76e anniversaire d'Inci Tugsavul
5 octobre 2016




Inci, ma bien-aimée, je sais de manière combien douloureuse tu entres dans la 76e année de ta vie orageuse.
Les nuages sombres qui s’amoncellent de plus en plus sur le pays duquel nous sommes depuis tant d’années éloignés et que nous ne reverrons peut-être plus…
Et les détériorations physiques qu’amène la succession des années…
Et surtout le chagrin indescriptible que tu ne puisses plus,
à cause de l'arthrose avancée, te servir de tes beaux doigts comme tu le fis plus de cinquante ans durant ta vie de journaliste, en tapant des millions de fois les touches de ta machine à écrire pour défendre les libertés, en faisant vibrer les sons du flamenco à la guitare et les mélodies des chants anatoliens au saz, en créant et en apprenant aux jeunes à créer en céramique, en pyrogravure et en macramé aux Ateliers du Soleil…
Et le sentiment de révolte que les douleurs ont toujours plus aiguisé…
Oui ma perle, à cet âge avancé que faire…
La rouille ronge le fer…
Mais tu es aussi de celles qui savent faire de la douleur du miel...
Je célèbre ton nouvel âge en te dédiant ce poème-souvenir composé en 1949 en prison par notre grand poète Nazim Hikmet.


Doğan Özgüden

De vos mains et du mensonge

Vos mains graves comme les pierres
tristes comme les airs chantés dans la prison
lourdes, massives commes les bêtes de somme,
vos mains qui ressemblent aux visages furieux des gosses affamés!

Vos mains légères, habiles comme les abeilles,
chargées comme les mamelles de lait,
intrépides comme la nature,
vos mains qui gardent sous leur peau dure l’affection et l’amitié.

Notre planète ne tient pas entre les cornes d’un bœuf,
elle tient entre vos mains...
Ah les hommes, les nôtres,
On vous nourrit de mensonges
alors qu’affamés
il vous faut du pain, de la viande,
Vous quittez ce monde aux branches lourdes de fruits
sans avoir mangé une seule fois sur une nappe propre.

Ah les hommes, les nôtres,
surtout ceux d’Asie, d’Afrique,
du moyen et du proche Orient,
des Iles du Pacifique
et ceux de mon pays,
c’est-à-dire plus de soixante-dix pour cent des hommes,
vous êtes endormis, vous êtes vieux....
Vous êtes curieux, vous êtes jeunes comme vos mains...

Les hommes, ah les nôtres,
mon frère d’Europe ou d’Amérique,
tu es alerte, tu es audacieux,
et tu es étourdi comme tes mains,
on te ment, on te fait marcher...

Les hommes, ah les nôtres,
si elle mentent les antennes,
si elle mentent les rotatives,
s’ils mentent les livres,
s’ils mentent, l’affiche, l’avis sur la colonne,
si elle mentent sur l’écran
les jambes nues des filles,
si la prière ment,
si elle ment la berceuse,
s’il ment le rêve
s’il ment celui qui joue du violon dans le cabaret,
s’il ment, le clair de la lune dans les nuits désespérées,
si elle ment la parole,
si elle ment la couleur,
si elle ment la voix,
s’il ment, celui qui exploite vos mains,
si tout le monde et toutes les choses mentent
 à l’exception de vos mains,
c’est pour qu’elles soient obéissantes, comme l’argile
aveugles comme les ténèbres
idiotes comme le chien de berger
et pour que ne se révoltent pas vos mains
et pour que ne finisse pas cette injustice,
le rêve du trafiquant
dans ce monde mortel
dans ce monde où il ferait bon de vivre.




Message de Iuccia Saponara
Présidente des Ateliers du Soleil

Bonjour Inci, Bonjour Dogan,
Que d'intenses moments partagés…
Que de sourires…
Que de joies…
Que d’éclats de rire…
Que de tendresse même …
“Rien n’est plus vivant qu’un souvenir” a dit Garcia Lorca.
Alors souvenons nous en ensemble de ces moments passés
et créons nous en encore beaucoup d’autres pour l’avenir.