La première période du gouvernement s’est
soldée par un échec
500 JOURS
En avril 1993, la Fondation des Droits de l’Homme de
Turquie (TIHV) publiait un rapport de 58 pages sur les violations des
droits de l’homme observées au cours de 500 premiers jours du
gouvernement de coalition DYP-CHP, du le 21 novembre 1991 au 5 avril
1993.
Ci-après sont reproduits des larges extraits d’un
rapport très révélateur qui contredit les acquis démocratiques
revendiqués par le gouvernement.
“Le gouvernement de coalition du Parti de la Juste
Voie (DYP) et du Parti Populiste Social Démocrate (SHP) issu des
élections du 20 octobre 1991, fut annoncé le 20 novembre. Sous le
leadership de Süleyman Demirel, le DYP fournit 20 ministres et le SHP
12. Le nouveau gouvernement entra en fonctions le 21 novembre 1991. Le
25 novembre, le Premier Ministre Süleyman Demirel lisait le programme
gouvernemental, et le 30 novembre 1991 l’exécutif obtenait le vote de
confiance.
Lors de la lecture du programme, Süleyman Demirel
affirma que la Turquie changerait complètement, que la Constitution et
le Système législatif seraient adaptés aux valeurs démocratiques
contemporaines, que l’inflation serait maîtrisée, les droits syndicaux
seraient adaptés aux normes de l’ILO et que tous les fonctionnaires
publics jouiraient de droits syndicaux. Ci-après figurent certaines des
promesses du programme gouvernemental:
• La CSCE et la Charte de Paris ont introduit des
droits et des libertés pour les pays et leurs peuples. Ces règles et
lois doivent être respectées par la Turquie en tant que signataire. La
Turquie sera un pays en paix où règnera la sécurité. Il sera établi un
état de loi basé sur les droits de l’homme et les libertés sur tout le
territoire turc. La lutte contre l’anarchie et la terreur se fera par
des moyens démocratiques.
• La zone de l’est et du sud-est de l’Anatolie
jouira d’un poids spécial, il y sera appliqué un plan de développement
régional. Les fonctions du Gouverneur dans la Région en Etat d’Urgence
et le système des gardiens de village seront revus. Dans l’ensemble du
pays sera établi un état de loi et les droits et libertés de l’homme
seront définitivement instaurés. Les habitants de la région seront
traités avec égards et on liera des liens de confiance.
• La duré de la période de détention sera raccourcie
et la torture disparaîtra. On veillera à ce que la police prenne
conscience des libertés et des droits individuels, leurs autorités
seront redéfinies, et des changements légaux seront introduits pour
permettre la présence des avocats pendant les interrogatoires. Les
postes de police ne seront plus de endroits de terreur. On veillera à
ce que la transparence soit assurée.
• On mettra fin aux interdictions qui frappent
certaines publications. La Loi de Lutte contre le Terrorisme sera revue
en tenant compte des libertés et droits fondamentaux. La liberté de la
presse et le droit des citoyens à connaître les faits et à recevoir une
information objective seront respectés. En Turquie tous sont égaux et
des citoyens de premier ordre. La langue maternelle de chacun, la
culture, l’histoire, la musique et les croyances religieuses forment
partie des libertés et droits humains fondamentaux qui doivent être
protégés et développés.
• Toute demande politique ne sera appliquée qu’une
fois débattue au Parlement, avec les grandes organisations et dans la
presse. Les clauses sur les meetings et les manifestations ainsi que le
droit de s’associer, seront revus. Tout le monde pourra faire valoir
ces droits et chacun pourra exprimer son opinion librement. La Loi sur
les Partis Politiques et les Elections sera modifiée et les partis
fermés seront rouverts. Les principaux problèmes du pays seront
débattus à l’Assemblée Nationale et à la Radio et Télévision Turques
(TRT).
• Les clauses sur les syndicats de travailleurs et
commerçants seront adaptées aux normes de l’ILO et les entraves à
l’élection des leaders des syndicats et des organisations
professionnelles seront supprimées. Tous les travailleurs, y compris
les fonctionnaires jouiront de droits syndicaux.
• Les universités seront nanties d’une autonomie
scientifique et administrative et le système du YÖK sera supprimé. On
veillera à ce que les institutions de l’éducation secondaire soient
administrées par des personnes élues parmi leur personnel. Une
institution d’éducation et enseignement secondaires formée par des
candidats élus sera créée en vue d’assurer la coordination entre les
universités. Les étudiants seront autorisés à devenir membres de partis
politiques.
A l’exception d’une ou deux de ces promesses (le
service militaire fut raccourci, bien que la mesure ne fut pas
appliquée immédiatement, les personnes privées de leur citoyenneté
furent autorisées à la récupérer et les partis politiques fermés furent
rouverts), qui “firent nourrir de grands espoirs” dans la plupart des
couches de la société, aucune ne fut appliquée au cours des 500
premiers jours. La nuit du 23 juin, au cours d’un meeting, le Conseil
des Ministres décida de supprimer certains pouvoirs qui permettaient au
Gouverneur de la Région en Etat d’Urgence de “censurer ou renvoyer
certaines personnes en exil”. Cette décision fut présentée au public
comme un grand succès. Mais les pouvoirs supprimés n’avaient plus été
appliqués depuis le début de l’année 1991 en raison des dures réactions
qu’ils suscitaient. Par ailleurs, comme le meeting était tenu en
l’absence du Président, surgit une discussion sur “l’invalidité de la
décision”.
Une grande partie des promesses ne fut même pas
abordée. Quelques-unes furent ouvertes et reléguées à un débat public.
Des projets de loi sur des sujets comme le “code de procédure pénale et
la présence d’un avocat lors des interrogatoires ou le “YÖK et les
élections des recteurs”, furent modifiés en fonction des réactions de
certains cercles et approuvés sous diverses conditions. Au début de sa
législature, le gouvernement de coalition avait promis d’instaurer une
“démocratie” et “un régime qui respecterait les droits de l’homme”,
mais ne tint pas parole et fit exactement le contraire.
Pendant cette période de 500 jours, les droits et
libertés fondamentaux, en particulier le droit à la vie, furent violés,
rappelant fortement les sombres jours du régime instauré le 12
septembre 1980. La société a été terrorisée et écartée du monde
politique. La torture est devenue systématique. Les plaintes de torture
ont été ignorées. Les livres, les revues et les journaux ont été
confisqués et les journalistes assassinés. Ceux qui ont essayé de
“parler ou écrire” ont été réduits au silence et jetés en prison. Au
nom de la “lutte contre le terrorisme”, on a appliqué des méthodes
illégales. Le public n’a reçu qu’une version corrompue des faits. Loin
de résoudre le problème kurde, on a assisté à une détérioration de la
situation ainsi qu’à la création d’un climat plus propice encore aux
affrontements. Des villes ont été mises à feu et détruites. Des
manifestants faisant usage de leur droit de manifester ont été battus
et soumis aux balles des forces de sécurité. Quelque 500 personnes (la
plupart dans la Région de l’Etat d’Urgence), y compris des
journalistes, des leaders de partis politiques, des intellectuels et
des activistes des droits de l’homme ont été victimes de meurtres
restés on élucidés.
Pendant cette période, caractérisée par une
extension de la violence politique, certains groupes ont exprimé en
public leur soutien aux violations des droits de l’homme et on même
approuvé ces pratiques en terrorisant certaines parties de la
population. L’intensification des activités du PKK et l’augmentation du
nombre d’assassinats et d’attaques commandités par Devrimci Sol ont
donné lieu à une radicalisation des cercles victimes de la terreur. Les
activistes des droits de l’homme ont été soumis à une répression jamais
connue auparavant. Ils ont été accusés de prolonger, soutenir et
parfois même d’être membres d’organisations recourant à la violence
comme moyen de lutte.
Cette sombre situation qui vient d’être résumée en
quelques mots correspond à une période où le gouvernement au pouvoir
avait fait de grandes promesses de démocratisation et s’était engagé à
instaurer un Etat de droit respectant les droits de l’homme. Au début
de cette période de 500 jours, une série de promesses se sont succédées
mais on assista aux plus brutales violations des droits de l’homme.
Pendant cette période on ne protégea pas les droits de l’homme mais
ceux qui les violaient.
LE DROIT A LA VIE
Les attaques contre le droit le plus naturel de
l’humanité, celui à la vie, se sont intensifiées pendant ces 500 jours,
par rapport aux années précédentes. Au cours de cette période, de
nombreux actes des forces de sécurité ont provoqué la mort de
personnes. Ces actes furent qualifiés d’exécutions extrajudiciaires.
Les meurtres perpétrés par des “assaillants inconnus” se sont
poursuivis à grande échelle. Conséquence des attentats à la bombe et
des attaques armées perpétrés par des organisations illégales comme le
PKK, qui mène une guerre de guérilla, Devrimci Sol (Gauche
Révolutionnaire) et TIKKO (Armée de Libération des Paysans et
Travailleurs de Turquie), de nombreuses personnes ont trouvé la mort.
Des civils ont été victimes d’un certain nombre d’attaques causant des
morts, certaines par des organisations illégales, d’autres leur ayant
été simplement attribuées.
Au cours de ces 500 jours, 19 détenus sont morts
dans des circonstances suspectes (la section intitulée “Torture”
comporte des informations détaillées). Sept personnes qui, selon des
témoins ou d’autres preuves de poids similaires, avaient été arrêtées,
sont disparues. Un total de 233 personnes ont été assassinées. Parmi
elles, 38 l’ont été par des coups de feu tirés sur des manifestants, 80
au cours de descentes policières dans les maisons, 115 par des tirs au
hasard pour avoir désobéi à un ordre d’immobilisation, ou d’exécutions
dans la rue. La sanglante liste des événements du Newroz comprend 95
décès (92 en 1992 et 3 en 1993) et au moins 500 blessés. Par ailleurs,
44 personnes sont mortes et 100 autres blessées en raison de la
violence engendrée par les sanglants événements de Sirnak, s’étendant à
Cukurca, Musabey, Kulp, Varto et Cizre, dans la deuxième moitié de
1992. Le nombre de personnes mortes suite à l’explosion de mines posées
au hasard ou en prenant des grenades traînant par terre, s’élève à 52.
Récemment, un total de 443 personnes sont
mortes en raison de l’excessive répression des forces de sécurité, de
la torture, de l’explosion de mines, d’exécutions extrajudiciaires et
de crimes similaires. Si à ce chiffre on ajoute le nombre de victimes
de meurtres non élucidés (493), de civils, de membres des forces de
sécurité (802) et de militants (1161) morts au cours d’affrontements,
de fonctionnaires publics, de policiers, de soldats et de gardiens de
village tués à la suite d’attaques armées, d’assassinats ou d’autres
personnes tuées pour “traîtrise”, “dénonciation” ou “soutien de l’Etat”
(331), de ceux morts au cours d’attaques contre des civils (224), ce
sanglant scénario devient encore plus effrayant. Un total de 3454
personnes sont mortes à conséquence de l’atmosphère de violence qui
s’est installée entre le 21/11/1991, lorsque le gouvernement de
coalition entra en fonctions, et le 5/4/1993.
La plupart des décès repris dans ce rapport
correspondent à des “exécutions extrajudiciaires”, c’est ainsi qu’elles
ont été définies dans les documents des Nations Unies. Pratiquement
aucun des “critères nécessaires” définis par les Nations Unies à propos
des exécutions extrajudiciaires ne fut tenu en considération. La
plupart des meurtres ne furent pas soumis à des enquêtes suffisamment
sérieuses. Au lieu de cela, on adopta des attitudes et fait des
déclarations de nature à encourager les forces de sécurité. Les agents
impliqués dans les exécutions extrajudiciaires furent récompensés.
Le Ministère de l’Intérieur concéda une récompense
de 2,5 millions de LT à chacun des policiers ayant pris part, le 13
août 1992, à deux descentes différentes dans des maisons des quartiers
de Maltepe et Küçükesat, à Ankara. Approuvant l’acte, un haut officier
de la sécurité affirmait que les récompenses financières
encourageraient les officiers de police qui participaient à ces
opérations, et ajouta: “Ces pratiques éliminent les doutes que peuvent
avoir les policiers durant les opérations. Ils agissent en sachant que
leur travail sera récompensé”. Durant les descentes effectuées dans
diverses maisons le 13 août 1992, qui valut une récompense aux
officiers de police qui l’ont menée, cinq membres de l’organisation
“Devrimci Sol” furent tués.
Pendant ce temps, les officiers des forces de
sécurité, rarement traduits en justice, étaient soit déclarés
“innocents” ou condamnés à des peines de prison vraiment
insignifiantes. Ces peines furent commuées en amendes ou en mises en
liberté surveillée.
EXÉCUTIONS SUR PLACE
Pendant ces 500 jours, dans le cadre du sombre
panorama des droits de l’homme, se sont produits des témoignages de cas
inquiétants qui pourraient être qualifiés “d’exécutions sur place”. Les
forces de sécurité ont ouvert le feu sur des foules de manifestants
tuant ou blessant de nombreuses personnes. Des descentes dans les
maisons, au nom d’opérations, ont provoqué de nombreuses morts. Des
personnes ont été battues parce qu’elles n’obéissaient quand on leur
ordonnait de s’arrêter”. A cause de ces coups tirés au hasard par les
forces de sécurité, des innocents ont perdu la vie. Des enfant et des
femmes sont morts, tués par des bombes larguées depuis des avions
militaires. Ces événements, qui sont étudiés dans trois chapitres
ci-après, se sont soldés par le décès de 233 personnes (38 pendant des
manifestations, 80 pendant des descentes policières dans les maisons,
et les 115 restantes ont été tuées pour n’avoir pas obéi aux ordres de
s’arrêter ou simplement après avoir été capturées vivantes).
ATTAQUES CONTRE LES CIVILS
Pendant 500 jours, furent perpétrés d’innombrables
attentats à la bombe ou à l’arme à feu sur des civils et personnes sans
défense. Au cours de ces attaques, les villages ou les agglomérations
qui soutenaient l’Etat ou le PKK, les gardiens de village et leurs
familles, les centres commerciaux et les moyens de transport urbains
furent souvent choisis comme cibles. Ces incidents, qui provoquèrent
une escalade de la violence et servirent de prétexte aux milieux
cherchant à utiliser des pratiques illégales, provoquèrent la réaction
du public. 224 personnes, dont 49 enfants, sont mortes et 187 furent
blessées.
Dans certains cas, on en arriva à la conclusion que
ce genre d’actions, qui servirent de prétexte pour terroriser la
population et recourir à des pratiques antidémocratiques, avaient été
le fait des protecteurs de village. Tous ces événements furent
présentés à la population comme des “actions du PKK”. En outre, les
dommages causés par les forces de sécurité dans les zones civiles
furent extrêmement élevés. Pour beaucoup des actions menées dans la
Région en Etat d’Urgence, le PKK en prit la responsabilité. Le nombre
d’attentats perpétrés par cette organisation contre les civils et les
personnes sans défense fit un énorme bond en 1992, par rapport à 1990
et 1991. (Les attaques menées par les protecteurs de village sont
traitées dans un autre chapitre et n’ont pas été incluses ici). Il n’a
pas été établi par qui et pourquoi certains de ces attentats (comme
ceux contre un Bazar Fermé, une Cantine à Fenerbahçe et la Chambre de
Commerce d’Istanbul) ont été perpétrés.
ASSASSINATS ET AFFRONTEMENTS
Pendant ce temps, les attaques contre des officiers
publics, comme des soldats, des officiers de police, des maires et des
procureurs, contre des gardiens de village ou des personnes accusées
d’être des “agents de police” ou de “soutenir l’Etat”, se poursuivaient
de manière intense pendant les 500 jours. Suite aux attentats et
assassinats d’organisations comme le PKK, Devrimci Sol, TIKKO et TIKB,
les 330 personnes reprises ci-après sont mortes.
Personnes enrôlées 15 Officiers
non commissionnés 10
Général à la retraite 1
Officiers de police 72
Gardiens de village 47 Gardiens de
nuit 2
Juges-Fonctionnaires 7
Maires 2
Fonctionnaires du MIT 4 Chauffeurs
de bureaux 3
Chefs de villages 6
Confesseurs 5
Dénonciateurs 52 Sympathisants de
l’Etat 77
Enseignants 4 Balles perdues,
erreurs 8
Autres 14 Opposants
iraniens 14
Il y a eu de très nombreux affrontements entre les
forces de sécurité et des groupes armés partout en Turquie, surtout
dans la Région en Etat d’Urgence et à Istanbul. Ces affrontements, y
compris les attaques et les raids contre les centres militaires et des
unités dans la Région en Etat d’Urgence, se sont soldés par la mort de
1.156 militants. 1.079 appartenaient au PKK, 15 à Devrimci Sol (Gauche
Révolutionnaire), 33 à TIKKO (Armée de Libération des Paysans et
Travailleurs Turcs), 9 étaient des militants du Hezbollah et 20
appartenaient à des organisations qui n’ont pas été identifiées. Le
chiffre grimpa à 1.161 après la mort de deux militants du TIKB (Union
des Communistes Révolutionnaires de Turquie), un du TKIH (Mouvement des
Travailleurs Communistes de Turquie), un du TKP-K (Parti Communiste de
Turquie-Etincelle) et un dernier militant de droite (ülkücü) après que
les bombes qu’ils manipulaient en vue d’une action leur fassent
explosion entre les mains. En outre, un total de 802 personnes sont
mortes au cours des affrontements. 462 étaient des homme enrôlés, 54
des officiers non commissionnés, 26 des officiers militaires, 36 des
officiers de police ou des membres d’équipes spéciales, 188 des
gardiens de village, 6 des gardiens de nuit, 62 des civils et 4
personnes victimes de balles perdues.
LE PROBLEME KURDE ET L’ETAT D’URGENCE
Le problème kurde, un des plus importants de la
Turquie depuis des années, est devenu encore plus complexe au cours de
ces 500 jours. Le pouvoir politique préféra appliquer de méthodes
militaires au lieu de trouver des solutions démocratiques et
pacifiques. D’une part, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, PKK,
qui mène une guerre de guérilla dans la région, poursuivit et
intensifia ses attaques. Des promesses comme “les clauses de l’état
d’urgence et le système des gardiens de village seront revus” ne furent
pas tenues et aucune mesure concrète ne fut prise dans ce domaine.
Malgré des vues différentes au sein des partis de la coalition, la
période de l’état d’urgence fut rallongée trois fois. Le Premier
Ministre Demirel, critiquant les personnes qui voulaient supprimer
l’état d’urgence, se plaisait à dire “ce système continuera jusqu’à ce
qu’une solution soit trouvée”. Le système des gardiens de village ne
fut même pas mentionné.
La violence dans la Région en Etat d’Urgence s’est
accrue de jour en jour. Des postes de gendarmerie furent soumis à des
attaques du PKK des heures durant. Les affrontements dans la région
durèrent des jours. Des agglomérations furent transformées en ruines.
Chaque jour, les corps de jeunes soldats morts dans les affrontements,
les raids ou des pièges, ont été acheminés vers les villes des parties
occidentales du pays. La Turquie effectua de nombreuses opérations
aériennes et terrestres contre les camps et les unités du PKK aussi
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières nationales. La
quantité de bombes utilisées durant les attaques aériennes contre le
PKK, fut plusieurs fois supérieure à celle utilisée pendant l’opération
de Chypre.
Les plaintes concernant les traitements inhumains
durant les affrontements et événements qui suivirent furent amplement
diffusées. Les dépouilles des militants du PKK morts pendant les
affrontements et les raids furent exhibés. Les corps déchiquetés et les
femmes dépouillées de leurs vêtements une fois tuées, furent montrés à
la télévision. On prétendit souvent que les forces de sécurité tuaient
les militants après les avoir capturés vivants. Un autre événement qui
souleva de vives réactions fut la vue de corps de femmes et enfants
tués ou prétendument tués par les militants du PKK.
L’attitude de provocation porta ses fruits pendant
la deuxième moitié de 1992 dans les régions occidentales de la Turquie.
Après les funérailles organisées pour les officiers de la sécurité
morts dans le Région en Etat d’Urgence, la tension augmenta et des
affrontements se sont produits entre la population turque et kurde dans
le district d’Urla, à Izmir (3-4 août 1992), dans le district de
Fethiye, à Mugla (pendant les premiers jours d’octobre 1992), dans le
district d’Antalya (pendant les trois deniers jours d’octobre 1992) et
à Kusadasi, Bursa et Erzurum (alors que se poursuivaient les incidents
à Antalya). Des incidents similaires se sont produits dans la province
d’Igdir, les 2 et 3 novembre.
Les autorités n’ont adopté aucune mesure pour
prévenir les affrontements qui ont éclaté pendant les funérailles. En
novembre, le Ministre de l’Intérieur, Ismet Sezgin, qui concéda une
interview au quotidien Cumhuriyet à propos d’événements dérivant
parfois en attaques contre le peuple kurde, manifesta: “Les effets
produisent des réactions. Le sens national de notre peuple le rend plus
sensible. Bien sûr, des agents provocateurs surgissent de partout,
comme toujours. Cependant, je pense que le grand sens commun de notre
peuple suffira à protéger notre unité nationale”.
Dans la Région en Etat d’Urgence, la vie sociale,
les activités éducatives, les services sanitaires et autres sont restés
pratiquement paralysés pendant ces 500 jours. La population de nombreux
districts et villes a diminué considérablement en raison de l’énorme
exode dont ils furent victimes. Quelque 400 villages et agglomérations
furent évacués. Les bâtiments des zones évacuées sont devenus
inutilisables. Un total de 622 écoles primaires et secondaires durent
fermer leurs portes pendant les trois dernières années pour des raisons
de sécurité, à cause de l’évacuation de villages, du manque d’étudiants
et les difficultés pour trouver des enseignants. Selon les données du
Ministère de l’Education Nationale, en trois ans, 35 écoles ont été
fermées à Van, 59 à Sirnak, 12 à Diyarbakir, 188 à Mardin et 201 à
Elazig. Le nombre de médecins et de membres du personnel assistant
médical chargés des hôpitaux et des institutions sanitaires a
rapidement baissé. Les organisations au militantisme massif, les partis
politiques et les centres de loisirs ont été désertés.
Les incidents vécus dans la Région en Etat
d’Urgence, firent place à une situation d’espoir vers le milieu du mois
de mars de 1993. La tension est soudainement tombée lorsque le leader
du PKK Abdullah Öcalan révéla dans une conférence de presse, le 17 mars
1993, qu’il avait décrété un cessez-le-feu unilatéral pour une période
allant du 20 mars au 15 avril. Abdullah Öcalan qui convoqua une
conférence de presse dans la Vallée de Bekaa affirma qu’il voulait
transformer le PKK en un parti politique et précisa: “Nous avons
décrété un cessez-le-feu unilatéral. Aussi longtemps que des attaques
ne seront pas dirigées contre nous, nous ne tirerons pas. Aucune des
attaques se produisant durant cette période ne sera de notre
responsabilité. Ce dont j’ai peur, c’est d’une possible provocation le
Jour du Newroz. Ce cessez-le-feu correspond à une demande de la société
internationale et de l’opinion publique turque et kurde. Mettons fin à
la guerre et arrivons à un accord. Nous pensons que les autorités
turques doivent revoir la situation. Pour que cette révision soit
possible, nous pensons que ce cessez-le-feu est nécessaire”. Affirmant
son désir de retourner en Turquie et de s’adonner à la politique,
Abdullah Öcalan précisa que les autorités turques devaient fournir une
garantie sur ce point, car il ne veut devenir un autre Sheik Sait ou
Sheik Bedrettin. Il souligna également qu’il était disposé à se retirer
des négociations si sa présence constituait un obstacle à la conclusion
d’un accord. Jelal Talabani, leader de l’Union Patriotique du Kurdistan
(PUK), était présent à la conférence de presse.
MANIFESTATIONS POLICIÈRES
Les manifestations pendant les funérailles
organisées par des officiers de police suite à des attaques armées et à
des assassinats furent un autre des préoccupants événements vécus
pendant ces 500 jours. Durant ces manifestations, surtout celles qui se
sont déroulées à Istanbul, Adana et Izmir, des activistes des droits de
l’homme, certains hommes politiques et des membres de la presse furent
pris pour cible et des journalistes furent battus et arrêtés. Les
autorités se sont contentées de fermer les yeux. Pire encore, les
activistes furent encouragés et on les incita à manifester. Avec ses
déclarations et ses discours, le Président Özal fit preuve d’une
attitude propre à aggraver la tension. Le Mi-nistre de l’Intérieur, qui
appuya les officiers de police par ses déclarations, manifesta: “Les
slogans scandés pendant les manifestations sont purement
psychologiques. Nous devrions admettre que les policiers crient des
slogans pour exprimer la tristesse que leur produit la mort de leurs
amis”.
Les déplaisants événements vécus à Lice le 28
novembre 1991, à Istanbul les 5 décembre 1991 et 4 février 1992, à
Izmir le 5 février 1992, à Istanbul et Adana le 7 février 1992, à
Sirnak le 5 mars et à Batman le 21 avril 1992, sont des exemples
représentatifs de ces revendications policières. Pendant les
démonstrations à Sirnak et à Batman, des personnes furent battues et
des magasins détruits.
Les manifestations des policiers furent suspendues
pendant une longue période en raison des vives réactions et critiques.
Les officiers de police qui essayèrent de manifester ou de scander des
slogans, furent réduits au silence par leurs supérieurs. Cependant, ces
manifestations reprirent à partir de novembre 1992. Il y en eut à
Diyarbakir le 10 novembre 1992, à Istanbul les 19 novembre 1992, 20
mars 1993 et 2 avril 1993.
TORTURE
Les cas de torture se sont poursuivis pendant les
500 jours du gouvernement de coalition. Sur ce point, la situation n’a
pas beaucoup varié par rapport aux années précédentes. Cependant, les
promesses comme celle de “mettre fin à la torture et punir les
tortionnaires”, figuraient en bonne place dans le programme
gouvernemental et dans les déclarations des représentants du
gouvernement. Dans son premier discours après son entrée en fonctions,
le Ministre de la Justice, Seyfi Oktay, déclara que le nouveau
gouvernement introduirait de grands changements légaux dans le but de
mettre fin à toute sorte de cruauté, et ajouta qu’il était contraire
aux détentions sans mandat judiciaire. Le Premier Ministre Süleyman
Demirel a fréquemment formulé des déclarations similaires. Mais aucun
de leurs engagements ne fut jamais tenu. La torture continua d’être une
méthode d’interrogation telle qu’on l’appliquait depuis des années. Les
modifications du Code des Procédures Criminelles (CMUK), tant annoncés
et transformés en loi après de longs débats, ne purent éviter la
torture. Des expressions comme “des Postes de Police Transparents” et
des “Murs de Verre” sont restées de simples formules électorales. Les
postes de police et les centre d’interrogation sont en fait des lieux
entourés de murs bien épais que le regard, même d’un député, a bien du
mal à percer.
Pendant une visite aux USA, Demirel déclara au cours
d’une interview à CNN que la torture avait diminué et que tous les cas
étaient sérieusement étudiés. Cependant, les faits donne tort à
Demirel. Pratiquement aucun des cas repris ci-après n’a fait l’objet
d’une enquête sérieuse. La torture es toujours appliquée de manière
systématique dans les postes de police et particulièrement par la
police politique. Même les décès provoqués par la torture n’ont pas
cessé en 1992.
Tout comme avant, la plupart des officiers accusés
de torture qui, en dépit de toutes les difficultés, furent traduits en
justice, furent généralement acquittés. Dans le procès conclu le 12
février 1992 à la Cour Criminelle Kadiköy d’Istanbul, l’officier de
police Hüseyin Polat, accusé d’avoir torturé MD Hüseyin Özkahraman, fut
acquitté. La raison de l’acquittement était que Hüseyin Özkahraman ne
put reconnaître l’officier accusé. Hüseyin Özkahraman, arrêté le 6
juillet 1991, fut interrogé et torturé au Poste de Police de
Yeldegirmeni. Il prouva les tortures subies par un certificat médical
faisant état de son incapacité de travailler pendant 15 jours.
CODE MODIFIÉ DES PROCÉDURES CRIMINELLES
Pendant 500 jours, les débats sur la “torture” se
sont essentiellement concentrés sur les amendements au Code des
Procédures Criminelles, ou CMUK (Ceza Mahkemeleri Usul Kanunu). Ceux-ci
font partie des grandes promesses du gouvernement.
La plupart des amendements introduits par la loi ne
seront pas appliqués aux enquêtes politiques (Article 31) sous la
juridiction des Cours de la Sûreté de l’Etat (CSE) et dans la Région en
Etat d’Urgence. En excluant certains délits de la juridiction des CSE,
on a tenté de réduire au silence certaines critiques. (En réalité, avec
l’article 29 de la loi, le nombre de délits du ressort des CSE a
diminué). De nombreux délits qui ne sont plus du ressort des CSE sont
considérés des délits de terreur et sont donc du ressort de la “Loi de
Lutte contre le Terrorisme”. Cela veut dire que la présence d’un texte,
un discours ou un dépliant dans un appartement peut facilement être
assimilé à un délit tombant sous la “Loi de Lutte contre le
Terrorisme”. Les défendeurs sont donc jugés par un CSE, peuvent être
détenus pendant 15 jours (30 dans la Région en Etat d’Urgence), et ne
peuvent recevoir la visite de leur avocat ou des membres de leur
famille.
Les amendements au Code des Procédures Criminelles
ont donné lieu à plusieurs discussions publiques ainsi qu’à des
critiques de la part des activistes des droits de l’homme et des
juristes. Les critiques se sont intensifiées devant l’exclusion des
délits politiques des améliorations introduites. La loi fut également
critiquée parce qu’elle ne résout pas le problème de la torture. Il est
difficile de croire qu’elle puisse changer la situation sans remplacer
les personnes qui pendant des années ont pratiqué cette méthode. On
considère également qu’elle enfreint les Articles 5 et 6 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme.
MORTS EN DÉTENTION ET DISPARITIONS
Pendant les 500 jours, les décès en détention ont
occupé une place prépondérante dans le sombre panorama des violations
des droits de l’homme. Pendant cette période, 19 personnes détenues
sont mortes dans des circonstances suspectes. 13 des décès en détention
se sont produits dans la Région en Etat d’Urgence, 2 à Adana, 2 à
Istanbul et les autres à Artvin et Antalya.
Outre ces personnes mortes en détention, sept autres
ont disparu suite à leur arrestation. Par ailleurs, aucune information
n’a pu être obtenue à propos de Yusuf Eristi, Haydar Altun, Ibrahim
Gündem et Hüseyin Toraman, disparus en 1991. Les autorités n’ont donné
aucune explication satisfaisante aux familles des victimes disparues
suite à leur détention et aucune enquête sérieuse n’a été entreprise
pour retrouver ces personnes. De plus, le Premier Ministre Süleyman
Demirel répondait de la manière suivante aux familles des disparus qui,
le 8 novembre, s’étaient rendues au Bureau du Premier Ministre: “Vos
enfants ne sont pas dans ma poche, donc je ne peux pas vous le donner”.
Les autorités policières se sont satisfaites de réponses comme “Les
personnes susmentionnées n’ont pas été arrêtées. Nous les cherchons
également”.
LES CAS DE TORTURE
Selon les statistiques de la Fondation des Droits de
l’Homme de Turquie, un total de 804 personnes, parmi lesquelles 14 sont
des enfants et 121 des femmes, ont été torturées pendant cette période.
226 de cas de torture ont été certifiés par des rapports médicaux. 27
des femmes torturées ont affirmé avoir été violées ou victimes d’abus
sexuels pendant leur détention. En l’espace d’un an, un total de 177
personnes prétendument torturées ont sollicité les soins des centres de
traitement du TIHV, 29 se sont dirigées à un centre de traitement à
Ankara, 50 à Istanbul et 98 à Izmir. (Ce chiffre ne comprend pas les
personnes relâchées récemment ou les personnes qui se sont dirigées au
TIHV bien qu’ayant été torturées avant le 21 novembre 1991). Les cas
enregistrés par le TIHV ne sont qu’une petite portion des tortures qui
se produisent en Turquie.
Tout le monde sait que la torture est infligée en
Turquie à la quasi totalité des défendeurs, aussi bien politiques que
ordinaires, comme moyen systématique d’interrogation. Bien que toute
une série de méthodes de torture bien connues soit largement utilisée
contre les suspects de délits ordinaires dans les postes de police ou
de gendarmerie, une partie importante des cas de torture ne peuvent
être révélés parce que ces suspects n’insistent pas sur leurs droits.
LES PRISONS
Pendant ces 500 jours de coalition gouvernementale,
on a décelé plusieurs cas de traitements inhumains dans les prisons,
mettant en exergue un autre grand problème de la Turquie. Les plaintes
concernant les mauvaises conditions de vie n’ont cessé de
s’intensifier. Des grèves de la faim ont été organisées dans plusieurs
prisons. Le gouvernement de coalition, qui avait fermé la Prison de
Type Spécial d’Eskisehir dès son arrivée au pouvoir, avait donné
l’impression qu’il suivrait une politique respectueuse de la dignité
humaine. Mais plusieurs pressions et traitements inhumains décelés
pendant l’année furent décevants. Parfois, les détenus étaient
brutalement battus. Le Ministre de la Justice, Seyfi Oktay, qui s’est
souvent opposé aux clauses anti-démocratiques de la “Loi de Lutte
contre le Terrorisme” lorsqu’il se trouvait dans l’opposition, ne fit
aucune tentative légale pour les supprimer. Il préféra garder le
silence sur certains aspects comme ceux qui veulent “qu’aucun défendeur
jugé en vertu de l’Article 125 du CPT pour connexion avec des
organisations kurdes, ne puisse bénéficier d’une mise en liberté
conditionnelle”, et que “les prisonniers politiques ne puissent
bénéficier de visites libres”.
L’injustice dont sont victimes les défendeurs et les
condamnés jugés pour leurs liens avec des organisations kurdes,
particulièrement avec le PKK, est toujours d’actualité. Le gouvernement
de coalition a préféré attendre la décision du Tribunal Constitutionnel
à propos de la mise en liberté conditionnelle des prisonniers
politiques condamnés en vertu de l’Article 125 du Code Pénal Turc
(CPT), au lieu d’introduire des changements légaux. Le Tribunal
Constitutionnel n’a pas supprimé la section qui prévoit “qu’aucun
défendeur jugé en vertu de l’Article 125 du CPT ayant des liens avec
des organisations kurdes ne peut bénéficier d’une mise en liberté
conditionnelle”. A cause de cette décision, les procès intentés contre
des organisations kurdes, les défendeurs condamnés à mort devront
rester en prison pendant 20 ans au lieu de 10, et ceux condamnés à la
prison à vie devront purger 15 ans au lieu de 8. Cette décision
démontre l’existence de deux normes, une pour les organisations turques
et une autre pour les kurdes, ce qui est contraire au principe
d’égalité de la Constitution.
Pendant les 500 jours, des grèves de la fin ont
éclaté trois fois à la Prison Buca d’Izmir; deux fois à la Prison de
type E de Malatya, à la Prison de Kayseri et aux prisons de type E
d’Elazig et d’Aydin; une fois à la Prison Spéciale de Ceyhan, à la
Prison Centrale d’Ankara, à la Prison de Type E d’Urfa, à la Prison de
Type E de Diyarbakir, à la Prison de Type E de Yozgat, à la Prison de
Type E de Canakkale, à la Prison de Type E d’Amasya, à la Prison fermée
de Metris, à la Prison Spéciale de Bursa et à la Prison de Type E de
Nevsehir. Celles-ci avaient pour but de dénoncer la pression croissante
et les mauvais traitements et de demander une amélioration des
conditions de vie. De nombreux prisonniers et condamnés furent battus,
surtout en 1993, provoquant des blessures à des centaines d’entre eux.
LIBERTE DE LA PRESSE ET DE PENSEE
Les 500 premiers jours du gouvernement de coalition
n’ont été guère positifs du point de vue de la vie culturelle et de la
liberté de la presse, de pensée et de croyance. Cependant, quelques
décisions positives prises à la fin de l’année 1991 et au début de
1992, avaient pu laisser croire que les pressions sur les libertés de
la presse et de pensée seraient atténuées. Pendant les premiers jours
de gouvernement, les interdictions qui frappaient certaines
publications furent suspendues dans les bibliothèques du Ministère de
la Culture. On leva également les interdictions sur certaines oeuvres
d’art et certains artistes et le Conseil des Ministres annula les
ordres d’interdiction concernant quelque 700 publications.
Pendant la même période, la proscription de
publications kurdes fut totalement abolie, et la production ainsi que
la vente de cassettes kurdes furent autorisées. Les droits de 227
personnes qui avaient été privées de leur citoyenneté turque et
s’étaient vus confisquer leurs propriétés et leurs biens après le
coup-d’Etat militaire du 12 septembre, furent rétablis. Cependant cette
évolution positive et les amendements sont restés inefficaces face aux
pressions et restrictions dont faisait l’objet la liberté de pensée
ainsi qu’aux obstacles légaux et aux attaques physiques contre la
presse. Le nombre de journalistes tués pendant cette période dépasse
celui des 30 dernières années. Des procès furent également intentés
contre des journalistes et des écrivains exigeant des dizaines d’années
de prison et des amendes totalisant des milliards de LT. La quasi
totalité des radios et télévisions privées furent fermées.
JOURNALISTES
ASSASSINÉS
Pendant les 500 jours, un total de 16 journalistes,
14 d’entre eux dans la Région en Etat d’Urgence, furent tués au cours
d’attaques armées perpétrées par des inconnus. De plus, Burhan
Karadeniz (20), correspondant à Diyarbakir du journal Özgür Gündem,
était gravement blessé le 5 août 1992, au cours d’une attaque armée
qu’il était en train de couvrir. Burhan Karadeniz, qui reçut une balle
dans la nuque, fut paralysé. On prétendit que les journalistes tués
étaient des “militants”, ouvrant la voie à d’autres assassinats.
Outre les journalistes, des personnes chargées
de distribuer et de vendre des publications comme “Özgür Gündem”,
“2000e Dogru”, “Yeni Ülke”, “Azadi” et “Gerçek” furent victimes des
attaques d’assaillants inconnus dans la Région en Etat d’Urgence. Suite
à ces attaques, 4 distributeurs de journaux, Halil Adanir (Batman-21
nov. 1992), Kemal Ekinci (Diyarbakir-15 déc. 1992), Lokman Gündüz
(Nusaybin-31 déc. 1992) et Orhan Karaagar (Van-19 janv. 1993), furent
tués et deux autres, Hasan Özgün et Ali Ihsan Kaya furent blessés.
Les attaques physiques des officiers publics contre
la presse pendant les 500 jours se sont soldées par la mort de 16
journalistes, tandis qu’un autre restait infirme. Selon les chiffres du
TIHV, un total de 67 journalistes ont été insultés ou battus à l’aide
de bâtons ou de matraques par des officiers publics ou de la sécurité
au cours de 31 incidents différents. Bahri Kayaoglu, un des
correspondants du journal “Meydan” fut battu à deux reprises par les
gardes du Président Turgut Özal en l’espace de trois mois. De nombreux
journalistes furent arrêtés. Le journal Özgür Gündem (32) et la revue
Mücadele (41) se classent en première position quant au nombre de
journalistes arrêtés. Des groupes islamistes radicaux ou certains
organisations gauchistes illégales ont également mené des attentats à
la bombe contre des journalistes et des organismes de presse.
PRESSIONS CONTRE LES LIBERTÉS DE PENSÉE
Malgré plusieurs déclarations des autorités dans
lesquelles elles affirmaient “qu’aucun livre ne serait plus jamais
interdit”, 244 magazines et journaux furent confisqués pendant les 500
jours suite aux ordres émis par les tribunaux. Pendant la même période
on décréta également la confiscation de 27 livres. Ces derniers, ainsi
que les journaux, furent acceptés comme “moyens de délit” et dénoncés à
la télévision. Ismail Okçu (Hekimoglu Ismail purgea 71 jours de
prison), un des auteurs du journal “Zaman”, Sükrü Aksoy, ancien
rédacteur en chef du journal “Emegin Bayragi” (purgea 2 mois de
prison), Sinami Orhan, rédacteur en chef du journal Ak-Dogus (purgea 3
mois et 18 jours de prison) et Erdogan Yasar Kopan, (toujours en
prison), ancien rédacteur en chef du journal “Mücadele”, furent jetés
en prison pour y servir les peines infligées pour leurs articles. De
plus, une peine de prison imposée à Mustafa Kaplan, un des rédacteurs
du journal “Yeni Asya”, pour avoir insulté Atatürk au cours d’un
meeting célébré à Usak en 1989, fut confirmé par la Cour d’Appel en
janvier 1993. Les sentences infligées aux journalistes et écrivains
totalisent 50 ans, 9 mois et 15 jours de prison, et le montant des
amendes s’élève à 17.358.200.000 LT.
Les stations de radio privées, surtout celles
d’Ankara, Istanbul, Izmir et Adana furent fermées au cours des premiers
jours d’avril 1993. En mars, le Ministère des Transports avait envoyé
une circulaire aux gouverneurs leur ordonnant de fermer toutes les
radios privées. La mesure ne fut pas appliquée aux télévisions privées
émettant depuis l’étranger. Cette décision provoqua une grande
réaction. L’Article 132 de la Constitution de la République de Turquie
prévoit que “les émissions de radio et de télévision sont uniquement du
ressort de l’Etat”. En Turquie émettent plus de 500 radios. La plupart
d’entre elles ont un caractère local.
LA LANGUE KURDE
Une des mesures positives prises par le gouvernement
de coalition pendant cette période concerne la langue et les
publications kurdes. Pendant les premiers jours de 1992, plusieurs
amendements furent introduits en vue d’atténuer les interdictions et
limitations qui frappaient les publications kurdes depuis des années.
Par la suite, des moyens de communication comme les cassettes, les
livres et les journaux pouvaient être vendus librement. L’interdiction
qui frappait le film “Mem-u Zin”, basé sur un roman du poète et penseur
kurde Ehmedi Xani fut levée par le Ministre de la Culture Fikri Saglar.
Ce film avait été interdit parce qu’il contenait des chansons
folkloriques kurdes. La première diffusion avait été organisée par la
Fondation des Droits de l’Homme de Turquie à Ankara le 18 janvier 1992.
En levant les restrictions sur les prénoms pouvant
être donnés aux nouveaux-nés, le Ministère de l’Intérieur appliqua le
droit des parents à choisir les prénoms de leurs enfants. Après le
coup-d’Etat militaire, on avait interdit l’attribution de prénoms
kurdes aux enfants. En mars 1993, des études avaient même été
entreprises pour rétablir les anciens noms des agglomérations. Ceux-ci
avaient été changé après le coup-d’Etat.
Cependant, tous ces amendements n’ont pas suffi à
mettre définitivement fin aux pressions et aux limitations imposées à
la langue et aux traditions kurdes. Mais à partir de la seconde moitié
de 1992 certains de ces aspects positifs laissèrent leur place à des
pressions comparables à celles vécues par le passé. Les publications et
traditions kurdes furent à nouveau victimes de pratiques illégales. Des
personnes furent arrêtées parce qu’elles chantaient des chansons
kurdes. Les cérémonies de mariage et les circoncisions organisées selon
les traditions kurdes furent empêchées par les forces de sécurité. Ceux
qui assistaient à ces cérémonies furent battus, détenus et arrêtés.
La Turquie n’a pas signé la Charte préparée par le
Conseil de l’Europe assurant la protection et l’amélioration des
langues régionales. La charte préparée pour être signée par les pays
membres du Conseil de l’Europe en septembre 1992, fut signée dans une
première phase par l’Allemagne, le Luxembourg, Malte, la Hongrie, le
Liechtenstein, l’Espagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la
Hollande et la Norvège. Dans cette charte, le concept de “langue
minoritaire et régionale” est décrite comme “Une langue parlée sur le
territoire d’un pays par un groupe de personnes dont la population est
moins importante que celle de l’Etat, et qui diffère de la langue
officielle de l’Etat”. La convention définit certaines obligations pour
las pays signataires et notamment celle d’améliorer et protéger les
langues minoritaires et régionales. Si la Turquie signe accepte de la
signer, elle devra prendre en considération ses obligations envers les
nombreuses langues parlées dans le pays, et notamment le kurde.
L’Institut Kurde, fondé dans le cadre du Centre de
la Culture Mésopotamienne, qui étudie et développe la langue,
l’histoire et la culture kurdes, fut inauguré à Istanbul le 18 avril
1992. La plaque de l’institut, prévue en turc et en kurde, fut arrachée
par la police trois heures après. Elle fut replacée, mais l’institut
fut perquisitionné dans la matinée du 15 novembre 1992, suite à des
directives écrites du Bureau du Procureur la CSE d’Istanbul. Pendant la
descente, de nombreux documents, des publications, des livres, des
films, des photos et des disquettes informatiques furent saisies et
trois personnes furent arrêtées. La représentation de Mirin ü Jiyan
(Vie et Mort), interprétée par le Théâtre Jiyana Nü, établi dans le
Centre Culturel de la Mésopotamie, fut interdite à Ankara.
La Fondation Culturelle Kurde, qui mettait fin aux
gestions de sa fondation le 22 juin 1992, introduisit sa demande
d’enregistrement auprès du Tribunal de Première Instance N° 1
d’Istanbul. La Fondation Culturelle Kurde avait pour but d’effectuer
des recherches sur la langue, la littérature, la géographie, le
folklore, la musique et l’ethnographie kurdes, et par la suite, de
publier ces recherches. Mais cette fondation ne put enregistrée en
raison de la décision du Tribunal de Première Instance N° 1 sous
prétexte qu’elle est basée sur une question de race. Le député de
Diyarbakir Hatip Dicle, un des membres fondateurs de la Fondation
Culturelle Kurde précisa: “L’interdiction concerne le nom Kurde. Ce
qu’on ne veut pas reconnaître ce sont les droits nationaux et
démocratiques du peuple kurde. La République Turque et la CSE ont donc
agi d’une manière contraire à la Charte de Paris.
LIBERTE D’ORGANISATION
Le gouvernement de coalition n’a pas répondu aux
attentes de liberté d’organisation, d’assemblée et de manifestation.
Les pressions et attaques contre certains partis politiques et
organisations de masse n’ont fait que s’accentuer. Les clauses
anti-démocratiques de la Loi sur les Associations, la Loi sur les
Partis Politiques, la Loi sur les Meetings et les Manifestations
héritées du coup-d’Etat du 12 septembre, furent souvent appliquées. Les
pressions et les mesures anti-démocratiques se sont intensifiées
pendant les Festivités du Newroz, avant le Premier Mai et après les
événements de Sirnak. Lors de la réunion extraordinaire du Conseil de
Sécurité du 27 août 1992 à Diyarbakir on sentit un climat de malaise en
raison des activités de certains partis politiques et des organisations
de masse. On décida de suivre de près ces partis et organisations, et
de contrôler leurs activités. Les pressions existantes n’ont donc fait
que s’accentuer.
Le gouvernement de coalition n’entreprit aucune
tentative sérieuse pour mettre en oeuvre les promesses faites pendant
la campagne électorale. Il refusa d’autres propositions et tentatives
allant dans ce sens. Le Premier Ministre Süleyman Demirel s’opposa au
projet de loi préparé par le Député de Sirnak Mahmut Alinak, qui
prévoyait la suppression de certaines clauses anti-démocratiques de la
“Loi sur les Assemblées et les Manifestations”. Süleyman Demirel, qui
notifia par écrit à l’Assemblée Nationale sa position à propos de la
proposition, soutenait que les changements réclamés empêcheraient
l’administration d’accomplir son devoir et de prendre les mesures
nécessaires. Süleyman Demirel s’opposa également à la réduction des
peines de prison pour les personnes participant à des manifestations et
des marches non autorisées, argumentant que des peines légères auraient
moins de pouvoir de dissuasion et d’efficacité. Süleyman Demirel
précisa que si on supprimait le pouvoir des gouverneurs d’interdire des
meetings et des manifestations, ce serait un crime contre la
Constitution.
PRESSIONS SUR LES ORGANISATIONS DE MASSE
D’autres organisations de masse ainsi que le IHD
furent exposés à des pressions et des attaques similaires pendant les
500 jours. On empêcha le travail des organisations démocratiques, on
interdit leurs activités et leurs membres et leaders furent détenus ou
arrêtés. De nombreux concerts, manifestations, festivals et meetings
n’ont pas été autorisés. Les forces de sécurité ont tiré sur des
manifestants, particulièrement lors des Festivités du Newroz. De
nombreuses personnes ont été tuées ou blessées. (Les événements et
manifestations du Newroz ayant provoqué des morts sont décrits dans la
partie intitulée “Droit à la Vie”). 34 organisations de masse (4
d’entre elles sont des branches du IHD) ont été fermées pour une
période définie ou indéfinie.
PRESSIONS SUR LES PARTIS POLITIQUES
Pendant les 500 premiers jours du gouvernement de
coalition, on a assisté à une intensification de la pression et des
obstructions ainsi que des attaques physiques contre les partis
politiques, et particulièrement contre le Parti Travailliste du Peuple
(HEP), le Parti Socialiste (PS), le Parti des Travailleurs (IP), le
Parti d’Union Socialiste (SBP) et le Parti des Verts (YP). Ces partis
politiques ont été soumis à de nombreuses pressions et attaques rendues
possibles par la loi ou l’attitude des autorités. Des procès et des
enquêtes ont été introduites, des peines de mort ont été demandées,
contre des leaders de partis et même des députés, et dans certains cas
ceux-ci ont été inculpés et condamnés.
Pendant ce temps, un changement positif dans la
législation permit la réouverture des partis politiques fermés après
les coups-d’Etat du 27 mai 1960 et du 12 septembre 1980. Tirant parti
de cette occasion, de nombreux partis, y compris le Parti Démocrate, le
Parti Républicain du Peuple, le Parti Révolutionnaire Socialiste et le
Parti des Travailleurs Socialistes de Turquie, reprirent leurs
activités. D’un autre côté, d’autres (comme le Parti de la Justice et
la Parti des Travailleurs et Paysans de Turquie) ont invité leurs
délégués à un congrès, en accord avec leurs droits légaux, mais ont
préféré rejoindre d’autres partis au lieu de se réorganiser par eux
mêmes.
Pendant cette période, on observa une forte
augmentation des attentats contre les membres d’administrations locales
de partis politiques, et des meurtres non élucidés. Ces attentats
politiques ont coûté la vie au Président du SHP du district de
Nusaybin, Oktay Türkmen, à un des leaders de l’Organisation du HEP du
district de Nusaybin, Abdurrahman Sögüt, à un des leaders de
l’Organisation du HEP du District de Silvan, Felemez Günes, au
Président du IP du District de Cizre Resul Sakar, à l’ancien Président
de l’Organisation provinciale du HEP, Abdulsalem Sakik, au Président du
HEP du District de Kovancilar (Elazig), Rodi Demirkapi, aux leaders de
l’Organisation Provinciale du HEP d’Antalya, Idris Celik et Yusuf
Solmaz, à un des leaders de l’Organisation Provinciale du HEP de
Batman, Mehmet Ertan, au Président Provincial du ÖZDEP, Cemal Akar et à
un des leaders de l’Organisation du Parti Socialiste de Sirnak, Ömer
Güven.
Pendant les 500 jours, de nombreuses demandes de
peine de mort ont été introduites contre les députés du HEP. Comme il a
été déjà dit, le Bureau du Procureur de la CSE d’Ankara avait intenté
un procès en vertu de l’Article 125 du CPT, demandant la peine de mort
pour 22 députés du HEP en décembre 1991, et avait sollicité de la
Présidence de l’Assemblée Nationale la levée de leur immunité
parlementaire.
LES DROITS DES TRAVAILLEURS ET LES SYNDICATS
Le rétablissement attendu des droits syndicaux et
les améliorations du monde du travail sont tombés à l’eau, violant
ainsi les promesses du gouvernement de coalition. Selon le programme
gouvernemental, le Ministère du Travail avait commencé à préparer des
réformes dans ce domaine au début de l’année 1992 en vue de modifier
les dispositions légales imposées par le régime du 12 septembre en
matière des droits des travailleurs et des libertés syndicales.
Cependant, ces études n’ont jamais été terminées. Le gouvernement s’est
limité à des déclarations du style “les études seront bientôt terminées
et soumises à l’Assemblée Nationale pour y être débattues”.
Pendant ce temps, 7 propositions différentes
de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) étaient débattus à
l’Assemblée Nationale et adoptés en novembre 1992. Six des propositions
adoptées (N° 59, 87, 135, 142, 144 et 151) furent approuvées par le
Président Turgut Özal et sont entrées en vigueur. Mais le Président
opposa son veto à la plus importante: la 158. Elle prévoyait des
mesures contre les licenciements arbitraires, et des clauses qui
rendaient plus difficiles les renvois et octroyaient aux travailleurs
le droit de s’adresser à la Cour d’Appel. Bien que les propositions
furent adoptées, les amendements nécessaires n’ont pu entre en vigueur.
Tandis que les amendements de la Constitution
étaient remis à plus tard, le monde du travail était souvent victime de
pratiques peu reluisantes. Les licenciements se sont poursuivis durant
toute l’année. Les cas les courants se sont produits dans les secteurs
du textile et du métal. Le nombre de travailleurs licenciés s’élève à
dix mille. Les travailleurs ont répondu à ces abus par la résistance et
diverses activités. Des grèves ont également éclaté. Les travailleurs
et les syndicalistes furent harcelés, battus, détenus, arrêtés et
jugés. Les ouvriers des usines ou des ateliers, soumis à des conditions
peu saines et sans sécurité d’emploi, furent souvent victimes
d’accidents du travail.
FONCTIONNAIRES PUBLICS ET SYNDICATS
Pendant les 500 jours, les fonctionnaires publics
n’ont pu bénéficier des droits syndicaux qu’ils attendaient depuis des
années. Et ce en dépit du fait que les promesses de “rétablir les
droits syndicaux des fonctionnaires publics” constituaient une
importante partie du programme gouvernemental. Ces promesses furent
rappelées a plusieurs reprises par le Premier Ministre Süleyman Demirel
et le Vice-Premier Ministre Erdal Inönü dans leurs déclarations. Mais
aucun progrès ne fut acquis dans ce domaine. Pire encore, la circulaire
du Ministère de l’Intérieur publiée sous le gouvernement du Parti de la
Mère-Patrie statuant l’illégalité des syndicats des fonctionnaires
publics, ne fut supprimée que bien longtemps après. En raison
circulaire, les syndicats fondés par des fonctionnaires et des
enseignants ont été confrontés à diverses pressions et obstructions
administratives. Finalement, elle put être supprimée par décision
judiciaire. Le 12 novembre 1992, le Conseil d’Etat annulait la
circulaire du Ministère de l’Intérieur du 28 février 1991 qui
interdisait le financement des syndicats par les fonctionnaires
publics. Cette décision fut justifiée par le fait que le statut des
syndicats de fonctionnaires publics dépend des tribunaux et non du
Ministère de l’Intérieur. La suppression de cette circulaire supposa un
grand pas vers le rétablissement des syndicats de fonctionnaires
publics.
Selon les conclusions du TIHV, 67 branches de
syndicats de fonctionnaires publics furent victimes des obstructions
des gouverneurs, ou leurs fonctions furent suspendues. Aussi bon nombre
de leurs activités furent interdites. Les personnes assistant aux
activités organisées par les syndicats des fonctionnaires publics
furent battus et détenus par la police. Les membres ou leaders de ces
syndicats furent exilés ou renvoyés à d’autres endroits.
PEINES DE MORT
Aucun progrès significatif ne fut atteint en ce qui
concerne la peine de mort au cours de ces 500 jours. “La Loi de Lutte
contre le Terrorisme”, promulguée le 12 avril 1991, prévoit la non
application des peines de mort infligées pour des délits commis avant
cette date ou ultérieurement. Cette clause permet le soulagement
temporaire d’un problème qui figure au programme du gouvernement depuis
des années. Cependant, la présence dans la loi d’articles qui prévoient
la peine de mort, constitue toujours une menace.
Après 500 jours, le gouvernement de coalition n’a
toujours pas entreprit la moindre mesure en vue de lever la menace que
suppose la peine de mort. Même le projet préparé par le Ministère de la
Justice et qui prévoit plusieurs amendements a la “Loi sur l’Exécution
des Sentences”, maintient la peine de mort telle qu’elle existe
aujourd’hui. Dans le projet de loi, le seul changement dans la peine de
mort, concerne les femmes enceintes condamnées. La clause actuelle,
“Les femmes enceintes ne seront pas exécutées avant leur accouchement”
devient, “L’exécution de la peine de mort ne pourra se faire que
lorsque six mois se seront écoulés après l’accouchement de la femme
enceinte”. Malgré les déclarations contraires à la peine de mort de
l’aile du SHP du gouvernement de coalition, des procès demandant cette
peine ont été ouverts. La menace de la peine de mort pèse même sur des
députés
UNIVERSITÉS ET YÖK
Les perturbations dans les universités et le système
YÖK (Conseil de l’Education Secondaire) restèrent d’actualité pendant
toute l’année. Le programme du gouvernement précisait qu’après des
modifications nécessaires du Tribunal Constitutionnel, le YÖK serait
supprimé et les universités seraient administrées par des professeurs
élus par les centres eux-mêmes. D’un autre côté, le protocole de
coalition avait affirmé que des dispositions légales temporaires
seraient prises en accord avec les opinions des professeurs
universitaires, jusqu’à ce que la Constitution soit modifiée. La
première des promesses ne fut pas incluse dans l’agenda de l’Assemblée
Nationale, et la deuxième fut légalisée d’une manière non souhaitée. Le
projet de loi sur les élections des rectorats, inclus dans l’agenda de
l’Assemblée Nationale par le gouvernement, fut modifié grâce surtout à
la collaboration des députés du Parti de la Juste Voie avec les députés
des partis de l’opposition. La légalisation du projet touche rarement à
l’autorité du Président et au Président du YÖK dans les élections
rectorales.
Outre les aspects négatifs du système YÖK, des
étudiants ont été arrêtés et torturés. Les universités et les étudiants
ont été maintenus sous la surveillance de la police et la gendarmerie.
Des affrontements et des disputes entre des étudiants d’opinions
différentes ont également éclaté.
DÉTENTIONS
En 1992, les détentions pour activités et actions
politiques se sont poursuivies. Pendant cette année, des milliers de
personnes ont été arrêtées partout en Turquie, particulièrement dans la
Région en Etat d’Urgence. Les gens étaient surtout arrêtées pour avoir
pris part à des manifestations non autorisées, pour appartenance à des
organisations illégales ou pour avoir hébergé des membres de ces
organisations. Les détenus ont été interrogés et torturés pendant de
longues journées. Deux détenus sur trois furent relâchés au bureau du
Procureur ou après les premiers interrogatoires. Si nous considérons
que près de la moitié des personnes arrêtées ont été remises en liberté
lors de la première audience ou à la fin du procès, on peut se demander
à quel point ont été violés les droits et libertés des personnes par
des attitudes illégales et arbitraires lors des détentions.
MORTS DE LA PERIODE DE 500 JOURS
Morts suspectes en détention 19
Personnes tuées pendant le Newroz (1992) 92
Personnes tuées pendant le Newroz (1993) 3
Personnes tuées à Sirnak
ou lors d’événements similaires 44
Personnes tuées par balle lors des manifestations 38
Personnes tuées pendant
les descentes dans les maisons 80
Personnes tuées pour refus d’immobilisation etc
115
Morts à la suite d’explosions de mines 52
Personnes tuées par des assaillants inconnus 493
Morts à la suite d’attaques contre des civils 244
Morts à la suite d’attentats ou assassinats 331
Officiers de la sécurité morts au cours
d’affrontements 802
Militants morts au cours d’affrontements 1161
Nombre total de personnes tuées
pendant les 500 jours 3454
TORTURE
Morts suspectes en détention 19
“Disparitions” suite à une détention 7
Personnes torturées (cas connus par le TIHV)* 806
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*) Dont 14 sont enfants et 121 femmes. 226 de 806
victimes de la torture ont fourni les rapports médicaux établissant le
fait d'avoir été torturées.
LIBERTE DE LA PRESSE,
DE PENSEE ET DE CONSCIENCE
Journalistes tués 16
Marchands de journaux tués 4
Journalistes attaqués par des officiers 67
Journaux et revues confisqués 244
Livres confisqués 27
Nombre total d’années de prison infligées
aux journalistes et écrivains 50 ans 9 mois et 15
jours
Montant total des amendes infligées
aux journalistes et écrivains 17.358.000.000 LT
Journalistes emprisonnés 4
Etudiantes punies pour
avoir porté des foulards en classe 63
LIBERTE D’ORGANISATION
Leaders du IHD assassinés 3
Branches du IHD fermées 4
Organisations de masse démocratiques fermées 38
Syndicats de fonctionnaires publics entravés 67
Leaders de partis politiques tués 12
Partis politiques fermés 1
Partis politiques auxquels on a demandé de fermer 4
Grèves interdites. 2