Les images de l’événement à Cologne
https://photos.app.goo.gl/f9xdLUZqzVBuJAT26


L’ARTICLE DE KEMAL YALÇIN, COPRESIDENT DE
L’INITIATIVE EUROPEENNE DES ECRIVAINS DE TURQUIE


 



Kemal Yalçın, İnfo-Türk, 12 juin 2023

 
Le foyer de la salle de cinéma Filmhaus de Cologne, où devait être projeté le film documentaire Apatride-Heimatlos, a commencé à se remplir très tôt avec l'arrivée des chers enfants d'Anatolie, des exilés et des apatrides du 12 septembre 1980. Des partenaires du destin, des amis aux causes communes, des camarades, certains debouts, d'autres à table. Le vent du silence et de la tristesse souffle autour d'eux.
 
Presque tout le monde se connaît de loin. Les années ont pesé sur les épaules des exilés du coup d’État du 12 septembre 1980, dont beaucoup ont les cheveux gris.
 
Les exilés et réfugiés qui ne se sont pas rencontrés ou n'ont pas parlé depuis longtemps ont l'habitude de se demander les uns aux autres "Tu vas en Turquie ?" immédiatement après "Comment vas-tu ?" "Comment va ta santé ?". Et cette question d'ouvrir la voie à d'autres. "Combien d'années se sont écoulées depuis votre départ ? "Tu n'y es pas allé depuis 30 ans ?" "Tu as revu celui-là ?" "Comment va-t-il ?"
 
Les exilés du 12 septembre 1980 sont maintenant âgés. Beaucoup d'exilés du 12 mars 1971 nous ont quittés les uns après les autres. Nos routes sont progressivement désertées. Nous attendons les plus anciens exilés apatrides du 12 mars, Doğan Özgüden et sa femme İnci Tuğsavul Özgüden.
 
Osman Okkan, un exilé du 12 septembre, ainsi que Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden, des apatrides du 12 mars, ont franchi la porte en silence. Tous les regards se sont tournés vers eux. Il y a 52 ans, après le coup d'État du 12 mars 1971, pendant les jours très difficiles appelés "Opération Marteau de Forgeron", ils avaient quitté Istanbul en laissant leurs yeux derrière eux.
 
En 1982, ils ont été "déchus" de leur citoyenneté turque par la junte militaire aux cotés de quelques 200 enfants d'Anatolie ! Quarante et une longues années se sont écoulées. De nombreux gouvernements se sont succédés. Le monde a changé. L'Union soviétique s'est effondrée. La guerre froide a pris fin. Cependant, ceux qui ont été privés de leur citoyenneté ne l'ont toujours pas récupérée. Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden sont restés apatrides. Depuis 52 ans, ils n'ont pas pu voir le pays où ils avaient vécu, les rues où ils avaient défilé au rythme de leurs hymnes, le monde de leur jeunesse où leurs lèvres avaient fleuri pour la première fois et où ils vécurent des moments inoubliables.
 
Quelle est cette Anatolie ? Une mère peut-elle en vouloir à ce point à ses enfants ? Ô Anatolie, te souviens-tu de tes enfants Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden ? As-tu jamais demandé de leurs nouvelles ?
 
Eux, en revanche, ne t'ont jamais oublié ! De nostalgie ils sont en peine. Ils ont chanté tes ballades mélancoliques en silence ! As-tu déjà ressenti la mystérieuse tristesse de leurs larmes ?
 
"Si un vaillant tombe en exil / Voyez ce qui lui arrive" disait le poète Karacaoğlan!
 
Karacaoğlan a vu et vécu l'exil. Comment aurait-il pu connaître l'apatridie ? Toutefois, les apatrides et exilés ont bien chanté les ballades de Karacaoğlan et Dadaloğlu depuis leurs pays étrangers. Tu ne les as jamais entendues, mais elles ont été chantées dans le monde entier!

 
İnci Tuğsavul Özgüden et Doğan Özgüden à la redaction de leur revue "Ant" en 1968

Ô Anatolie! Les plus précieux, les plus altruistes et vaillants de tes enfants ont été forcés de quitter ta chaleur ! Ils se sont réfugiés aux portes de l'Europe pour y trouver une once de sécurité, une once de paix ! Ils ont travaillé dur pour faire éclore leurs rêves et leurs amours inachevés. Mais l'apatridie, la nostalgie du pays a rongé beaucoup d'entre eux.
 
Fakir Baykurt, écrivain et président-fondateur du Syndicat des Enseignants de Turquie (TÖS), fut privé de son Anatolie, de sa Turquie natale pendant 16 ans. Il fut atteint d'un cancer. Il rendit son dernier souffle dans la ville d'Essen, en Allemagne.
 
Yılmaz Güney fut atteint du cancer. Son corps repose désormais à Paris.
 
Gültekin Gazioğlu, président-général de l"'Association Union et Solidarité de tous les Enseignants" (TÖB-DER) fut atteint d'un cancer lors de son exil. Il mourut à Ankara.
 
Ils ont torturé Enver Karagöz, président de l'antenne du TÖB-DER à Artvin. Ils lui ont détruit la voix en lui versant de l'eau bouillante dans la gorge. Il fut atteint du cancer en Allemagne. Son corps repose silencieusement à Cologne !
 
Doğan Özgüden fut atteint d'un cancer. Dieu merci, il a vaincu cette maudite maladie. Maintenant le voilà parmi nous, maintenant le voilà face à nous. Il sourit, à la porte de la salle du cinéma où sera projetée l'histoire de sa vie ! İnci Tuğsavul Özgüden se tient à côté de Doğan Özgüden et nous regarde, nous et le monde.


La revue Ant sur le Dimanche Sanglant en 1969: "Assez de ce pouvoir sanguinaire!"

 
La salle est pleine. Les lumières sont éteintes.
 
Soudain, le bruit de fusillades, les bruits de balles perdues emplissent la salle obscure !
 
Où suis-je ?
 
Où sommes-nous ?
 
A quelle époque ?
 
Chacun commence à revivre sa vie, à respirer l'air de son époque. Les balles volent au-dessus de ma tête !
 
Je suis dans le dortoir jaune de l'école normale supérieure de Çapa. Nous sommes en février 1971. Dans l'obscurité de la nuit, je cours entre les bruits de balles. Puis je me retourne et j'arrive à la porte de notre dortoir ! Il est environ 22h00. Hüseyin Aslantaş est allongé devant la porte.
 
"Debout Hüseyin, debout!"
 
"Lève-toi Hüseyin"
 
Je le tiens pour relever sa tête. Les doigts de ma main gauche pénètrent dans le cerveau d'Hussein, les os brisés de son crâne s'enfoncent dans mes doigts !
 
"Ils ont tué Hüseyin ! Ouvrez la porte, ouvrez la porte !"
 
Ils ont ouvert la porte, nous avons enlacé Hüseyin, nous l'emmenons à la faculté de médecine de Çapa !
 
Alors, nous avons rendu Hüseyin à la terre enneigée !
 
Puis ce fut le coup d’État du 12 mars !
 
Ensuite commença l'Opération Marteau de Forgeron !
 
Puis ce fut le coup d’État du 12 septembre 1980.
 
J'ai quitté mon pays en regardant derrière moi. Pendant 15 ans, je n'ai pas pu me rendre sur ma terre natale !
 
Maintenant, dans l'obscurité du documentaire "Apatride" à Cologne, je vole entre les bruits de balles dans les rues de mes souvenirs ! Je suis à Cologne et à Istanbul ! Je suis hier et aujourd'hui !
 
Les bruits de balles se sont tus.
 
La voix de Doğan Özgüden est sortie de l'obscurité. Cette voix vous rend fou ! Cette voix est au-delà des mots, elle est comme les gouttes d'un océan de douleur et de nostalgie.
 
"Mon père était cheminot ! J'ai passé mon enfance dans la pauvreté de la guerre. Maintenant, je veux voir les lieux où je suis né, les rues où j'ai grandi, Izmir ! Ils m'ont déchu de ma citoyenneté en 1982 avec 200 autres personnes.  Cela fait 52 ans que je n'ai pas vu la Turquie…"


Le film se poursuit. Chacun revit sa propre vie. Nous sommes sur un écran, nous sommes à Cologne, nous sommes hier et aujourd'hui...

 İnci Tuğsavul Özgüden

L'histoire commence à se dérouler sur l'écran blanc, sous nos yeux. Mes yeux regardent l'écran blanc, mon cerveau revoit mon propre passé.
 
Le 27 mai 1960, nous cueillions des cerises dans notre jardin. J'avais sept ans.
 
Quand İnci Tuğsavul parlait à Cemal Gürsel
 
Pas question, pas question, pas question.
Un frère tire-t-il sur son frère ?
Dictateurs sanglants !
Ce monde vous sera-t-il laissé ?

 
Je chantais cette hymne avec les soldats de la caserne.
 
A l'écran, le temps s'écoule, l'histoire se déroule.
 
C'est l'époque où les vents soufflent de la gauche ! Des hymnes révolutionnaires sont chantés dans les rues.
 
Arrive ensuite le putsch du 12 septembre.
 
Notre jeunesse, nos espoirs et nos rêves sont criblés de balles.
 
Doğan Özgüden prend la parole!
 
Puis İnci Tuğsavul Özgüden s'exprime!

 
La revue ANT sur le coup d’état en Grece en 1967

Puis nous voyons le journal Akşam, la revue Ant et les couvertures de livres publiés par Özgüden et Tuğsavul. Nous, les jeunes de la génération 68, avions essayé de tracer notre chemin en lisant ces journaux, ces livres et ces magazines. Beaucoup de jeunes de la génération 68 ont conservé des traces du journal Akşam, de la revue et des Éditions Ant.
 
Dans ces années-là, le journal Akşam représentait 300 000 exemplaires.
 
Le temps passe comme une crue des torrents, comme le vent des collines.
 
Les coups d'État ont lieu tous les dix ans…


 
Un des livres publiés par les Éditions Ant
 
Et chaque coup d’État dévore les enfants les plus honnêtes, les plus vaillants d'Anatolie...
 
Certains tombent sous les balles perdues.
 
Certains fuient leur patrie, leur foyer, pour sauver leur vie...
 
Avec Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden, nous voilà maintenant dans une école appelée les Ateliers du Soleil à Bruxelles, capitale de la Belgique...
 
Des gens déracinés, arrachés à leur patrie y apprennent des langues et racontent leur existence.
 
Une dame rwandaise dit "En venant ici, j'ai oublié ma couleur".
 
Les Ateliers du Soleil sont comme une petite planète terre. Ils vivent sans querelles et côtes à côtes, enfants et enfants, hommes et femmes, langues et langues, cœurs et coeurs.
 
Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden reçoivent ensuite des prix, et l'Atelier du Soleil les célèbre avec son soleil et sa lune...
 
Les apatrides Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden se demandent alors, et nous demandent, où est la patrie, où est le foyer...
 
Les exilés du 12 mars et du 12 septembre, les apatrides et le public leur répondent par des applaudissements.
 
Le film est fini, la discussion commence
 
Doğan Özgüden, İnci Tuğsavul Özgüden, Osman Okkan, la réalisatrice de documentaires Esra Yıldız et le journaliste et écrivain Frank Überall, président de l'Association des journalistes allemands (DJV), ont pris place devant nous.
 
Osman Okkan, qui a prononcé le discours d'introduction au nom du Forum culturel Turquie-Allemagne, qui a organisé ce spectacle avec le soutien du département de la culture de la municipalité métropolitaine de Cologne et du Forum du Multiculturalisme, a souligné que les deux journalistes exilés avaient poursuivi leur combat tant en Turquie qu'à l'étranger et avaient créé des archives importantes pour les générations futures sur le passé et le présent de la résistance démocratique en Turquie.

De gauche à droite lors de la projection du documentaire Apatride à Cologne :
Doğan Özgüden, İnci Tuğsavul Özgüden, Osman Okkan, Esra Yıldız, Frank Überall (9.6.2023)

İnci Tuğsavul et Doğan Özgüden ont répondu à des questions sur les principes de leur lutte en exil, en particulier sur son aspect de solidarité internationale.
 
Esra Yıldız, membre de la faculté de l'Université Bilgi d'Istanbul et productrice de films documentaires, a donné des informations sur les raisons et le processus de réalisation du documentaire "Apatride".
 
J'ai décidé de réaliser le documentaire "Apatride" en 2008. Après avoir lu le premier volume de "Journaliste Apatride" en 2010, le projet de documentaire est devenu plus clair dans mon esprit. Je me suis rendue à Bruxelles à plusieurs reprises, j'ai eu de longues réunions avec İnci Tuğsavul et Doğan Özgüden, j'ai parlé aux étudiants et aux enseignants des Ateliers du Soleil et je les ai filmés.
 
Il est très difficile de financer des films documentaires en Turquie. Je suis à la fois le réalisateur et le producteur du documentaire Apatride. J'ai financé ce documentaire entièrement par mes propres moyens, avec beaucoup de difficultés.
 
Le film a été projeté pour la première fois au Festival du film de l'Orange d'or à Antalya. Il a ensuite été projeté à Ankara et à Izmir. À l'étranger, le film a rencontré un public à Boston et à Paris. Il a eu un grand retentissement. J'espère que vous avez apprécié cette projection à Cologne", a-t-elle conclu.
 
Frank Überall, président de l'association des journalistes allemands (DJV), journaliste et écrivain, a félicité les deux collègues turcs pour leur lutte en faveur de la démocratisation de leur pays, a rappelé que de nombreux journalistes, écrivains et personnalités politiques sont toujours emprisonnés en Turquie et a souligné sa détermination à rester solidaire de la juste lutte des peuples de Turquie.
 
Engin Erkiner, l'un des écrivains exilés, a assisté à la projection du film et a envoyé le message suivant au nom de l'Assemblée européenne des exilés :
 
"Nous saluons avec amour et respect nos amis et camarades Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul, qui, au cours de leurs 52 années d'exil, sans fléchir, ont contribué avec obstination et résilience à la lutte pour les droits de l'homme, la liberté, la justice, la pleine égalité des droits, la fraternité entre les peuples et la création d'un monde libre sans exploitation, sans oppression ni répression."
 
52 longues années en tant qu'apatride, heimatlos, sans foyer
 
La nostalgie du pays est indescriptible!
 
Chaque exilé, chaque apatride vit sa nostalgie du pays dans son propre monde!
 
Ceux qui vivent cette nostalgie le savent.
 
Doğan Özgüden et İnci Tuğsavul Özgüden ont fait tellement d'efforts pour se débarrasser du mal du pays et retourner dans leur patrie ! Doğan Özgüden décrit leurs efforts :



 Le 12 juin 1990, notre demande d'annulation quant à notre privation de nationalité auprès du Conseil d'État de Turquie par l'intermédiaire de notre avocat a été rejetée au motif que, selon la Constitution de 1982, les décisions du Conseil de sécurité nationale (MGK) et de ses gouvernements ne peuvent faire l'objet d'un recours devant le pouvoir judiciaire.
 
Après avoir épuisé tous les recours juridiques possibles en Turquie, nous avons saisi la Commission des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe le 7 décembre 1990, par l'intermédiaire d'un avocat belge. Dans sa première défense devant la Commission, le gouvernement turc a déclaré que nous méritions d'être privés de notre citoyenneté pour violations persistantes des articles 140, 141, 142, 158, 159, 311 et 312 du code pénal turc.
 
Cependant, un jour avant l'expiration du délai pour sa défense finale, le gouvernement turc a fait passer au Parlement une loi abrogeant le paragraphe G de l'article 25 de la loi sur la citoyenneté, qui avait été ajouté par la junte.
 
Les institutions européennes ayant généralement amélioré leurs relations avec la Turquie, la CEDH a décidé le 28 juin 1993, à la majorité des voix, qu'étant donné que nos droits de citoyenneté avaient été rétablis, il n'y avait pas lieu d'examiner l'affaire.
 
Le gouvernement turc ayant officiellement déclaré dans ses réponses au Conseil d'État et à la Cour européenne des droits de l'homme que des poursuites pénales avaient été engagées contre nous en vertu de plusieurs articles du code pénal turc pour justifier la perte de notre citoyenneté, notre avocat Halit Çelenk a demandé à plusieurs reprises aux ministres turcs des affaires étrangères de lui garantir que nous ne serions pas poursuivis si nous retournions en Turquie, mais aucun de ces ministres, y compris Hikmet Çetin, Mümtaz Soysal et İsmail Cem, n'ont donné une telle garantie.
 
Lorsque les Özgüden sont partis en exil, il y avait des juntes et des régimes fascistes au Portugal, en Espagne et en Grèce. Ces juntes et ces régimes fascistes ont été renversés. Les exilés espagnols, portugais et grecs et les apatrides sont rentrés dans leurs pays et ont été accueillis lors de grandes cérémonies. En Turquie, les juntes ont été renversées, mais leurs lois sont restées en vigueur. De nombreux exilés et apatrides n'ont pas pu retourner dans leur pays...

Le patriote apatride Doğan Özgüden

Doğan Özgüden termine son discours avec ces mots :
 
"Avant les élections présidentielles du 28 mai 2023, nous avions espéré et cru que la Turquie pourrait changer, que les heimatlos et les exilés pourraient revenir en Turquie ! Non, non, non ! Une personne qui est apatride peut aller dans n'importe quel pays du monde, sauf le sien. C'est pour cela qu'avec le temps, c'est le monde entier qui devient dès lors le pays des apatrides. Pour moi, pour nous, c'est le monde qui est désormais notre patrie. Mais avant de mourir, je veux revoir les terres où je suis né, je veux revoir Izmir, je veux revoir Istanbul!"
 
Ô Anatolie entends-tu ? Les dernières volontés de ton enfant, des tes enfants, te revoir une dernière fois avant de mourir!
 
Plus personne ne doit vivre sans patrie dans ce monde !
 
Chère Esra Yıldız, je voudrais vous remercier chaleureusement d'avoir réalisé un tel documentaire, d'avoir fait entendre les voix des heimatlos et d'avoir ravivé nos souvenirs.
 
Je tiens à remercier le Forum culturel Turquie-Allemagne pour l'organisation de cet événement cinématographique, ainsi que M. Osman Okkan, le département de la culture de la municipalité métropolitaine de Cologne et le Forum du Multiculturalisme pour leur soutien à l'événement.


Kemal Yalçın,  Bochum, 12 juin 2023
https://www.kemalyalcin.com