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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


157

14e année - N°157
Novembre  1989
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 
Le mur de Berlin,
la honte de l'Est, s'effondre;
les prisons turques, la honte de l'Ouest,
sont toujours pleines!

LIBERER TOUS LES PRISONNIERS POLITIQUES

        Un événement historique à Berlin: le mur s'effondre, Berlin n'est plus une ville-prison. Une vague de liberté déferle sur les pays de l'Est. Un processus de démocratisation qui enthousiasme le monde entier s'enclenche. Les leaders européens parlent déjà de l'intégration des pays de l'Est comme la Hongrie, la Pologne et la RDA au sein de la grande famille européenne. Déjà, la Hongrie a frappé à la porte du Conseil de l'Europe.
        Ironie du sort: la Turquie, l'un des Etat-fondateurs du Conseil de l'Europe et un membre associé des Communautés européennes reste un pays-prison. Ses prisons sont toujours pleines de prisonniers politiques: des milliers de personnes sont privées du droit de se déplacer à l'étranger et des centaines d'opposants au régime, réfugiés à l'étranger, sont privés de leur nationalité. Les Cours martiales continuent à juger des milliers de personnes, arrêtées suite au coup d'Etat de 1980, et les Cours de Sûreté de l'Etat poursuivent les journalistes, les étudiants, les artistes et mêmes les lycéens de 15 ans en raison de leurs opinions politiques.
        Alors que l'Europe de l'Est se débarrasse de ses pratiques antidémocratiques et inhumains, la Turquie reste la honte de l'Europe de l'Ouest.

ÖZAL: UN PRESIDENT DEMOCRATE?

        L'un des principaux responsables de cette honte, Turgut Özal, est maintenant président de la République turque. Il a prêté serment le 9 novembre dernier lors d'une cérémonie au Parlement qui a été boycottée par les parties de l'opposition. Alors qu'il devenait président, une salve de 101 coups de feu était tirée dans toutes les grandes villes de Turquie. Le même jour, la passation des pouvoirs du général Evren à Ozal a eu lieu lors d'une cérémonie organisée au Palais présidentiel.
        Pour donner à l'opinion mondiale, l'illusion d'une démocratisation du régime, Özal a déclaré, lors de son discours inaugural, que la Turquie allait à l'avenir strictement respecter trois libertés fondamentales et ce, dans le but de compter parmi les nations éminentes au sein de la communauté internationale. Il a énuméré ces trois libertés: la liberté de pensée, la liberté de croyance et la liberté d'entreprise et a dit que: "Dans le processus de consolidation démocratique, tous les efforts possibles et imaginables doivent être fournis pour établir le respect des droits de l'homme dans une dimension universelle". Il a proposé la création d'un comité permanent des droits de l'Homme au Parlement turc. Il a également pressé la nation de se montrer tolérante et de faire preuve de respect mutuel pour les droits des individus. Il a terminé son discours en déclarant qu'il allait se battre pour que la "Turquie devienne très vite l'un des membres les plus éminents de la Communauté européenne".
        Deux heures après avoir été investi de la fonction présidentielle, Özal a nommé Yildirim Akbulut, ancien président de l'Assemblée Nationale, au poste de premier ministre. Ce dernier est connu pour son allégeance complète à Özal. Son gouvernement comprend presque tous les anciens ministres du gouvernement sortant. On a procédé à la nomination au poste de secrétaire d'Etat des deux dirigeants de l'Alliance Sacrée, Mehmet Kececiler pour les islamistes et Mustafa Tasar pour les nationalistes et ce, dans le but de faire cesser les affrontements entre factions rivales au sein du parti de la Mère-patrie (ANAP), le parti d'Özal.
        Une semaine plus tard, le nouveau premier ministre a été élu président de l'ANAP par un congrès extraordinaire du parti qui s'est tenu le 17 novembre dernier. Un autre candidat s'était présenté, il s'agit de l'ancien vice-premier ministre Hasan Celal Güzel mais il n'a obtenu que 382 voix alors qu'Akbulut en obtenait 739 grâce aux pressions exercées par Özal sur les délégués du parti.
        Maintenant Özal est tout puissant, il peut faire ce qu'il veut et ce grâce aux pouvoirs très étendus dont jouit le Président de la République en vertu de la constitution promulguée en 1982. De plus, le nouveau gouvernement lui est totalement acquis: il n'existe plus aucun obstacle à la mise en pratique de ses promesses.

UNE REVISION PROCHAINE DU CODE PENAL?

        Dès le premier conseil des ministres, Özal a chargé M. Akbulut d'élaborer un texte portant révision des articles 141, 142 et 163 du Code Pénal turc.
        Özal, fervent islamiste, a toujours été partisan de la suppression de l'article 163 du Code Pénal interdisant les organisations et la propagande des religieux.
        Quant aux articles 141 et 142 qui interdisent les organisations et la propagande communiste ou séparatiste, il n'envisage leur suppression qu'à la demande du Conseil de l'Europe et du Parlement européen qui comptent des députés communistes parmi leurs membres. Ces deux institutions ont lourdement insisté sur la levée de ces deux articles et ce, dans le cadre de la normalisation des relations turco-européennes. En effet, depuis l'évolution que connaissent l'Union Soviétique ainsi que de nombreux pays de l'Est, il est devenu ridicule de maintenir dans le Code Pénal des articles qui sont issus du Code Pénal Mussolini, élaboré il y a cinquante ans.
        De plus, tous les partis politiques —dont l'ANAP- jouissant d'une représentation parlementaire semblent favorables à l'abandon de l'interdiction qui frappe les organisations et la propagande communistes. Dès le moment où Özal est devenu président de la République, leurs portes-paroles ont déclaré, lors d'un débat public, qu'ils considéraient les articles 141 et 142 comme obsolètes. Dès avant que ce débat ait eu lieu, le Parti Populiste Social-Démocrate (SHP) avait proposé à l'Assemblée Nationale d'élaborer un projet de loi en vue de lever les articles 141, 142 et 163.
        Encouragé par cette évolution des choses, le Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP),  toujours illégal, organisent des réunions publiques tandis que deux de ses dirigeants, Nabi Yagci et Nihat Sargin, sont toujours en prison. Beaucoup des dirigeants du parti sont déjà revenus en Turquie: ils y sont libres, à l'exception de quelques uns, et peuvent prendre part à des discussions publiques. Pour la première fois depuis 1925, la police n'intervient pas pour empêcher les réunions du parti communiste d'avoir lieu.
        Dans de telles circonstances, la modification des articles 141 et 142 et la légalisation du TBKP par l'administration Özal ne surprendra personne en Turquie.

LIBERTE POUR TOUS LES PRISONNIERS POLITIQUES

        La véritable question qui se pose à l'heure actuelle est de savoir s'il faut se contenter de légaliser le TBKP et de relâcher ses dirigeants qui sont toujours en prison ou, au contraire, de mettre fin à toutes les pratiques anti-démocratiques du régime et de libérer tous les prisonniers politiques de Turquie.
        Il est important de noter le fait que la majorité des prisonniers politiques en Turquie le sont en vertu de l'article 146 du Code Pénal et ont été inculpés ou condamnés pour "avoir tenter d'altérer, de changer, d'abolir la constitution de la République de Turquie et de renverser l'Assemblée nationale". Beaucoup d'entre eux ont été ou risquent d'être condamnés soit à la peine capitale soit à l'emprisonnement à vie.
        Il y a également de nombreux opposants au régime, exilés à l'étranger, qui ont été déchus de la nationalité turque pour s'être livrés à des "activités anti-régime" en Europe. En vertu de l'article 140 du Code Pénal, au cas où ils reviennent en Turquie, ils sont passibles d'une peine de prison d'au moins cinq ans.
        La question primordiale est de savoir si la levée ou la modification de articles 141 et 142 du Code Pénal impliquera la légalisation des organisations kurdes? Des milliers de prisonniers politiques kurdes ont et mis en accusation ou condamnés sur base des paragraphe 4 de l'article 141 et 3 de l'article 142 pour avoir fonder une organisation ou s'être livré à de la propagande "séparatiste". Même le SHP, principal parti de l'opposition turque, a récemment expulsé de ses rangs sept députés kurdes pour avoir participé à Paris à une conférence internationale sur la Question Kurde (voir: page 3).
        Il faudrait que tous ces articles soient immédiatement abolis ou révisés pour qu'une démocratisation réelle intervienne en Turquie et ce non pas pour légaliser uniquement le TBKP mais bien toutes les organisations de gauche ainsi que les organisations kurdes.
        De même, il faudrait procéder à la libération de tous les prisonniers politiques et non pas en relâcher quelques uns.
        S'il n'en est pas fait ainsi, bien que dotée d'un Parti Communiste légal dans l'éventail politique du pays, la Turquie restera un sujet de honte pour l'Europe occidentale.
        Bien qu'Özal ait déclaré que tout doit être mis en œuvre pour établir un Etat de droit en Turquie, il s'est immédiatement contredit en poursuivant en ces termes: "Je continuerai à soutenir nos institutions constitutionnelles".
        Or n'est-ce pas justement cette constitution, édictée par un pouvoir militaire, qui se trouve être la source de toutes les violations des droits et libertés qu'on déplore en Turquie?

UN "NON" IMPLICITE A L'ADHESION TURQUE A LA CEE

        Un rapport de la Commission européenne propose de postposer l'examen de la candidature de la Turquie à la CEE jusqu'en 1993. Le rapport de quatre pages consiste en un jugement de la candidature turque et fera l'objet d'une discussion au niveau ministériel en décembre 1989.
        Bien qu'il n'oppose pas explicitement une fin de non recevoir à la Turquie, il énumère une série de conditions à remplir pour devenir membre à part entière qui rend son intégration au sein de la Communauté pratiquement impossible.
        Le rapport estime que l'adhésion de la Turquie à la Communauté européenne constituera, pour cette dernière, un lourd fardeau à porter aussi bien sur le plan économique que politique. Toujours selon le rapport: "La Turquie va freiner le développement de l'intégration de marché dans la Communauté et constituer un obstacle à l'unité économique et politique de l'Europe. La présence de la Turquie dans la communauté va ralentir le processus de prise de décision dans les hautes sphères européennes."
        Le rapport présente les différences culturelles, politiques et économiques existant entre les pays membres de la Communauté et la Turquie comme les principales pierres d'achoppement à son acceptation en tant que membre à part entière de la CEE.
        Il estime qu'en l'an 2000, la Turquie comptera 67 millions d'habitants, soit qu'un Européen sur cinq sera Turc. Cela signifie qu'il faudra accorder à la Turquie 20% des sièges au Parlement européen. Une telle représentation sur le plan législatif, fait prédominer le point de vue de l'opinion publique turque sur celle des autres pays membres.
        De plus, le rapport continue en affirmant qu'en raison des différences culturelles et politiques , il ne faut pas s'attendre à ce que la Turquie adopte l'attitude d'un "petit pays apprivoisé" au sein de la Communauté: "La Turquie fait traditionnellement preuve d'une vision nationaliste des choses ce qui est contradiction avec l'approche générale de la Communauté. Les gouvernements d'Ankara n'ont pas une tradition de coopération politique avec les autres pays".
        Plus loin, le rapport ajoute que la Turquie devra cesser d'occuper militairement la partie septentrionale de Chypre, membre associé de la CEE, et ce avant que sa candidature ne soit acceptée.
        La plupart des Européens n'acceptent pas la Turquie en tant partie intégrante de l'Europe et ce aussi bien sur le plan culturel et politique. Ils la considèrent comme un pays doté d'une culture et d'une religion différente.
        La politique de maintien des relations suivies avec les autres pays musulmans du gouvernement d'Ankara le place parfois dans des situations difficiles comme on a pu le voir lors de l'affaire Salman Rushdie. La Turquie, à l'encontre de la Communauté européenne, n'avait pas protesté contre l'appel au meurtre lancé par l'Iran contre l'auteur des Versets Sataniques, qui d'après elle, insultait le Prophète Mohammed.
        Le rapport conclut qu'il serait irresponsable de la part de la CEE de laisser la Turquie adhérer à l'organisation, alors que la Communauté éprouve déjà beaucoup de difficultés à résoudre ses propres problèmes.

LA GIFLE DE DELORS A OZAL

        En fait, ce rapport illustre parfaitement l'état d'esprit de Jacques Delors, président de la Commission des Communautés européennes qui, à peine cinq heures avant l'arrivée d'Özal à Strasbourg, le 27 septembre dernier, a déclaré devant le Parlement que la Communauté n'acceptera pas de nouvelle adhésion avant 1993 et qu'il est aussi improbable que de nouveaux membres soient admis après 1993.
        Delors a également estimé et c'est ce qui a été perçu comme une gifle en pleine figure par Özal et par les délégués turcs que la condition sine qua non pour être européen et faire partie de la Communauté européenne c'est d'appartenir à la culture chrétienne. Il a poursuivi en disant: "J'ai clairement compris ce fait après avoir lu 2.500 pages extraites de livres traitant de la culture européenne, l'Europe est un produit de la chretienté, du Droit Romain et de l'Humanisme grec".
        En réponse au discours de Delors, Özal a déclaré lors d'une conférence de presse à Strasbourg: "L'idée que la Communauté européenne consiste à une communauté chrétienne est complètement dépassée à l'aube du 21ème siècle. Si de telles conceptions ont cours au sein de la Communauté, alors nous n'y entrerons pas. La Turquie ne cessera pas d'être une nation musulmane pour entrer dans la Communauté européenne".
        Le discours de Delors a provoqué une controverse en Turquie sur le fait que la religion pourrait être un obstacle à son adhésion à la CEE.
        Pour calmer l'opinion publique turque, le porte-parole de J. Delors, M. Bruno de Thomas, a déclaré lors d'une interview accordée au Turkish Dateline,  le 7 octobre dernier, qu'il y avait eu un malentendu au sujet de la religion. De Thomas a expliqué qu'"un journaliste turc avait demandé au Président de la Commission s'il voulait dire que le fait que la Turquie soit un pays musulman allait l'empêcher d'entrer à la Communauté et Delors lui avait répondu que ce n'est pas du tout ce qu'il voulait dire".

COMPARAISON AVEC 3 MEMBRE DE LA CEE

        Le Centre de Recherche Turque qui opère de façon indépendante à Bonn, a mené une étude comparative des structures socio-économiques de la Turquie et celles de trois membres de la CEE à savoir la Grèce, l'Espagne et le Portugal.
        Selon cette étude, en Turquie, le secteur industriel représentait 22,3% du produit national brut en 1960, sa part montait à 36,2% en 1987. Quant à l'Espagne, sa part dans le PNB est passée de 32,8% en 1960 à 38,9% en 1987 alors qu'en Grèce, elle passait de 22,8% en 1960 à 24,7% en 1987.
        Le secteur de l'agriculture a perdu de la valeur sur le plan du PNB: en Turquie, il est tombé de 38% en 1960 à 16,77% en 1987. Ce ratio a baissé de 22% en 1960 à 5,4% en 1987 en Espagne et de 20,2% à 13,7% en Grèce.
        L'un des problèmes les plus épineux de la CEE au sujet de l'adhésion à part entière de la Turquie à la Communauté consiste en la croissance rapide de sa population. L'étude admet qu'avec ses 55 millions d'habitants et un taux de croissance annule de 2,7% calculé sur les 10 dernières années, la Turquie accuse une croissance très importante. Mais le rapport fait remarquer que "Alors que l'Europe vieillit, la Turquie rajeunit. Cela peut constituer une chance pour la Turquie de combler une éventuelle pénurie de main d'œuvre en Europe".
        Le taux de croissance annuel sur ces 10 dernières années a été de 0,6% en Espagne, 0,7% au Portugal et 0,2% en Grèce. Selon les prévisions de l'OCDE, le taux de croissance de la population en Turquie va tomber à 0,4% en 2040-2050.

LE SECTEUR PRIVE TURC ET LA CEE

        Dans un communiqué publié au nom du secteur privé, les représentants de cinq ensembles industriels ont affirmé leur volonté d'adhérer à la Communauté européenne. Cependant "les milieux d'affaires turcs n'acceptent pas l'idée de s'aligner sur l'industrie européenne et qui plus est, d'en dépendre, avant qu'elle ne soit devenue membre à part entière de la CEE".
        La Fondation pour le Développement Economique (IKV), l'Union des Chambres et des Bourses (TOBB), la Chambre de Commerce d'Istanbul, la Chambre de l'Industrie d'Istanbul et la Bourse d'Istanbul ont ajouté dans ce communiqué: "Nous sommes conscients du fait que les négociations avec la Communauté Européenne ne peuvent pas débuter avant 1993. Entre-temps, la meilleure chose à faire est de nous développer conformément aux standards européens et de nous préparer à devenir membre à part entière de la Communauté".
        Constatant que les barrières douanières de la Turquie ont rapidement été levées depuis que le pays a présenté sa candidature, le communiqué conclut: "Cependant, nous ne réaliserons aucune union douanière au sens strict du terme, tant que nous n'aurons pas obtenu d'être membre à part entière".

LA QUESTION KURDE DANS LES TRIBUNES INTERNATIONALES

        Alors que l'opposition et la presse admettent l'échec de l'Armée turque à mater la guérilla kurde dans le Kurdistan turc, deux initiatives récemment lancées dans le but de résoudre la Question Kurde dans des arènes internationales inquiètent sérieusement le régime d'Ankara.
        Ainsi, les 14 et 15 octobre 1989 s'est tenue à Paris, une conférence internationale traitant du sujet "Les Kurdes: droits de l'homme et Identité culturelle" et ce, avec la participation de nombreuses personnalités étrangères et kurdes. Cette conférence était sponsorisée par l'Institut des Etudes Kurdes de Paris ainsi que la Fondation France Libertés de Mme Danielle Mitterrand, épouse du président français. Huit députés turcs d'origine kurde y ont également assistés dont: Ibrahim Aksoy, le député de Malatya expulsé du SHP au début de cette année pour avoir formulé des critiques  à la Commission mixte parlementaire turco-européenne, qui ont été interprétées comme favorables au séparatisme kurde par le comité disciplinaire du parti.
        Les participants, à la fin de la conférence, ont publié un communiqué final demandant que la Question Kurde soit portée devant l'Assemblée Générale des Nations Unies ainsi que devant les institutions européennes et qu'à cette fin soit instituée une organisation représentant tous les Kurdes vivant dans cinq Etats à savoir la Turquie, l'Irak, la Syrie, l'Iran et l'Union Soviétique.
        Toutefois, le Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK), l'organisation kurde la plus radicale de Turquie a contesté la légitimité de cette conférence en ces termes: "Cette conférence a été organisée par des gens qui ne sont pas Kurdes. Les organisateurs de cette conférence sont ceux qui veulent vivre dans l'impérialisme le plus absolu".
        Juste après cette conférence, un lobby pro-Kurde a vu le jour au sein du Congrès des Etats-Unis dont le but est de porter la Question Kurde dans les tribunes internationales.
        Dix membres du Congrès américain et Mme Danielle Mitterrand se sont rencontrés lors d'une réunion au Congrès le 24 octobre 1989. Elle était organisée par la "Human Right Caucus" et co-présidée par le député démocrate Tom Cantos et le républicain John Porter.
        Mme Mitterrand a déclaré que l'établissement d'un Etat kurde indépendant au Moyen-Orient procède de la volonté des Kurdes eux-mêmes:
"Vous vous rappelerez que sur base d'une proposition de Woodrow Wilson faite en 1920, le Traité de Sèvres envisageait de doter les Kurdes du droit créer leur propre Etat. Cependant, le Traité de Lausanne de 1922 en a décidé autrement et a divisé le territoire qu'ils occupaient entre quatre Etats: l'Iran, l'Irak, la Turquie et la Syrie".
        "Depuis cette date, les Kurdes ont dû mener une lutte constante à l'intérieur de chacun de ces quatre Etats pour leur vie, l'existence de leur peuple, dans le but de préserver tout ce qui fait leur identité. Les attaques contre leur culture et la mémoire collective de leur peuple font preuve d'une incroyable cruauté".
        Elle a également critiquée la façon dont la Turquie a traité les réfugiés kurdes irakiens: "Ces gens sont totalement dépendants des décisions prises par les autorités turques à leur sujet; ils sont dans un dénuement total et ils se sentent oubliés par le reste du monde, ils ont déjà enduré des souffrances indicibles".
        Le sénateur démocrate Edward Kennedy a également pris la parole lors de cette réunion, il a exprimé sa détermination à venir en aide au peuple kurde: "Le Congrès a ignoré cette tragédie pendant trop longtemps. La réunion d'aujourd'hui constitue un pas important dans la prise de conscience du Congrès et du peuple américain de la Crise Kurde".
        La réaction d'Ankara à ces deux événements a été telle que le Procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a engagé des poursuites contre les huit députés. Quant au Parti populiste social-démocratique (SHP), il a entamé, le 17 octobre dernier, une action disciplinaire dans le but d'expulser de ses rangs les sept députés qui ont participé à la Conférence de Paris. Le leader du SHP, Erdal Inönü, a déclaré que les députés n'avaient pas informé les instances du parti de leur participation à cette conférence.
        L'action disciplinaire a causé des remous au sein du parti de l'opposition déjà miné par des factions rivales. Les sept députés SHP, Mehmet Ali Eren, Kenan Sönmez, Ismail Hakki Önal, Ahmet Türk, Adnan Ekmen, Salih Sümer et Mahmut Alniak ont déclaré, pour leur défense, qu'ils n'avaient pas l'intention d'offenser la direction du parti. Ils ont argué que de nombreux politiciens en vue ainsi que des intellectuels mondialement connus participaient à cette conférence.
        Ils ont également souligné que l'Internationale Socialiste, dont le SHP fait partie, a également envoyé des représentants à cette conférence.

CONTROVERSE SUR LA QUESTION ARMENIENNE

        Le Comité judiciaire du Sénat des Etats-Unis a avalisé, le 16 octobre dernier le texte dit le "projet de loi arménien" qui institue le 24 avril comme jour commémoratif du génocide des Arméniens commis par le régime ottoman durant la première guerre mondiale. La tentative du sénateur démocrate Howard, M. Metzenbaum de changer la formulation du projet de loi et d'ainsi faire disparaître la référence au génocide a été rejetée par huit voix contre six.
        En guise de représailles, le gouvernement turc a arrêté une série de mesures y compris l'érection à Ankara d'un monument à la mémoire des Indiens américains.
        Mesut Yilmaz, ministre turc des Affaires étrangères, a déclaré que "Si le Sénat américain s'engage dans la mauvaise voie déjà empruntée par le comité judiciaire, la Turquie se verra obligée de réagir activement".
        Selon des sources proches au ministère des affaires étrangères, Ankara considère l'Accord de coopération militaire et économique (DECA) comme sa carte maîtresse pour influencer Washington. En effet, c'est ce dernier qui régit les installations et les bases militaires américaines en Turquie. Le DECA arrivera à expiration en automne 1990. Ankara demandera à Washington la signature d'un traité qui remplacera le DECA et qui requérira l'approbation du Congrès américain.
        Le ministère des affaires étrangères projette d'insérer dans le texte de ce traité une clause stipulant que les Etats parties ne peuvent pas adopter des mesures ou des résolutions nuisant à l'honneur et aux intérêts nationaux  des Etats signataires.
        Bien que l'administration Bush ait déjà exprimé son opposition au projet de loi du Sénateur Doll, Ankara estime que la Maison Blanche n'a pas été suffisamment active dans ses tentatives de bloquer le projet de loi au Congrès.

LES ARMENIENS EN UNION SOVIETIQUE

        En Arménie Soviétique, l'Assemblée législative locale a décidé d'instituer un comité ad hoc afin de récuser la validité de la frontière turco-soviétique. L'étude entreprise par ce comité pourrait mener à des revendications territoriales de l'Arménie Soviétique sur la Turquie.
        Selon des rapports envoyés par Yérévan, capitale de l'Arménie Soviétique, à Ankara, cette décision a été prise durant la dernière semaine du mois de septembre 1989. Elle précise que le comité étudiera le traité de Moscou du 16 mars 1921 qui délimite les frontières turco-soviétiques actuelles. Cette convention avait été signée peu de temps après que les Soviétiques aient consolidé leur pouvoir en Arménie, déjouant ainsi les tentatives des nationalistes arméniens de fonder une République indépendante.
        L'année dernière, l'Arménie avait déjà contesté l'Accord de Moscou, lors des incidents qui avaient eu lieu dans le district de Nagorna Karabagh qui est administré par la République soviétique de l'Azerbaïjan.

LE CONFLIT TURCO-BULGARE

        Alors que le nombre de Turcs déçus par la Turquie et rentrant en Bulgarie atteignait les 50.000, le gouvernement turc a accepté de participer à une réunion qui se tiendra au niveau des ministres des affaires étrangères et ce, dans le but de sortir les relations turco-bulgares de l'impasse dans laquelle elles se sont engagées.
        En premier lieu, la Turquie est revenue sur sa décision de ne pas participer à la réunion sur l'environnement de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) qui a eu lieu à Sofia. La Turquie y a envoyé une délégation caractérisée par l'absence de membres de haut niveau. Après ce geste d'Ankara, Sofia a annoncé qu'elle était prête à participer à une rencontre ministérielle bilatérale. Cette dernière a eu lieu le 30 octobre dernier à Koweit, grâce aux efforts conjugués du Sheikh Jabir al Ahmad al-Jabir as-Sabah de Koweit qu'il a déployés à Ankara et à Sofia durant les derniers mois.
        Malgré qu'on se soit mis d'accord pour que la rencontre se tienne au niveau ministériel, le ton a rapidement monté entre les deux délégations qui ont tenu un langage très peu diplomatique. Ainsi, le chef de la délégation turque a déclaré: "Le fait que la réunion sur l'environnement organisée dans le cadre de la CSCE ait eu lieu à Sofia jette une ombre sur l'histoire du processus de coopération en Europe. En effet, il s'agit de la capitale d'un Etat qui ne respecte en rien ses obligations vis-à-vis de la Conférence".
        En réaction à ces critiques, M. Radarkov, chef de la délégation bulgare, a rappelée que les Etats balkaniques subissent le joug ottoman depuis des siècles. Il a poursuivi en ces termes: "La Turquie est l'un des Etats qui violent le plus fréquemment les droits de l'homme. Je pense aux Kurdes de Turquie. C'est un tel pays qui se fait le champion des droits de l'homme".

MONOPOLES SUR LA PRESSE TURQUE

        Les forces démocratiques de Turquie inquiètent de ce que la presse turque risque d'être monopolisée par des groupes financiers. Ce phénomène de monopolisation est clairement apparu au public lorsque l'homme d'affaires turco-chypriote Asil Nadir, également propriétaire du Groupe Polly Peck Plc en Grande Bretagne, a d'abord acheté le quotidien Günaydin  ainsi que le Groupe Veb Ofset. Il possède donc les quotidiens Tan, Ulus, Sakarya  et Yeni Meram.  Ensuite, l'homme d'affaire a visé le Gun Holding, éditeur du Journal quotidien Günes.
        La presse et les éditeurs sont de plus en plus inquiets devant ses tentatives de monopolisation, inquiétude qui n'a fait que croître lorsque Nadir a acheté, cette année, la maison d'édition Gelisim.  Il est ainsi devenu propriétaire des magazines hebdomadaires et mensuels suivants: Nokta, Ekonomik Panorama, Gelisim Spor, Bando, Ev Kadini, Kadinca, Erkekçe, Marie-Claire, Mimarlik, Turist-Pasaport, Hibir et des Series-Blanches (Beyaz Dizi) qui consistent en des livres du même cru que ceux écrits par Barbara Cartland.
        On estime que dans le secteur de la presse en Turquie et à Chypre, Nadir "pèse" 2O0 millions de dollars.
        Le Groupe Asil Nadir a récemment obtenu le privilège d'imprimer l'annuaire des pages jaunes turc.
        L'expansion du contrôle exercé par Asil Nadir sur la presse turque a été, en grande partie, favorisée par le premier ministre Özal ainsi que par le général Kenan Evren.
        Le beau-fils du général Evren, Erkan Gürvit, a été engagé récemment par le Groupe de presse d'Asil Nadir en tant que premier conseiller pour la Turquie. Gürvit était une des figures de proue du Service de renseignement national (MIT) et s'est trouvé mêlé à de nombreux complots menés par cette organisation et ce, jusqu'à son récent départ.
        D'autre part, le président de l'Association des Journalistes de Turquie, Nezih Demirkent, travaille également comme conseiller du Groupe Asil Nadir.
        L'expansion d'Asil Nadir ne se limite pas à la Turquie et à Chypre mais s'étend à la prise de contrôle de grosses compagnies à travers le monde.
        La Polly Peck Plc a récemment acquis le célèbre producteur de fruits frais et de légumes Del Monte pour la somme de 875 millions de dollars. Il a conclu un accord au Japon pour acheter Sansui.
        Le Sunday Telegraph  rapporte que Asil Nadir est actuellement en pourparlers avec le groupe de presse britannique Lonrho en vue d'acquérir The Observer.
        Selon le quotidien Cumhuriyet  du 9 octobre 1989, les trois principaux groupes de presse détiennent actuellement 76,5% de la circulation des quotidiens en Turquie.

Groupe de presse
Asil Nadir
Sabah
Hürriyet
Indépendants

Journaux
4
4

Circulation
968.000
815.000
530.000
760.000

Pourcentage
32,0
27,0
17,5
23,5

        Les trois groupes de presse contrôlent aussi tous les hebdomadaires:

Groupe de presse
Asil Nadir
Hürriyet
Sabah

Hebdomadaires
6
2

Circulation
340.000
190.000
51.000

        Une étude menée récemment par l'Association de la Recherche sur les Communication (ILAD) ainsi que par la Fondation turque de recherches sociale, économique et politique (TUSES) est arrivée à la conclusion que l'Etat doit jouer un rôle primordial dans la limitation de telles manœuvres qui mènent au monopole de la presse, de la même façon que dans les autres secteurs industriels.
        Le rapport constate que l'Etat n'a pas toujours agi dans l'optique du maintien de l'indépendance des groupes de publication. Ce qui a contribué, en Turquie, à permettre la progression des monopoles sur la presse.
        L'étude poursuit en notant qu'en Turquie, c'est l'Etat qui fixe le prix du papier et que depuis 1980, la presse ne jouit plus de rabais comme c'était le cas avant le coup d'Etat. Selon ce rapport, la hausse des prix augmente le coût des publications et les journaux qui ne peuvent pas faire face à des coûts de production plus élevés sont vulnérables et susceptibles d'être rachetés par des groupes plus importants.

PERSECUTION DES MEDIAS

        Le 5.10, à Karadeniz Ereglisi, un photographe de presse du journal Inanis  a été arrêté pour avoir pris des photos d'une classe du Lycée Anadolu sans avoir préalablement obtenu l'autorisation du directeur de l'école. Gunay Ciftci sera traduit devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir violé la liberté de l'éducation.
        Le 8.10, Erdogan Yasar Kopan, éditeur responsable du mensuel Yeni Cozum  a été condamné à 18 mois de prison pour avoir publié un article prônant des actes considérés comme des "crimes" par la loi. Plus tard, la sentence a été commuée en une amende de 2 millions de Livres Turques (près de 1.000 dollars).
        Le 10.10, à Istanbul, le numéro d'octobre du mensuel Eylul  a été saisi sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat pour propagande communiste.
        Le 15.10, l'éditeur responsable du magazine hebdomadaire humoristique Girgir  a été mis en accusation à Istanbul pour avoir couvert les grèves de la faim dans les prisons. Suleyman Yildiz est passible d'une peine de prison allant jusqu'à six ans.
        Le 20.10, sept étudiants d'une école professionnelle de Diyarbakir ont été déportés à Ankara pour ne pas avoir assisté à certaines des cérémonies religieuses organisées par la direction de l'école.
        Le 22.10, à Samsun, cinq étudiants ont été mis en état d'arrestation alors qu'ils visionnaient chez eux, le film de Yilmaz Guney qui a obtenu la Palme d'Or à Cannes: Yol et qui est interdit en Turquie.
        Le 24.10, la Commission de contrôle du Ministère de la Culture a déclaré deux musi-cassettes "nuisibles à la loi, à l'ordre et à l'intérêt public". Il s'agit des cassettes du Groupe Yorum et du chanteur folklorique Emekci, intitulées respectivement Gun Ola et Yikilasi Istanbul.
        Le 25.10, la revue hebdomadaire 2000e Dogru  a été saisie pour avoir publié une interview du Secrétaire Général du PKK, Abdullah Ocalan. De plus, le procureur de la République a entamé des poursuites légales contre le rédacteur en chef de l'hebdomadaire, Dogu Perincek, auteur de l'interview.
        Le 27.10, le gouverneur d'Istanbul a interdit deux concerts de Zülfü Livaneli sous prétexte que le public qui allait y assister était susceptible de crier des slogans. De même, le Gouverneur d'Ankara a interdit un concert d'Ahmet Kaya, estimant qu'il pourrait inciter les étudiants des universités de la capitale à manifester.

UN ETUDIANT ABATTU PAR LA POLICE

        Le 12 octobre dernier, à l'Université Hacettepe d'Ankara, la police a blessé Murat Erdogan d'une balle dans le cou alors qu'il attendait le bus, sans avoir fait aucune sommation préalable. Il est resté blessé sur le sol pendant trois heures avant d'être emmené à l'hôpital pour y être soigné.
        Trente étudiants d'Istanbul ont organisé le 18 octobre dernier, une grève de la faim dans le but de dénoncer ce crime ainsi que l'emprisonnement de douzaines d'étudiants à Ankara.
        Selon les grévistes, les attaques directes menées par la police contre les étudiants ont commencé pendant l'année académique 1988-1989 avec l'ouverture du feu par un policier sur le campus de l'Université Yildiz d'Istanbul dans le but de décourager des étudiants qui se préparaient à manifester. Les grévistes expliquent que maintenant la police poursuivent les étudiants à tout moment et ce, n'importe où.

ARRESTATIONS ET PROCES

        Le 4.10, le procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Izmir a entamé des poursuites légales contre six membres présumés du Parti communiste unifié de Turquie (TBKP). Chacun d'eux risque une peine de prison allant jusqu'à 10 ans.
        Le 5.10, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a condamné huit membres de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol) à une peine allant jusqu'à 36 ans de prison.
        Le 6/10, à Istanbul, cinq membres allégués de l'Union des Communistes Révolutionnaires de Turquie (TIKB) ont été arrêtés par la police.
        Le 9.10, à Istanbul, la police a arrêté 69 personnes pour s'être livrées à une manifestation politique lors d'une soirée donnée en l'honneur de l'anniversaire de la fondation de l'organisation de la jeunesse révolutionnaire (DEV-GENC). Parmi les détenus, on retrouve les neuf membres du groupe musical Yorum qui avaient été relâchés récemment après une détention de 63 jours à Mersin. Les musiciens ont annoncé qu'ils ont été torturés par la police et ont entamé une grève de la faim.
        Le 10.10, à Istanbul, la police a envahi les bureaux des trois avocats de la défense des dirigeants du TBKP et a procédé à la saisie de documents relatifs à des procès politiques.
        Le 17.10, le procureur de la République d'Izmir a annoncé l'arrestation de 25 membres présumés de la Voie Révolutionnaire (Dev-Yol).
        Le 19.10, le procès de onze femmes accusées d'avoir participé à une manifestation non-autorisée contre les mauvais traitements infligés aux prisonniers, a commencé devant une Cour Criminelle d'Istanbul.

220.000 REFUGIES TURCS EN EUROPE

        Selon le numéro du 17 octobre 1989 du quotidien Milliyet,  le nombre de citoyens turcs ayant demandé l'asile politique à un pays de l'Europe de l'Ouest depuis le coup d'Etat de 1980 se monte désormais à 220.000. On compte 129.987 en RFA, 33.366 en Suisse et 24.670 en France.
        Rien que ces huit derniers mois, 32.689 citoyens turcs ont demandé l'asile politique en Europe occidentale. Leur nombre est estimé à 90.000 rien que pour ces trois dernières années.

SUICIDE D'UNE REFUGIE KURDE

        Récemment, les mesures prises par le gouvernement anglais et destinées à freiner l'afflux de réfugiés en provenance de Turquie, ont causé le suicide d'un réfugié kurde.
        Un groupe de réfugiés kurdes qui était arrivé en Grande Bretagne il y a cinq mois avait reçu l'ordre de quitter le pays et plusieurs d'entre eux avaient été incarcérés dans des cellules à l'aéroport d'Heathrow.
        En guise de protestation contre cette décision, deux des détenus, Siho Iyiguven et Dogan Aslan se sont immolés par le feu le 7 septembre dernier. Aslan a pu être sauvé, tandis que Iyiguven décédait quelques jours plus tard.
        Sur ce, près de 80 réfugiés kurdes, également maintenus en détention, ont entamé une grève de la faim dans leur cellule. Ce 28 octobre, près de 3.000 personnes ont participé à une marche de protestation contre l'expulsion des Kurdes de Grande Bretagne.
        Une délégation, composée de leurs représentants, a déposé une couronne mortuaire devant le 10, Downing Street, la résidence du premier ministre Mme Thatcher.

LA MISSION EUROPEENNE EN TURQUIE

        Depuis le 27 janvier 1987, date à laquelle la Turquie a reconnu la juridiction de la Commission européenne des Droits de l'Homme, 250 personnes se sont adressées à elle pour que justice soit faite. Seulement 46 de ces requêtes ont été déclarées recevables alors que les autres ont été déclarées irrecevable car non adressées conformément à la Convention.
        Parmi les demandes agréées, on trouve celle de deux dirigeants du Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP). Nabi Yagci et Nihat Sargin sont maintenus en détention depuis novembre 1987. Ils avaient été arrêtés à leur retour volontaire d'exil et se sont adressés à la Commission européenne des Droits de l'Homme parce que leur action légale contre les policiers qui les ont torturé alors qu'ils étaient en détention préventive, n'a jamais donné aucun résultat.
        Trois juges venant respectivement de Grande-Bretagne, de Suisse et du Luxembourg, se sont rendus à Ankara pour recueillir les témoignages des personnes impliqués dans cette affaire.
        Le 18 octobre dernier, Nusret Demiral, le premier procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a refusé de répondre aux questions des membres de la Commission. Il a déclaré qu'il préférait démissionner de son poste plutôt que de témoigner devant des juges étrangers.

UN DIRIGEANT IMMIGRE CRITIQUE LE TBKP

        L'ingérence du Parti Communiste unifié de Turquie (TBKP) dans les organisations d'émigrants turcs a été critiquée par M. Hasan Ozcan, président de la GDF (Fédération des organisations d'émigrants turcs en RFA).
        Après avoir démissionné de son poste, Ozcan a publié un communiqué dans lequel il accuse les leaders du TBKP d'avoir utilisé la fédération à des fins politiques.
        Auparavant, Ozcan a été président de la FIDEF, une organisation d'émigrants proche du parti communiste de Turquie (TKP). Selon Ozcan, après la fusion de ce parti avec le Parti Ouvrier de Turquie (TIP), les dirigeants de la nouvelle formation (le TBKP) ont obligé la FIDEF de fusionner avec la DIBAF (Union pour la démocratie), une autre organisation proche du TIP. Sous la pression ainsi exercée, la FIDEF et la DIBAF se sont dissoutes pour former une nouvelle organisation: la GDF.
        Ozcan a accusé les leaders du TBKP de ne pas avoir respecté le pluralisme et le fonctionnement démocratique au sein d'une organisation d'émigrés. Il a déclaré: "Je ne ferai plus jamais partie d'une Association privée du pluralisme et du fonctionnement démocratique et je ne soutiendrai jamais de telles actions".
        Il a également dit qu'il était honteux de ne pas avoir réagi plus promptement contre les ingérences politiques dans l'organisation qu'il dirigeait.

13 SYNDICALISTES INCULPES

        Le président du Syndicat des Travailleurs sur bois (AGAC-IS), Mehmet Öztürk, ainsi que 12 membres dirigeants de cette organisation ont été mis en accusation, le 6 octobre dernier, pour avoir inciter 200 travailleurs à participer à des actions non-autorisées pendant une grève à la menuiserie d'Etat de Demirkoy, qui a pris fin récemment. Tous les syndicalistes risquent de lourdes peines de prison.

UN PAYSAN KURDE TORTURE

        Le numéro du 23 octobre 1989 du quotidien Hürriyet  rapporte qu'un paysan kurde, Ismail Keskin, a été torturé au Quartier Général de l'Armée à Hakkari pour avoir refusé de faire partie des Protecteurs de Village. Il s'agit d'une force spéciale mise sur pied pour lutter contre les guérillas du PKK. Keskin a été soigné à l'Hôpital d'Etat de Hakkari.

UN DIPLOMATE SAOUDIEN BLESSE

        Le 16 octobre dernier, un attentat à la bombe dirigé contre le bureau de l'attaché militaire d'Arabe Saoudite à Ankara a blessé un diplomate saoudien. Abdurrahman Al Shrawi a été très sérieusement atteint sans qu'il n'y ait le moindre indice pour identifier les auteurs. On a émis l'hypothèse que la bombe ait été posée par une organisation terroriste soutenue par l'Iran et on a plus particulièrement envisagé l'organisation du Jihad Islamique.
        Le procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara, Ulku Coskun, a déclaré: "Il se peut que les instigateurs de cet attentat soient des membres de services secrets ou d'organisations hostiles à l'Arabie Saoudite". Il a rappelé l'assassinat de Abdulgani Badawi, membre des services diplomatiques saoudiens à Ankara, abattu devant son domicile en 1988 et dont les meurtriers n'ont toujours pas été arrêtés.

HAUSSE DE LA PROSTITUTION

        Lors d'une réunion qui s'est tenue à Sinop le 9 octobre dernier, l'ancien ministre de la Justice, M. Sevket Kazan, a constaté que le nombre de femmes se livrant à la prostitution pour gagner leur vie se monte à un million.
        Selon le quotidien Milliyet  du 8 octobre 1989, une étude réalisée par l'Université Egéenne estime leur nombre à 338.000. A Istanbul, au moins 20.000 femmes travaillent comme "call-girl", 76,9% d'entre elles ont choisi la prostitution comme profession pour des raisons économiques.
Le Ministère de l'Intérieur a annoncé que 35.800 prostituées détiennent une licence officielle leur permettant d'exercer leur profession.

CONTROVERSE SUR L'ISLAM EN EUROPE

        Alors qu'une contreverse se développait en France sur la question de savoir si oui ou non les jeunes musulmanes peuvent porter le tchador en classe, la Belgique, elle aussi, s'est trouvée confrontée à un double défi que lui lance la communauté musulmane du pays.
        Ainsi, au début de l'année académique, le Centre Islamique et Culturel (CIC) a annoncé l'ouverture de la première école primaire islamique au pays et a prié les autorités belges de reconnaître et de subsidier cette école.
        En vertu de la législation belge, toutes les communautés religieuses ont le droit d'ouvrir leurs propres écoles et d'obtenir des subventions de l'Etat pour les financier. Actuellement, les communautés catholique, protestante et juive disposent de leurs écoles et ce parallèlement aux écoles laïques des municipalités.
        Toutefois, l'initiative du CIC a causé une controverse et l'opinion publique belge est divisée sur la question. Certains leaders politiques se sont prononcés contre une école islamique qui serait fondée par le CIC, estimant que ce centre n'est pas une institution indépendante et démocratique des musulmans de Belgique mais bien un cheval de Troie envoyé par le régime saoudien réactionnaire.
        En fait, le CIC a été crée par la Ligue Islamique Mondiale (Rabitat-ul-Alem-ul-Islam) dans le but de véhiculer une version fondamentaliste de l'éducation islamique en Belgique. Ce centre n'est pas administré par un corps élu par les musulmans de Belgique mais par un groupe désigné et payé par le régime saoudien.
        Info-Türk a déjà publié deux rapports au sujet de l'influence du régime saoudien sur la Turquie ainsi que sur l'immigration turque: l'un en anglais: Extreme-Right in Turkey et l'autre en français: Intégrisme Islamique et l'Immigration.
        Cependant, certaines organisations démocratiques estiment qu'une école islamique indépendamment de la personne qui se trouve derrière, devrait être reconnue et subventionnée comme toutes les autres écoles religieuses et ce en conformité à la liberté confessionnelle. Elles ont également critiqué les autorités belges de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour autoriser les musulmans de Belgique à mettre sur pied leur propre corps clérical autonome et pour avoir reconnu jusqu'à maintenant le CIC comme la seule autorité en matière de nomination des professeurs de religion islamique dans les écoles belges fréquentées par des enfants musulmans.
        Deux communes de Bruxelles ont fait disparaître les leçons de religion islamique des programmes scolaires. Dans le cas de la municipalité de Schaerbeek, cette décision est l'illustration de sa politique xénophobe et raciste. Quant à St-Gilles, son bourgemestre, Charles Picqué, justifie cette disparition par la nécessité de lutter contre l'ingérence de l'Arabie Saoudite dans la communauté musulmane de Belgique.         La controverse au sujet de l'Islam a pris une nouvelle dimension à la fin du mois d'octobre 1989 lorsque des jeunes musulmanes se sont rendues voilées à l'école. L'opinion publique belge s'est à nouveau trouvée divisée. Alors que certains leaders politiques étaient partisans de les forcer à se découvrir dans les locaux de l'école, d'autres répliquaient qu'une telle attitude serait en totale contradiction avec les libertés individuelles.
        Quant au CIC, l'imam dirigeant a aussitôt déclaré que le fait d'avoir la tête couverte est une condition préalable à l'éducation des écolières.
        Toutefois, les partisans du voile constituent une minorité au sein de la communauté islamique de Belgique. il semble que la situation se complique à cause de la position extrémiste du CIC d'une part, et de l'attitude provocatrice des milieux xénophobes qui exploitent cet incident pour dresser les chrétiens de Belgique contre les immigrants musulmans.

ACTES RACISTES ET XENOPHOBES

        Ces six derniers mois, le nombre des actes racistes et xénophobes a considérablement augmenté et ce parallèlement à la résurgence de l'Extrême-Droite lors des dernières élections législatives allemandes.
        Le 2.4, à Hambourg, des personnes inconnues ont saccagé  un magasin turc et ont blessé une personne.
        Le 3.4, dans une discothèque de Landshut (RFA), un jeune Allemand a agressé cinq étrangers dont un Turc.
        Le 4.4, à Nijmegen (Hollande), une mosquée turque a été attaquée par un groupement raciste. Les dégâts matériels sont évalués à 50.000 florins.
        Le 17.4, à Hambourg, des groupements racistes ont distribué des tracts sur lesquels on pouvait lire: "Allemands, éveillez-vous et agissez! Chaque Allemand qui aura éliminé un Turc, sera récompensé!".
        Le 20.4, Deux milles travailleurs immigrés de l'usine Volkswagen de Kassel (RFA) se sont insurgés contre les humiliations que l'administration allemande leur fait subir.
        Le 21.4, à Berlin-Ouest, des groupements racistes ont attaqué un cimetière turc et ont détruit 38 tombes. De plus, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance d'Hitler, ils ont distribué des tracts dans les quartiers à forte population turque. On pouvait lire: "Hitler est vivant. L'Allemagne aux Allemands".
        Le 25.4, à Berlin-Ouest, un groupe de Skinheads a assailli des jeunes Turcs. Le même jour, à Neumünster, 20 adolescents turcs ont été attaqués par un groupe de 100 racistes.
        Le 27.4, à Hambourg, un café turc a été incendié par des inconnues. Un couple de Turcs a été blessé lors de l'incendie.
        Le 28.4, des groupements racistes ont mis le feu à un supermarché turc à Hambourg et à un magasin turc à Francfort qui avait déjà fait récemment l'objet d'une première attaque.
        Le 7.5, à Berlin-Ouest, un groupe d'immigrants turcs a été attaqué par des Allemands. Un travailleur turc a été blessé lors de l'agression.
        Le 9.5, à Stuttgard, un groupe de Skinheads a attaqué des étrangers qui assistaient à une fête. Deux policiers ont été blessés alors qu'ils essayaient de les arrêter.
        Le 10.5, à Cologne, des Allemands ont assailli une classe de langue et culture turque à la Gemeinsam Grundschule. Ils ont détruit un portrait d'Atatürk et un coran imprimé en allemand. Ils ont également badigeonné les murs d'inscriptions telles que: "Türken, Raus!" et y ont suspendu un portrait d'Hitler.
        Le 14.5, à Berlin-Ouest, un travailleur turc âgé de 24 ans a été battu à mort par un Allemand.
        Le 18.5, à Hambourg, un hôtel habité par des réfugiés politiques a été incendiés par des inconnus. Les membres d'une famille turque ont été gravement blessés.
        Le 26.5, à Berlin-Ouest, l'appartement du boxeur de nationalité turque, Vedat Akova, a été saccagé par des inconnus. Il recevait des appels anonymes depuis un certain temps.
        Le 10.6, à Offenbach (RFA), un immeuble habité par des familles turques a été incendié.
        Le 14.6, à Berlin-Ouest, des Skinheads ont agressé des immigrants après un match de football et ont malmené un adolescent turc.
        Le 29.6, à Cologne, des Skinheads ont assailli une femme turque et ses deux enfants tout en hurlant: "Türken, Raus!"
        Le 30.6, à Essen (RFA), un jeune turc de 16 ans, Kemal Cipiloglu, a été abattu par la police qui le poursuivait après qu'il ait volé une voiture.
        Le 28.7, un prisonnier turc, Ibrahim Bayraktar, a été retrouvé mort dans sa cellule de la prison de la ville de Stradelheim. Il semblait qu'il ait succombé suite à l'interrogatoire que lui a fait subir la police.
        Le 24.8, à Anvers (Belgique), à l'aube, une mosquée turque a été incendiée par des inconnus.
        Le 28.8, à Zurich, une mosquée turque construite il y a 20 ans a été brûlée par des personnes non identifiées.
        Le 29.8, dans la ville de Bergedorf à Hambourg, un groupe de Skinheads a attaqué des Turcs lors d'une fête populaire.
        Le 30.8, à Charvien Chanagneux (France), une mosquée turque a été brûlée alors que des personnes priaient à l'intérieur. Le maire ayant promis de construire une nouvelle mosquée, le Front National de Le Pen excitent la population afin de l'en empêcher.
        Le 1.9, à Herne (RFA), des groupes néo-nazis ont distribué des tracts signés "Groupe SA" appelant les gens à empêcher les écoliers immigrés de se rendre à l'école. Les écoles locales ont été mise sous haute surveillance afin de protéger les écoliers turcs.
        Le 12.9, à Hannover, un groupe d'une cinquantaine de Skinheads a attaqué des immigrants. Deux policiers et six personnes ont été blessés lors de l'affrontement.
        Le 17.9, le quotidien Milliyet rapportant que des Skinheads terrorisaient des familles turques en leur téléphonant et en les menaçant d'extermination si elles ne quittent pas l'Allemagne dans les semaines à venir.
        Le 8.10, à la gare de Wald à Zürich, une dizaine de Skinheads a attaqué un groupe de Turcs. Une femme, Fatma Yavuz, a été blessée ainsi que des adolescents.