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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie

200


17e année - N°200
Juin 1993
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

UNE DAME DE FER POUR LA TURQUIE

    Suite à l'accession de Demirel à la présidence de la République, le 13 juin 1993, la convention du principal partenaire du gouvernement de coalition, le Parti de la Juste Voie (DYP), choisissait Mme Tansu Ciller, Ministre d'Etat chargé de coordonner l'économie turque, pour remplacer Demirel à la tête du parti et du gouvernement. Le lendemain, le Président Demirel, recevait Mme Ciller et lui demandait de former un nouveau gouvernement.
    L'élection d'une femme comme présidente d'un parti conservateur comme le DYP et comme premier ministre d'un pays comme la Turquie, où le fondamentalisme islamique ne cesse de gagner du terrain, fut saluée comme une "incroyable révolution" aussi bien dans le pays qu'à l'étranger.
    Dans un sens, cette élection constitue un grand pas en avant pour deux raisons:
    Premièrement, malgré la discrimination dont font l'objet les femmes, surtout à l'aile droite de la scène politique turque, Ciller réussit à obtenir le soutien de la majorité au congrès du DYP, qui était entièrement composé de délégués moustachus. Un tel résultat peut être, à long terme, un bon exemple à suivre pour d'autres partis politiques et peut encourager les femmes à participer plus activement à la vie politique.
    Deuxièmement, l'élection de Ciller malgré l'opposition de l'ancien leader du DYP, Demirel, qui soutenait un autre candidat, le Ministre de l'Intérieur Ismet Sezgin, confirme le rajeunissement du leadership politique. Ce processus avait déjà commencé avec l'élection de Mesut Yilmaz à la présidence de l'ANAP malgré l'opposition ouverte de Turgut Özal à sa candidature.
    Cependant, sans avoir vu la composition et le programme du gouvernement que formera Ciller ou ses premières mesures à propos des droits de l'homme et des problèmes sociaux, il est trop tôt pour se montrer optimistes.
    La victoire de Ciller n'est pas du tout le fruit d'un long combat politique, mais d'une série de circonstances provoquées par le décès du Président Özal. Après que Demirel l'ait remplacé à la présidence de la République, le DYP, qui avait été fondé et développé comme le "parti d'un seul homme" sous le leadership de Demirel, s'est vu obligé de choisir un nouveau leader. De plus, comme l'électorat de son parti était attiré par l'ANAP, formation qui avait renouvelé son image sous la direction du jeune Mesut Yilmaz, le DYP avait également besoin d'un renouveau spectaculaire.
    La candidature de Ciller, malgré l'opposition de Demirel, était une occasion en or pour la base populaire du parti. Une jeune femme à la tête de la formation pouvait modifier tous les calculs politiques et mobiliser surtout l'électorat féminin et les jeunes électeurs en faveur du DYP.
    Plus important encore, les espérances de cette base populaire coïncident largement avec les préoccupations des grands cercles d'affaires qui voudraient voir à la tête du gouvernement une personne dont l'engagement envers les réformes économiques ne ferait plus de doute. Parmi ces réformes il convient de citer la privatisation d'entreprises économiques publiques et la reconnaissance de privilèges au capital au détriment des travailleurs. Aussi bien Demirel que Turgut Özal avaient été choisis et soutenus par les grands capitaux aux cours des dernières décennies pour cette raison. Sans aucune expérience politique derrière eux, tous deux avaient été propulsés sur la scène politique par les grands cercles d'affaires pendant les périodes de transition pour cette même raison (Voir: Info-Türk, N_ 199, "Özal et Demirel: Les hommes de la même cause").
    Parmi quatre candidats à la présidence du DYP, seule Ciller correspondait aux espérances des grands cercles d'affaires. Comme Özal et Demirel, Ciller avait également complété sa formation post-universitaire aux Etats-Unis. Pendant toute sa formation académique elle a toujours défendu la cause du grand capital. Elle ne s'est pas contentée d'un rôle de conseiller mais participa à des transactions financières et en peu de temps est devenue une des personnes les plus riches de Turquie.
    De plus, tirant parti du fait qu'elle est la première femme premier ministre de Turquie et de son charisme, elle pouvait calmer pendant un certain temps la colère des classes moins favorisées de la population devant les dures mesures économiques imposées.
    Ciller est donc arrivée sur la scène politique comme la nouvelle figure de la même cause.
    Il es très significatif que les deux principales organisations d'entrepreneurs turcs, l'Association des Entrepreneurs et Industriels de Turquie (TUSIAD) et l'Union des Chambres de Commerce, d'Industrie et des Marchés Boursiers de Turquie (TOBB) aient annoncé ouvertement leur soutien à Ciller depuis le début de la course à la présidence du DYP.
    De plus, le président de TOBB, Yalim Erez, mena activement la campagne électorale de Ciller. Il contribua en grande partie au financement des campagnes publicitaires dans les médias.
    Intelligemment, il persuada les délégués conservateurs du DYP de la fascination qu'une femme à la tête du gouvernement turc exercerait sur les pays européens, les faisant oublier leurs plaintes sur les droits de l'homme et ouvrir la porte d'accès à la CE.
    Consciente du fait que Demirel, craignant d'être éclipsé par la présence d'une charmante jeune femme à la tête du gouvernement, s'opposerait à sa candidature, Ciller combla ce désavantage par de rapides tête-à-tête avec des figures internationales comme le président français Mitterrand et l'ex-premier ministre britannique Thatcher.
    Au cours d'un débat télévisé avec tous les candidats à la présidence, Ciller réussit à s'affirmer comme la favorite grâce à son air américanisé. L'opinion publique, conditionnée par les séries de télévision américaines véhiculant l'image de jeunes et attrayantes jeunes femmes, fut facilement fascinée par cette performance inhabituelle dans la vie politique turque.
    En plus de ce show à l'américaine, réaffirmant les engagements conservateurs, nationalistes et religieux des délégués du DYP, Ciller répéta sans cesse son attachement à la musique de l'Ezan (appel à la prière), au drapeau turc et aux valeurs familiales. D'autre part, pendant la convention, elle fut entourée de délégués d'extrême-droite qui n'ont pas hésité à saluer les délégués, à ses côtés, du signe des "Loups Gris", un geste particulier aux néo-fascistes du Parti d'Action Nationaliste (MHP).
    Pour le nouveau Premier Ministre de Turquie, congratulé dans le monde entier comme symbole de l'émancipation de la femme dans un pays musulman, une telle campagne constitue une claire contradiction avec l'image qu'elle veut donner au monde.
    Dans cette frénésie médiatique, aucun des autres candidats ou délégués ne lui demanda les raisons de l'échec de ses politiques économiques, illustrées dans la campagne électoral à l'aide de graphiques sur l'écran de son ordinateur.
    Malgré son charisme, qui pour le moment fascine l'opinion publique, le récent échec de ses politiques économiques, ses relations douteuses avec les grands cercles d'affaires et l'extrême-droite et les points d'interrogation concernant l'origine de sa fabuleuse fortune, seront toujours un sérieux problème pour le gouvernement qu'elle dirige.
    En plus de tout ceci, le partenaire qu'elle choisira pour former la coalition, le niveau de satisfaction qu'elle donnera dans la distribution des sièges aux factions rivales à l'intérieur du DYP, ses relations avec certains grands bureaucrates avec lesquels elle eut de nombreux conflits par le passé et, plus important, son attitude envers les droits humains et sociaux et plus particulièrement la Question Kurde, seront les facteurs qui détermineront son succès à la tête du gouvernement.

CILLER: LE PREMIER MINISTRE LE PLUS RICHE

    Ciller, en plus d'être la première femme Premier Ministre de Turquie, possède également le titre de "Premier Ministre le plus riche", avec une fortune estimée à 500 milliards de LT. Aussi bien l'origine controversée de cette fortune que les accusations de fraude, de détournement de fonds et d'utilisation indue des fonctions dont fait l'objet son mari Özer Ciller ont déjà terni la crédibilité du nouveau Premier Ministre.
    La fortune de Ciller, selon ses propres déclarations, s'établit comme suit:

    _ Pavillon à Yeniköy, 30 villas et un immeuble de 16 appartements à Kilyos
    _ Une participation dans la coopérative de construction Yesilyurtlular de Bodrum.
    _ Une participation dans une coopérative de construction formée par des membres du Parlement.
    _ Une villa de 200 m_ aux E.U.
    _ Un appartement de 110 m_ aux E.U.
    _ Un duplex à Bilkent, Ankara.
    _ Une participation de 700 millions de LT dans le Holding Markim.
    _ Une participation de 80 millions de LT dans l'agence de tourisme Yesilyurt.
    _ 39 ha de terrain à Uskumruköy, Sariyer.
    _ 45 ha de terrain à Kisirkaya, Sariyer.
    _ 14,5 ha de terrain à Kilyos, Sariyer.
    _ Un quart d'un terrain de 6,5 ha à Mugla.

    Etant issue d'une famille aux revenus peu élevés, il est impossible pour une professeur d'université d'amasser une telle fortune avec un salaire aussi dérisoire. Ses partisans attribuent sa fortune à ses activités comme conseiller de grandes entreprises et de la Confédération des Unions des Employeurs de Turquie (TISK). Si tel est le cas, on admet donc que le nouveau Premier Ministre dépend des cercles d'affaires non seulement dans son engagement envers l'entreprise privée, mais également pour ses intérêts privés.
    Par ailleurs, des sérieux doutes persistent quant à l'origine de sa fabuleuse fortune. Son mari, Özer Ciller, se trouve confronté à une action en justice introduite par le bureau du procureur public du district de Sariyer, à Istanbul. Il est soupçonné de fraude, de détournement de fonds et d'utilisation indue de ses fonctions dans plusieurs coopératives de construction dont ils sont actionnaires. Un rapport joint au dossier judiciaire affirme: "Il est clair qu'il a manipulé les membres de la coopérative en vue d'acheter, à des prix exorbitants, une propriété appartenant à Tansu Ciller, contribuant ainsi à accroître la fortune de sa femme".
    Le rapport accuse également Özer Ciller d'avoir transféré de grandes quantités d'argent accumulées sur les comptes bancaires de la coopérative vers les comptes d'holdings comme MITAT, MARKIM et MARSAN, dans lesquels Tansu Ciller possède des actions.
    D'autres accusations prétendent que des permis de bâtir ont été attribué aux terres agricoles achetées par Tansu Ciller alors qu'elle était ministre et que leur valeur est montée en flèche en l'espace de quelques mois.

ANKARA A UNE NOUVELLE FOIS CHOISI L'OPTION MILITAIRE POUR RESOUDRE LA QUESTION KURDE

    Une occasion historique pour conquérir la paix dans le pays après une guerre de dix ans entre le PKK et l'Armée vient malheureusement d'être perdue à cause du refus du gouvernement de répondre au réaliste appel du PKK à un cessez-le-feu. Refusant un dialogue politique avec le PKK et d'autres organisations kurdes, alors qu'il poursuivait les opérations militaires contre les villages kurdes et renforçait la répression contre les défenseurs des droits du peuple kurde, le gouvernement et les chefs de l'armée ont forcé la guérilla à reprendre la lutte armée et la Turquie se trouve une nouvelle fois plongée dans une sale guerre.
    Après l'enlèvement et l'assassinat, le 24 mai, de 33 soldats par la guérilla du PKK à Bingöl, les Forces Armées turques ont étendu leurs opérations militaires dans le Kurdistan turc et ont annoncé une offensive dans le nord de l'Irak pour les jours à venir.
    Comme représailles, le leader du PKK, Abdullah Öcalan, annonçait le 8 juin dernier une guerre totale contre la Turquie. Au cours d'une conférence de presse dans la Vallée Bekaa, à l'est du Liban, il déclarait que la guérilla du PKK considérait le cessez-le-feu décrété unilatéralement le 20 mars comme un échec.
    Les autorités du gouvernement et de l'armée ont accusé le PKK de ne pas tenir se promesses de respecter le cessez-le-feu et de provoquer la reprise de la guerre.
    Bien que l'opération des guérillas de PKK à Bingöl a porté un sérieux coup aux espoirs de paix et fut sérieusement critiquée par de nombreux observateurs, le cessez-le-feu unilatéral n'a jamais été vraiment respecté par les forces de sécurité.
    Depuis le 20 mars, bien que les guérillas du PKK n'avaient mené aucune action armée, les unités de l'armée, les équipes de police et de gendarmerie et les protecteurs de village n'ont jamais interrompu leurs opérations armées contre les cibles kurdes. Les raids contre des villages kurdes, les arrestations massives, les enlèvements, les exécutions extrajudiciaires, les tortures et les persécutions n'ont jamais cessé.
    Le gouvernement turc et les militaires ont laissé clairement entrevoir à de nombreuses occasions que les guérillas du PKK, qualifiées de "bandits" ou "terroristes", ne pourraient être l'interlocuteur de l'Etat turc aussi longtemps qu'il y aurait des hommes armés dans le pays pouvant être considérés comme une menace potentielle.
    Le chef d'Etat-Major, Dogan Güres, déclarait le 7 avril au quotidien Sabah: "Si le PKK ne descend pas des collines, nous le forcerons à le faire. Il ne peut y avoir de fédération. Cette nation nous tuerait si nous acceptions une fédération".
    Le 8 avril, le Général Yasar Büyükanit, secrétaire général du bureau du chef d'Etat-Major, confirmait l'opposition de l'armée à toute tentative de conciliation. "La déclaration de cessez-le-feu [du PKK] est le résultat de sa défaite contre les forces de sécurité", déclara-t-il. "Les forces de sécurité continuent de prendre les mesures nécessaires pour que les bandits abandonnent leurs activités. Il est exclu de féliciter le PKK parce qu'il ne tue personne en ce moment".
    Malgré tout, le leader du PKK Öcalan prolongea le cessez-le-feu jusqu'au 16 avril et donna une deuxième chance au gouvernement turc. "Nous maintenons le cessez-le-feu jusqu'à nouvel ordre mais il ne devrait pas être unilatéral. Les opérations de recherche par les forces de sécurité devraient prendre fin. Nous ne serons pas les premiers à tirer mais les soldats du PKK ne sont pas des moutons qu'on abat", commenta-t-il.
    Cette deuxième chance fut également gâchée par Ankara au travers d'une série d'actes de provocation.
    Le 20 avril, au cours d'une réunion de l'OTAN à Bruxelles, les autorités militaires turques demandaient à leurs alliés de ne pas s'opposer à l'utilisation du matériel fourni par l'OTAN contre les membres du PKK. Auparavant, le 7 avril, l'Etat-Major turc avait annoncé que la Turquie, en vertu des réglementations de l'OTAN, était libre d'utiliser les armes fournies par les membres de l'alliance dans le cadre de la lutte contre le PKK dans le Sud-est.
    Le 5 mai, dans un acte de provocation, la Cour de la Sûreté de l'Etat de Diyarbakir émettait un mandat d'arrêt international contre Öcalan et demandait à Interpol d'arrêter Öcalan et de le remettre à la Turquie pour y être jugé en vertu de l'Article 125 du Code Pénal Turc qui prévoit la peine capitale dans le cas de révolte contre l'Etat.
    Douze jours avant l'opération du PKK à Bingöl, le 12 mai, le Gouverneur de la région en état d'urgence, Ünal Erkan, annonçait fièrement qu'au cours des deux derniers mois, malgré le cessez-le-feu unilatéral, 131 "terroristes" avaient été tués, quatre avaient été blessés et 28 avaient été capturés. Au cours de la même période, 2.070 personnes avaient été arrêtées et accusées d'avoir aidé cette organisation illégale. Erkan ajouta que le nombre de protecteurs de villages était passé à 38.000, dont 1.000 positions avaient été fournies récemment par le Ministère de l'Intérieur.
    C'est l'attitude négative d'Ankara qui poussa les guérillas du PKK vers les montagnes pour reprendre leurs actions armées et le leader du PKK Öcalan, bien qu'admettant que les attaques de Bingöl avaient été "précipités, trop sévères" et n'avaient pas été menées en accord avec ses plans, justifia la reprise de la lutte armée en précisant que les Forces Armées turques avaient poursuivi les opérations militaires malgré le cessez-le-feu unilatéral. Par conséquent, le 8 juin, il annonçait une guerre totale contre la Turquie.
    Au cours de sa conférence de presse au Liban, Öcalan déclara: "Il y a beaucoup de tension en ce moment et la situation en Turquie s'achemine vers une guerre générale. Nous multiplierons les opérations de résistance. Nous disposons d'énormes ressources et nos efforts sont importants. Nous avons mobilisé plus de 10.000 de nos partisans et allons intensifier la lutte".
    Öcalan avertit que ses guérillas s'attaqueraient à des cibles économiques et touristiques à l'intérieur de la Turquie et promit un été sanglant.
    "Que cela leur [le gouvernement turc] serve d'avertissement. Avec le cessez-le-feu nous avons testé le gouvernement [turc]. Ils ont détruit des villages et tiré sur tout. Nous avons donc le droit à la réplique. Que personne ne se fasse l'illusion qu'il va attirer les militants du PKK en dehors des montagnes. Ce ne sera pas possible avant l'an 2000. Nous sommes pour une union sous la loi fédérale en Turquie. Sur cette base, nous sommes prêts à discuter une solution politique. Jusque là, la lutte armée ne cessera de s'intensifier et beaucoup de sang pourrait couler".
    "Des milliers, des dizaines de milliers de personnes en souffriront et cette campagne sera la plus féroce de toutes celles menées jusqu'à aujourd'hui", annonça-t-il. "Notre organisation dispose de 10.000 membres et de 15.000 sympathisants armés. Nous ne disposons plus que d'une base en Irak mais nos combattants tiennent 100 positions dans le sud-est de la Turquie. Le chaos grandira et les problèmes ne feront que s'aggraver. La solution aux problèmes kurdes dépend de l'attitude de l'armée. Si l'armée donne le feu vert, les hommes politiques commenceront à chanter".
    En réponse à Öcalan, le Ministre de l'Intérieur Ismet Sezgin fit savoir que le gouvernement n'avait jamais pris au sérieux la déclaration de cessez-le-feu faite en mars par Öcalan. "Ils n'ont jamais été sincères. Ils ont décrété ce cessez-le-feu pour rassembler leurs troupes et rétablir leur forces épuisées. Ils voulaient également gagner la reconnaissance internationale sous le déguisement d'une formation politique", conclut-il.
    Le 11 juin, au cours d'une visite à Diyarbakir, le chef d'Etat-Major, le général Dogan Güres déclarait: "Les bandits seront débusqués. Parmi eux il y aura peut-être des innocents dans les montagnes. Il y a peut-être des gens qui leur prêtent soutien dans les villes. Ils devraient cesser, car après il sera trop tard pour eux".
    Le quotidien Cumhuriyet du 16 juin rapportait que, depuis l'opération du PKK à Bingöl, le 24 jours, les forces du gouvernement avaient déployé une opération de grande envergure et avaient abattu 178 militants du PKK. 40 militaires et 26 civils ont également perdu la vie.

UN DECRET D'AMNISTIE PROVOCATEUR   

    Dans une manoeuvre destinée à créer des dissensions dans la guérilla kurde, le gouvernement turc décrétait le 8 juin une amnistie partielle pour les membres du PKK n'ayant pas commis des crimes de sang contre les forces de sécurité ou des civils. Ces militants, stipule le décret, qui n'est valable que dans les provinces du Sud-est soumises à l'état d'urgence, ne seront pas soumis à une enquête criminelle.
    Le décret du gouvernement, formulé par le Conseil de Sécurité Nationale et approuvé le 24 mai par le Cabinet sous la direction du Président Demirel avait été suspendu suite à l'opération du PKK à Bingöl.
    Le Premier Ministre provisoire, Inönü, fit savoir que même si l'activité terroriste fait rage dans le Sud-est, son gouvernement avait décidé d'appliquer le décret avec le soutien total des militaires. "Le décret du gouvernement permet aux membres [du PKK] de retourner à la vie civile s'il n'ont commis aucun délit de sang. Je veux que tous ces adolescents en prennent conscience".
    Le Ministre de l'Intérieur, Ismet Sezgin, précisa que les militants du PKK impliqués dans des actes terroristes devront faire face à la justice et beaucoup bénéficieront uniquement de la loi de repentance demandant aux terroristes de fournir des informations sur leur groupe armé.
    Le leader du PKK Öcalan, au cours d'une conférence de presse célébrée le même jour, qualifia l'amnistie partielle de "fausse mesure" et ajouta que les militants du PKK ne céderaient pas à cette provocation destinée à diviser et affaiblir la guérilla.

VERS UN NOUVEAU GENOCIDE EN ALLEMAGNE

    Les attaques contre les turcs vivant en Allemagne ont clairement pris l'allure d'un génocide. L'assassinat de cinq turcs dans un incendie criminel à Solingen le 29 mai et d'autres attaques dans d'autres villes allemandes au cours de jours suivants laissent croire qu'il se produira d'autres attentats de cette nature. Au cours des derniers 18 mois, 26 personnes, dont neuf turcs, ont été tuées par les néo-nazis en Allemagne.
    Après l'attentat de Moelln en novembre dernier, des centaines de milliers d'allemands ont défilé avec des bougies dans plusieurs manifestations. Le gouvernement allemand promit de poursuivre les néo-nazis et d'empêcher ces agressions. Les attaques paraissaient diminuer et le pays en était fier. Après 500 attaques de droite en septembre 1992, il n'y en eut que 150 en janvier 1993.
    Le gouvernement allemand espérait qu'une loi limitant l'immigration, qui entrera en vigueur le 1er juillet, calmerait la xénophobie en Allemagne. Cependant, bien au contraire, le dernier incendie criminel prouve que la loi adoptée en mai n'a fait qu'encourager les néo-nazis. Ceux-ci sont aussi déterminés que jamais à attaquer et tuer le plus grand nombre d'étrangers possible. Ils reprirent leurs crimes et rien qu'en avril 1993, ils ont perpétré 670 attaques, contre 470 l'année dernière au cours de la même période.
    Au cours de sa dernière visite en Turquie, le Chancelier Helmut Kohl promit de nouveau que de telles attaques ne se produiraient plus à l'avenir.
    Mais à peine une semaine plus tard, une femme turque, Gülfün Ince (27), ses trois soeurs, Saime Genc (5), Hülya Genc (9), Hatice Genc (18) et un visiteur turc, Gülistan Yüksel (12) mouraient brûlés à Solingen.
    Auparavant, dans le courant du mois de mai et dans cette même ville, deux mosquées et un supermarché turc avaient subi des attentats avec des bombes incendiaires. Les "skinheads" s'étaient réunis dans un parc derrière la maison des victimes pour boire de la bière et crier leur soutien au Troisième Reich, mais la police n'avait pas encore entrepris un recensement des néo-nazis en vue de prendre des mesures préventives.
    Depuis le 29 mai, presque toutes les nuits, les militants de droite ont lancé des bombes incendiaires et provoqué des incendies dans les maisons d'étrangers.
    Il serait faux de dire que ces attaques racistes sont le simple fait des gangs néo-nazis. Ceux-ci se sont multipliés en raison de l'ultra-nationalisme qui hante à nouveau l'Allemagne au lendemain de sa réunification.
    Le gouvernement de Kohl considère les turcs d'Allemagne comme un casse-tête, et applique une politique destinée à s'en débarrasser. Déjà en novembre 1982, Kohl avait déclaré qu'il y avait bien trop de turcs en Allemagne et qu'on devrait éviter que leur nombre ne croisse encore et essayer de le faire passer de deux millions à un peu moins d'un million.
    Des déclarations aussi dures de la part des hommes politiques allemands, répétant constamment que les turcs ne peuvent s'adapter à la société allemande, ont créé un climat très hostile envers les turcs qui résident en Allemagne. Ceux-ci sont devenus la cible des "skinheads", qui déclarent qu'ils en ont terminé avec les juifs et que maintenant c'est au tour des turcs.
    Les turcs résidant Allemagne sont au bout de leur patience et prêts à laisser éclater leur indignation. Réagissant très justement à ces meurtres et au laxisme du gouvernement allemand, des milliers de personnes, principalement des turcs, ont marché dans les rues de Solingen, Francfort, Berlin, Bonn et d'autres villes.
    Après l'incendie criminel, quelque 5.000 turcs ont participé à des manifestations dans les rues de Solingen. Lorsque le Ministre du Travail, Norbert Bluem, vint visiter les maisons des victimes, les turcs bousculèrent sa voiture et allumèrent des pneus.
    Des centaines de turcs allumèrent un grand feu à un croisement routier à Wuppertal et provoquèrent des dégâts dans la ville, brisant et pillant quelque 50 vitrines de magasins. Un autre groupe bloqua les routes d'accès à l'aéroport international à proximité de Bonn.
    L'attitude du Chancelier Helmut Kohl a également déclenché des réactions violentes. Au lieu d'assister aux cérémonies pour les victimes à Cologne, il présida l'ouverture de la cathédrale protestante de Berlin qui venait d'être reconstruite. Quelque 800 manifestants turcs et allemands présents à la cérémonie de Berlin huèrent et crièrent "Hypocrite", "Kohl le meurtrier" et "Kohl le menteur!" à son arrivée.
    Il est extrêmement préoccupant que des groupes de jeunes turcs s'attaquent aux allemands et à leurs intérêts en quête de revanche. Si ces actions se généralisent, ils perdront tous leurs atouts. Il est également préoccupant que des groupes turcs aux idéologies différentes se soient affrontés au cours des dernières manifestations en Allemagne. Ceux proches des Loups Gris d'extrême-droite se sont opposés aux turcs et aux noyaux durs allemands de gauche. Les deux camps ont eu recours à des bâtons, des pierres et des armes.
    Le chef du service de sécurité fédéral interne, Eckart Wertheback, souligna que les incendies criminels des néo-nazis pouvaient déclencher une vague de réactions violentes de la part des extrémistes turcs. "Il pourrait se produire une spirale de violence", dit-il. Fritz-Achim Baumann, chef du service de sécurité interne du Nord Rhin-Westphalie déclara à Welt am Sonntag: "Les manifestations des turcs risquent de renforcer les extrémistes allemands d'extrême-droite".
    Bien qu'il ait raison, cette violence est le fruit du laxisme des autorités allemandes, probablement dans le but de discréditer la communauté turque, en minimisant les crimes des néo-nazis et pire encore, en justifiant les mesures contre l'immigration prises par le gouvernement.
    Bon nombre des jeunes turcs qui ont eu recours à la violence n'ont aucun lien avec les groupes extrémistes. Leurs manifestations sont spontanées et constituent l'expression de leur déception.
    "Des 1,8 millions de turcs et kurdes qui vivent en Allemagne, seulement 34.000 sont membres d'organisations politiques ou idéologiques", selon un récent rapport de l'agence basée à Cologne Wertheback. "Environ 5.000 seraient des sympathisants du PKK. 6.700 seraient des nationalistes turcs, y compris des Loups Gris, et moins de 5.000 seraient des extrémiste de gauche. Pas moins de 17.000 appartiennent à des groupes islamiques turcs".
    Même parmi eux, les Loups Gris, qui bénéficient largement de la tolérance des autorités allemandes et partagent l'idéologie des néo-nazis, ont systématiquement recours à la violence politique.
    La communauté turque en général, qui refuse la violence politique, considère la double nationalité et le droit de participer aux élections locales allemandes comme la mesure la plus efficace contre les attaques racistes.
    Bien que le Ministre allemand des Affaires Extérieures, Klaus Kinkel, s'est exprimé en faveur de la double nationalité, de nombreuses personnalités politiques allemandes se sont opposées à cette proposition, soutenant que cette mesure n'aiderait pas les turcs à s'intégrer en Allemagne.
    L'ambassade allemande à Ankara, dans un rapport envoyé à Bonn et publié par le Frankfurter Allgemeine du 9 juin, mettait en garde contre la double nationalité, et précisait: l'identité turque s'es affirmée après l'effondrement de l'Union Soviétique et les récents événements en Allemagne ont renforcé la recherche de cette identité. La double nationalité pour les turcs d'Allemagne ne garantirait pas leur intégration culturelle et politique, mais au contraire servirait à la création d'un groupe de pression turc".
    La loi sur la citoyenneté allemande, qui remonte à 1913, est basée sur le sang et fut utilisée par les nazis pour justifier la persécution des étrangers. Actuellement, la citoyenneté n'est concédée qu'aux étrangers qui sont en mesure de prouver l'existence d'aïeux allemands ou qui paient des droits et attendent pendant 15 ans. A peine quelque 1.500 turcs par an deviennent citoyens allemands, sur une population de 2 millions d'individus.
    Pour ce qui est de la réaction des autorités turques, elle se résume aux formules stéréotypées habituelles "L'Etat est avec vous" et "L'Etat ne vous laissera pas tomber". Ces prudentes déclarations arrivent trop tard. Les leaders politiques étaient en congé prolongé pour la Fête des Sacrifices. Plus tard on apprit que le vice-président du Parlement turc, Yildirim Avci, se trouvait en Allemagne au moment de l'incident mais n'en eut connaissance que trois jours plus tard malgré les innombrables reportages de la presse allemande.
    Le chef des services turcs de la Radio Deutsche Welle, Beril Hofmann, manifesta: "Nous les turcs, machines à produire des marks allemands, avons été abandonnés en Allemagne. Nous avons envoyé les cercueils en Turquie, pleins de douleur, de désespoir, de colère et d'impuissance. Nous brûlions à l'intérieur en voyant à la télévision la tristesse des villageois, des grand-mères et des mères, qui peut-être ne savaient ni lire ni écrire. Mais les jeunes turcs en Allemagne ne peuvent être arrêtés. Ils n'appartiennent pas à une génération qui se contente de louanges ou d'appréciations. Puisqu'ils paient d'importantes sommes en impôts, assurances sociales et taxes de solidarité, ils estiment avoir aussi quelques droits. Mais attention! La communauté turque en Allemagne peut exploser à tout moment. Les autorités allemandes doivent savoir que ces personnes ne peuvent être calmées avec de prudentes mesures policières. Le moment pour que les hommes politiques turcs agissent est arrivé et déjà parti".

PERINCEK RISQUE UNE LOURDE PEINE DE PRISON

    Le président du Parti des Travailleurs (IP), Dogu Perincek, fut condamné par la Cour de la Sûreté de l'Etat d'Ankara à deux ans de prison et à payer une amende de 50 millions de LT (5.000 $) pour ses déclarations sur la question kurde pendant la campagne électorale de 1991 en tant que président du défunt Parti Socialiste (SP).
    Considérant ce châtiment insuffisant, le Procureur de la CSE d'Ankara alla devant la Cour de Cassation, demandant que la peine soit augmentée 13 fois.
    La Cour de Cassation traitera l'affaire le 23 juin.
    L'attitude du procureur de la CSE a provoqué une vive réaction en Turquie.
    Perincek avait prononcé les déclarations en cause au cours d'une table ronde organisée par la TV publique turque (TRT) à laquelle participaient tous les autres leaders politiques, y compris le Premier Ministre Demirel et le Vice-Premier Ministre Erdal Inönü.
    Par la suite, le SP était fermé par le Tribunal Constitutionnel et Perincek était inculpé par la CSE d'Ankara en vertu de la Loi Anti-Terreur, tandis que Demirel et Inönü formaient l'actuelle coalition gouvernementale. Depuis lors, le gouvernement n'a pris aucune mesure pour supprimer les articles anti-démocratiques de la Loi Anti-Terreur.

LA PERFORMANCE CONTROVERSEE DE CILLER

    Lorsque Ciller fut élue à la présidence du DYP et nommée Premier Ministre, elle laissa derrière elle une performance controversée en tant que Ministre d'Etat où elle était chargée de coordonner l'économie turque depuis novembre 1991. Les principaux problèmes macro-économiques de l'économie n'ont toujours pas été résolus.
    Pendant la campagne électorale de 1991, elle promit deux clefs à chaque famille turque, une pour la maison et une autre pour une voiture privée. Oublions les deux clefs, le chômage est passé de 5.142.000 personnes (21,6%) en 1991 à 6.144.000 (24,4%) en 1993.
    Malgré la croissance économique, qui es passée de zéro à 5,9% à la fin du mois de mai 1992, le chômage, l'inflation, la distribution des revenus, le déficit du secteur public et les problèmes des emprunts massifs sont restés sans réponse.
    L'inflation des prix à la consommation était au taux socialement inacceptable de 65% en mai 1993, mettant en doute les capacités du ministre et ses promesses dorées.
    Dans la première moitié de 1993, l'économie était dépourvue de toute politique de coordination et d'une planification efficace après que l'administration du budget dévie de sa trajectoire initiale et que l'emprunt gouvernemental devienne incontrôlé.
    Le déficit budgétaire consolidé s'élevait à 35,82 trillions de LT pour les quatre premiers mois de l'année, quasiment 65% du déficit prévu pour l'ensemble de l'année.
    La dette intérieure atteignait 202 trillions de LT à la fin du mois de février, ce qui représente 80% de l'objectif fixé dans le programme fiscal gouvernemental pour toute l'année. Les pertes des entreprises de l'Etat s'élevaient à 16,5 trillions de LT à la fin de 1992.
    Pour ce qui est des dettes externes, elles avaient grimpé jusqu'à 57 milliards en avril 1993.

SITUATION COMPARATIVE DES FEMMES EN TURQUIE

FEMME     HOMME

Population    27.931.152    28.215.464
____________________________________________________________
Moins de 12 ans    8.347.097    8.763.768
Plus de 12 ans    19.584.055    19.451.696
Taux d'analphabétisme (+ 6 ans)    31,77%    13,45%

Population de plus de 12 ans
____________________________
Dans le monde du travail    6.535.971    14.509.022
Hors du monde du travail    13.048.048    4.942.674

Population dans le monde du travail
___________________________________
Employés    6.118.544    13.373.404
Au chômage    417.427    1.135.618

Les chômeurs
____________
Dans les zones urbaines    1.216.958    6.559.788
Dans les zones rurales    4.901.586    6.813.616
Statut des travailleurs
_______________________
Employé régulier    1.020.866    4.960.740
Employé occasionnel    129.641    943.464
Employeur    18.727    961.976
Indépendant    521.792    4.444.131
Travailleur familial non rémunéré    4.427.518    2.063.093

Groupes d'activité
__________________
Agriculture    4.744.031    4.779.691
Sect. Manufacturier    577.699    2.318.543
Activité Minière    4.526    132.899
Construction    780.927    864.274
Services    780.927    5.277.997

Population hors du monde du travail
___________________________________
Ménagères    9.191.306    -
Handicapés    1.783.085    1.011.759
Etudiants    1.506.191    2.401.514
Retraités    182.346    1.187.699
Autres    385.156    341.702

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Source: Annuaire statistique de Turquie, 1991, Institut des Statistiques de l'Etat, Ankara

LE SHP CHERCHE UN NOUVEAU LEADER

    Le Premier Ministre provisoire, Erdal Inönü, président du Parti Populiste Social Démocrate (SHP), déclarait le 6 juin qu'il n'assurerait pas le leadership dans la prochaine convention du parti prévue pour le 11 septembre de cette année, et ajouta qu'il l'annonçait si tôt pour permettre aux nouveaux candidats de se préparer dès maintenant pour la présidence du parti.
    Inönü justifia sa décision de la manière suivante:
    "Dans les partis politiques il y a toujours quelque chose qu'on dit mais qu'on ne fait jamais. Un président de parti devrait être changé de temps à autre. Comment effectuer ce changement? En Turquie, il n'existe aucune procédure habituelle. Le leader du parti meurt ou se retire ou devient Président avant de laisser son poste vacant pour que le parti puisse élire un autre président lors de sa convention. C'est pour cela que notre parti devrait assumer un rôle prépondérant dans ce domaine".
    Les déclarations d'Inönü, prononcées à un moment où tout le monde suit les évolutions sur la convention du DYP, provoqua un choc dans les cercles politiques.
    Alors que ses opposants l'accusaient de fuir ses responsabilités pour des motifs personnels, certains observateurs ont apprécié sa décision et estiment que son geste devrait servir d'exemple aux autres leaders politiques.
    Plusieurs députés du Parti du Peuple Républicain (CHP), qui avaient quitté le SHP pour rejoindre les rangs de ce nouveau parti soutenaient que l'acte d'Inönü était une décision différée. De toute façon, la vie du SHP touchait pratiquement à sa fin et se maintenait parce qu'il était un des partenaires de la coalition.
    Les sondages d'opinion reflètent le déclin du SHP, et selon les prévisions, ce parti souffrirait une perte considérable s'il devait abandonner le pouvoir. Inönü a également fait remarquer que quiconque soit le leader du DYP, ce parti de droite donnerait préférence à une coalition avec un autre grand parti de droite, comme l'ANAP, plutôt que le SHP. Par ailleurs, après la mort d'Özal et l'accès de Demirel au palais présidentiel, même une fusion entre le DYP et l'ANAP ne s'éloigne tellement plus de la réalité.
    Il est significatif qu'Inönü ait pris une telle décision après avoir soutenu la présidence de Demirel. Il aurait pu penser que l'attitude de ce dernier était une trahison du protocole de la coalition. Il aurait pu considérer que sans Demirel, une coalition entre le DYP et le SHP ne marcherait pas.
    Un autre facteur aurait pu inciter Inönü à poursuivre une politique de factions à l'intérieur de son propre parti. La lutte interne au sein de SHP n'a pas pris fin après le départ de Deniz Baykal (leader d'une faction du SHP et rival d'Inönü) pour devenir le leader du CHP. Après lui, les factions du SHP ont poursuivi leurs activités dans les coulisses. Plus récemment, le soutien concédé aux ambitions de Demirel, fit éclater en surface les oppositions au sein du parti.
    Quelles que soient les véritables raisons de la décision prise par Inönü, le SHP se trouve actuellement à un tournant de son histoire. Suivant l'exemple de deux principaux partis de droite, le DYP et l'ANAP, dirigés maintenant par de nouveaux leaders (respectivement Tansu Ciller et Mesut Yilmaz), le SHP a choisi un nouveau leader pour changer la terne image du parti.
    Les noms du maire d'Ankara, Murat Karayalcin, du président du groupe parlementaire Aydin Güven Gürkan, du Ministre des Affaires extérieures Hikmet Cetin, du Ministre de Travaux Publics Onur Kumbaracibasi et du Député d'Ankara, le professeur Mümtaz Soysal, sont déjà évoqués pour occuper le poste de leader du parti.
    Le résultat de la prochaine convention pourrait être un nouveau pas vers l'unification tant attendue des trois partis socio-démocratiques: le SHP, le CHP et le DSP (Parti de la Gauche Démocratique) du Premier Ministre Ecevit.

MONTEE ALARMANTE DU FONDAMENTALISME   

    Une série d'événements alarmants survenus au cours des derniers mois, comme la transformation des funérailles d'Özal en manifestation religieuse, des assassinats politiques commis par le Hezbollah, des attaques contre un quotidien qui publiait les Versets Sataniques de Salman Rushdie, des insultes lors d'une émission de télévision contre la secte minoritaire alevi, des déclarations osées des leaders du Parti du Bien-être (RP) et la croissance effrayante de son organisation parallèle, Vision Nationale, parmi immigrants turcs à l'étranger ont suscité une considérable inquiétude parmi les forces démocratiques de la Turquie.
    En fait, indépendamment des courants fondamentalistes, l'Islam a regagné du terrain en Turquie suite au passage vers un système de pluripartisme dans les années 40 et renforça son influence parce que la quasi-totalité des partis ont joué la carte de l'Islam pour attirer le vote des croyants.
    La radicalisation de l'Islam en Turquie fut renforcée après que l'Arabie Saoudite, avec le soutien ouvert des Etats-Unis qui voulaient contrer le mouvement progressiste et nationaliste dans le monde islamique, ait commencé à prendre sous son influence d'autres pays islamiques par le biais du Rabitat-ul-Alem-ul-Islam  (Ligue du Monde Islamique) dans les années 60 et 70. C'est au cours de ces années que le radicalisme islamique créa son organisation politique, le Parti de Salut National (MSP) et réussit à entrer au Parlement et à accéder aux gouvernements.
    La révolution iranienne donna un second élan au fondamentalisme islamique dans les années 80. Bénéficiant également des concessions de la junte militaire, qui voulait utiliser les masses musulmanes contre les forces progressistes, il put facilement s'infiltrer dans tous les services publics et les institutions.
    Les données concernant l'augmentation du nombre de mosquées et d'institutions religieuses au cours des trois dernières décennies montrent clairement l'ampleur de la croissance du mouvement islamique en Turquie.
    Selon les chiffres de l'Administration des Affaires Religieuses, le nombre de mosquées en Turquie, qui était de 35.657 en 1963 et de 45.152 en 1973, est aujourd'hui de 66.674.
    Le nombre de mosquées construites entre 1971 et 1981 tourne autour des 5.000. Le chiffre le plus spectaculaire correspond à la construction de 19.000 mosquées depuis le coup-d'Etat de 1980: 54.667 en 1984, 59.460 en 1986, 62.947 en 1988, 64.000 en 1990 et 66.674 en 1993.
    Le nombre de mosquées turques à l'étranger est d'environ 1.100, selon les mêmes sources.
    Outre les mosquées, la Turquie dispose de 750 écoles et lycées théologiques islamiques et quelque 5.000 cours de Coran. L'Administration des Affaires Religieuses, affiliée directement au Ministère de l'Etat, emploie plus de 85.000 personnes en Turquie et 691 à l'étranger.
    On ne dispose pas de chiffres officiels concernant le nombre de cours de Coran et d'écoles religieuses clandestins. Mais les chiffres concernant les médias pro-islamiques peuvent donner une idée de la croissante influence de ces mouvements.
    Selon un sondage publié le 2 février 1993 par les Nouvelles Quotidiennes Turques, ces mouvements possèdent 290 maisons d'édition, 40 journaux de tirage national et 300 publications périodiques locales, 100 stations de radio et 35 chaînes de télévision dans tout le pays.
    Bon nombre des publications pro-islamiques sont également imprimées et distribuées dans les pays européens. Un des quatre quotidiens pro-islamiques, la Gazette Milli, appartient au mouvement Vision Nationale, représenté sur la scène politique par le Parti du Bien-être (RP), une émanation du défunt MSP. Un autre quotidien pro-Islamique, Zaman, paraît déjà en Azerbaijan et en Bulgarie.
    Les chaînes de radio et de télévision pro-islamiques diffusent fréquemment des extraits du Coran et des programmes produits par la radio et la télévision d'Arabie Saoudite.
    Le fondamentalisme islamique, après s'être converti en une force idéologique et politique indéniable en Turquie, grâce aux concessions des gouvernements successifs, tente maintenant d'étendre son influence à l'immigration turque à l'étranger ainsi qu'aux populations d'expression turque dans les pays ou communautés de l'ancienne Union Soviétique et des Balkans.
La Vision Nationale demande aux "1,5 milliards de musulmans dans le monde qui se différencient de leur administration sous influence occidentale" de s'unir sous le leadership de la Turquie en étroite relation avec l'Arabie Saoudite.
    Le leader du Parti du Bien-être (RP), Necmeddin Erbakan, dans une interview concédée au Nouvelles Quotidiennes Turques le 12 mars 1993, affirmait: "Au cours des deux derniers siècles, l'Occident a occupé les pays musulmans avec sa culture. Il avait quitté ces pays en laissant derrière lui son influence. On devrait établir une Union Islamique supranationale composées de 1,5 milliards de musulmans partout dans le monde, depuis les Etats-Unis jusqu'en Australie. La Turquie devrait assumer le leadership du monde islamique au lieu d'entrer dans l'orbite occidentale".
    Dans ses nombreuses déclarations, Erbakan qualifia les Communautés Européennes de cinquième colonne du sionisme.
    Le vice-président du parti, Sevket Kazan, au cours d'une conférence de presse tenue le 29 mars 1993 au Parlement turc, accusait la Communauté Européenne de demander à la Turquie de changer son drapeau national pour pouvoir en devenir membre, et ajouta: "La CE n'est pas lassée par l'étoile et la couleur du drapeau turc, mais par le croissant de lune qui symbolise l'Islam. Après, ils nous demanderont de changer de religion pour pouvoir accéder à la CE".
    Il affirma également que le nombre des membres du RP, qui tournait autour des 800.000 aux dernières élections, avait grimpé jusqu'à 1.300.000 et qu'on s'attendait à ce qu'il atteigne les deux millions pour la fin de l'année. Il ajouta que deux millions de membres équivalaient à dix millions de voix, ce qui supposerait à peu près 30% des votes.
    Aux dernières élections à Istanbul, la plus grande ville de la Turquie, le RP avait obtenu près de 25% des votes.
    (Pour la renaissance et montée du fondamentalisme islamique, voir: Intégrisme islamique en Turquie et Immigration, Info-Türk, 1987; The Extreme Right in Turkey, Info-Türk, 1988, et Turcs en Belgique, Info-Türk, 1992).

UN CHEIKH UL-ISLAM EN ALLEMAGNE

    Le mouvement Vision Nationale a pris récemment une série de mesures pour prendre en charge les familles d'immigrants et légitimer les activités fondamentalistes grâce à l'insouciance et parfois même au soutien de certaines organisations progressistes d'immigrants turcs.
    Malgré des activités incompatibles avec la promotion sociale et culturelle et l'intégration des immigrants, les Organisations de Vision Nationale en Europe (AMGT) furent admises à prendre place parmi les membres des fondateurs du Conseil des Communautés Turques en Europe (ATTK), fondé l'année dernière sur initiative d'un certain nombre d'organisations de gauche pour représenter les immigrants turcs auprès des Communautés Européennes.
    Dans un acte spectaculaire plus récent, le Secrétaire Général des Organisations de Vision Nationale en Europe (AMGT), Ali Yüksel réussit à se faire nommer Cheikh ul-Islam (Représentant des musulmans) en Allemagne par le Conseil Islamique Allemand (Der Islamrat in Deutschland) composé de 14 organisations islamiques.
    Des 140.000 membres du conseil, 80 pour cent sont d'origine turque. Quelque 10 pour cent sont des musulmans allemands et les autres 10 pour cent sont d'origine arabe, bosniaque ou d'autres origines.
    La plus puissante des organisations membres du Conseil Islamique Allemand es l'AMGT. Parmi les autres associations turques qui composent le conseil figurent également Cemaat-i Nur (Communauté des croyants de la secte Nurcu) et l'Union Culturelle Islamique Turque d'Allemagne (ATIB).
    Le devoir du Cheikh ul-Islam est de contrôler les relations entre les musulmans et l'Etat. D'après certaines rumeurs, le Cheikh ul-Islam aura le pouvoir de prélever des taxes, comme les églises catholique et protestante, si l'élection est ratifiée par les autorités allemandes.
    Cette élection a fait éclater une lutte de pouvoir pour le contrôle de l'influence sur les musulmans d'Europe résultant de leur croissance, due à la présence de deux millions d'immigrants turcs.
    A la fin des années 70, le Süleymanci, un autre groupe fondamentaliste actif dans la communauté turque d'Allemagne, avait tenté de se faire enregistrer comme le représentant officiel des musulmans d'Allemagne avec le pouvoir de prélever des taxes, mais avait échoué suite à l'intervention de l'Administration des Affaires Religieuses de Turquie.
    Cette fois encore, le président de l'Administration des Affaires Religieuses, Mehmet Nuri Yilmaz, intervint et accusa le Conseil Islamique d'Allemagne et le Cheikh ul-Islam, Ali Yüksel de tenter de tirer parti des "croyances religieuses, de la nostalgie et du potentiel économique" des travailleurs immigrés en Allemagne. "Je considère l'affaire du Cheikh ul-Islam en Allemagne comme une tentative peu sérieuse et artificielle. Je veux croire que les autorités allemandes agiront d'une manière sensée dans cette affaire. Le poste de Cheikh ul-Islam revient à déclarer l'existence d'un Etat séparé à l'intérieur du sol allemand", conclut-il.
    Il affirma également que les affaires religieuses de la communauté turque en Allemagne sont compétence de l'Union Islamique des Affaires Religieuses Turques (DITIB), une organisation créée sous l'initiative du gouvernement turc.
    En réponse à cette déclaration, Yüksel accusa le DITIB de travailler sous les "instructions et les ordres" de l'Ambassade turque et de ses consulats en Allemagne. "C'est une violation de la définition du laïcité, qui précise que la religion et l'Etat ne devraient pas interférer dans leurs affaires respectives. Nous ne laisserons pas le DITIB s'intégrer dans le Conseil Islamique d'Allemagne s'il ne rompt pas ses liens avec l'Etat turc et devient une organisation `civile'".
    Yüksel justifie son élection au poste de "représentant des musulmans en Allemagne" en rappelant qu'il a réussi à obtenir une concession des autorités allemandes: L'année dernière, lorsque plusieurs musulmans turcs réagirent contre le caractère obligatoire des leçons de natation, où leurs filles pouvaient se trouver avec des garçons à moitié nus, les autorités allemandes acceptèrent la proposition du Conseil Islamique Allemand. Maintenant, les leçons de natation dans beaucoup d'Etats allemands ne sont pas obligatoires pour les filles musulmanes.

UNE ECOLE FONDAMENTALISTE EN BELGIQUE
   
    Dans un acte destiné à propager le fondamentalisme et à éduquer les jeunes filles comme prédicateurs, les Organisation de Vision Nationale en Europe (AMGT) ont ouvert un internat dans la ville d'Hensies, région de Mons, en Belgique.
    Selon un rapport publié le 12 septembre 1992 par le quotidien Milli Gazette, cette école se trouve sur un site de 19.000 mètres carrés acheté par le AMGT et dispose d'une capacité pour 350 étudiants. Il y a aussi 13 logements pour les professeurs.
    Les cours se donnent à raison de 25 heures par semaine, sont exclusivement en arabe et se basent sur le Coran. Bien que le AMGT avait obtenu la permission des autorités belges pour ouvrir ce centre, il n'a pas obtenu le statut d'école agréée parce que son programme éducatif ne correspond pas aux réglementations des écoles belges, qui exigent au moins 36 heures de cours par semaine selon le programme éducatif belge avec des professeurs reconnus par le Ministère de l'Education.
    Au lieu de se soumettre à ces conditions, les jeunes filles musulmanes reçurent l'ordre de quitter les écoles belges et de suivre l'éducation religieuse uniquement en langue arabe. Elles sont donc privées de toute éducation assurant leur promotion sociale et culturelle.
    Outre cette éducation à temps plein, de nombreuses jeunes filles âgées de 10 à 18 ans se déplacent en Belgique depuis l'Allemagne, la Hollande, la Suisse ou le Danemark pendant les vacances d'été, de Noël ou de Pâques.
    Le Chef de la Section de Formation de l'AMGT, Abdullah Yüksel, déclara qu'ils prévoyaient la création de cours de religion pour garçons.

DISCRIMINATION ENVERS LES ALEVIS

    La discrimination des 20 millions de personnes qui composent la communauté alevi de Turquie par la majorité sunni a récemment fait l'objet de débats après qu'un prédicateur sunni, Hasan Ali Buldan, ait insulté les alevis et déformé certains faits au cours d'un programme de télévision diffusé le 12 mai 1993.
    Les alevis constituent la deuxième secte islamique de Turquie, après les sunni, et se distinguent par une philosophie et un mode de vie conformes aux normes d'une société civile. Ils se sont toujours mis du côté des mouvements réformistes et progressistes et se sont opposés aux politiques répressives des autorités de l'Etat. En raison de cette attitude, ils ont souvent été victimes de la discrimination de l'Etat ainsi que d'attaques et de massacres par les fanatiques sunnis. A la fin des années 70, une série d'agressions sanglantes perpétrées par les fanatiques sunni et les ultra-nationalistes Loups Gris dans certaines villes turques, principalement Kahramanmaras et Corum, provoquèrent la mort de plus d'une centaine d'Alevis.
    Après le controversé programme de télévision, les associations alevi ont annoncé qu'elles traduiraient en justice le prédicateur Buldan. L'Association Culturelle de Semah, un des principaux mouvements alevi, critiqua durement les arguments avancés par celui-ci. "Ses déclarations étaient agressives et contraires aux valeurs de la laïcité et de la démocratie. Elles portaient également les germes de l'haine entre les deux sectes". affirmèrent-ils.
    L'avocat Cemal Özbey, un important membre de la communauté alevi de Turquie, manifesta que le but de la chaîne de télévision avait été simplement de provoquer un incident.
    L'Etat turc, pour sa part, verrait en la communauté alevi une "menace interne". Le quotidien Aydinlik publia le 14 mai ce qu'il qualifia de documents confidentiels de l'Etat-major turc concernant les éléments de "menace interne" dans le pays. Les documents, signés par le chef d'Etat-major, Kenan Evren, qualifient les alevis d'éléments de "menace interne".
    Les alevis, qui constituent au moins un tiers de l'ensemble de la population turque, se plaignent d'avoir été privés de leurs droits religieux et d'avoir fait l'objet d'une répression prudente mais effective par les sunnis.
    Ils considèrent les cours de religion, rendus obligatoires par la Constitution de 1982, comme une violation des droits humains et demandent leur suppression.
    L'Administration des Affaires Religieuses reçoit une part des taxes perçues aux citoyens turcs. Cet argent est destiné à l'usage exclusif des sunnis - un exemple probant de discrimination religieuse, ont-ils souligné.
    Les alevis sont affligés par la structure du monde religieux turc et précisent que l'Administration des Affaires Religieuses ne représente que la majorité sunni dans le pays.
    Dans ce contexte, les alevis soutiennent qu'il ne devrait pas exister une organisation comparable à cette administration des "affaires religieuses" dans un pays qui se prétend laïc et où la laïcité est une garantie constitutionnelle.

ATTAQUES CONTRE AYDINLIK A PROPOS DE RUSHDIE

    Le quotidien Aydinlik, après avoir commencé à publier des extraits en turc des Versets Sataniques de Salman Rushdie le 26 mai dernier, fut victime d'interdictions et d'une série d'attaques et de menaces.
    Premièrement, toutes le copies d'Aydinlik ont été saisies après leur distribution en vertu d'une décision gouvernementale interdisant l'entrée en Turquie du livre de Rushdie. Par ailleurs, le procureur public d'Ankara ordonnait une enquête sur les responsables du journal.
    Accusé d'avoir maintenu l'interdiction qui frappe les Versets Sataniques, le Premier Ministre transitoire, Inönü, répliqua: "L'ordre de saisir les copies d'Aydinlik est une décision légale prise par un tribunal constitutionnel".
    Aziz Nesin, éditorialiste en chef d'Aydinlik, avait déjà averti en février que si l'interdiction qui frappait le livre n'était pas levée, il serait forcé de violer la décision du gouvernement.
    Les responsables du journal ont déclaré: "Nous avons l'intention d'ouvrir un débat public en Turquie, dominé par la majorité musulmane pratiquante, et espérons que tout le monde, depuis les gauchistes jusqu'à l'Administration des Affaires Religieuses, et même l'Iran, y participera.
    Le 28 mai, à Istanbul, après les prières du vendredi, des centaines de fondamentalistes attaquèrent la maison d'édition Kaynak, connue pour avoir des liens étroits avec Aydinlik, en criant "Que soient brisées les mains qui se dressent contre l'Islam".
    Les 29 et 30 mai, le bureau d'Izmir d'Aydinlik était attaqué par des groupes de fondamentalistes, le bureau du journal à Diyarbakir était incendié et un camion de distribution était également attaqué.
    Le 3 juin, des personnes non identifiées lançaient des bombes incendiaires contre des kiosques à journaux à Gebze (Istanbul) et Osmaniye (Adana).
    A Ankara, les fondamentalistes ont distribué des brochures portant des menaces de mort contre les distributeurs de journaux et les propriétaires des kiosques s'ils continuaient à vendre l'Aydinlik.
    Les responsables du journal qualifièrent ces attaques et la saisie des copies de l'Aydinlik de violation des droits de la presse.

PRESSIONS SUR LES ARMENIENS ET LES ASSYRIENS

    Le quotidien Özgür Gündem du 26 mai 1993 publiait une série de photos des écoles arméniennes à Istanbul, prouvant les pressions que doit supporter cette communauté.
    Comme l'illustrent les photos, les écoles arméniennes de Dadyan, Feriköy et Bezciyan sont obligées de mettre sur leur façade une plaque portant la fameuse phrase d'Atatürk: "Quelle joie de dire que je suis turc!"   
    Bien que le gouvernement actuel affirme respecter l'identité nationale et les sentiments des minorités de Turquie, ces plaques sont toujours en place.
    D'autre part, le 27 mai 1993, le quotidien Cumhuriyet rapportait que l'historique église assyrienne Saint Johanna de Sanliurfa était en voie de devenir une mosquée.
    La décision de cette transformation avait été prise en 1984, par initiative de la Fondation Dergah, mais l'exécution du projet fut interrompue après l'intervention du Musée d'Urfa.
    Cependant, l'Administration Générale des Fondations a ordonné récemment la reprise des travaux de transformation. Malgré les protestations, les travaux ont repris et les officiels ont déjà fixé sur l'église une plaque portant l'inscription "Mosquée de Selahaddin-i Eyyubi".
    La Fédération Assyrienne en Suède a envoyé récemment une lettre au Ministre de la Culture, Fikri Saglar, lui demandant de mettre fin à ce crime culturel.
    Selon les rapports provenant de l'Association Culturelle et Sportive Mésopotamienne à Bruxelles, de nombreux villages assyriens su Sud-est sont dépeuplés par les gardiens de village au service des forces du gouvernement.
    Depuis 1989, les habitants assyriens dont le nom figure ci-après ont été forcés de quitter leur village et leurs maisons et ont dû chercher refuge dans les grandes villes sous prétexte qu'ils ont aidé les guérillas du PKK:
    Kizilsu (Sirnak), Hesena (Silopi), Xirabemiriske (Idil), Sederi (Midyat), Arbo (Idil), Arnas (Midyat), Aynvart (Midyat), Mizizeg (Idil), Sare (Idil), Temerze (Idil), Asagidere (Idil), Xapisnas (Midyat), Bate (Midyat), Yemisli (Midyat), Bagpinar, Cemesil , Badibe, Erde, Binkelibe, Derxabab, Derxube, Arbaya, Gundiksirko, Merhap, Giremira, Bingirye.
    Le 11 février 1993, une équipe de protecteurs de village faisaient une descente dans le village d'Ögündük (Midah) à Mardin. Le leader assyrien local, Melke Tok, rapportait que l'équipe, après avoir réuni tous les habitants sur la place du village, mit le feu à leurs maisons et démolit une croix symbolisant la crucifixion de Jésus-Christ.
   
INTERDICTION DES RADIOS PRIVEES

    Au début du mois d'avril 1993, dans une manoeuvre antidémocratique inattendue, le gouvernement de Demirel interdisait toutes les radios privées.
    Faisant confiance aux promesses des partis de la coalition, les premières radios privées avaient commencé à émettre en juin 1992. En 1993, il y avait quelque 250 stations privées dans toute la Turquie.
    Le gouvernement justifia sa surprenante décision en affirmant que l'Article 133 de la Constitution concède le monopole des émissions de radio et de télévision à l'Etat.
    L'interdiction provoqua d'énormes protestation publiques parce que ces radios privées constituaient un libre moyen d'expression pour tout le monde, de droite et de gauche, et chacun y trouvait de la musique ou des programmes de son goût. C'était un véritable plaisir de disposer d'un choix aussi vaste après s'être contentés de l'unique voix de l'Etat pendant des décennies.
    Pour protester contre la décision du gouvernement, les antennes ont été décorées avec des rubans noirs, et des tracts qui disaient "Je veux ma radio" furent distribués et affichés partout.
    Face à cette protestation massive, le gouvernement promit une fois de plus de supprimer l'Article 133 de la Constitution et de permettre toutes les radios privées conformes aux réglementations qui seraient adoptées.
    Cependant, le projet de loi comprenant la suppression de l'Article 133 de la Constitution s'est trouvé devant un autre obstacle: l'impossibilité d'atteindre les 300 votes "affirmatifs" requis pour pouvoir modifier la Constitution. Un certain nombre de débats parlementaires sur le projet de loi ont dû être annulés parce que les partenaires de la coalition et le principal parti de l'opposition, ANAP, n'ont pas réussi à ce que leurs députés assistent aux sessions parlementaires.

PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN MAI

    Le 1.5, à Istanbul, le photographe du Milliyet, Musa Agacik, était battu par la police lorsque, le Premier Mai, il essayait de prendre des photos des manifestants victimes des coups de feu.
    Le 2.5, l'édition N° 51 de l'hebdomadaire Azadi était confisquée par la CSE d'Istanbul pour séparatisme.
    Le 3.5, le rédacteur responsable de l'hebdomadaire Yeni Ülke, Bülent Aydin, était condamné par la CSE d'Istanbul à cinq mois de prison et à payer une amende de 117 millions de LT (12.316 $) pour propagande en faveur du PKK.
    Le 4.5, trois journalistes, Ümran Aras (Meydan), Mehmet Beytül (Türkiye) et Ahmet Uçar (Sabah) étaient harcelés par la police alors qu'ils couvraient les funérailles d'une personne exécutée sans procès à Istanbul. Le photographe du quotidien Aydinlik, Mustafa Cetinkaya, était arrêté et battu pour avoir pris des photos de ces brutalités.
    Le 6.5, l'édition N° 6 de la revue Toplumsal Dayanisma était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 6.5, la maison du journaliste Rauf Yildiz, correspondant à Diyarbakir d'Özgür Gündem, était fouillée par la police pendant son absence. Ses quelques documents, bandes magnétiques et photos furent confisqués.
    Le 7.5, le sociologue Ismail Besikci était condamné par la CSE d'Istanbul à 20 mois de prison et à 41 millions de LT d'amende (4.316 $) pour son livre intitulé Quelques réflexions sur le PKK.
    Le 7.5, le correspondant de Diyadin du quotidien Özgür Gündem, Tacettin Yildiz était arrêté par la police.
    Le 11.5, la CSE d'Istanbul condamnait le rédacteur responsable de l'hebdomadaire Azadi, Sedat Karakas, à six mois de prison et 41 millions d'amende (4.316 $) pour propagande séparatiste. Le précédent propriétaire de l'hebdomadaire, Hikmet Cetin, était également condamné à payer une amende de 83 millions de LT (8.737 $).
    Le 11.5, le sociologue Ismail Besikci et l'ancien rédacteur responsable du quotidien Özgür Gündem, Isik Yurtcu, étaient condamnés à un an de prison chacun pour un article de Besikci où soi-disant il insultait les forces de sécurité. Le même jour, le correspondant à Dicle d'Özgür Gündem était arrêté par la police.
    Le 11.5, l'édition N° 90 du mensuel Emegin Bayragi était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 12.5, le reporter photographe du quotidien Hürriyet, Mehmet Oguz, était harcelé par la police alors qu'il couvrait une manifestation de protestation à Ankara et eut la jambe brisée.
    Le 13.5, la CSE d'Istanbul condamnait le journaliste Yusuf Cacim à dix mois de prison et à une amende de 166.666.666 (17.544 $) pour deux de ses articles publiés dans l'hebdomadaire Yeni Ülke.
    Le 14.5, le correspondant à Cizre du quotidien Özgür Gündem, Besir Ant, était arrêté.
    Le 17.5, à Izmir, le poète Ergun Akkir était arrêté à l'aéroport, alors qu'il quittait la Turquie, pour avoir participé à une réunion culturelle en Allemagne.
    Le 19.5, le correspondant à Samsun de l'hebdomadaire Mücadele, F. Hülya Tungan, et le correspondant à Tokat du mensuel Partizan, Ercan Oskan, étaient arrêtés par la police.
    Le 19.5, l'édition N° 53 de l'hebdomadaire Azadi était confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 19.5, deux membres du groupe musical Yorum, Kemal Gürel et Elif Sumru Gürel, étaient condamnés par la CSE d'Izmir à 20 mois de prison et à 42 millions de LT (4.421 $) d'amende pour leur concert à Denizli.
    Le 20.5, deux correspondants à Diyarbakir de l'hebdomadaire Gercek, Nasir Gül et Özer Yildiz, étaient arrêtés par la CSE de Diyarbakir alors qu'ils couvraient un procès.
    Le 23.5, l'édition N° 11 de la revue Iscinin Yolu était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande en faveur d'une organisation illégale.
    Le 27.5, on introduisait une nouvelle action en justice contre le sociologue Ismail Besikci pour son livre intitulé La Lutte pour la Division Impérialiste du Kurdistan (1915-1925). Le procureur demande pour lui une peine de prison de 5 ans et une amende de 100 millions de LT (10.000 $) et une peine de prison de deux ans et pas moins de 100 millions de LT (10.000 $) d'amende pour son éditeur, Ünsal Öztürk.
    Le 27.5, la dernière édition du quotidien Aydinlik était confisqué pour avoir publié des extraits des Verset Sataniques  de Salman Rushdie.
    Le 31.5, l'édition N° 17 du mensuel Newroz et la N° 28 du mensuel Devrimci Proletarya étaient confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.

TERRORISME D'ETAT EN MAI

    Le 2.5, la police annonçait la détention, le 22 avril, de six membres présumés de l'Armée de Libération des Travailleurs et Paysans de la Turquie (TIKKO) à Istanbul.
    Le 2.5, à Bismil, des tireurs non identifiés abattaient le chauffeur de taxi Nuri Celebi.
    Le 3.5, à Istanbul, six étudiants de l'Université de Marmara étaient arrêtés par la police pour avoir essayé d'organiser un meeting de protestation contre les exécutions extrajudiciaires.
    Le 3.5, à Batman, Mehmet Emin Gezer et Seyfettin Gül étaient assassinés par des personnes non identifiées après avoir mis le feu à leur voiture.
    Le 4.5, à Izmir, l'avocat Hülya Üçpinar, s'adressant au bureau du Procureur, précisait que sa cliente Filiz Topcu avait été victime de chocs électriques pendant sa détention policière. A Ankara, l'avocat Meryem Erdal accusait la police d'avoir torturé sa cliente, Levent Yilmaz, suite aux arrestations du 1er mai.
    Le 4.5, à Mersin, la famille de Namik Erkek, arrêté le 19 décembre 1992, disait ignorer où il se trouvait depuis.
    Le 4.5, à Samsun, une association d'étudiants, CMYYO, était fermée suite à une descente de police prétextant la présence de publications interdites.
    Le 4.5, à Istanbul, huit membres présumés du Parti de Libération du Peuple de Turquie (THKP) étaient arrêtés.
    Le 5.5, à Midyat, le paysan kurde de 18 ans Faruk Döner, aurait été torturé pendant 25 jours après son arrestation en compagnie de sept autres paysans.
    Le 5.5, les forces de sécurité arrêtaient six personnes à Istanbul pour avoir pris part aux activités du Dev-Sol, sept à Mersin pour avoir pris part à celles du TIKKO, deux à Canakkale pour avoir pris part à celles du TDKP et neuf à Iskenderun pour d'autres activités illégales.
    Le 5.5, le quotidien Özgür Gündem rapportait l'arrestation à l'aéroport d'Istanbul d'un réfugié politique après son retour en Turquie. Mahmut Balkaya avait fui la Turquie après le coup-d'Etat de 1980 et avait résidé en France pendant onze ans en tant que réfugié politique.
    Le 5.5, à Izmir, quatre personnes étaient condamnées par la CSE d'Izmir à trois ans et neuf de prison chacune pour avoir aidé le PKK.
    Le 6.5, les forces de sécurité arrêtaient sept membres du Dev-Sol à Konya et 17 autres personnes à Elazig.
    Le 6.5, des tireurs non identifiés enlevaient et tuaient Haci Özdemir (63) et Ridvan Berkan (27) à Nusaybin.
    Le 7.5, à Adana, l'étudiant universitaire Ahmet Halifegil aurait été torturé au poste de police après son arrestation le 2 mai.
    Le 7.5, les forces de sécurité arrêtaient 13 personnes à Hatay et 20 à Tatvan pour activités séparatistes.
    Le 8.5, à Mardin, les forces de sécurité abattaient Yusuf Calis, blessaient une personne et en arrêtaient 12 autres au cours d'une descente de police.
    Le 9.5, à Istanbul, au cours d'une descente de police dans une maison, les forces de sécurité abattaient Aydede Sarikaya, un membre présumé d'Avant-Gardes Révolutionnaires du Peuple (HDÖ). La famille de la victime accusa la police de l'avoir exécuté sans procès.
    Le 9.5, à Cizre, 20 personnes étaient arrêtées pour activités pro-PKK.
    Le 10.5, la CSE d'Istanbul ouvrait le procès contre 20 personnes accusées d'avoir participé aux activités du mouvement islamique et à plusieurs actes violents. Deux des défendeurs risquent la peine capitale et les autres, différentes peines de prison allant jusqu'à 15 ans.
    Le 10.5, à Batman, Mehmet Salih Satikalp et Ahmet Uysal étaient assassinés par des personnes non identifiées.
    Le 11.5, à Istanbul, la police arrêtait cinq personnes accusées d'avoir mené des activités pour le compte du THKP/C.
    Le 11.5, à Tunceli, la police arrêtait 40 personnes qui avaient pris part à une cérémonie dans un cimetière en l'honneur de 12 militants du Dev-Sol morts.
    Le 11.5, à Kulp, Abdusselam Eren, qui avait été enlevé le 4 mai, fut retrouvé assassiné.
    Le 11.5, s'ouvrait à la CSE d'Istanbul le procès de 32 membres présumés du PKK. Le procureur demande la peine capitale pour un des défendeurs et des peines de prison allant jusqu'à 22 ans et six mois pour les autres.
    Le 11.5, la CSE d'Ankara condamnait cinq personnes à 15 ans de prison et cinq autres à quatre ans et six mois pour activités pro-PKK.
    Le 12.5, à Bismil, la gendarmerie annonçait que Kudbettin Tekin, arrêté le 20 avril, avait été trouvé mort dans sa cellule. Sa famille accusa les gendarmes d'avoir assassiné Tekin en le torturant.
    Le 13.5, la CSE de Malatya condamnait trois personnes à la prison à vie et dix autres à différentes peines de prison allant jusqu'à 18 ans pour activités pro-PKK.
    Le 14.5, à Samsun, Ercüment Sahin Cervatoglu, arrêté le 9 mai pour avoir participé à un meeting culturel à Fatsa, affirmait avoir été torturé pendant trois jours.
    Le 14.5, la CSE de Malatya condamnait deux activistes du Dev-Sol à la prison à vie et une troisième à 12 ans et six mois de prison pour avoir assassiné un général turc et un officier des douanes américain.
    Le 15.5, les forces de sécurité arrêtaient 14 membres présumés du HDÖ à Istanbul, 20 étudiants universitaires à Ankara et 24 membres présumés du PKK à Hakkari.
    Le 15.5, la section d'Havza du Syndicat des Travailleurs de l'Education (Egit-Sen) à Samsun et de l'Association Culturelle du Peuple (HKD), à Istanbul, étaient fermés par ordre des gouverneurs.
    Le 15.5, à Nazilli, quatre officiels locaux du défunt Parti Socialiste (SP) étaient condamnés à 20 mois de prison chacun et à payer un total de 164 millions de LT (17.263 $) pour propagande séparatiste.
    Le 16.5, les forces de sécurité arrêtaient 23 étudiants universitaires à Samsun et treize personnes à Sivas.
    Le 17.5, commençait le procès de huit membres présumés de TIKKO. Deux des défendeurs risquent la peine capitale.
    Le 18.5, la CSE d'Ankara condamnait trois membres du TDKP à dix ans de prison et à payer une amende de 600 millions de LT (60.000 $) pour activités illégales.
    Le 18.5, la CSE d'Izmir condamnait trois militants du Dev-Sol à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans et six mois.
    Le 19.5, le procureur de la CSE d'Izmir introduisait une action en justice contre la section d'Usak de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), l'accusant d'inciter les gens à commettre des crimes.
    Le 19.5, à Yüksekova, deux bergers étaient abattus par des gendarmes sans aucune raison apparente. Pour protester contre ce meurtre, les commerçants de Yüksekova fermèrent leurs magasins.
    Le 20.5, à Gaziantep, Mehmet Kaya (28) et Necla Karacali (19) étaient retrouvés, assassinés par des tireurs inconnus.
    Le 20.5, la CSE d'Ankara condamnait trois personnes à 30 ans de prison et à payer une amende de 166.666.666 LT (17.544 $) chacune pour avoir pris part aux activités de l'Union des Jeunes Communistes (GKB).
    Le 20.5, la CSE d'Izmir condamnait trois défendeurs du Dev-Sol à des peines de prison allant jusqu'à 18 ans et 6 mois. Dans le même tribunal, cinq personnes étaient condamnées à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans et 6 mois pour activités pro-PKK.
    Le 20.5, à Eskisehir, la police arrêtait neuf personnes pour avoir participé aux activités du HDÖ.
    Le 21.5, la section de Mersin de l'Union des Travailleurs Municipaux (Bel-Der) était fermée pour activités illégales.
    Le 21.5, à Istanbul, l'Association des Compatriotes de Tunceli (TD) était interdite par le gouverneur.
    Le 21.5, les forces de sécurité arrêtaient 24 étudiants à Kocaeli et 20 à Istanbul pour avoir protesté contre les exécutions extrajudiciaires.
    Le 21.5, à Idil, six personnes étaient arrêtées par la police.
    Le 21.5, à Mersin, six étudiants universitaires étaient arrêtés par la police.
    Le 22.5, les forces de sécurité arrêtaient 17 personnes à Diyarbakir pour activités pro-PKK, et de nombreux représentants syndicalistes à Malatya.
    Le 24.5, les étudiants qui avaient été arrêtés à Istanbul le 21 mai pour avoir protesté contre les exécutions sans procès, déclaraient avoir été torturés pendant leur détention policière.
    Le 25.5, à Bursa, les forces de sécurité arrêtaient onze personnes pour avoir pris part aux activités du TKP-ML/GMKB.
    Le 25.5, à Silvan, un étudiant d'une école supérieure, Semra Baran, et une autre personne non identifiée, étaient assassinés par des inconnus.
    Le 26.5, à Mersin, 40 personnes étaient arrêtées au cours d'une cérémonie en l'honneur d'un militant mort de l'Union des Jeunes Communistes (GKB).
    Le 27.5, à Aydin, cinq membres du IHD étaient arrêtés lorsqu'ils voulaient rendre visite à des prisonniers politiques.
    Le 28.5, à Istanbul, Vakkas Dost était retrouvé mort dans un poste de police après avoir été torturé pendant son interrogatoire.
    Le 28.5, à Ankara, Muzaffer Erbas et Bülent Kömür soutenaient avoir été torturés dans un poste de police d'Ankara.
    Le 29.5, Tayyar Büyük affirmait dans une conférence de presse dans les locaux de l'IHD qu'il avait été torturé en mai pendant 15 jours et qu'il avait été témoin des tortures infligées à d'autres détenus dans le quartier général de la police à Malatya.
    Le 30.5, le Ministre de l'Intérieur, Ismet Sezgin, répondant à une question écrite au Parlement, rapportait que 170.453 citoyens de Turquie étaient privés du passeport national et ne pouvaient se rendre à l'étranger. Parmi ces personnes, 142.813 ont fait l'objet de décisions judiciaires, 24.948 pour avoir omis de payer leurs impôts et 2.692 pour des raisons politiques.