UNE
DAME DE FER POUR LA TURQUIE
Suite à l'accession de Demirel à la présidence de la
République, le 13 juin 1993, la convention du principal partenaire du
gouvernement de coalition, le Parti de la Juste Voie (DYP), choisissait
Mme Tansu Ciller, Ministre d'Etat chargé de coordonner l'économie
turque, pour remplacer Demirel à la tête du parti et du gouvernement.
Le lendemain, le Président Demirel, recevait Mme Ciller et lui
demandait de former un nouveau gouvernement.
L'élection d'une femme comme présidente d'un parti
conservateur comme le DYP et comme premier ministre d'un pays comme la
Turquie, où le fondamentalisme islamique ne cesse de gagner du terrain,
fut saluée comme une "incroyable révolution" aussi bien dans le pays
qu'à l'étranger.
Dans un sens, cette élection constitue un grand pas
en avant pour deux raisons:
Premièrement, malgré la discrimination dont font
l'objet les femmes, surtout à l'aile droite de la scène politique
turque, Ciller réussit à obtenir le soutien de la majorité au congrès
du DYP, qui était entièrement composé de délégués moustachus. Un tel
résultat peut être, à long terme, un bon exemple à suivre pour d'autres
partis politiques et peut encourager les femmes à participer plus
activement à la vie politique.
Deuxièmement, l'élection de Ciller malgré
l'opposition de l'ancien leader du DYP, Demirel, qui soutenait un autre
candidat, le Ministre de l'Intérieur Ismet Sezgin, confirme le
rajeunissement du leadership politique. Ce processus avait déjà
commencé avec l'élection de Mesut Yilmaz à la présidence de l'ANAP
malgré l'opposition ouverte de Turgut Özal à sa candidature.
Cependant, sans avoir vu la composition et le
programme du gouvernement que formera Ciller ou ses premières mesures à
propos des droits de l'homme et des problèmes sociaux, il est trop tôt
pour se montrer optimistes.
La victoire de Ciller n'est pas du tout le fruit
d'un long combat politique, mais d'une série de circonstances
provoquées par le décès du Président Özal. Après que Demirel l'ait
remplacé à la présidence de la République, le DYP, qui avait été fondé
et développé comme le "parti d'un seul homme" sous le leadership de
Demirel, s'est vu obligé de choisir un nouveau leader. De plus, comme
l'électorat de son parti était attiré par l'ANAP, formation qui avait
renouvelé son image sous la direction du jeune Mesut Yilmaz, le DYP
avait également besoin d'un renouveau spectaculaire.
La candidature de Ciller, malgré l'opposition de
Demirel, était une occasion en or pour la base populaire du parti. Une
jeune femme à la tête de la formation pouvait modifier tous les calculs
politiques et mobiliser surtout l'électorat féminin et les jeunes
électeurs en faveur du DYP.
Plus important encore, les espérances de cette base
populaire coïncident largement avec les préoccupations des grands
cercles d'affaires qui voudraient voir à la tête du gouvernement une
personne dont l'engagement envers les réformes économiques ne ferait
plus de doute. Parmi ces réformes il convient de citer la privatisation
d'entreprises économiques publiques et la reconnaissance de privilèges
au capital au détriment des travailleurs. Aussi bien Demirel que Turgut
Özal avaient été choisis et soutenus par les grands capitaux aux cours
des dernières décennies pour cette raison. Sans aucune expérience
politique derrière eux, tous deux avaient été propulsés sur la scène
politique par les grands cercles d'affaires pendant les périodes de
transition pour cette même raison (Voir: Info-Türk, N_ 199, "Özal et
Demirel: Les hommes de la même cause").
Parmi quatre candidats à la présidence du DYP, seule
Ciller correspondait aux espérances des grands cercles d'affaires.
Comme Özal et Demirel, Ciller avait également complété sa formation
post-universitaire aux Etats-Unis. Pendant toute sa formation
académique elle a toujours défendu la cause du grand capital. Elle ne
s'est pas contentée d'un rôle de conseiller mais participa à des
transactions financières et en peu de temps est devenue une des
personnes les plus riches de Turquie.
De plus, tirant parti du fait qu'elle est la
première femme premier ministre de Turquie et de son charisme, elle
pouvait calmer pendant un certain temps la colère des classes moins
favorisées de la population devant les dures mesures économiques
imposées.
Ciller est donc arrivée sur la scène politique comme
la nouvelle figure de la même cause.
Il es très significatif que les deux principales
organisations d'entrepreneurs turcs, l'Association des Entrepreneurs et
Industriels de Turquie (TUSIAD) et l'Union des Chambres de Commerce,
d'Industrie et des Marchés Boursiers de Turquie (TOBB) aient annoncé
ouvertement leur soutien à Ciller depuis le début de la course à la
présidence du DYP.
De plus, le président de TOBB, Yalim Erez, mena
activement la campagne électorale de Ciller. Il contribua en grande
partie au financement des campagnes publicitaires dans les médias.
Intelligemment, il persuada les délégués
conservateurs du DYP de la fascination qu'une femme à la tête du
gouvernement turc exercerait sur les pays européens, les faisant
oublier leurs plaintes sur les droits de l'homme et ouvrir la porte
d'accès à la CE.
Consciente du fait que Demirel, craignant d'être
éclipsé par la présence d'une charmante jeune femme à la tête du
gouvernement, s'opposerait à sa candidature, Ciller combla ce
désavantage par de rapides tête-à-tête avec des figures internationales
comme le président français Mitterrand et l'ex-premier ministre
britannique Thatcher.
Au cours d'un débat télévisé avec tous les candidats
à la présidence, Ciller réussit à s'affirmer comme la favorite grâce à
son air américanisé. L'opinion publique, conditionnée par les séries de
télévision américaines véhiculant l'image de jeunes et attrayantes
jeunes femmes, fut facilement fascinée par cette performance
inhabituelle dans la vie politique turque.
En plus de ce show à l'américaine, réaffirmant les
engagements conservateurs, nationalistes et religieux des délégués du
DYP, Ciller répéta sans cesse son attachement à la musique de l'Ezan
(appel à la prière), au drapeau turc et aux valeurs familiales. D'autre
part, pendant la convention, elle fut entourée de délégués
d'extrême-droite qui n'ont pas hésité à saluer les délégués, à ses
côtés, du signe des "Loups Gris", un geste particulier aux
néo-fascistes du Parti d'Action Nationaliste (MHP).
Pour le nouveau Premier Ministre de Turquie,
congratulé dans le monde entier comme symbole de l'émancipation de la
femme dans un pays musulman, une telle campagne constitue une claire
contradiction avec l'image qu'elle veut donner au monde.
Dans cette frénésie médiatique, aucun des autres
candidats ou délégués ne lui demanda les raisons de l'échec de ses
politiques économiques, illustrées dans la campagne électoral à l'aide
de graphiques sur l'écran de son ordinateur.
Malgré son charisme, qui pour le moment fascine
l'opinion publique, le récent échec de ses politiques économiques, ses
relations douteuses avec les grands cercles d'affaires et
l'extrême-droite et les points d'interrogation concernant l'origine de
sa fabuleuse fortune, seront toujours un sérieux problème pour le
gouvernement qu'elle dirige.
En plus de tout ceci, le partenaire qu'elle choisira
pour former la coalition, le niveau de satisfaction qu'elle donnera
dans la distribution des sièges aux factions rivales à l'intérieur du
DYP, ses relations avec certains grands bureaucrates avec lesquels elle
eut de nombreux conflits par le passé et, plus important, son attitude
envers les droits humains et sociaux et plus particulièrement la
Question Kurde, seront les facteurs qui détermineront son succès à la
tête du gouvernement.
CILLER: LE PREMIER MINISTRE LE PLUS RICHE
Ciller, en plus d'être la première femme Premier
Ministre de Turquie, possède également le titre de "Premier Ministre le
plus riche", avec une fortune estimée à 500 milliards de LT. Aussi bien
l'origine controversée de cette fortune que les accusations de fraude,
de détournement de fonds et d'utilisation indue des fonctions dont fait
l'objet son mari Özer Ciller ont déjà terni la crédibilité du nouveau
Premier Ministre.
La fortune de Ciller, selon ses propres
déclarations, s'établit comme suit:
_ Pavillon à Yeniköy, 30 villas et un immeuble de 16
appartements à Kilyos
_ Une participation dans la coopérative de
construction Yesilyurtlular de Bodrum.
_ Une participation dans une coopérative de
construction formée par des membres du Parlement.
_ Une villa de 200 m_ aux E.U.
_ Un appartement de 110 m_ aux E.U.
_ Un duplex à Bilkent, Ankara.
_ Une participation de 700 millions de LT dans le
Holding Markim.
_ Une participation de 80 millions de LT dans
l'agence de tourisme Yesilyurt.
_ 39 ha de terrain à Uskumruköy, Sariyer.
_ 45 ha de terrain à Kisirkaya, Sariyer.
_ 14,5 ha de terrain à Kilyos, Sariyer.
_ Un quart d'un terrain de 6,5 ha à Mugla.
Etant issue d'une famille aux revenus peu élevés, il
est impossible pour une professeur d'université d'amasser une telle
fortune avec un salaire aussi dérisoire. Ses partisans attribuent sa
fortune à ses activités comme conseiller de grandes entreprises et de
la Confédération des Unions des Employeurs de Turquie (TISK). Si tel
est le cas, on admet donc que le nouveau Premier Ministre dépend des
cercles d'affaires non seulement dans son engagement envers
l'entreprise privée, mais également pour ses intérêts privés.
Par ailleurs, des sérieux doutes persistent quant à
l'origine de sa fabuleuse fortune. Son mari, Özer Ciller, se trouve
confronté à une action en justice introduite par le bureau du procureur
public du district de Sariyer, à Istanbul. Il est soupçonné de fraude,
de détournement de fonds et d'utilisation indue de ses fonctions dans
plusieurs coopératives de construction dont ils sont actionnaires. Un
rapport joint au dossier judiciaire affirme: "Il est clair qu'il a
manipulé les membres de la coopérative en vue d'acheter, à des prix
exorbitants, une propriété appartenant à Tansu Ciller, contribuant
ainsi à accroître la fortune de sa femme".
Le rapport accuse également Özer Ciller d'avoir
transféré de grandes quantités d'argent accumulées sur les comptes
bancaires de la coopérative vers les comptes d'holdings comme MITAT,
MARKIM et MARSAN, dans lesquels Tansu Ciller possède des actions.
D'autres accusations prétendent que des permis de
bâtir ont été attribué aux terres agricoles achetées par Tansu Ciller
alors qu'elle était ministre et que leur valeur est montée en flèche en
l'espace de quelques mois.
ANKARA A UNE NOUVELLE FOIS CHOISI L'OPTION MILITAIRE POUR RESOUDRE LA
QUESTION KURDE
Une occasion historique pour conquérir la paix dans
le pays après une guerre de dix ans entre le PKK et l'Armée vient
malheureusement d'être perdue à cause du refus du gouvernement de
répondre au réaliste appel du PKK à un cessez-le-feu. Refusant un
dialogue politique avec le PKK et d'autres organisations kurdes, alors
qu'il poursuivait les opérations militaires contre les villages kurdes
et renforçait la répression contre les défenseurs des droits du peuple
kurde, le gouvernement et les chefs de l'armée ont forcé la guérilla à
reprendre la lutte armée et la Turquie se trouve une nouvelle fois
plongée dans une sale guerre.
Après l'enlèvement et l'assassinat, le 24 mai, de 33
soldats par la guérilla du PKK à Bingöl, les Forces Armées turques ont
étendu leurs opérations militaires dans le Kurdistan turc et ont
annoncé une offensive dans le nord de l'Irak pour les jours à venir.
Comme représailles, le leader du PKK, Abdullah
Öcalan, annonçait le 8 juin dernier une guerre totale contre la
Turquie. Au cours d'une conférence de presse dans la Vallée Bekaa, à
l'est du Liban, il déclarait que la guérilla du PKK considérait le
cessez-le-feu décrété unilatéralement le 20 mars comme un échec.
Les autorités du gouvernement et de l'armée ont
accusé le PKK de ne pas tenir se promesses de respecter le
cessez-le-feu et de provoquer la reprise de la guerre.
Bien que l'opération des guérillas de PKK à Bingöl a
porté un sérieux coup aux espoirs de paix et fut sérieusement critiquée
par de nombreux observateurs, le cessez-le-feu unilatéral n'a jamais
été vraiment respecté par les forces de sécurité.
Depuis le 20 mars, bien que les guérillas du PKK
n'avaient mené aucune action armée, les unités de l'armée, les équipes
de police et de gendarmerie et les protecteurs de village n'ont jamais
interrompu leurs opérations armées contre les cibles kurdes. Les raids
contre des villages kurdes, les arrestations massives, les enlèvements,
les exécutions extrajudiciaires, les tortures et les persécutions n'ont
jamais cessé.
Le gouvernement turc et les militaires ont laissé
clairement entrevoir à de nombreuses occasions que les guérillas du
PKK, qualifiées de "bandits" ou "terroristes", ne pourraient être
l'interlocuteur de l'Etat turc aussi longtemps qu'il y aurait des
hommes armés dans le pays pouvant être considérés comme une menace
potentielle.
Le chef d'Etat-Major, Dogan Güres, déclarait le 7
avril au quotidien Sabah: "Si le PKK ne descend pas des collines, nous
le forcerons à le faire. Il ne peut y avoir de fédération. Cette nation
nous tuerait si nous acceptions une fédération".
Le 8 avril, le Général Yasar Büyükanit, secrétaire
général du bureau du chef d'Etat-Major, confirmait l'opposition de
l'armée à toute tentative de conciliation. "La déclaration de
cessez-le-feu [du PKK] est le résultat de sa défaite contre les forces
de sécurité", déclara-t-il. "Les forces de sécurité continuent de
prendre les mesures nécessaires pour que les bandits abandonnent leurs
activités. Il est exclu de féliciter le PKK parce qu'il ne tue personne
en ce moment".
Malgré tout, le leader du PKK Öcalan prolongea le
cessez-le-feu jusqu'au 16 avril et donna une deuxième chance au
gouvernement turc. "Nous maintenons le cessez-le-feu jusqu'à nouvel
ordre mais il ne devrait pas être unilatéral. Les opérations de
recherche par les forces de sécurité devraient prendre fin. Nous ne
serons pas les premiers à tirer mais les soldats du PKK ne sont pas des
moutons qu'on abat", commenta-t-il.
Cette deuxième chance fut également gâchée par
Ankara au travers d'une série d'actes de provocation.
Le 20 avril, au cours d'une réunion de l'OTAN à
Bruxelles, les autorités militaires turques demandaient à leurs alliés
de ne pas s'opposer à l'utilisation du matériel fourni par l'OTAN
contre les membres du PKK. Auparavant, le 7 avril, l'Etat-Major turc
avait annoncé que la Turquie, en vertu des réglementations de l'OTAN,
était libre d'utiliser les armes fournies par les membres de l'alliance
dans le cadre de la lutte contre le PKK dans le Sud-est.
Le 5 mai, dans un acte de provocation, la Cour de la
Sûreté de l'Etat de Diyarbakir émettait un mandat d'arrêt international
contre Öcalan et demandait à Interpol d'arrêter Öcalan et de le
remettre à la Turquie pour y être jugé en vertu de l'Article 125 du
Code Pénal Turc qui prévoit la peine capitale dans le cas de révolte
contre l'Etat.
Douze jours avant l'opération du PKK à Bingöl, le 12
mai, le Gouverneur de la région en état d'urgence, Ünal Erkan,
annonçait fièrement qu'au cours des deux derniers mois, malgré le
cessez-le-feu unilatéral, 131 "terroristes" avaient été tués, quatre
avaient été blessés et 28 avaient été capturés. Au cours de la même
période, 2.070 personnes avaient été arrêtées et accusées d'avoir aidé
cette organisation illégale. Erkan ajouta que le nombre de protecteurs
de villages était passé à 38.000, dont 1.000 positions avaient été
fournies récemment par le Ministère de l'Intérieur.
C'est l'attitude négative d'Ankara qui poussa les
guérillas du PKK vers les montagnes pour reprendre leurs actions armées
et le leader du PKK Öcalan, bien qu'admettant que les attaques de
Bingöl avaient été "précipités, trop sévères" et n'avaient pas été
menées en accord avec ses plans, justifia la reprise de la lutte armée
en précisant que les Forces Armées turques avaient poursuivi les
opérations militaires malgré le cessez-le-feu unilatéral. Par
conséquent, le 8 juin, il annonçait une guerre totale contre la Turquie.
Au cours de sa conférence de presse au Liban, Öcalan
déclara: "Il y a beaucoup de tension en ce moment et la situation en
Turquie s'achemine vers une guerre générale. Nous multiplierons les
opérations de résistance. Nous disposons d'énormes ressources et nos
efforts sont importants. Nous avons mobilisé plus de 10.000 de nos
partisans et allons intensifier la lutte".
Öcalan avertit que ses guérillas s'attaqueraient à
des cibles économiques et touristiques à l'intérieur de la Turquie et
promit un été sanglant.
"Que cela leur [le gouvernement turc] serve
d'avertissement. Avec le cessez-le-feu nous avons testé le gouvernement
[turc]. Ils ont détruit des villages et tiré sur tout. Nous avons donc
le droit à la réplique. Que personne ne se fasse l'illusion qu'il va
attirer les militants du PKK en dehors des montagnes. Ce ne sera pas
possible avant l'an 2000. Nous sommes pour une union sous la loi
fédérale en Turquie. Sur cette base, nous sommes prêts à discuter une
solution politique. Jusque là, la lutte armée ne cessera de
s'intensifier et beaucoup de sang pourrait couler".
"Des milliers, des dizaines de milliers de personnes
en souffriront et cette campagne sera la plus féroce de toutes celles
menées jusqu'à aujourd'hui", annonça-t-il. "Notre organisation dispose
de 10.000 membres et de 15.000 sympathisants armés. Nous ne disposons
plus que d'une base en Irak mais nos combattants tiennent 100 positions
dans le sud-est de la Turquie. Le chaos grandira et les problèmes ne
feront que s'aggraver. La solution aux problèmes kurdes dépend de
l'attitude de l'armée. Si l'armée donne le feu vert, les hommes
politiques commenceront à chanter".
En réponse à Öcalan, le Ministre de l'Intérieur
Ismet Sezgin fit savoir que le gouvernement n'avait jamais pris au
sérieux la déclaration de cessez-le-feu faite en mars par Öcalan. "Ils
n'ont jamais été sincères. Ils ont décrété ce cessez-le-feu pour
rassembler leurs troupes et rétablir leur forces épuisées. Ils
voulaient également gagner la reconnaissance internationale sous le
déguisement d'une formation politique", conclut-il.
Le 11 juin, au cours d'une visite à Diyarbakir, le
chef d'Etat-Major, le général Dogan Güres déclarait: "Les bandits
seront débusqués. Parmi eux il y aura peut-être des innocents dans les
montagnes. Il y a peut-être des gens qui leur prêtent soutien dans les
villes. Ils devraient cesser, car après il sera trop tard pour eux".
Le quotidien Cumhuriyet du 16 juin rapportait que,
depuis l'opération du PKK à Bingöl, le 24 jours, les forces du
gouvernement avaient déployé une opération de grande envergure et
avaient abattu 178 militants du PKK. 40 militaires et 26 civils ont
également perdu la vie.
UN DECRET D'AMNISTIE PROVOCATEUR
Dans une manoeuvre destinée à créer des dissensions
dans la guérilla kurde, le gouvernement turc décrétait le 8 juin une
amnistie partielle pour les membres du PKK n'ayant pas commis des
crimes de sang contre les forces de sécurité ou des civils. Ces
militants, stipule le décret, qui n'est valable que dans les provinces
du Sud-est soumises à l'état d'urgence, ne seront pas soumis à une
enquête criminelle.
Le décret du gouvernement, formulé par le Conseil de
Sécurité Nationale et approuvé le 24 mai par le Cabinet sous la
direction du Président Demirel avait été suspendu suite à l'opération
du PKK à Bingöl.
Le Premier Ministre provisoire, Inönü, fit savoir
que même si l'activité terroriste fait rage dans le Sud-est, son
gouvernement avait décidé d'appliquer le décret avec le soutien total
des militaires. "Le décret du gouvernement permet aux membres [du PKK]
de retourner à la vie civile s'il n'ont commis aucun délit de sang. Je
veux que tous ces adolescents en prennent conscience".
Le Ministre de l'Intérieur, Ismet Sezgin, précisa
que les militants du PKK impliqués dans des actes terroristes devront
faire face à la justice et beaucoup bénéficieront uniquement de la loi
de repentance demandant aux terroristes de fournir des informations sur
leur groupe armé.
Le leader du PKK Öcalan, au cours d'une conférence
de presse célébrée le même jour, qualifia l'amnistie partielle de
"fausse mesure" et ajouta que les militants du PKK ne céderaient pas à
cette provocation destinée à diviser et affaiblir la guérilla.
VERS UN NOUVEAU GENOCIDE EN ALLEMAGNE
Les attaques contre les turcs vivant en Allemagne
ont clairement pris l'allure d'un génocide. L'assassinat de cinq turcs
dans un incendie criminel à Solingen le 29 mai et d'autres attaques
dans d'autres villes allemandes au cours de jours suivants laissent
croire qu'il se produira d'autres attentats de cette nature. Au cours
des derniers 18 mois, 26 personnes, dont neuf turcs, ont été tuées par
les néo-nazis en Allemagne.
Après l'attentat de Moelln en novembre dernier, des
centaines de milliers d'allemands ont défilé avec des bougies dans
plusieurs manifestations. Le gouvernement allemand promit de poursuivre
les néo-nazis et d'empêcher ces agressions. Les attaques paraissaient
diminuer et le pays en était fier. Après 500 attaques de droite en
septembre 1992, il n'y en eut que 150 en janvier 1993.
Le gouvernement allemand espérait qu'une loi
limitant l'immigration, qui entrera en vigueur le 1er juillet,
calmerait la xénophobie en Allemagne. Cependant, bien au contraire, le
dernier incendie criminel prouve que la loi adoptée en mai n'a fait
qu'encourager les néo-nazis. Ceux-ci sont aussi déterminés que jamais à
attaquer et tuer le plus grand nombre d'étrangers possible. Ils
reprirent leurs crimes et rien qu'en avril 1993, ils ont perpétré 670
attaques, contre 470 l'année dernière au cours de la même période.
Au cours de sa dernière visite en Turquie, le
Chancelier Helmut Kohl promit de nouveau que de telles attaques ne se
produiraient plus à l'avenir.
Mais à peine une semaine plus tard, une femme
turque, Gülfün Ince (27), ses trois soeurs, Saime Genc (5), Hülya Genc
(9), Hatice Genc (18) et un visiteur turc, Gülistan Yüksel (12)
mouraient brûlés à Solingen.
Auparavant, dans le courant du mois de mai et dans
cette même ville, deux mosquées et un supermarché turc avaient subi des
attentats avec des bombes incendiaires. Les "skinheads" s'étaient
réunis dans un parc derrière la maison des victimes pour boire de la
bière et crier leur soutien au Troisième Reich, mais la police n'avait
pas encore entrepris un recensement des néo-nazis en vue de prendre des
mesures préventives.
Depuis le 29 mai, presque toutes les nuits, les
militants de droite ont lancé des bombes incendiaires et provoqué des
incendies dans les maisons d'étrangers.
Il serait faux de dire que ces attaques racistes
sont le simple fait des gangs néo-nazis. Ceux-ci se sont multipliés en
raison de l'ultra-nationalisme qui hante à nouveau l'Allemagne au
lendemain de sa réunification.
Le gouvernement de Kohl considère les turcs
d'Allemagne comme un casse-tête, et applique une politique destinée à
s'en débarrasser. Déjà en novembre 1982, Kohl avait déclaré qu'il y
avait bien trop de turcs en Allemagne et qu'on devrait éviter que leur
nombre ne croisse encore et essayer de le faire passer de deux millions
à un peu moins d'un million.
Des déclarations aussi dures de la part des hommes
politiques allemands, répétant constamment que les turcs ne peuvent
s'adapter à la société allemande, ont créé un climat très hostile
envers les turcs qui résident en Allemagne. Ceux-ci sont devenus la
cible des "skinheads", qui déclarent qu'ils en ont terminé avec les
juifs et que maintenant c'est au tour des turcs.
Les turcs résidant Allemagne sont au bout de leur
patience et prêts à laisser éclater leur indignation. Réagissant très
justement à ces meurtres et au laxisme du gouvernement allemand, des
milliers de personnes, principalement des turcs, ont marché dans les
rues de Solingen, Francfort, Berlin, Bonn et d'autres villes.
Après l'incendie criminel, quelque 5.000 turcs ont
participé à des manifestations dans les rues de Solingen. Lorsque le
Ministre du Travail, Norbert Bluem, vint visiter les maisons des
victimes, les turcs bousculèrent sa voiture et allumèrent des pneus.
Des centaines de turcs allumèrent un grand feu à un
croisement routier à Wuppertal et provoquèrent des dégâts dans la
ville, brisant et pillant quelque 50 vitrines de magasins. Un autre
groupe bloqua les routes d'accès à l'aéroport international à proximité
de Bonn.
L'attitude du Chancelier Helmut Kohl a également
déclenché des réactions violentes. Au lieu d'assister aux cérémonies
pour les victimes à Cologne, il présida l'ouverture de la cathédrale
protestante de Berlin qui venait d'être reconstruite. Quelque 800
manifestants turcs et allemands présents à la cérémonie de Berlin
huèrent et crièrent "Hypocrite", "Kohl le meurtrier" et "Kohl le
menteur!" à son arrivée.
Il est extrêmement préoccupant que des groupes de
jeunes turcs s'attaquent aux allemands et à leurs intérêts en quête de
revanche. Si ces actions se généralisent, ils perdront tous leurs
atouts. Il est également préoccupant que des groupes turcs aux
idéologies différentes se soient affrontés au cours des dernières
manifestations en Allemagne. Ceux proches des Loups Gris
d'extrême-droite se sont opposés aux turcs et aux noyaux durs allemands
de gauche. Les deux camps ont eu recours à des bâtons, des pierres et
des armes.
Le chef du service de sécurité fédéral interne,
Eckart Wertheback, souligna que les incendies criminels des néo-nazis
pouvaient déclencher une vague de réactions violentes de la part des
extrémistes turcs. "Il pourrait se produire une spirale de violence",
dit-il. Fritz-Achim Baumann, chef du service de sécurité interne du
Nord Rhin-Westphalie déclara à Welt am Sonntag: "Les manifestations des
turcs risquent de renforcer les extrémistes allemands d'extrême-droite".
Bien qu'il ait raison, cette violence est le fruit
du laxisme des autorités allemandes, probablement dans le but de
discréditer la communauté turque, en minimisant les crimes des
néo-nazis et pire encore, en justifiant les mesures contre
l'immigration prises par le gouvernement.
Bon nombre des jeunes turcs qui ont eu recours à la
violence n'ont aucun lien avec les groupes extrémistes. Leurs
manifestations sont spontanées et constituent l'expression de leur
déception.
"Des 1,8 millions de turcs et kurdes qui vivent en
Allemagne, seulement 34.000 sont membres d'organisations politiques ou
idéologiques", selon un récent rapport de l'agence basée à Cologne
Wertheback. "Environ 5.000 seraient des sympathisants du PKK. 6.700
seraient des nationalistes turcs, y compris des Loups Gris, et moins de
5.000 seraient des extrémiste de gauche. Pas moins de 17.000
appartiennent à des groupes islamiques turcs".
Même parmi eux, les Loups Gris, qui bénéficient
largement de la tolérance des autorités allemandes et partagent
l'idéologie des néo-nazis, ont systématiquement recours à la violence
politique.
La communauté turque en général, qui refuse la
violence politique, considère la double nationalité et le droit de
participer aux élections locales allemandes comme la mesure la plus
efficace contre les attaques racistes.
Bien que le Ministre allemand des Affaires
Extérieures, Klaus Kinkel, s'est exprimé en faveur de la double
nationalité, de nombreuses personnalités politiques allemandes se sont
opposées à cette proposition, soutenant que cette mesure n'aiderait pas
les turcs à s'intégrer en Allemagne.
L'ambassade allemande à Ankara, dans un rapport
envoyé à Bonn et publié par le Frankfurter Allgemeine du 9 juin,
mettait en garde contre la double nationalité, et précisait: l'identité
turque s'es affirmée après l'effondrement de l'Union Soviétique et les
récents événements en Allemagne ont renforcé la recherche de cette
identité. La double nationalité pour les turcs d'Allemagne ne
garantirait pas leur intégration culturelle et politique, mais au
contraire servirait à la création d'un groupe de pression turc".
La loi sur la citoyenneté allemande, qui remonte à
1913, est basée sur le sang et fut utilisée par les nazis pour
justifier la persécution des étrangers. Actuellement, la citoyenneté
n'est concédée qu'aux étrangers qui sont en mesure de prouver
l'existence d'aïeux allemands ou qui paient des droits et attendent
pendant 15 ans. A peine quelque 1.500 turcs par an deviennent citoyens
allemands, sur une population de 2 millions d'individus.
Pour ce qui est de la réaction des autorités
turques, elle se résume aux formules stéréotypées habituelles "L'Etat
est avec vous" et "L'Etat ne vous laissera pas tomber". Ces prudentes
déclarations arrivent trop tard. Les leaders politiques étaient en
congé prolongé pour la Fête des Sacrifices. Plus tard on apprit que le
vice-président du Parlement turc, Yildirim Avci, se trouvait en
Allemagne au moment de l'incident mais n'en eut connaissance que trois
jours plus tard malgré les innombrables reportages de la presse
allemande.
Le chef des services turcs de la Radio Deutsche
Welle, Beril Hofmann, manifesta: "Nous les turcs, machines à produire
des marks allemands, avons été abandonnés en Allemagne. Nous avons
envoyé les cercueils en Turquie, pleins de douleur, de désespoir, de
colère et d'impuissance. Nous brûlions à l'intérieur en voyant à la
télévision la tristesse des villageois, des grand-mères et des mères,
qui peut-être ne savaient ni lire ni écrire. Mais les jeunes turcs en
Allemagne ne peuvent être arrêtés. Ils n'appartiennent pas à une
génération qui se contente de louanges ou d'appréciations. Puisqu'ils
paient d'importantes sommes en impôts, assurances sociales et taxes de
solidarité, ils estiment avoir aussi quelques droits. Mais attention!
La communauté turque en Allemagne peut exploser à tout moment. Les
autorités allemandes doivent savoir que ces personnes ne peuvent être
calmées avec de prudentes mesures policières. Le moment pour que les
hommes politiques turcs agissent est arrivé et déjà parti".
PERINCEK RISQUE UNE LOURDE PEINE DE PRISON
Le président du Parti des Travailleurs (IP), Dogu
Perincek, fut condamné par la Cour de la Sûreté de l'Etat d'Ankara à
deux ans de prison et à payer une amende de 50 millions de LT (5.000 $)
pour ses déclarations sur la question kurde pendant la campagne
électorale de 1991 en tant que président du défunt Parti Socialiste
(SP).
Considérant ce châtiment insuffisant, le Procureur
de la CSE d'Ankara alla devant la Cour de Cassation, demandant que la
peine soit augmentée 13 fois.
La Cour de Cassation traitera l'affaire le 23 juin.
L'attitude du procureur de la CSE a provoqué une
vive réaction en Turquie.
Perincek avait prononcé les déclarations en cause au
cours d'une table ronde organisée par la TV publique turque (TRT) à
laquelle participaient tous les autres leaders politiques, y compris le
Premier Ministre Demirel et le Vice-Premier Ministre Erdal Inönü.
Par la suite, le SP était fermé par le Tribunal
Constitutionnel et Perincek était inculpé par la CSE d'Ankara en vertu
de la Loi Anti-Terreur, tandis que Demirel et Inönü formaient
l'actuelle coalition gouvernementale. Depuis lors, le gouvernement n'a
pris aucune mesure pour supprimer les articles anti-démocratiques de la
Loi Anti-Terreur.
LA PERFORMANCE CONTROVERSEE DE CILLER
Lorsque Ciller fut élue à la présidence du DYP et
nommée Premier Ministre, elle laissa derrière elle une performance
controversée en tant que Ministre d'Etat où elle était chargée de
coordonner l'économie turque depuis novembre 1991. Les principaux
problèmes macro-économiques de l'économie n'ont toujours pas été
résolus.
Pendant la campagne électorale de 1991, elle promit
deux clefs à chaque famille turque, une pour la maison et une autre
pour une voiture privée. Oublions les deux clefs, le chômage est passé
de 5.142.000 personnes (21,6%) en 1991 à 6.144.000 (24,4%) en 1993.
Malgré la croissance économique, qui es passée de
zéro à 5,9% à la fin du mois de mai 1992, le chômage, l'inflation, la
distribution des revenus, le déficit du secteur public et les problèmes
des emprunts massifs sont restés sans réponse.
L'inflation des prix à la consommation était au taux
socialement inacceptable de 65% en mai 1993, mettant en doute les
capacités du ministre et ses promesses dorées.
Dans la première moitié de 1993, l'économie était
dépourvue de toute politique de coordination et d'une planification
efficace après que l'administration du budget dévie de sa trajectoire
initiale et que l'emprunt gouvernemental devienne incontrôlé.
Le déficit budgétaire consolidé s'élevait à 35,82
trillions de LT pour les quatre premiers mois de l'année, quasiment 65%
du déficit prévu pour l'ensemble de l'année.
La dette intérieure atteignait 202 trillions de LT à
la fin du mois de février, ce qui représente 80% de l'objectif fixé
dans le programme fiscal gouvernemental pour toute l'année. Les pertes
des entreprises de l'Etat s'élevaient à 16,5 trillions de LT à la fin
de 1992.
Pour ce qui est des dettes externes, elles avaient
grimpé jusqu'à 57 milliards en avril 1993.
SITUATION COMPARATIVE DES FEMMES EN TURQUIE
FEMME HOMME
Population 27.931.152 28.215.464
____________________________________________________________
Moins de 12 ans 8.347.097 8.763.768
Plus de 12 ans 19.584.055 19.451.696
Taux d'analphabétisme (+ 6 ans)
31,77% 13,45%
Population de plus de 12 ans
____________________________
Dans le monde du travail 6.535.971
14.509.022
Hors du monde du travail 13.048.048
4.942.674
Population dans le monde du travail
___________________________________
Employés 6.118.544 13.373.404
Au chômage 417.427 1.135.618
Les chômeurs
____________
Dans les zones urbaines 1.216.958
6.559.788
Dans les zones rurales 4.901.586
6.813.616
Statut des travailleurs
_______________________
Employé régulier 1.020.866 4.960.740
Employé occasionnel 129.641 943.464
Employeur 18.727 961.976
Indépendant 521.792 4.444.131
Travailleur familial non rémunéré
4.427.518 2.063.093
Groupes d'activité
__________________
Agriculture 4.744.031 4.779.691
Sect. Manufacturier 577.699
2.318.543
Activité Minière 4.526 132.899
Construction 780.927 864.274
Services 780.927 5.277.997
Population hors du monde du travail
___________________________________
Ménagères 9.191.306 -
Handicapés 1.783.085 1.011.759
Etudiants 1.506.191 2.401.514
Retraités 182.346 1.187.699
Autres 385.156 341.702
----------------------------------------------------------------
Source: Annuaire statistique de Turquie, 1991, Institut des
Statistiques de l'Etat, Ankara
LE SHP CHERCHE UN NOUVEAU LEADER
Le Premier Ministre provisoire, Erdal Inönü,
président du Parti Populiste Social Démocrate (SHP), déclarait le 6
juin qu'il n'assurerait pas le leadership dans la prochaine convention
du parti prévue pour le 11 septembre de cette année, et ajouta qu'il
l'annonçait si tôt pour permettre aux nouveaux candidats de se préparer
dès maintenant pour la présidence du parti.
Inönü justifia sa décision de la manière suivante:
"Dans les partis politiques il y a toujours quelque
chose qu'on dit mais qu'on ne fait jamais. Un président de parti
devrait être changé de temps à autre. Comment effectuer ce changement?
En Turquie, il n'existe aucune procédure habituelle. Le leader du parti
meurt ou se retire ou devient Président avant de laisser son poste
vacant pour que le parti puisse élire un autre président lors de sa
convention. C'est pour cela que notre parti devrait assumer un rôle
prépondérant dans ce domaine".
Les déclarations d'Inönü, prononcées à un moment où
tout le monde suit les évolutions sur la convention du DYP, provoqua un
choc dans les cercles politiques.
Alors que ses opposants l'accusaient de fuir ses
responsabilités pour des motifs personnels, certains observateurs ont
apprécié sa décision et estiment que son geste devrait servir d'exemple
aux autres leaders politiques.
Plusieurs députés du Parti du Peuple Républicain
(CHP), qui avaient quitté le SHP pour rejoindre les rangs de ce nouveau
parti soutenaient que l'acte d'Inönü était une décision différée. De
toute façon, la vie du SHP touchait pratiquement à sa fin et se
maintenait parce qu'il était un des partenaires de la coalition.
Les sondages d'opinion reflètent le déclin du SHP,
et selon les prévisions, ce parti souffrirait une perte considérable
s'il devait abandonner le pouvoir. Inönü a également fait remarquer que
quiconque soit le leader du DYP, ce parti de droite donnerait
préférence à une coalition avec un autre grand parti de droite, comme
l'ANAP, plutôt que le SHP. Par ailleurs, après la mort d'Özal et
l'accès de Demirel au palais présidentiel, même une fusion entre le DYP
et l'ANAP ne s'éloigne tellement plus de la réalité.
Il est significatif qu'Inönü ait pris une telle
décision après avoir soutenu la présidence de Demirel. Il aurait pu
penser que l'attitude de ce dernier était une trahison du protocole de
la coalition. Il aurait pu considérer que sans Demirel, une coalition
entre le DYP et le SHP ne marcherait pas.
Un autre facteur aurait pu inciter Inönü à
poursuivre une politique de factions à l'intérieur de son propre parti.
La lutte interne au sein de SHP n'a pas pris fin après le départ de
Deniz Baykal (leader d'une faction du SHP et rival d'Inönü) pour
devenir le leader du CHP. Après lui, les factions du SHP ont poursuivi
leurs activités dans les coulisses. Plus récemment, le soutien concédé
aux ambitions de Demirel, fit éclater en surface les oppositions au
sein du parti.
Quelles que soient les véritables raisons de la
décision prise par Inönü, le SHP se trouve actuellement à un tournant
de son histoire. Suivant l'exemple de deux principaux partis de droite,
le DYP et l'ANAP, dirigés maintenant par de nouveaux leaders
(respectivement Tansu Ciller et Mesut Yilmaz), le SHP a choisi un
nouveau leader pour changer la terne image du parti.
Les noms du maire d'Ankara, Murat Karayalcin, du
président du groupe parlementaire Aydin Güven Gürkan, du Ministre des
Affaires extérieures Hikmet Cetin, du Ministre de Travaux Publics Onur
Kumbaracibasi et du Député d'Ankara, le professeur Mümtaz Soysal, sont
déjà évoqués pour occuper le poste de leader du parti.
Le résultat de la prochaine convention pourrait être
un nouveau pas vers l'unification tant attendue des trois partis
socio-démocratiques: le SHP, le CHP et le DSP (Parti de la Gauche
Démocratique) du Premier Ministre Ecevit.
MONTEE ALARMANTE DU FONDAMENTALISME
Une série d'événements alarmants survenus au cours
des derniers mois, comme la transformation des funérailles d'Özal en
manifestation religieuse, des assassinats politiques commis par le
Hezbollah, des attaques contre un quotidien qui publiait les Versets
Sataniques de Salman Rushdie, des insultes lors d'une émission de
télévision contre la secte minoritaire alevi, des déclarations osées
des leaders du Parti du Bien-être (RP) et la croissance effrayante de
son organisation parallèle, Vision Nationale, parmi immigrants turcs à
l'étranger ont suscité une considérable inquiétude parmi les forces
démocratiques de la Turquie.
En fait, indépendamment des courants
fondamentalistes, l'Islam a regagné du terrain en Turquie suite au
passage vers un système de pluripartisme dans les années 40 et renforça
son influence parce que la quasi-totalité des partis ont joué la carte
de l'Islam pour attirer le vote des croyants.
La radicalisation de l'Islam en Turquie fut
renforcée après que l'Arabie Saoudite, avec le soutien ouvert des
Etats-Unis qui voulaient contrer le mouvement progressiste et
nationaliste dans le monde islamique, ait commencé à prendre sous son
influence d'autres pays islamiques par le biais du
Rabitat-ul-Alem-ul-Islam (Ligue du Monde Islamique) dans les
années 60 et 70. C'est au cours de ces années que le radicalisme
islamique créa son organisation politique, le Parti de Salut National
(MSP) et réussit à entrer au Parlement et à accéder aux gouvernements.
La révolution iranienne donna un second élan au
fondamentalisme islamique dans les années 80. Bénéficiant également des
concessions de la junte militaire, qui voulait utiliser les masses
musulmanes contre les forces progressistes, il put facilement
s'infiltrer dans tous les services publics et les institutions.
Les données concernant l'augmentation du nombre de
mosquées et d'institutions religieuses au cours des trois dernières
décennies montrent clairement l'ampleur de la croissance du mouvement
islamique en Turquie.
Selon les chiffres de l'Administration des Affaires
Religieuses, le nombre de mosquées en Turquie, qui était de 35.657 en
1963 et de 45.152 en 1973, est aujourd'hui de 66.674.
Le nombre de mosquées construites entre 1971 et 1981
tourne autour des 5.000. Le chiffre le plus spectaculaire correspond à
la construction de 19.000 mosquées depuis le coup-d'Etat de 1980:
54.667 en 1984, 59.460 en 1986, 62.947 en 1988, 64.000 en 1990 et
66.674 en 1993.
Le nombre de mosquées turques à l'étranger est
d'environ 1.100, selon les mêmes sources.
Outre les mosquées, la Turquie dispose de 750 écoles
et lycées théologiques islamiques et quelque 5.000 cours de Coran.
L'Administration des Affaires Religieuses, affiliée directement au
Ministère de l'Etat, emploie plus de 85.000 personnes en Turquie et 691
à l'étranger.
On ne dispose pas de chiffres officiels concernant
le nombre de cours de Coran et d'écoles religieuses clandestins. Mais
les chiffres concernant les médias pro-islamiques peuvent donner une
idée de la croissante influence de ces mouvements.
Selon un sondage publié le 2 février 1993 par les
Nouvelles Quotidiennes Turques, ces mouvements possèdent 290 maisons
d'édition, 40 journaux de tirage national et 300 publications
périodiques locales, 100 stations de radio et 35 chaînes de télévision
dans tout le pays.
Bon nombre des publications pro-islamiques sont
également imprimées et distribuées dans les pays européens. Un des
quatre quotidiens pro-islamiques, la Gazette Milli, appartient au
mouvement Vision Nationale, représenté sur la scène politique par le
Parti du Bien-être (RP), une émanation du défunt MSP. Un autre
quotidien pro-Islamique, Zaman, paraît déjà en Azerbaijan et en
Bulgarie.
Les chaînes de radio et de télévision pro-islamiques
diffusent fréquemment des extraits du Coran et des programmes produits
par la radio et la télévision d'Arabie Saoudite.
Le fondamentalisme islamique, après s'être converti
en une force idéologique et politique indéniable en Turquie, grâce aux
concessions des gouvernements successifs, tente maintenant d'étendre
son influence à l'immigration turque à l'étranger ainsi qu'aux
populations d'expression turque dans les pays ou communautés de
l'ancienne Union Soviétique et des Balkans.
La Vision Nationale demande aux "1,5 milliards de musulmans dans le
monde qui se différencient de leur administration sous influence
occidentale" de s'unir sous le leadership de la Turquie en étroite
relation avec l'Arabie Saoudite.
Le leader du Parti du Bien-être (RP), Necmeddin
Erbakan, dans une interview concédée au Nouvelles Quotidiennes Turques
le 12 mars 1993, affirmait: "Au cours des deux derniers siècles,
l'Occident a occupé les pays musulmans avec sa culture. Il avait quitté
ces pays en laissant derrière lui son influence. On devrait établir une
Union Islamique supranationale composées de 1,5 milliards de musulmans
partout dans le monde, depuis les Etats-Unis jusqu'en Australie. La
Turquie devrait assumer le leadership du monde islamique au lieu
d'entrer dans l'orbite occidentale".
Dans ses nombreuses déclarations, Erbakan qualifia
les Communautés Européennes de cinquième colonne du sionisme.
Le vice-président du parti, Sevket Kazan, au cours
d'une conférence de presse tenue le 29 mars 1993 au Parlement turc,
accusait la Communauté Européenne de demander à la Turquie de changer
son drapeau national pour pouvoir en devenir membre, et ajouta: "La CE
n'est pas lassée par l'étoile et la couleur du drapeau turc, mais par
le croissant de lune qui symbolise l'Islam. Après, ils nous demanderont
de changer de religion pour pouvoir accéder à la CE".
Il affirma également que le nombre des membres du
RP, qui tournait autour des 800.000 aux dernières élections, avait
grimpé jusqu'à 1.300.000 et qu'on s'attendait à ce qu'il atteigne les
deux millions pour la fin de l'année. Il ajouta que deux millions de
membres équivalaient à dix millions de voix, ce qui supposerait à peu
près 30% des votes.
Aux dernières élections à Istanbul, la plus grande
ville de la Turquie, le RP avait obtenu près de 25% des votes.
(Pour la renaissance et montée du fondamentalisme
islamique, voir: Intégrisme islamique en Turquie et Immigration,
Info-Türk, 1987; The Extreme Right in Turkey, Info-Türk, 1988, et Turcs
en Belgique, Info-Türk, 1992).
UN CHEIKH UL-ISLAM EN ALLEMAGNE
Le mouvement Vision Nationale a pris récemment une
série de mesures pour prendre en charge les familles d'immigrants et
légitimer les activités fondamentalistes grâce à l'insouciance et
parfois même au soutien de certaines organisations progressistes
d'immigrants turcs.
Malgré des activités incompatibles avec la promotion
sociale et culturelle et l'intégration des immigrants, les
Organisations de Vision Nationale en Europe (AMGT) furent admises à
prendre place parmi les membres des fondateurs du Conseil des
Communautés Turques en Europe (ATTK), fondé l'année dernière sur
initiative d'un certain nombre d'organisations de gauche pour
représenter les immigrants turcs auprès des Communautés Européennes.
Dans un acte spectaculaire plus récent, le
Secrétaire Général des Organisations de Vision Nationale en Europe
(AMGT), Ali Yüksel réussit à se faire nommer Cheikh ul-Islam
(Représentant des musulmans) en Allemagne par le Conseil Islamique
Allemand (Der Islamrat in Deutschland) composé de 14 organisations
islamiques.
Des 140.000 membres du conseil, 80 pour cent sont
d'origine turque. Quelque 10 pour cent sont des musulmans allemands et
les autres 10 pour cent sont d'origine arabe, bosniaque ou d'autres
origines.
La plus puissante des organisations membres du
Conseil Islamique Allemand es l'AMGT. Parmi les autres associations
turques qui composent le conseil figurent également Cemaat-i Nur
(Communauté des croyants de la secte Nurcu) et l'Union Culturelle
Islamique Turque d'Allemagne (ATIB).
Le devoir du Cheikh ul-Islam est de contrôler les
relations entre les musulmans et l'Etat. D'après certaines rumeurs, le
Cheikh ul-Islam aura le pouvoir de prélever des taxes, comme les
églises catholique et protestante, si l'élection est ratifiée par les
autorités allemandes.
Cette élection a fait éclater une lutte de pouvoir
pour le contrôle de l'influence sur les musulmans d'Europe résultant de
leur croissance, due à la présence de deux millions d'immigrants turcs.
A la fin des années 70, le Süleymanci, un autre
groupe fondamentaliste actif dans la communauté turque d'Allemagne,
avait tenté de se faire enregistrer comme le représentant officiel des
musulmans d'Allemagne avec le pouvoir de prélever des taxes, mais avait
échoué suite à l'intervention de l'Administration des Affaires
Religieuses de Turquie.
Cette fois encore, le président de l'Administration
des Affaires Religieuses, Mehmet Nuri Yilmaz, intervint et accusa le
Conseil Islamique d'Allemagne et le Cheikh ul-Islam, Ali Yüksel de
tenter de tirer parti des "croyances religieuses, de la nostalgie et du
potentiel économique" des travailleurs immigrés en Allemagne. "Je
considère l'affaire du Cheikh ul-Islam en Allemagne comme une tentative
peu sérieuse et artificielle. Je veux croire que les autorités
allemandes agiront d'une manière sensée dans cette affaire. Le poste de
Cheikh ul-Islam revient à déclarer l'existence d'un Etat séparé à
l'intérieur du sol allemand", conclut-il.
Il affirma également que les affaires religieuses de
la communauté turque en Allemagne sont compétence de l'Union Islamique
des Affaires Religieuses Turques (DITIB), une organisation créée sous
l'initiative du gouvernement turc.
En réponse à cette déclaration, Yüksel accusa le
DITIB de travailler sous les "instructions et les ordres" de
l'Ambassade turque et de ses consulats en Allemagne. "C'est une
violation de la définition du laïcité, qui précise que la religion et
l'Etat ne devraient pas interférer dans leurs affaires respectives.
Nous ne laisserons pas le DITIB s'intégrer dans le Conseil Islamique
d'Allemagne s'il ne rompt pas ses liens avec l'Etat turc et devient une
organisation `civile'".
Yüksel justifie son élection au poste de
"représentant des musulmans en Allemagne" en rappelant qu'il a réussi à
obtenir une concession des autorités allemandes: L'année dernière,
lorsque plusieurs musulmans turcs réagirent contre le caractère
obligatoire des leçons de natation, où leurs filles pouvaient se
trouver avec des garçons à moitié nus, les autorités allemandes
acceptèrent la proposition du Conseil Islamique Allemand. Maintenant,
les leçons de natation dans beaucoup d'Etats allemands ne sont pas
obligatoires pour les filles musulmanes.
UNE ECOLE FONDAMENTALISTE EN BELGIQUE
Dans un acte destiné à propager le fondamentalisme
et à éduquer les jeunes filles comme prédicateurs, les Organisation de
Vision Nationale en Europe (AMGT) ont ouvert un internat dans la ville
d'Hensies, région de Mons, en Belgique.
Selon un rapport publié le 12 septembre 1992 par le
quotidien Milli Gazette, cette école se trouve sur un site de 19.000
mètres carrés acheté par le AMGT et dispose d'une capacité pour 350
étudiants. Il y a aussi 13 logements pour les professeurs.
Les cours se donnent à raison de 25 heures par
semaine, sont exclusivement en arabe et se basent sur le Coran. Bien
que le AMGT avait obtenu la permission des autorités belges pour ouvrir
ce centre, il n'a pas obtenu le statut d'école agréée parce que son
programme éducatif ne correspond pas aux réglementations des écoles
belges, qui exigent au moins 36 heures de cours par semaine selon le
programme éducatif belge avec des professeurs reconnus par le Ministère
de l'Education.
Au lieu de se soumettre à ces conditions, les jeunes
filles musulmanes reçurent l'ordre de quitter les écoles belges et de
suivre l'éducation religieuse uniquement en langue arabe. Elles sont
donc privées de toute éducation assurant leur promotion sociale et
culturelle.
Outre cette éducation à temps plein, de nombreuses
jeunes filles âgées de 10 à 18 ans se déplacent en Belgique depuis
l'Allemagne, la Hollande, la Suisse ou le Danemark pendant les vacances
d'été, de Noël ou de Pâques.
Le Chef de la Section de Formation de l'AMGT,
Abdullah Yüksel, déclara qu'ils prévoyaient la création de cours de
religion pour garçons.
DISCRIMINATION ENVERS LES ALEVIS
La discrimination des 20 millions de personnes qui
composent la communauté alevi de Turquie par la majorité sunni a
récemment fait l'objet de débats après qu'un prédicateur sunni, Hasan
Ali Buldan, ait insulté les alevis et déformé certains faits au cours
d'un programme de télévision diffusé le 12 mai 1993.
Les alevis constituent la deuxième secte islamique
de Turquie, après les sunni, et se distinguent par une philosophie et
un mode de vie conformes aux normes d'une société civile. Ils se sont
toujours mis du côté des mouvements réformistes et progressistes et se
sont opposés aux politiques répressives des autorités de l'Etat. En
raison de cette attitude, ils ont souvent été victimes de la
discrimination de l'Etat ainsi que d'attaques et de massacres par les
fanatiques sunnis. A la fin des années 70, une série d'agressions
sanglantes perpétrées par les fanatiques sunni et les
ultra-nationalistes Loups Gris dans certaines villes turques,
principalement Kahramanmaras et Corum, provoquèrent la mort de plus
d'une centaine d'Alevis.
Après le controversé programme de télévision, les
associations alevi ont annoncé qu'elles traduiraient en justice le
prédicateur Buldan. L'Association Culturelle de Semah, un des
principaux mouvements alevi, critiqua durement les arguments avancés
par celui-ci. "Ses déclarations étaient agressives et contraires aux
valeurs de la laïcité et de la démocratie. Elles portaient également
les germes de l'haine entre les deux sectes". affirmèrent-ils.
L'avocat Cemal Özbey, un important membre de la
communauté alevi de Turquie, manifesta que le but de la chaîne de
télévision avait été simplement de provoquer un incident.
L'Etat turc, pour sa part, verrait en la communauté
alevi une "menace interne". Le quotidien Aydinlik publia le 14 mai ce
qu'il qualifia de documents confidentiels de l'Etat-major turc
concernant les éléments de "menace interne" dans le pays. Les
documents, signés par le chef d'Etat-major, Kenan Evren, qualifient les
alevis d'éléments de "menace interne".
Les alevis, qui constituent au moins un tiers de
l'ensemble de la population turque, se plaignent d'avoir été privés de
leurs droits religieux et d'avoir fait l'objet d'une répression
prudente mais effective par les sunnis.
Ils considèrent les cours de religion, rendus
obligatoires par la Constitution de 1982, comme une violation des
droits humains et demandent leur suppression.
L'Administration des Affaires Religieuses reçoit une
part des taxes perçues aux citoyens turcs. Cet argent est destiné à
l'usage exclusif des sunnis - un exemple probant de discrimination
religieuse, ont-ils souligné.
Les alevis sont affligés par la structure du monde
religieux turc et précisent que l'Administration des Affaires
Religieuses ne représente que la majorité sunni dans le pays.
Dans ce contexte, les alevis soutiennent qu'il ne
devrait pas exister une organisation comparable à cette administration
des "affaires religieuses" dans un pays qui se prétend laïc et où la
laïcité est une garantie constitutionnelle.
ATTAQUES CONTRE AYDINLIK A PROPOS DE RUSHDIE
Le quotidien Aydinlik, après avoir commencé à
publier des extraits en turc des Versets Sataniques de Salman Rushdie
le 26 mai dernier, fut victime d'interdictions et d'une série
d'attaques et de menaces.
Premièrement, toutes le copies d'Aydinlik ont été
saisies après leur distribution en vertu d'une décision gouvernementale
interdisant l'entrée en Turquie du livre de Rushdie. Par ailleurs, le
procureur public d'Ankara ordonnait une enquête sur les responsables du
journal.
Accusé d'avoir maintenu l'interdiction qui frappe
les Versets Sataniques, le Premier Ministre transitoire, Inönü,
répliqua: "L'ordre de saisir les copies d'Aydinlik est une décision
légale prise par un tribunal constitutionnel".
Aziz Nesin, éditorialiste en chef d'Aydinlik, avait
déjà averti en février que si l'interdiction qui frappait le livre
n'était pas levée, il serait forcé de violer la décision du
gouvernement.
Les responsables du journal ont déclaré: "Nous avons
l'intention d'ouvrir un débat public en Turquie, dominé par la majorité
musulmane pratiquante, et espérons que tout le monde, depuis les
gauchistes jusqu'à l'Administration des Affaires Religieuses, et même
l'Iran, y participera.
Le 28 mai, à Istanbul, après les prières du
vendredi, des centaines de fondamentalistes attaquèrent la maison
d'édition Kaynak, connue pour avoir des liens étroits avec Aydinlik, en
criant "Que soient brisées les mains qui se dressent contre l'Islam".
Les 29 et 30 mai, le bureau d'Izmir d'Aydinlik était
attaqué par des groupes de fondamentalistes, le bureau du journal à
Diyarbakir était incendié et un camion de distribution était également
attaqué.
Le 3 juin, des personnes non identifiées lançaient
des bombes incendiaires contre des kiosques à journaux à Gebze
(Istanbul) et Osmaniye (Adana).
A Ankara, les fondamentalistes ont distribué des
brochures portant des menaces de mort contre les distributeurs de
journaux et les propriétaires des kiosques s'ils continuaient à vendre
l'Aydinlik.
Les responsables du journal qualifièrent ces
attaques et la saisie des copies de l'Aydinlik de violation des droits
de la presse.
PRESSIONS SUR LES ARMENIENS ET LES ASSYRIENS
Le quotidien Özgür Gündem du 26 mai 1993 publiait
une série de photos des écoles arméniennes à Istanbul, prouvant les
pressions que doit supporter cette communauté.
Comme l'illustrent les photos, les écoles
arméniennes de Dadyan, Feriköy et Bezciyan sont obligées de mettre sur
leur façade une plaque portant la fameuse phrase d'Atatürk: "Quelle
joie de dire que je suis turc!"
Bien que le gouvernement actuel affirme respecter
l'identité nationale et les sentiments des minorités de Turquie, ces
plaques sont toujours en place.
D'autre part, le 27 mai 1993, le quotidien
Cumhuriyet rapportait que l'historique église assyrienne Saint Johanna
de Sanliurfa était en voie de devenir une mosquée.
La décision de cette transformation avait été prise
en 1984, par initiative de la Fondation Dergah, mais l'exécution du
projet fut interrompue après l'intervention du Musée d'Urfa.
Cependant, l'Administration Générale des Fondations
a ordonné récemment la reprise des travaux de transformation. Malgré
les protestations, les travaux ont repris et les officiels ont déjà
fixé sur l'église une plaque portant l'inscription "Mosquée de
Selahaddin-i Eyyubi".
La Fédération Assyrienne en Suède a envoyé récemment
une lettre au Ministre de la Culture, Fikri Saglar, lui demandant de
mettre fin à ce crime culturel.
Selon les rapports provenant de l'Association
Culturelle et Sportive Mésopotamienne à Bruxelles, de nombreux villages
assyriens su Sud-est sont dépeuplés par les gardiens de village au
service des forces du gouvernement.
Depuis 1989, les habitants assyriens dont le nom
figure ci-après ont été forcés de quitter leur village et leurs maisons
et ont dû chercher refuge dans les grandes villes sous prétexte qu'ils
ont aidé les guérillas du PKK:
Kizilsu (Sirnak), Hesena (Silopi), Xirabemiriske
(Idil), Sederi (Midyat), Arbo (Idil), Arnas (Midyat), Aynvart (Midyat),
Mizizeg (Idil), Sare (Idil), Temerze (Idil), Asagidere (Idil), Xapisnas
(Midyat), Bate (Midyat), Yemisli (Midyat), Bagpinar, Cemesil , Badibe,
Erde, Binkelibe, Derxabab, Derxube, Arbaya, Gundiksirko, Merhap,
Giremira, Bingirye.
Le 11 février 1993, une équipe de protecteurs de
village faisaient une descente dans le village d'Ögündük (Midah) à
Mardin. Le leader assyrien local, Melke Tok, rapportait que l'équipe,
après avoir réuni tous les habitants sur la place du village, mit le
feu à leurs maisons et démolit une croix symbolisant la crucifixion de
Jésus-Christ.
INTERDICTION DES RADIOS PRIVEES
Au début du mois d'avril 1993, dans une manoeuvre
antidémocratique inattendue, le gouvernement de Demirel interdisait
toutes les radios privées.
Faisant confiance aux promesses des partis de la
coalition, les premières radios privées avaient commencé à émettre en
juin 1992. En 1993, il y avait quelque 250 stations privées dans toute
la Turquie.
Le gouvernement justifia sa surprenante décision en
affirmant que l'Article 133 de la Constitution concède le monopole des
émissions de radio et de télévision à l'Etat.
L'interdiction provoqua d'énormes protestation
publiques parce que ces radios privées constituaient un libre moyen
d'expression pour tout le monde, de droite et de gauche, et chacun y
trouvait de la musique ou des programmes de son goût. C'était un
véritable plaisir de disposer d'un choix aussi vaste après s'être
contentés de l'unique voix de l'Etat pendant des décennies.
Pour protester contre la décision du gouvernement,
les antennes ont été décorées avec des rubans noirs, et des tracts qui
disaient "Je veux ma radio" furent distribués et affichés partout.
Face à cette protestation massive, le gouvernement
promit une fois de plus de supprimer l'Article 133 de la Constitution
et de permettre toutes les radios privées conformes aux réglementations
qui seraient adoptées.
Cependant, le projet de loi comprenant la
suppression de l'Article 133 de la Constitution s'est trouvé devant un
autre obstacle: l'impossibilité d'atteindre les 300 votes "affirmatifs"
requis pour pouvoir modifier la Constitution. Un certain nombre de
débats parlementaires sur le projet de loi ont dû être annulés parce
que les partenaires de la coalition et le principal parti de
l'opposition, ANAP, n'ont pas réussi à ce que leurs députés assistent
aux sessions parlementaires.
PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN MAI
Le 1.5, à Istanbul, le photographe du Milliyet, Musa
Agacik, était battu par la police lorsque, le Premier Mai, il essayait
de prendre des photos des manifestants victimes des coups de feu.
Le 2.5, l'édition N° 51 de l'hebdomadaire Azadi
était confisquée par la CSE d'Istanbul pour séparatisme.
Le 3.5, le rédacteur responsable de l'hebdomadaire
Yeni Ülke, Bülent Aydin, était condamné par la CSE d'Istanbul à cinq
mois de prison et à payer une amende de 117 millions de LT (12.316 $)
pour propagande en faveur du PKK.
Le 4.5, trois journalistes, Ümran Aras (Meydan),
Mehmet Beytül (Türkiye) et Ahmet Uçar (Sabah) étaient harcelés par la
police alors qu'ils couvraient les funérailles d'une personne exécutée
sans procès à Istanbul. Le photographe du quotidien Aydinlik, Mustafa
Cetinkaya, était arrêté et battu pour avoir pris des photos de ces
brutalités.
Le 6.5, l'édition N° 6 de la revue Toplumsal
Dayanisma était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 6.5, la maison du journaliste Rauf Yildiz,
correspondant à Diyarbakir d'Özgür Gündem, était fouillée par la police
pendant son absence. Ses quelques documents, bandes magnétiques et
photos furent confisqués.
Le 7.5, le sociologue Ismail Besikci était condamné
par la CSE d'Istanbul à 20 mois de prison et à 41 millions de LT
d'amende (4.316 $) pour son livre intitulé Quelques réflexions sur le
PKK.
Le 7.5, le correspondant de Diyadin du quotidien
Özgür Gündem, Tacettin Yildiz était arrêté par la police.
Le 11.5, la CSE d'Istanbul condamnait le rédacteur
responsable de l'hebdomadaire Azadi, Sedat Karakas, à six mois de
prison et 41 millions d'amende (4.316 $) pour propagande séparatiste.
Le précédent propriétaire de l'hebdomadaire, Hikmet Cetin, était
également condamné à payer une amende de 83 millions de LT (8.737 $).
Le 11.5, le sociologue Ismail Besikci et l'ancien
rédacteur responsable du quotidien Özgür Gündem, Isik Yurtcu, étaient
condamnés à un an de prison chacun pour un article de Besikci où
soi-disant il insultait les forces de sécurité. Le même jour, le
correspondant à Dicle d'Özgür Gündem était arrêté par la police.
Le 11.5, l'édition N° 90 du mensuel Emegin Bayragi
était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 12.5, le reporter photographe du quotidien
Hürriyet, Mehmet Oguz, était harcelé par la police alors qu'il couvrait
une manifestation de protestation à Ankara et eut la jambe brisée.
Le 13.5, la CSE d'Istanbul condamnait le journaliste
Yusuf Cacim à dix mois de prison et à une amende de 166.666.666 (17.544
$) pour deux de ses articles publiés dans l'hebdomadaire Yeni Ülke.
Le 14.5, le correspondant à Cizre du quotidien Özgür
Gündem, Besir Ant, était arrêté.
Le 17.5, à Izmir, le poète Ergun Akkir était arrêté
à l'aéroport, alors qu'il quittait la Turquie, pour avoir participé à
une réunion culturelle en Allemagne.
Le 19.5, le correspondant à Samsun de l'hebdomadaire
Mücadele, F. Hülya Tungan, et le correspondant à Tokat du mensuel
Partizan, Ercan Oskan, étaient arrêtés par la police.
Le 19.5, l'édition N° 53 de l'hebdomadaire Azadi
était confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 19.5, deux membres du groupe musical Yorum, Kemal
Gürel et Elif Sumru Gürel, étaient condamnés par la CSE d'Izmir à 20
mois de prison et à 42 millions de LT (4.421 $) d'amende pour leur
concert à Denizli.
Le 20.5, deux correspondants à Diyarbakir de
l'hebdomadaire Gercek, Nasir Gül et Özer Yildiz, étaient arrêtés par la
CSE de Diyarbakir alors qu'ils couvraient un procès.
Le 23.5, l'édition N° 11 de la revue Iscinin Yolu
était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande en faveur d'une
organisation illégale.
Le 27.5, on introduisait une nouvelle action en
justice contre le sociologue Ismail Besikci pour son livre intitulé La
Lutte pour la Division Impérialiste du Kurdistan (1915-1925). Le
procureur demande pour lui une peine de prison de 5 ans et une amende
de 100 millions de LT (10.000 $) et une peine de prison de deux ans et
pas moins de 100 millions de LT (10.000 $) d'amende pour son éditeur,
Ünsal Öztürk.
Le 27.5, la dernière édition du quotidien Aydinlik
était confisqué pour avoir publié des extraits des Verset
Sataniques de Salman Rushdie.
Le 31.5, l'édition N° 17 du mensuel Newroz et la N°
28 du mensuel Devrimci Proletarya étaient confisquées par la CSE
d'Istanbul pour propagande séparatiste.
TERRORISME D'ETAT EN MAI
Le 2.5, la police annonçait la détention, le 22
avril, de six membres présumés de l'Armée de Libération des
Travailleurs et Paysans de la Turquie (TIKKO) à Istanbul.
Le 2.5, à Bismil, des tireurs non identifiés
abattaient le chauffeur de taxi Nuri Celebi.
Le 3.5, à Istanbul, six étudiants de l'Université de
Marmara étaient arrêtés par la police pour avoir essayé d'organiser un
meeting de protestation contre les exécutions extrajudiciaires.
Le 3.5, à Batman, Mehmet Emin Gezer et Seyfettin Gül
étaient assassinés par des personnes non identifiées après avoir mis le
feu à leur voiture.
Le 4.5, à Izmir, l'avocat Hülya Üçpinar, s'adressant
au bureau du Procureur, précisait que sa cliente Filiz Topcu avait été
victime de chocs électriques pendant sa détention policière. A Ankara,
l'avocat Meryem Erdal accusait la police d'avoir torturé sa cliente,
Levent Yilmaz, suite aux arrestations du 1er mai.
Le 4.5, à Mersin, la famille de Namik Erkek, arrêté
le 19 décembre 1992, disait ignorer où il se trouvait depuis.
Le 4.5, à Samsun, une association d'étudiants,
CMYYO, était fermée suite à une descente de police prétextant la
présence de publications interdites.
Le 4.5, à Istanbul, huit membres présumés du Parti
de Libération du Peuple de Turquie (THKP) étaient arrêtés.
Le 5.5, à Midyat, le paysan kurde de 18 ans Faruk
Döner, aurait été torturé pendant 25 jours après son arrestation en
compagnie de sept autres paysans.
Le 5.5, les forces de sécurité arrêtaient six
personnes à Istanbul pour avoir pris part aux activités du Dev-Sol,
sept à Mersin pour avoir pris part à celles du TIKKO, deux à Canakkale
pour avoir pris part à celles du TDKP et neuf à Iskenderun pour
d'autres activités illégales.
Le 5.5, le quotidien Özgür Gündem rapportait
l'arrestation à l'aéroport d'Istanbul d'un réfugié politique après son
retour en Turquie. Mahmut Balkaya avait fui la Turquie après le
coup-d'Etat de 1980 et avait résidé en France pendant onze ans en tant
que réfugié politique.
Le 5.5, à Izmir, quatre personnes étaient condamnées
par la CSE d'Izmir à trois ans et neuf de prison chacune pour avoir
aidé le PKK.
Le 6.5, les forces de sécurité arrêtaient sept
membres du Dev-Sol à Konya et 17 autres personnes à Elazig.
Le 6.5, des tireurs non identifiés enlevaient et
tuaient Haci Özdemir (63) et Ridvan Berkan (27) à Nusaybin.
Le 7.5, à Adana, l'étudiant universitaire Ahmet
Halifegil aurait été torturé au poste de police après son arrestation
le 2 mai.
Le 7.5, les forces de sécurité arrêtaient 13
personnes à Hatay et 20 à Tatvan pour activités séparatistes.
Le 8.5, à Mardin, les forces de sécurité abattaient
Yusuf Calis, blessaient une personne et en arrêtaient 12 autres au
cours d'une descente de police.
Le 9.5, à Istanbul, au cours d'une descente de
police dans une maison, les forces de sécurité abattaient Aydede
Sarikaya, un membre présumé d'Avant-Gardes Révolutionnaires du Peuple
(HDÖ). La famille de la victime accusa la police de l'avoir exécuté
sans procès.
Le 9.5, à Cizre, 20 personnes étaient arrêtées pour
activités pro-PKK.
Le 10.5, la CSE d'Istanbul ouvrait le procès contre
20 personnes accusées d'avoir participé aux activités du mouvement
islamique et à plusieurs actes violents. Deux des défendeurs risquent
la peine capitale et les autres, différentes peines de prison allant
jusqu'à 15 ans.
Le 10.5, à Batman, Mehmet Salih Satikalp et Ahmet
Uysal étaient assassinés par des personnes non identifiées.
Le 11.5, à Istanbul, la police arrêtait cinq
personnes accusées d'avoir mené des activités pour le compte du THKP/C.
Le 11.5, à Tunceli, la police arrêtait 40 personnes
qui avaient pris part à une cérémonie dans un cimetière en l'honneur de
12 militants du Dev-Sol morts.
Le 11.5, à Kulp, Abdusselam Eren, qui avait été
enlevé le 4 mai, fut retrouvé assassiné.
Le 11.5, s'ouvrait à la CSE d'Istanbul le procès de
32 membres présumés du PKK. Le procureur demande la peine capitale pour
un des défendeurs et des peines de prison allant jusqu'à 22 ans et six
mois pour les autres.
Le 11.5, la CSE d'Ankara condamnait cinq personnes à
15 ans de prison et cinq autres à quatre ans et six mois pour activités
pro-PKK.
Le 12.5, à Bismil, la gendarmerie annonçait que
Kudbettin Tekin, arrêté le 20 avril, avait été trouvé mort dans sa
cellule. Sa famille accusa les gendarmes d'avoir assassiné Tekin en le
torturant.
Le 13.5, la CSE de Malatya condamnait trois
personnes à la prison à vie et dix autres à différentes peines de
prison allant jusqu'à 18 ans pour activités pro-PKK.
Le 14.5, à Samsun, Ercüment Sahin Cervatoglu, arrêté
le 9 mai pour avoir participé à un meeting culturel à Fatsa, affirmait
avoir été torturé pendant trois jours.
Le 14.5, la CSE de Malatya condamnait deux
activistes du Dev-Sol à la prison à vie et une troisième à 12 ans et
six mois de prison pour avoir assassiné un général turc et un officier
des douanes américain.
Le 15.5, les forces de sécurité arrêtaient 14
membres présumés du HDÖ à Istanbul, 20 étudiants universitaires à
Ankara et 24 membres présumés du PKK à Hakkari.
Le 15.5, la section d'Havza du Syndicat des
Travailleurs de l'Education (Egit-Sen) à Samsun et de l'Association
Culturelle du Peuple (HKD), à Istanbul, étaient fermés par ordre des
gouverneurs.
Le 15.5, à Nazilli, quatre officiels locaux du
défunt Parti Socialiste (SP) étaient condamnés à 20 mois de prison
chacun et à payer un total de 164 millions de LT (17.263 $) pour
propagande séparatiste.
Le 16.5, les forces de sécurité arrêtaient 23
étudiants universitaires à Samsun et treize personnes à Sivas.
Le 17.5, commençait le procès de huit membres
présumés de TIKKO. Deux des défendeurs risquent la peine capitale.
Le 18.5, la CSE d'Ankara condamnait trois membres du
TDKP à dix ans de prison et à payer une amende de 600 millions de LT
(60.000 $) pour activités illégales.
Le 18.5, la CSE d'Izmir condamnait trois militants
du Dev-Sol à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans et six mois.
Le 19.5, le procureur de la CSE d'Izmir introduisait
une action en justice contre la section d'Usak de l'Association des
Droits de l'Homme (IHD), l'accusant d'inciter les gens à commettre des
crimes.
Le 19.5, à Yüksekova, deux bergers étaient abattus
par des gendarmes sans aucune raison apparente. Pour protester contre
ce meurtre, les commerçants de Yüksekova fermèrent leurs magasins.
Le 20.5, à Gaziantep, Mehmet Kaya (28) et Necla
Karacali (19) étaient retrouvés, assassinés par des tireurs inconnus.
Le 20.5, la CSE d'Ankara condamnait trois personnes
à 30 ans de prison et à payer une amende de 166.666.666 LT (17.544 $)
chacune pour avoir pris part aux activités de l'Union des Jeunes
Communistes (GKB).
Le 20.5, la CSE d'Izmir condamnait trois défendeurs
du Dev-Sol à des peines de prison allant jusqu'à 18 ans et 6 mois. Dans
le même tribunal, cinq personnes étaient condamnées à des peines de
prison allant jusqu'à 12 ans et 6 mois pour activités pro-PKK.
Le 20.5, à Eskisehir, la police arrêtait neuf
personnes pour avoir participé aux activités du HDÖ.
Le 21.5, la section de Mersin de l'Union des
Travailleurs Municipaux (Bel-Der) était fermée pour activités illégales.
Le 21.5, à Istanbul, l'Association des Compatriotes
de Tunceli (TD) était interdite par le gouverneur.
Le 21.5, les forces de sécurité arrêtaient 24
étudiants à Kocaeli et 20 à Istanbul pour avoir protesté contre les
exécutions extrajudiciaires.
Le 21.5, à Idil, six personnes étaient arrêtées par
la police.
Le 21.5, à Mersin, six étudiants universitaires
étaient arrêtés par la police.
Le 22.5, les forces de sécurité arrêtaient 17
personnes à Diyarbakir pour activités pro-PKK, et de nombreux
représentants syndicalistes à Malatya.
Le 24.5, les étudiants qui avaient été arrêtés à
Istanbul le 21 mai pour avoir protesté contre les exécutions sans
procès, déclaraient avoir été torturés pendant leur détention policière.
Le 25.5, à Bursa, les forces de sécurité arrêtaient
onze personnes pour avoir pris part aux activités du TKP-ML/GMKB.
Le 25.5, à Silvan, un étudiant d'une école
supérieure, Semra Baran, et une autre personne non identifiée, étaient
assassinés par des inconnus.
Le 26.5, à Mersin, 40 personnes étaient arrêtées au
cours d'une cérémonie en l'honneur d'un militant mort de l'Union des
Jeunes Communistes (GKB).
Le 27.5, à Aydin, cinq membres du IHD étaient
arrêtés lorsqu'ils voulaient rendre visite à des prisonniers politiques.
Le 28.5, à Istanbul, Vakkas Dost était retrouvé mort
dans un poste de police après avoir été torturé pendant son
interrogatoire.
Le 28.5, à Ankara, Muzaffer Erbas et Bülent Kömür
soutenaient avoir été torturés dans un poste de police d'Ankara.
Le 29.5, Tayyar Büyük affirmait dans une conférence
de presse dans les locaux de l'IHD qu'il avait été torturé en mai
pendant 15 jours et qu'il avait été témoin des tortures infligées à
d'autres détenus dans le quartier général de la police à Malatya.
Le 30.5, le Ministre de l'Intérieur, Ismet Sezgin,
répondant à une question écrite au Parlement, rapportait que 170.453
citoyens de Turquie étaient privés du passeport national et ne
pouvaient se rendre à l'étranger. Parmi ces personnes, 142.813 ont fait
l'objet de décisions judiciaires, 24.948 pour avoir omis de payer leurs
impôts et 2.692 pour des raisons politiques.