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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


169

15e année - N°169
Novembre 1990
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 
L'organisation contre-guérilla: cerveau de la déstabilisation
politique menant à deux coups d'Etat militaires


Le Gladio Turc!

        Après que des révélations concernant le Gladio soient apparues dans la presse européenne, les milieux politiques turcs ont commencé à débattre de l'existence en Turquie d'une force paramilitaire similaire. Certains anciens leaders ont fait des révélations spectaculaires comme s'il s'agissait de la première fois que cette affaire figurait à l'ordre du jour.
        L'existence d'une telle organisation paramilitaire subversive, cerveau de la violence politique et des ultérieurs coups d'Etat militaires de 1970 et 1980, avait été dénoncée à maintes reprises par la presse progressiste turque, mais ces mêmes hommes politiques avaient préféré garder le silence.
        Les lecteurs d'Info-Türk ont été régulièrement informés, depuis 1976, du funeste rôle que joua l'Organisation contre-guérilla dans le processus de déstabilisation de la Turquie et dans la préparation des coups d'Etats:
        "Le Département de Guerre Spéciale,  généralement connu sous le nom d'Organisation contre-guérilla, avait été créé en vertu d'un accord militaire bilatéral, signé en 1959, entre la Turquie et les Etats-Unis. L'objectif apparent de ce département était de mettre sur pied des forces de résistance pour faire face à d'éventuelles révoltes ou agressions étrangères. Mais les directives d'application et d'entraînement montrent que l'organisation pouvait être utilisée pour soumettre les mouvements sociaux internes. Dans le texte, écrit, de plusieurs règlements officiels du Département, on pouvait lire cette définition du mot révolte: 'opposition politique et sociale à l'ordre établi dans le pays.' [U.S. Army Field Manuel 31-16, traduit en turc en 1964 et distribué aux Forces Armées Turques en tant que document classé secret]. Le quartier général du Département de Guerre Spéciale était situé dans le bâtiment de la Mission d'Aide Militaire Américaine, à Ankara. La formation des officiers de ce département était assurée par les Services de Renseignements Américains.
        "Aidés et soutenus par le Département de Guerre Spéciale, les Loups Gris, groupes armés du Parti d'Action Nationaliste (MHP) dirigés par l'ex-colonel Alparslan Türkes,  avaient déjà assassiné 42 personnes de gauche, avant 1971, au cours de la période de 5 ans de pouvoir du Parti de la Justice (AP). Après avoir créé une situation d'instabilité dans le pays à travers la violence politique des Loups Gris, les Forces Armées sont intervenues le 12 mars 1971. C'est au cours des deux ans de répression que l'existence du Département de Guerre Spéciale fut mis en évidence. C'est cette organisation qui se fit responsable de toutes les arrestations et tortures, en collaboration avec les Loups Gris." (Info-Türk, février 1978).
        Lorsqu'à deux reprises le socio-démocrate CHP arriva au pouvoir en 1973 et en 1978, toutes les forces démocratiques de Turquie qui l'avaient soutenu, demandèrent au Premier Ministre, Bülent Ecevit, de dissoudre cette sinistre organisation. Bien qu'au début, Ecevit promit d'agir en conséquence, il ne tint jamais parole et céda à la pression des militaires.
        Actuellement, après avoir constaté que parler d'organisations paramilitaires subversives devient un élément de prestige, Ecevit admet que des indices fiables laissent supposer qu'une force paramilitaire clandestine de l'OTAN a également existé en Turquie. Voici la déclaration qu'Ecevit fit le 13 novembre 1990:
        "Après avoir insisté, moi et le ministre de la défense en fonction, Hasan Esat Isik, avons pu assister à un briefing secret sur le fonctionnement de cette organisation. On nous indiqua que le Département de Guerre Spéciale  était composé de 'patriotes volontaires'. Ils ajoutèrent que son quartier général était situé dans le même bâtiment que la délégation de l'aide militaire américaine à la Turquie. J'y ai également appris que l'organisation avait des dépôts d'armes secrets. Ses membres étaient initiés à des techniques de guerre spéciale. Devant l'invasion du pays par un agresseur, les membres de cette organisation clandestine étaient supposés opposer une guerre de contre-guérilla aux envahisseurs. On m'indiqua que l'organisation était principalement composée de jeunes mais que plus tard, ceux-ci pourraient finalement devenir des hommes politiques.
        "Il s'agissait d'une arme secrète. J'ai pensé que nous devions agir rapidement et adopter des mesures contre l'utilisation de l'organisation. Mais c'était à l'époque de l'opération à Chypre. Rien ne fut entrepris".
        Ecevit expliqua que lorsqu'il reconquit le poste de Premier Ministre en 1978, il aborda l'affaire avec Kenan Evren, chef d'état-major de l'époque. "Je lui ai dit que nous devrions donner au Département de Guerre Spéciale un statut officiel. Evren fit la promesse de s'en charger" précisa-t-il.
        Ecevit indiqua ensuite, qu'en ce temps-là, il associait la violence de la droite avec les activités clandestines du département. Il ajouta qu'alors la Turquie était agitée par de profonds troubles sociaux qui débouchèrent sur la prise de pouvoir des militaires en 1980 sous la direction d'Evren.
        Ecevit rappela aussi qu'à ce moment-là, des groupes armés affiliés au Parti d'Action Nationaliste(MHP), de tendance néo-fasciste, menaient une lutte armée contre des groupes de gauche. Il ajouta qu'au cours de sa tournée dans le pays, le cortège de son parti avait été victime de plusieurs attentats: "Dans une petite ville, j'ai maintenu une discussion à propos du Département de Guerre Spéciale  et des soupçons que j'avais de ses activités avec un général de l'armée dont je connaissais le lien direct avec le département.
        "J'ai manifesté mon inquiétude au général. Il me répondit que les personnes qui participaient aux activités de l'organisation étaient bienveillantes. Ils aiment leur pays, dit-il. Lorsque j'ai objecté que des organisations violentes et affiliées au MHP pourraient aussi s'intégrer dans cette organisation clandestine, il me répondit que le chef du MHP (dans la ville où nous avons été attaqués) était également un patriote et un homme bienveillant. Sans le savoir, il avait admis que le chef du MHP de la ville où nous nous trouvions à ce moment-là, était également membre du Département de Guerre Spéciale."
        Cependant, c'est Ecevit lui-même qui, en 1978, alors qu'il était Premier Ministre, nia l'existence de la Contre-Guérilla.
        Faisons un petit rappel  de la publication de février 1978 du Bulletin Info-Türk:
        "Récemment, le sénateur du CHP, Niyazi Unsal et le député, Süleyman Genç, attiraient l'attention sur l'Organisation Contre-Guérilla au sein des Forces Armées Turques. Ils soutenaient que l'organisation avait fourni des armes à des groupes terroristes comme les Loups Gris et les avait incités à l'action.
        "En réalité, depuis les dernières élections générales (1977), Ecevit semble oublier ses déclarations précédentes et n'a fait la moindre allusion dans son programme gouvernemental aux activités clandestines de l'Organisation Contre-Guérilla.
        "Après que la controverse sur ce sujet ait été soulevée, Ecevit était bien obligé d'en parler, mais, au lieu d'insister sur ses anciennes revendications, il demanda de clore le débat.
        "Le 4 février 1978, au cours d'une conférence de presse, Ecevit nia l'existence d'une organisation contre-guérilla et affirma que ses précédentes allégations n'étaient pas des déclarations précises mais des suppositions. 'D'après mes investigations, il n'y a aucune organisation contre-guérilla officielle établie dans notre Etat. Nous devons tous éprouver du respect pour les Forces Armées Turques et les aider à concrétiser leur désir de demeurer en dehors de la politiques,' conclut-il."            Info-Türk de février 1978 termine son article par la mise en garde suivante:
        "Cependant, à moins que le gouvernement ne dissolve cette infâme organisation qui s'abrite au sein des Forces Armées, elle continuera à provoquer des incidents sanglants et essayera même de renverser le gouvernement si cela s'avère nécessaire."
        En septembre 1980, 30 mois après la parution de cet article, le général Evren renversa le gouvernement parlementaire et prit le pouvoir sous prétexte que la violence politique avait atteint des limites incontrôlables. C'était encore une fois l'Organisation Contre-Guérilla qui avait planifié et fomenté la violence politique, fournissant ainsi un prétexte pour ce nouveau coup d'Etat militaire.
        Pour ce qui est des assassinats politiques de bien des personnalités publiques, telles que des journalistes, des écrivains, des professeurs d'université, des leaders syndicalistes, les auteurs de ces crimes provocateurs n'ont jamais été identifiés.
        L'arrestation de Mehmet Ali Agca, l'activiste d'extrême droite qui abattit le célèbre journaliste Abdi Ipekci en 1978, constitua une exception. Mais quelques mois plus tard, grâce à des complices à l'intérieur des Forces Armées, cet assassin notoire réussit à s'évader d'une maison de détention militaire qui était extrêmement bien gardée. C'est ce même Agca qui allait tirer sur le Pape le 13 mai 1981.
        Les complices de ce crime commis dans le pays du "Gladio" par un Loup Gris, bénéficiant de la protection du "Gladio turc" sont toujours demeurés dans l'ombre et ce en dépit des nombreux jugements publics qui ont eu lieu à Rome.

LES MANŒUVRES DIPLOMATIQUES D'ÖZAL

        Dans une nouvelle manœuvre pour renforcer sa conduite directe des relations extérieures de la Turquie, le président Özal a placé, le 28 octobre dernier, son cousin Hüsnü Dogan, à la tête du Ministère de la Défense. L'ancien ministre, Safa Giray, avait démissionné de ce poste prétextant un manque de confiance au sein du gouvernement.
        Auparavant, le ministre des affaires extérieures, Ali Bozer, avait également démissionné en signe de protestation pour avoir été tenu à l'écart dans la conduite des relations extérieures du pays. Il fut remplacé par Ahmet Kurtcebe Alptemocin, un des béni-oui-oui d'Özal.
        Outre ses relations familiales avec le président, Hüsnü Dogan est connu pour être une figure appartenant à l'aile fondamentaliste du Parti de la Mère Patrie (ANAP).
        Le 23 octobre, alors qu'il s'adressait à la 9ème Table Ronde du Commerce International, une association d'investisseurs étrangers en Turquie, le président Özal déclara que si la crise du Golfe devait menacer la stabilité mondiale, la guerre serait inévitable.
        Le 7 novembre, dans une démarche visant à obtenir l'appui d'Ankara à une éventuelle opération miliaire des Etats-Unis, le Secrétaire d'Etat américain, James Baker, s'est rendu en Turquie et s'est entretenu avec des dirigeants turcs à Ankara.
        Arrivé en Turquie en provenance du Caire après une tournée dans plusieurs pays arabes et européens, Baker s'est lamenté de ce que les sanctions économiques des Nations-Unies n'avaient pas les résultats attendus. Il mit l'accent sur la nécessité de nouvelles mesures. Des sources du Ministère des Affaires Extérieures turc ont affirmé que la Turquie avait donné à Baker l'assurance de son soutien aux Nations Unies si Washington déposait un projet de résolution appelant à l'utilisation de la force contre l'Irak.
        Dans une autre démarche, juste après la visite de Baker, le président Bush a envoyé en Turquie le chef de la CIA, William H. Webster. Au cour de son séjour de 24 heures, Webster s'est d'abord entretenu avec le Premier Ministre, le Ministre de la Défense et le Ministre des Affaires Extérieures. Ses entretiens du 8 novembre avec le Président Özal et les officiers de l'Organisation de Renseignements Turque, furent les plus importants.
        Il s'agissait de la deuxième visite du n° 1 de la CIA en Turquie. La première visite au sommet avait été réalisée par William Casey, chef de la CIA en ce temps-là, en 1982, avant le référendum constitutionnel.
        Le premier ministre Akbulut déclara que parmi d'autres thèmes, le chef de la CIA avait abordé la crise du Golfe. L'ambassadeur des Etats-Unis, Morton Abramowitz, dit que les entretiens de Webster avaient tourné autour de "faits connus de tous", et que ceux-ci couvraient également les récents événements survenus en Union Soviétique.
        Selon la presse turque, au cours de ces deux visites au sommet, les Etats-Unis ont insisté auprès d'Özal pour qu'il s'informe des intentions iraniennes.
        Lors de sa visite à Téhéran, le 12 novembre, Özal resta sept heures avec le président iranien, Hashemi Rafsanjani. C'était le plus long entretien qu'Özal ait maintenu avec un chef d'Etat depuis le début de la crise du Golfe.
        "Nous n'avons que des légères divergences d'opinion. Aussi bien l'Iran que la Turquie ont des intérêts vitaux dans la région. Nous avons mis l'accent sur l'importance de maintenir aussi bien l'indépendance du Koweit que l'intégrité territoriale de l'Irak", telles étaient les paroles d'Özal après avoir quitté Téhéran pour assister au couronnement de l'Empereur du Japon, Akihito.
        A Tokyo, Özal déclara que la stabilité régionale au Moyen-Orient dépendait d'une coopération entre la Turquie, l'Iran, la Syrie, le Pakistan et même de l'Irak, plutôt que d'une opération militaire. Cependant, il n'écartait pas totalement la possibilité d'une confrontation armée si l'embargo économique imposé par les Nations Unies ne donnait pas les résultats espérés.
        Au cours des rencontres avec plusieurs chefs d'Etat à Tokyo, Özal expliqua clairement que l'administration turque était opposée à la création d'un Etat kurde indépendant au nord de l'Irak. "La Turquie, pas plus que la Syrie et l'Iran, n'autoriseraient la fondation d'un Etat kurde au Moyen-Orient. Nous avons reçu des garanties des chefs d'Etat de l'Iran et de la Syrie allant dans ce sens", ajouta-t-il.
        Le 22 octobre, Manfred Wörner, Secrétaire Général de l'OTAN, alors qu'il assistait à un séminaire à Alanya sur les effets que les changements dans les relations entre l'est et l'ouest de l'Europe ont sur la sécurité et la défense communes de l'OTAN et de la Turquie, déclara ceci au journalistes turcs: "Une fois résolue l'actuelle crise du Moyen-Orient, la Turquie récupérera son rôle non seulement en termes militaires et stratégiques mais également dans les cercles politiques. La Turquie ne devrait pas seulement se tourner vers l'OTAN et l'Europe pour y jouer un rôle. Elle doit assumer une importante fonction dans un éventuel dispositif de défense régional visant à sauvegarder la paix et la stabilité au Moyen-Orient. Aucun progrès ne serait possible dans une telle structure régionale sans le concours de la Turquie".
        D'autre part, le 3 novembre, Özal annonça que des armes pour une valeur située entre 8 et 9 milliards de dollars, provenant des Etats-Unis et de l'Allemagne, seraient livrées à la Turquie. Özal fit cette énumération des armes: 400 Léopard et 600 chars d'assaut A-60, des avions de combat F4-E, des hélicoptères Cobra, des avions de patrouille navale, des fusées Patriot, 700 véhicules de transport de troupes blindés, des missiles Ronald et des pièces d'artillerie. "Si nous devions acheter ceci avec de l'argent, nous en aurions eu pour 8 ou 9 milliards", dit-il.
        Pour ce qui est de l'aide accordée par la Communauté Européenne aux pays les plus touchés par la crise du Golfe —la Turquie, l'Egypte et la Jordanie— après la réunion des leaders de la CE à Rome, il fut annoncé le 27 octobre que cette aide ne se matérialiserait pas avant 1991.
        Le 9 novembre, au cours de la réunion de la commission mixte Turquie-CE, le co-président européen du comité, Alman Metten, déclara: "Le Parlement Européen ne concédera pas d'aide financière à la Turquie pour les pertes encourues à cause de la crise du Golfe à moins qu'elle ne montre une amélioration dans le respect des droits de l'homme".

PROLONGEMENT DE L'ETAT D'URGENCE

        Le 1er novembre, le Conseil de Sécurité Nationale a décidé de prolonger l'état d'urgence dans dix provinces du sud-est habitées par des Kurdes, et ce pour une période de 4 mois supplémentaires à partir du 19 novembre.
        Les provinces de Diyarbakir, Batman, Bingöl, Elazig, Hakkari, Mardin, Sirnak, Tunceli et Van ont été soumises à l'état d'urgence depuis la levée de la loi martiale. Toutes ces provinces sont sous le contrôle du gouverneur régional, Hayri Kozakcioglu, qui, récemment, s'est vu octroyer des pouvoirs spéciaux.

POURSUITES EN COURS CONTRE DES ENFANTS

        Bien que l'arrestation de l'écolière de 16 ans pour avoir dit "Non à la guerre!" continuait d'être un thème public (voir Info-Türk, octobre 1990, p. 3) et un sujet de débat à l'Assemblée Nationale le 23 octobre, la police et le ministère public, sans tenir compte des critiques, ont continué de poursuivre d'autres enfants.
        Le 27/10, un étudiant de 16 ans du lycée Meram à Konya, A.O., fut arrêté par la police après que la direction de l'école l'ait accusé d'écouter des cassettes de musique interdites par les autorités.
        Le 31/10, deux étudiants de 17 ans de l'Ecole Professionnelle d'Akhisar furent arrêtés pour avoir lu des publications religieuses à l'école. Jugés à la Cour de Sûreté de l'Etat d'Izmir, chacun d'eux risque une peine de prison allant jusqu'à 5 ans.
        Le 3/11, dans la ville d'Akcaabat, province de Trabzon, une lycéenne de 16 ans, C.K, fut mise en accusation pour avoir effectué un sit-in devant le Monument d'Atatürk avec une affiche sur laquelle on pouvait lire "Non à la guerre!"
        Le 8/11, à Adana, 18 lycéens furent arrêtés pour avoir participé à certaines manifestations interdites. Quatre d'entre eux ont moins de 18 ans.
        Le 12/11, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul condamna un lycéen, I. Altun, à 4 ans et 6 mois pour avoir prit part à une manifestation politique interdite.

ARRESTATIONS AU CONGRÈS DES DROITS DE L'HOMME

        L'Assemblée Général de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) s'est tenue le 28 octobre à Ankara.
        Un délégué kurde, Vedat Aydin, s'adressa au Congrès dans sa langue maternelle et son discours était traduit en turc par le juriste Ahmet Zeki Okcuoglu. Cependant, l'orateur ainsi que le traducteur furent tous deux arrêtés par la police.
        Lorsque Mustafa Özer, chef du Parti Travailliste du Peuple (HEP) à Diyarbakir, dit qu'il soutenait le discours en kurde, il fut arrêté à son tour.
        Après avoir arrêté trois activistes des droits de l'homme simplement pour avoir parlé en kurde, la police et le gouvernement se sont vus adresser de vives critiques par l'opposition.
        Fehmi Isiklar, leader du HEP et membre de l'Assemblée Nationale, a déclaré: "Plusieurs membres du gouvernement ont répété de temps à autre que l'utilisation de la langue kurde n'était pas interdite. L'arrestation des délégués du IHD montre à quel point le gouvernement est hypocrite".
        Au congrès, le juriste Nevzat Helvaci fut réélu président du IHD. Dans son discours, Helvaci critiqua les mesures d'urgence adoptées dans le sud de la Turquie et attira l'attention sur la dangereuse recrudescence du fanatisme islamique.

GRÈVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS

        La grève de la faim maintenue par les prisonniers politiques dans les prisons de Diyarbakir, Malatya et Gaziantep a pris fin le 18 novembre après que l'administration des prisons ait accepté une grande partie des revendications des grévistes.
        Cependant, au moment de la parution de cet article, la grève se poursuit dans les prisons de Nazilli, Aydin, Kayseri, Erzincan et Buca (Izmir).
        En solidarité avec les prisonniers politiques qui font la grève de la faim, beaucoup d'actes de protestation parallèles ont été organisés à travers toute la Turquie et à l'étranger.
        Le 6 novembre, le Comité du Kurdistan de Belgique a organisé une grève de la faim à Bruxelles.
        A cette occasion, ce même comité a également attiré l'attention sur la répression exercée dans le Kurdistan turc.
        D'après l'information qu'il a donnée dans une conférence de presse:
        "En 1990, l'Armée Turque a déporté la population de plus de 400 villages dans les provinces de Sirnak, Siirt, Hakkari et Van. Tandis qu'elles exécutaient cette opération, les unités de l'armée ont mis le feu à toutes les maisons et aux moyens de subsistance, dévasté les champs, les forêts et les vergers, miné les routes et tué les animaux domestiques pour éviter que les paysans ne retournent dans leur village. Les villageois kurdes déportés vivent maintenant à l'abri de tentes autour de Sirnak, Cizre, Cukurca et Van.
        "Actuellement, même des enfants sont arrêtés et soumis à la torture. 105 enfants âgés de 11 à 17 ans ont été jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat de Diyarbakir. Ces enfants portaient les menottes lorsqu'ils ont été introduits dans le tribunal."

315 CONDAMNATIONS À MORT

        Le nombre des prisonniers qui attendent dans les cellules des condamnés à mort a été porté à 315 le 21 novembre, avec 14 nouveaux cas transmis à la Commission de Justice de l'Assemblée Nationale. Parmi les condamnés à mort, 172 étaient de gauche ou appartenaient à des organisations kurdes, 28 étaient de droite, 4 étaient des militants palestiniens tandis que 111 étaient des prisonniers de droit commun.
        Le 13 octobre, le gouvernement avait fait savoir son intention d'exécuter les condamnations à mort dans le but de combattre la terreur politique. Cette annonce a soulevé de vives réactions aussi bien en Turquie qu'à l'étranger (Voir Info-Türk, octobre 1990, p. 3)
        Le thème de la peine de mort fut abordé durant la visite en Turquie de Mme Catherine Lalumière, Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe. Mme Lalumière fit savoir aux autorités turques combien ce sujet préoccupait le Conseil de l'Europe.
        Avant de quitter la Turquie, la Secrétaire Générale a communiqué aux journalistes que les représentants turcs lui avaient assuré que ceux qui avaient été condamnés à mort auparavant ne seraient pas exécutés.

962.855 PERSONNES ONT UN CASIER JUDICIAIRE

        Le 23 octobre, dans sa réponse à une question parlementaire, le Ministre de l'Intérieur, Abdülkadir Aksu, annonça qu'en Turquie 962.855 personnes avaient un casier judiciaire.

TERRORISME D'ETAT EN OCTOBRE

        Le 5/10, quatre représentants de l'Association des Enseignants (Egit-Der) à Izmir, ont été sanctionnés d'une amende de 450.000 LT (150$) chacun, pour avoir fait paraître un communiqué de presse non-autorisé.
        Le 6/10, la police fit une descente dans le bureau de l'Association de Solidarité avec les Familles des Prisonniers (TAYAD). Le président, Nuran Askeri, et 33 membres qui se trouvaient sur les lieux au moment de la descente, ont été arrêtés et tous les documents confisqués.
        Le 10/10, la Cour de Sûreté de l'Etat de Malatya a imposé des peines de prison individuelles de 8 ans et 4 mois à 4 membres du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) et de 3 ans à un autre accusé.
        Le 11/10, à Adana, 30 personnes furent arrêtées par la police pour avoir scandé des slogans lors d'un festival culturel organisé par la Municipalité de Seyhan sans y avoir été préalablement autorisés.
        Le 12/10, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a condamné Murat Kocak, membre de l'IHD, à un an d'emprisonnement pour avoir collé des posters sur les murs sans autorisation préalable.
        Le 13/10, le ministère public a soumis les membres du Conseil d'Administration de l'Association des Employés Agricoles (TZD) a un interrogatoire pour avoir effectué certaines recherches sur leurs droits syndicaux.
        Le 15/10, la Cour de Sûreté de l'Etat a condamné Ali Ozler, président local de l'IHD à Tunceli, à une peine de prison de 6 ans et 8 mois pour ses déclarations sur la question kurde. Il était détenu depuis plus de 9 mois.
        Le 16/10, la Cour de Sûreté de l'Etat a condamné 35 personnes à des peines de prison individuelles de 3 ans pour avoir pris part à la manifestation du 1er mai en 1989. Comme trois des accusés avaient moins de 18 ans, leur peine a été réduite à 10 mois.
        Le 17/10, la CSE de Malatya a condamné à mort un membre du PKK et a imposé une peine de prison à vie à un autre pour avoir participé dans les activités du PKK. Le même jour, ce même tribunal a condamné trois membres du Parti Communiste de Turquie/Marxiste-Léniniste (TKP/ML) à 8 ans et 4 mois de prison.
        Le 18/10, la CSE d'Istanbul a arrêté trois membres supposés du TKP/ML.
        Le 20/10, la police a annoncé l'arrestation de 11 membres supposés de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol) dans l'arrondissement d'Ünye.
        Le 21/10, à Ankara, cinq membres du TAYAD furent amenés devant la Cour de Sûreté de l'Etat accusés de maintenir des relations avec des organisation clandestines. Chacun d'eux risque une peine de prison de 5 ans.
        Le 22/10, un comptable, Vedat Sumercan, fut arrêté dans la ville de Banaz pour avoir écrit "Non à la guerre!" sur la fenêtre de son bureau.
        Le 24/10, sept dirigeants de l'Association des Infirmières furent amenées devant la CSE d'Istanbul accusés de "propagande communiste". Chacune d'elles risque une peine de prison de 10 ans.
        Le 25/10, la police fit une descente dans le local de l'Association pour la Protection et le Développement de la Corne d'Or et 20 personnes y furent arrêtées.
        Le 27/10, au cours d'une manifestation en faveur de 'La Paix et la Vie Humaine", convoquée à Kocaeli par le principal parti d'opposition, SHP, la police arrêta par la force 155 personnes.
        Le 30/10, la police a annoncé l'arrestation de 15 militants de l'Armée de Libération des Travailleurs-Paysans de Turquie (TIKKO) à Istanbul.
        Le 31/10, la police fit une descente dans l'Association Culturelle de Recherche d'Esenler à Istanbul et 10 personnes y furent arrêtées.

SOLIDARITÉ INTERNATIONALE AVEC LES ÉDITEURS D'INFO-TÜRK

        La décision du Conseil d'Etat turc de rejeter l'appel de deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, en vue d'annuler le décret du gouvernement militaire qui les prive de la nationalité truque a continué à soulever des réactions dans les organisations internationales.
        Auparavant, Helsinki Watch des Etats-Unis, avait envoyé au président Özal un message dans lequel il exprimait toute sa préoccupation pour l'affaire des deux journalistes.
        La Fédération Internationales de Journalistes (FIJ), représentant plus de 175.000 journalistes organisés en 51 syndicats dans 43 pays du monde entier, aborda la question à la conférence d'Istanbul de la Commission Parlementaire Mixte du Parlement Européen et de la Turquie.
        M. Aidan White, Secrétaire Général de la FIJ, alors qu'il soumettait son rapport intitulé "Turquie 1990: le Journalisme Pris Comme Cible" à la séance du Comité du 8 novembre, déclara:
        "En Turquie, l'ingérence officielle pour priver les citoyens turcs travaillant comme journalistes à l'étranger de leurs droits, excède le pays-même.
        "La FIJ a porté tout son intérêt à la perte de citoyenneté de deux journalistes opérant à l'étranger: Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, éditeurs du magazine Info-Türk, publié à Bruxelles.
        "Ils furent privés de leur nationalité par le Gouvernement Militaire il y a huit ans. Maintenant, après l'avoir examiné pendant deux ans, le Conseil d'Etat turc a rejeté leur appel et confirmé l'apatride de ces deux journalistes sur base de décrets de la junte militaire.
        "Ce qui est tout aussi inquiétant, c'est que dans sa réponse à l'appel, le gouvernement turc fit savoir que les deux éditeurs devraient rester apatrides car ils avaient calomnié les autorités et les généraux turcs dans les publications qu'ils ont éditées à l'étranger.
        "Au regard de tous les critères, la mesure est injuste, mais qu'elle touche des journalistes travaillant sous les yeux même de la Communauté Européenne, et ce au mépris des principes de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, voilà une ironie qui n'échappe pas à ceux qui mettent sérieusement en question l'engagement de la Turquie au respect des droits de l'homme dans le soutien de sa candidature pour devenir membre à part entière de la Communauté Européenne".
        Au cours de la même réunion de la Commission Parlementaire Mixte CE-Turquie, Mme Claudia Roth (Verts allemands), attirant l'attention sur le cas Özgüden-Tugsavul, exigea que cette pratique de privation de la citoyenneté soit immédiatement levée.
        D'autres part, le directeur de l'Institut International de Presse, Peter Galliner, a adressé la lettre suivante au président Özal:
        "Votre Excellence,
        "L'Institut International de Presse, qui représente d'importants journalistes, rédacteurs et éditeurs partout dans le monde, s'adresse à vous en faveur de Dogan Özgüden, rédacteur en chef de l'Agence Info-Türk à Bruxelles et de sa collègue, Inci Tugsavul, rédactrice des éditions en anglais d'Info-Türk.
        "Tous deux ont été privés de leur nationalité par le gouvernement militaire il y a huit ans. En 1988, ils sont allés en appel devant le Conseil d'Etat pour que cette décision soit annulée. Cependant, on nous a informé que leur appel a été rejeté par le Conseil d'Etat, en vertu d'une loi de la période militaire qui, si nous ne nous trompons, n'est plus en vigueur.
        "Nous protestons énergiquement, en faveur de nos deux collègues, contre cette décision injuste et inhumaine et vous prions instamment de leur accorder un total rétablissement de la nationalité turque sans autre délai".

POURSUITES CONTRE LES MÉDIAS EN OCTOBRE

        Le 2/10, le rédacteur du bimensuel Emegin Bayragi, Ibrahim Cicek, fut arrêté à Istanbul.
        Le 2/10, un journaliste du journal Cumhuriyet, Osman Yildiz, déclara avoir été détenu par la police, à Istanbul, pendant trois jours sans aucun motif, et avoir été maltraité par les policiers.
        Le 17/10, une brochure sur la jeunesse, publiée par la Maison d'Edition Devrimci Gençlik, fut confisquée par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul.
        Le 19/10, un journaliste du journal Hürriyet, Emin Cölasan, fut condamné par un tribunal d'Ankara à payer une amende de 104 millions de TL (38.000$) pour son livre sur le Président de la République et sa famille.
        Le 19/10, Dogu Perincek, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Yüzyil, fut mis en accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Erzincan pour avoir donné une conférence sur la question kurde. Il risque une peine de prison de 5 ans pour propagande séparatiste.
        Le 24/10, l'édition du 21 octobre de l'hebdomadaire Yüzyil fut confisquée par la Cour de Sûreté de l'Etat pour un article sur la question kurde.
        Le 25/10, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul confisqua l'édition d'octobre du mensuel Yeni Öncü.
        Le 26/10, des personnes non-identifiées mirent le feu au bureau de Diyarbakir de l'hebdomadaire Yeni Ülkü. Une note laissée par les agresseurs faisait mention d'un acte d'avertissement de l'Organisation des Combattants Islamiques.
        Le 27/10, le rédacteur en chef du mensuel Emek Dünyasi,  Osman Günes, s'est vu infliger une peine de prison de 6 ans et 3 mois pour un article sur la question kurde.
        Le 27/10, le rédacteur en chef du mensuel Mücadele, Cafer Darici et le président local de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD), Muhammed Alkasi, furent tous deux arrêtés à Kars.
        Le 30/10, le rédacteur en chef du mensuel Yeni Demokrasi à Ankara , Ali Ekber et le correspondant Kamil Eser furent arrêtés.
        Le 31/10, la police fit une descente dans le bureau du journal Yeni Asya à Ankara et deux journalistes, Bedrettin Ergül et Ahmet Akdag, furent arrêtés. Plus tard, l'éditeur du journal, Mehmet Kutlular, et 7 autres journalistes furent également arrêtés. Dix journalistes sont accusés de propagande fondamentaliste.

PROTESTATIONS MASSIVES DES UNIVERSITAIRES

        Des boycottages, des manifestations et des forums de protestation organisés par les étudiants universitaires sur les campus turcs, ont marqué ce 6 novembre le 10ème anniversaire du Conseil de l'Enseignement Supérieur (YÖK).
        De grands cadres de police ont adopté des mesures de sécurité strictes, surtout à Istanbul. Au moins deux cents étudiants auraient été arrêtés. A l'Université d'Eskisehir, 17 étudiants et 3 policiers furent blessés, 97 autres étudiants furent arrêtés.
        Le YÖK fut crée après le coup d'Etat militaire de 1980. L'administration militaire fit passer le nombre des universités de 9 à 19, mais, avec l'entrée en vigueur de la Réglementation sur l'Enseignement Supérieur N°1750, elle leur imposa une discipline de caserne.
        Après la création du YÖK, au moins 95 membres des facultés ont été renvoyés, 861 ont démissionné et 1.188 ont pris leur retraite —tous ont réagi contre la loi martial N°1402 autorisant les renvois sans explication.
        Au cours des huit premières années d'administration YÖK, plus de 100.000 étudiants ont été renvoyés de leur école en raison de la réglementation d'examen N°44 du YÖK; celle-ci fut modifiée à quatre reprises depuis sa création.
        En vertu d'une loi de 1987, le nombre des représentants provenant du Conseil des Ministres présents dans l'administration du YÖK s'est considérablement accru. De même, des hommes d'affaires et des bureaucrates dépourvus de tout diplôme d'enseignement ont été autorisés à devenir des membres de faculté à temps partiel.
        Des membres des associations estudiantines, opposés au YÖK, ont accroché des affiches politiques sur lesquelles ont pouvait lire: "Vive notre lutte pour une université autonome et démocratique", "Non à la guerre et au YÖK!"

RAPPORT ALARMANT SUR L'INFILTRATION INTEGRISTE DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF

        La recrudescence de l'intégrisme islamique a soulevé une polémique dans tout le pays. Récemment, les hommes d'affaires turcs sont également entrés dans le débat en accusant le gouvernement d'encourager l'infiltration des intégristes dans le système éducatif turc.
        Le 19 septembre, l'Association des Industriels et des Hommes d'Affaires turcs (TUSIAD) fit paraître un rapport dans lequel elle critiquait la qualité de l'enseignement en Turquie et qualifiait "d'inadéquat" le financement de l'Etat à l'enseignement. "La Turquie arrive derrière les pays africains pour ce qui est des dépenses destinées à l'éducation. En effet, celle-ci ne reçoit que 2,7% du revenu national brut", affirme le rapport.
        Il dénonce aussi la prolifération des écoles religieuses administrées par l'Etat et des cours privés de Coran, et demande que tous deux soient strictement contrôlés.
        Le rapport a mis en évidence trois niveaux d'enseignement en Turquie:
        "Les étudiants turcs fréquentent soit des écoles religieuses administrées par l'Etat (destinées dans un premier temps à former le clergé musulman), soit des écoles d'Etat de faible niveau ou des écoles avec un programme scolaire en langue étrangère.
        Du système unifié et standardisé qui existait avant 1980, l'enseignement turc fit un pas en arrière vers les système à "trois niveaux", similaire à celui qui était en vigueur lors des premières années de la République. L'intégrisme commence là où échoue l'enseignement standard".
        La principale critique adressée par la TUSIAD au système éducatif concernait le privilège des lycées privés. "Les écoles religieuses Imam-Hatip, créées au départ pour former le clergé, ont été intégrées dans le système en tant qu'institutions universelles rivalisant avec les autres lycées normaux administrés par l'Etat."
        Le rapport, qui accuse les écoles Imam-Hatip d'être "anti-laïques", indique qu'en 20 ans, le nombre de ces écoles a augmenté de 1.250%.
        "Seulement 39.000 diplômés Imam-Hatip ont été employés comme ecclésiastiques depuis l'ouverture des écoles en 1951. Cependant, le nombre des étudiants s'élève à 433.200. Les chiffres s'appuient sur des informations provenant du Département des Affaires Religieuses.
        "Les écoles ont formé dix fois plus d'étudiants qu'il n'y a de postes à pourvoir dans le clergé. En 1983, l'amendement apporté à la loi qui régit le statut des écoles Imam-Hatip a autorisé leurs diplômes à accéder directement aux universités, opération qui auparavant était interdite par la loi.
        "Ces étudiants en théologie sont donc dirigés vers un certain nombre de carrières. Des 9.931 étudiants issus des écoles supérieures Imam-Hatip en 1988, seulement 981 ont accédé aux sections de théologie des universités.
        "Les écoles de l'Etat et les écoles religieuses produisent deux sortes de personnes opposées entre elles du point de vue culturel, social et religieux. Cette évolution va à l'encontre de la Loi Tevhid-i Tedrisat (Loi de l'Unité Educative)."
        Le rapport adressait également des critiques aux cours obligatoires de religion dans les écoles primaires et secondaires, ainsi qu'à l'accroissement du nombre de cours de Coran privés:
        "Les inscriptions dans les écoles Imam-Hatip devraient être limitées et les cours de Coran contrôlés par le Ministère de l'Education. La plupart des sectes religieuses, jadis interdites, ont été rétablies. Partout en Turquie, les étudiants des cours de Coran font pression sur les enfants turcs pour qu'ils se joignent à eux."

Echec de l'éducation turque

        Selon le rapport, plus de 22% de la population turque est analphabète; 18,5% sait lire et écrire mais n'a pas été à l'école primaire, 43,5% n'a que le certificat de l'école primaire, et seulement 15% a au moins un diplôme d'une école secondaire ou d'une école supérieure.
        "Les écoles supérieures de l'Etat manquent de ressources financières, et les charges scolaires sont trop lourdes. Plus des deux tiers des élèves diplômés dans ces écoles n'accèdent pas aux universités, et comme ils manquent de formation professionnelle, ils vont souvent grossir les rangs des chômeurs.
        "Les écoles privées qui enseignent en langue étrangère sont trop peu nombreuses pour combler les lacunes du système d'éducation.
        "La part du budget national turc destiné à l'éducation n'est que de 12,2%, alors qu'en 1971 elle était de 17%. Les pays africains concèdent à l'éducation une part plus importante de leur budget que la Turquie. Le Togo, par exemple, en consacre 20,8%, la Lybie 19,8% et la Libéria 24,3%."
        Le rapport de la TUSIAD, qui suggère que 25% du budget national soit consacré à l'éducation, dit que sa proposition de Projet d'Education Turque devrait bénéficier des mêmes priorités que le Projet Sud-ouest Anatolie (GAP).
        "Les dépenses totales du Ministère de l'Education — qui contrôle toutes les écoles primaires et secondaires ainsi que les écoles Imam-Hatip— et du Conseil de l'Enseignement Supérieur, qui réglemente les universités, n'ont représenté que 2,7% du revenu national brut en 1989. En 1971, elles représentaient 4,5%.
        "Dans les pays africains, les dépenses consacrées à l'éducation représentent de 5,5 à 7,5% du revenu national brut; en Asie, elles varient entre 4 et 10%, et en Europe, elles tournent autour de 7%.
        "Dans les 12 pays, les moins développés du monde, l'obligation scolaire n'est que de 5 ans. En Turquie, l'obligation scolaire devrait être portée de 5 à 8 ans financée par l'Etat".
        Le rapport signale aussi qu'en termes réels, les salaires des enseignants ont diminué de 40% et que la proportion étudiant/enseignants est deux fois plus élevée en Turquie que dans les pays économiquement comparables.
        Le rapport propose des salaires plus élevés et de meilleures conditions d'enseignement. Il propose également d'encourager des cours développant des aptitudes pratiques, créatives et analytiques, la coopération entre les cercles commerciaux et les institutions éducatives, et l'établissement d'un système éducatif démocratique et laïc.

UN SCANDALE À LA TÉLÉVISION

        Un nouveau scandale a éclaté en Turquie à propos de la campagne de propagande télévisée que le régime d'Ankara mène à l'étranger.
        Le 30 octobre, le président Özal et quelques ministres turcs étaient interviewés à Ankara pour un programme de télévision qui, croyaient-ils, était simultanément retransmis en direct en France. Alors qu'il parlait à la caméra, Özal adressa quelques mots sympathiques aux téléspectateurs français.
        Les ex-premiers ministres français, Raymond Barre et Maurice Couve de Mourville, prenaient également part au programme depuis les studios d'Antenne 2 à Paris.
        Lorsque les assistants présidentiels demandèrent plus tard à l'Ambassade de Turquie à Paris d'envoyer une cassette du programme censé avoir été diffusé à A2, on leur répondit que ce programme n'était jamais passé à l'antenne.
        Cette conférence télévisée était sponsorisée conjointement par le journal de droite Türkiye et l'Istanbul Club, association fondée par un groupe d'hommes d'affaires, d'hommes politiques et des journalistes pour promouvoir la culture et les relations commerciales avec la France.

QUESTIONS SUR LA FORTUNE DE LA FAMILLE ÖZAL

        Le prodigue train de vie que mène la famille Özal constitue l'un des principaux sujets des critiques et des réactions dans l'opinion publique.
        Le 29 octobre, un député du SHP, Ahmet Ersin, demanda que l'Assemblée Nationale ouvre une enquête sur les avoirs que le président Özal, ses frères et ses fils ont acquis depuis qu'ils ont été nommés à des postes publics clés.
        Dans sa déclaration de 1983; Özal dit qu'il possédait deux maisons et un appartement à Istanbul, cinq petites maisons d'été et deux lots de terrains à Antalya et Gallipoli. Il dit également qu'il possédait de l'or pour une valeur de 9 millions de LT et avait 3,5 millions de LT en banque.
        Depuis lors, Özal a refusé de communiquer au public l'évolution de la fortune de sa famille.
        Dans sa motion, Ersin dit: "Les premières allégations (sur la famille Özal) remontent à 1986 lorsque la fille d'Özal, Zeynep, reçut une Jaguar d'un homme d'affaires qui voulait ouvrir une station de service. D'après les reportages de presse, la voiture aurait été rendue à la demande de Turgut Özal.
        "Après cet incident, la presse recueillit beaucoup d'autres cas mettant en cause le frère cadet d'Özal, Korkut Özal, et ses fils. Malgré ces allégations, la famille Özal refuse de faire une déclaration publique, position très inhabituelle pour quelqu'un qui exerce une fonction publique dans un pays démocratique.
        "D'après certains allégations, la famille Özal possède 2,5 trillions de LT (972 millions de dollars) et détient une véritable fortune à l'étranger."
        Le 30 octobre, on annonçait à Ankara que dans le budget de 1991, l'allocation présidentielle serait portée de 7,2 milliards de LT (2,6 millions de $) à 31 milliards de LT (11,3 millions de $).
        Des sources du Ministères des Finances ont déclaré que les 7,2 milliards de LT assignés à la résidence présidentielle en 1990, ont été dépensés au cours de la première moitié de l'année. Pour la fin décembre, on s'attend à ce que des allocations supplémentaires portent les dépenses totales pour 1990 à 14 ou 15 milliards de LT.

POT DE VIN AUX PARLEMENTAIRES

        Les 450 membres de l'Assemblée Nationale turque ont réussi à faire passer leur salaire mensuel de 6,5 million de LT à 9,5 millions de LT ( de 2.360 à 3.450 $); le président Özal ayant ratifié le 29 octobre le projet de loi qu'ils avaient préalablement approuvé.
        Le projet de loi destiné à augmenter le salaire des députés prévoit aussi des avantages financiers pour les membres à la retraite qui ont servi pendant 20 ans. Ils recevraient 4,2 millions de LT par mois (1.500 $).
        D'après une étude menée par la presse, après la dernière augmentation, les parlementaires turcs sont devenus les députés les plus privilégiés d'Europe. Le nouveau salaire des députés (3.450 $) est 35 fois plus élevé que le salaire mensuel minimum des travailleurs (274.000 LT = 100 $) tandis que cette proportion n'est que de 4 en Grèce, 5-6 en Belgique, 7 en France, 7,6 en Espagne et 8,6 en Allemagne.

L'OIT AVERTIT LE RÉGIME TURC

        Le Conseil Administratif de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) a une fois de plus invité le gouvernement turc à compléter dès que possible les amendements apports à la législation turque dans le domaine des droits sociaux.
        Le Comité de Liberté d'Association de l'OIT avait examiné les plaintes de la CISL, de la CMT et de la FSM contre le régime turc. Le rapport de ce comité a récemment été adopté dans son ensemble par le conseil d'administration.
        Le Conseil d'Administration de l'OIT, rappelant que ces trois organisations travaillistes internationales ont déposé diverses plaintes contre le régime turc depuis 1981, demanda au gouvernement des modifier dans la législation turque une série d'articles antidémocratiques.
        Les articles en question refusent aux syndicats le droit d'exercer des activités politiques, interdisent certaines grèves, celle des enseignants par exemple, et empêche les syndicats qui n'ont pas 50% d'affiliés dans un lieu de travail et 10% dans un secteur économique de prendre part à une convention collective de travail. En outre, certaines grèves peuvent être interdites en invoquant "la sécurité nationale et l'ordre public", et les syndicats se voient obligés d'accepter les conditions de travail imposées par le Conseil Suprême d'Arbitrage.
        Le Conseil d'Administration de l'OIT demande également au Gouvernement turc de restituer à la Confédération des Syndicats Progressistes(DISK), les droits syndicaux qui lui avaient été retirés après le coupe d'Etat militaire de 1980.

MINISTRE: "FLIRT = PROSTITUTION"

        Le 12 novembre, dans une interview accordée au journal Cumhuriyet, le secrétaire d'Etat, Cemil Ciçek, qui fait un rapprochement entre les relations préconjugales et l'instinct animal, a déclaré ceci: "Le flirt ne diffère en rien de la prostitution".
        La déclaration de Ciçek s'est attiré les foudres des associations féminines, des professeurs d'université, des hommes politiques et des artistes partout dans le pays.
        Emel Sungur, président de la Commission Féminine du SHP, demanda la démission de Ciçek et ajouta: "Il est inquiétant qu'au seuil du 21ème siècle, la Turquie soit dirigée par des personnes avec une vision à ce point rétrograde."

POPULATION DE LA TURQUIE: 57 MILLIONS

        Les résultats préliminaires du recensement de la population du 21 octobre 1990 publiés par l'Institut des Statistiques de l'Etat font état de 57.163.085 personnes vivant actuellement en Turquie.
        A cette population qui habite la Turquie, il faut ajouter 2.330.871 personnes de nationalité turque qui vivent en Europe Occidentale, au Moyen-Orient et dans les pays du nord de l'Afrique, ainsi qu'au Canada et en Australie.
        Les calculs préliminaires estiment la population d'Istanbul, la ville la plus peuplée du pays, à 7.426.590 habitants. Viennent ensuite Ankara avec 3.235.687 habitants et Izmir avec 2.680.000 habitants. La population d'Adana, Bursa, Konya, Icel, Gaziantep, Samsun, Hatay, Manisa, Antalya, Diyarbakir et Zonguldak est estimée à plus d'un million d'habitants chacune.
        L'accroissement de la population varie d'une zone à l'autre. Le taux d'accroissement le plus élevé fut enregistré dans le sud-est de la Turquie (Kurdistan turc); celui-ci étai de 4,3%. La région de la Mer Noire détient le moins élevé avec 1%.
        La population rurale a encore diminué. Actuellement, 58,8% de la population habite dans les villes. Ce taux était de 53% lors du recensement antérieur.
        La population turque à l'étranger se distribue comme suit:
        Allemagne 1.434.300; France 180.147; Arabie Saoudite 160.000; Pays-Bas 156.396; Australie 87.000; Autriche 80.000, Belgique 78.039; Suisse 49.259; Lybie 24.000; Danemark 22.313; Suède 21.538; Grande Bretagne 16.000; Irak 4.345; Norvège 3.574; Koweit 3.300; autres pays 10.660.

21 MILLIONS PRIVÉS DE SÉCURITÉ SOCIALE

        Selon des informations parues dans l'édition du 23 octobre 1990 du journal Tercüman, 21 millions de citoyens turcs ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Le nombre total des bénéficiaires de la sécurité sociale (employés, indépendants et les membres de leur famille) est de 36 millions.
        Parmi les 17,5 millions de personnes qui forment la population active, seulement 6.786.000 sont inscrits à l'une des trois organisations de la sécurité sociale: 3,3 millions le sont à l'Organisation de la Sécurité Sociale pour les Employés du Secteur Privé (SSK), 1.435.000 au Fonds pour la Pension (Emekli Sandigi) et 2.051.000 à l'Organisation de la Sécurité Sociale pour Indépendants (Bag-Kur).