc a déjà signé un contrat de 875.000 dollars par an avec l'International Advisers Inc. Cette compagnie a été fondée par l'ancien adjoint du ministre à la défense nationale: M. Richard Perle. Sous l'administration Reagan, Perle était connu pour être le plus ardent défenseur du régime turc à Washington et était très souvent salué par la presse turque comme "l'ami de la Turquie au Pentagone".
        Perle a été engagé pour exercer pression au sein du Congrès en faveur de la position d'Ankara en ce qui concerne la distribution de l'aide US, la question arménienne, la question greco-turque ainsi que pour faire pression sur les alliés des USA en Europe en faveur de l'adhésion de la Turquie au CE.

LA TURQUIE OCCUPE LA 4e POSITION DANS LES DEPENSES MILITAIRES

        Selon le dernier numéro du magazine Military Balance,  la Turquie occupe la 4ème position, au sein de l'OTAN en terme de dépenses militaires, et ce après les USA, la Grèce et la Grande Bretagne.
        Le magazine, qui est publié par l'OTAN rapporte que les dépenses militaires américaines représentent 6,4% du produit national brut des USA. Quant à la Grèce, la Grande Bretagne et la Turquie, elles dépensent respectivement 6,3%, 4,9% et 4,7% de leur PNB dans des buts militaires.
        L'Administration du développement de l'industrie de la défense de Turquie (SAGEB) prévoit de mener à bien 5 des 13 projets prioritaires de défense dans la seule année 1989. Les compagnies locales et internationales sont invitées à investir dans ces plans dont la réalisation nécessite 10 milliards de dollars.
        Un projet de radio haute fréquence dont l'élaboration a pris 13 ans,  figure parmi les cinq prioritaires. Son coût est évalué à 700 millions de dollars. Trois sociétés se disputent ce contrat, il s'agit de Plessey et Marconi (GB) et de Siemens (RFA). Mais il semble que la compétition réelle se situe entre les Anglais.
        Un autre des projets prioritaires consiste en un transporteur aérien léger dont le coût se monte à 100 millions de dollars. Durant l'année 1988, quatre sociétés ont fait des offres, il s'agit de Casa (Espagne), de Havilland (PB), Nord America (USA) et d'Air Italie (Italie).
        L'armée turque insiste également pour que le plan de radar mobile soit mené à bien. Ce dernier implique l'installation de 14 unités radar. On en a estimé le coût à 100 millions de dollars. Les meilleures offres ont été faites récemment par diverses compagnies, à savoir: pour les USA: Westinghouse, General Electric et Aydin Corporation; pour la Grande Bretagne: Plessey et Marconi; pour la France: Thomson et enfin pour l'Italie: Sellenia.
        Le projet pour la production de radar à monter sur les canons de 35 mm est aussi considéré comme une priorité.
        Un projet d'avion d'essai va être intégré au plan du transporteur aérien léger.
Des négociations avec les fournisseurs du transporteur aérien léger vont prochainement être engagées. Elles porteront sur la fourniture de 50 avions d'essai.
        La réalisation de 6 autres plans est prévue pour 1990 et les années suivantes. Ils s'agit du projet de radar F-16 dont le coût est estimé à 80 millions de dollars; du projet de couverture aérienne à basse altitude estimé à 75 millions de dollars; du projet des aspirateurs miniers dont le coût n'a pas encore été établi; des projets de modernisation des F/4-E et des M/113 estimés respectivement à 50 et 150 millions de dollars et enfin du projet des moteurs de missiles à carburant composite qui se monte à 100 million de dollars.
        L'année dernière, la SAGED a signé deux des 13 contrats. Le premier avec la compagnie américaine FMC et le groupe local NUROL pour la fourniture de transporteurs de troupes. Le deuxième avec la manufacture locale de F-16. De même, la formation d'une corporation avec participation de capitaux étrangers se poursuit, et ce, dans le cadre du projet des transporteurs.
        Un autre contrat concernant l'équipement électronique des avions a été signé avec Loral Corp. (USA), ce dans le cadre du projet des F-16. Il prévoit l'assemblement de 111 systèmes de protection électronique qui équiperont les 160 F-16S montés en Turquie. Cette commande a été passée en décembre dernier et a mis fin à la lutte acharnée que se sont livrés les quatre compagnies intéressées: 3 américaines et une anglaise.