Le prix "Info-Türk 2012 pour la liberté" remis à Ragip Zarakolu
Remise du prix "Info-Türk 2012 pour la liberté" à
Ragip Zarakolu par Dogan Özgüden (Photo: Dursun Aydemir)
Les citoyens appartenant aux diasporas arméniennes, assyriennes, kurdes
et turques en Belqique ainsi que leurs amis d'autres origines
différentes se sont retrouvés le 19 décembre 2012 aux Ateliers du
Soleil à l'occasion de la soirée marquant la remise du prix "Info-Türk
2012 : Pour la liberté" à un invité hors du commun, Ragip
Zarakolu, auteur, journaliste, éditeur et défenseur des droits de
l'Homme.
Ce prix avait été décerné à Zarakolu au début de cette année alors
qu'il se trouvait dans la prison de haute sécurité de type-F de Kocaeli.
Après une série de rencontres à Paris, Zarakolu a d'abord tenu une
conférence de presse le mercredi 19 décembre 2012 à la Fédération
européenne des journalistes (EFJ) sur l'état actuel de la liberté
d'expression en Turquie.
Lors de cette conférence de presse modérée par le journaliste Mehmet
Köksal, le vice-président de l'EFJ Philippe Leruth était un des
intervenants principaux sur la situation dramatique de la liberté de la
presse en Turquie. Un des moments les plus marquants de cette rencontre au Centre de la presse internationale était l'intervention de Jean-Claude
Defossé, sénateur Ecolo et ancien journaliste, qui a fait part
de son indignation quant à la situation en Turquie ainsi qu'au fait que
le monde politique et la presse belge ne réagissent pas contre la
violation de la liberté d'expression dans ce pays candidat à l'Union
européenne. (Voir: La conférence de prese de Zarakolu à Bruxelles)
Le même jour, à partir de 16h30, Ragip Zarakolu a rencontré ses amis dans les locaux des Ateliers du Soleil.
Après une présentation de la soirée par la présidente des Ateliers du
Soleil Iuccia Saponara, les dirigeants de la Fondation Info-Türk Dogan
Özgüden et Inci Tugsavul ont remis à Zarakolu le certificat du prix
"Info-Türk 2012 Pour la liberté".
En échange, Ragip Zarakolu a remis aux associations de la diaspora,
Fondation Info-Türk, Institut kurde de Bruxelles, Association des
Arméniens démocrates de Belgique et l'Institut assyrien de Belqique un
des livres que sa maison d'édition Belge a publié après sa mise en
liberté.
Ragip Zarakolu avec Dogan Özgüden et Jean-Claude Defosset lors de la remise du prix (Photo: Dursun Aydemir)
Zarakolu, Özgüden et Tugsavul
Zarakolu avec Özgüden, Saponara et ses autres amis lors de la remise du prix
Le prix
2012 "Pour la liberté"
de la Fondation Info-Türk à
Ragip
Zarakolu
Bruxelles, 28 décembre 2011
En tant qu'organisation non-gouvernementale qui, depuis plus de 38
ans,
contribue à la lutte pour les droits de l'Homme et les
libertés en Turquie, la Fondation Info-Türk a
décidé d'attribuer le prix Info-Türk 2012 "Pour la
liberté" à Ragip Zarakolu*, auteur, journaliste,
éditeur et défenseur des droits de l'Homme, actuellement
dans la prison de haute sécurité de type-F de Kocaeli.
Zarakolu mène ses activités de pensée et
d'édition depuis 43 ans sans avoir donné aucune
concession aux pouvoirs politiques. Aujourd'hui, le pouvoir actuel qui
donne des leçons de démocratie aux pays arabes, tente de
faire payer à Zarakolu le prix de sa détermination en
l'incarcérant, à 63 ans et malgré des graves
problèmes de santé, dans une prison de haute
sécurité sous des prétextes ridicules.
Ragip Zarakolu avait déjà été
emprisonné après le coup d'état de 1971.
Après sa mise en liberté, avec son épouse Ayse Nur
Zarakolu, il a ouvert un nouvel horizon dans le monde des livres par la
fondation de la maison d'éditions internationale Belge.
Ragip et Ayse n'ont pas seulement démoli le tabou du
génocide arménien, mais ils ont aussi apporté une
contribution indéniable à la lutte pour la
démocratisation en Turquie, en publiant des centaines de livres
sur l'injustice et la discrimination dont le peuple kurde et toutes les
minorités nationales et religieuses de l'Anatolie ont souffert
pendant des siècles.
Ragip Zarakolu a également pris part à la fondation de
l'Association des droits de l'Homme de Turquie (IHD). Il est
actuellement le président du Comité pour la
liberté de publication de l'Union des éditeurs de la
Turquie (TYB) et le représentant en Turquie du Comité
pour la liberté de publication de l'Union internationale des
éditeurs (IPA).
En 2005, le prix "la liberté d'expression" a été
conjointement attribué à Zarakolu par l'Union des
écrivains norvégiens et le Ministère
norvégien de la Culture. Il a également reçu le
prix "la liberté de pensée et d'expression"
décerné par l'Union des éditeurs de Turquie, le
prix "la liberté de la presse" donné par l'Association
des journalistes de Turquie et récemment il a reçu de la
bibliothèque nationale arménienne la médaille
d'honneur "Hagop Megapart" pour sa contribution à la
reconnaissance de l'histoire, la culture et la littérature
arménienne en Turquie.
Pendant des années, Zarakolu a été invité
par de nombreux pays à participer à des réunions
sur les droits humains. Il a participé comme conférencier
à deux conférences sur la liberté de pensée
et le militarisme en Turquie, organisées à Bruxelles par
la Fondation Info-Türk, les Associations assyriennes de Belgique,
l'Association des Arméniens démocrates en Belgique et
l'Institut kurde de Bruxelles.
Le prix Info-Türk 2012 "Pour la liberté" sera remis
à Ragip Zarakolu par ses proches à la prison de type-F
à Kocaeli. Le certificat de prix lui sera remis personnellement
lors d'une cérémonie à Bruxelles après sa
libération.
* Toutes les informations sur l'arrestation de Ragip Zarakolu et
sa
biographie:
Dogan Özgüden
Président de la Fondation Info-Türk
* Toutes les informations sur l'arrestation de Ragip Zarakolu et
sa
biographie:
http://www.info-turk.be/400.htm#Ragip
http://www.info-turk.be/399.htm#Info
Info-Türk
Foundation's 2012 Freedom
Award
Granted to Ragip
Zarakolu
Brussels, December 28, 2011
As a non-government organization contributing for over 38 years to the
struggle for human rights and freedoms in Turkey, Info-Türk
Foundation
has decided to grant its 2012 Freedom Award to author, journalist,
publisher and human rights activist Ragip Zarakolu* who is currently
under arrest at the high security prison type-F in Kocaeli.
Starting to write and to contribute to intellectual life in 1968,
Zarakolu is carrying on these activities for 43 years without giving
any concession to political powers. Today's power which gives lessons
of democracy to Arab countries attempts to make Zarakolu pay the price
of this determination by throwing him at 63 years old and despite his
serious health problems to a high security prison under ridiculous
pretexts.
Ragip Zarakolu had already been imprisoned after the 1971 Coup. When
released, together with his wife Ayse Nur Zarakolu, he opened a new
horizon in the books world by founding Belge International Publishing
House.
Ragip and Ayse did not only demolished the taboo of Armenian Genocide,
but also made an undeniable contribution to the struggle for the
democratization in Turkey by publishing hundreds of books about the
injustice and discrimination of which the Kurdish people and Anatolia's
all national and religious minorities have suffered for centuries.
Ragip Zarakolu also took part among the founders of the Human Rights
Association of Turkey (IHD). He is currently the chairman of the
Committee to Publish of the Publishers' Union of Turkey (TYB) and the
representative in Turkey of the Committee to Publish of the
International Publishers' Association (IPA).
Since 2005 Zarakolu has been granted "Freedom of Expression Award" by
the Norwegian Writers' Union together with the Norwegian Ministry of
Culture, "Thought and Freedom of Expression Award" by the Publishers'
Union of Turkey, "Press Freedom" award by the Journalists' Association
of Turkey and recently "Hagop Megapart Medal of Honor" by the
Armenian
National Library for his contribution to the recognition of Armenian
history, culture and literature in Turkey.
For years Zarakolu has been invited by many countries to meetings on
human rights and he participated as speaker to two conferences on
freedom of thought and militarism in Turkey, organized in Brussels by
Info-Türk Foundation, Assyrian Associations of Belgium,
Association of
Democrat Armenians in Belgium and the Kurdish Institute of Brussels.
Info-Türk Foundation's 2012 Freedom Award will be forwarded to
Ragip
Zarakolu by his relatives at the type-F prison in Kocaeli. The award
certificate will be given to him personally at a ceremony in Brussels
after his release from prison.
President of İnfo-Türk Foundation
Doğan Özgüden
Ragip Zarakolu
Zarakolu
mène ses activités de pensée et d'édition depuis 43 ans sans avoir
donné aucune concession aux pouvoirs politiques. Aujourd'hui, le
pouvoir actuel qui donne des leçons de démocratie aux pays arabes,
tente de faire payer à Zarakolu le prix de sa détermination en
l'incarcérant, à 63 ans et malgré des graves problèmes de santé, dans
une prison de haute sécurité sous des prétextes ridicules.
Ragip
Zarakolu avait déjà été emprisonné après le coup d'état de 1971. Après
sa mise en liberté, avec son épouse Ayse Nur Zarakolu, il a ouvert un
nouvel horizon dans le monde des livres par la fondation de la maison
d'éditions internationale Belge.
Ragip
et Ayse n'ont pas seulement démoli le tabou du génocide arménien, mais
ils ont aussi apporté une contribution indéniable à la lutte pour la
démocratisation en Turquie, en publiant des centaines de livres sur
l'injustice et la discrimination dont le peuple kurde et toutes les
minorités nationales et religieuses de l'Anatolie ont souffert pendant
des siècles.
Ragip
Zarakolu a également pris part à la fondation de l'Association des
droits de l'Homme de Turquie (IHD). Il est actuellement le président du
Comité pour la liberté de publication de l'Union des éditeurs de la
Turquie (TYB) et le représentant en Turquie du Comité pour la liberté
de publication de l'Union internationale des éditeurs (IPA).
En
2005, le prix "la liberté d'expression" a été conjointement attribué à
Zarakolu par l'Union des écrivains norvégiens et le Ministère norvégien
de la Culture. Il a également reçu le prix "la liberté de pensée
et d'expression" décerné par l'Union des éditeurs de Turquie, le
prix "la liberté de la presse" donné par l'Association des journalistes
de Turquie et récemment il a reçu de la bibliothèque nationale
arménienne la médaille d'honneur "Hagop Megapart" pour sa contribution
à la reconnaissance de l'histoire, la culture et la littérature
arménienne en Turquie.
Pendant
des années, Zarakolu a été invité par de nombreux pays à participer à
des réunions sur les droits humains. Il a participé comme conférencier
à deux conférences sur la liberté de pensée et le militarisme en
Turquie, organisées à Bruxelles par la Fondation Info-Türk, les
Associations assyriennes de Belgique, l'Association des Arméniens
démocrates en Belgique, l'Institut kurde de Bruxelles et les Ateliers
du Soleil.
Conférence de presse de Zarakolu à Bruxelles
Philippe Leruth, Mehmet Köksal et Ragip Zarakolu à la tribune de la conférence de presse (Photo: Dursun Aydemir)
Communiqué de la Fédération européenne des journalistes (EFJ):
72 journalistes se trouvent actuellement derrière les barreaux de
prisons turques. Leur crime ? Rien de moins que d’avoir fait leur
métier. Et si la presse n’y est pas libre, le droit à l’expression ne
l’est pas davantage : la censure frappe aussi les intellectuels, les
universités et, régulièrement, des sites internet. Qu’est-ce qui ne va
pas avec ces libertés, pourtant fondamentales, en Turquie ? "La liberté
de la presse est un thermomètre de la démocratie et, en Turquie, le
thermomètre est cassé", a souligné Philippe Leruth, vice-président de
la Fédération européenne des journalistes (FEJ), le 19 décembre, lors
d’une conférence de presse à Bruxelles.
Pourquoi la Turquie détient-elle le record du monde du nombre de
journalistes emprisonnés ? "On y criminalise le travail des
journalistes", résume Philippe Leruth, comme ce fut le cas pour Baris
Terkoglu, "adopté" par l’AGJPB. Mais les journalistes ne sont pas les
seuls à faire les frais de cette répression : la Turquie vient ainsi de
se faire condamner par la Cour européenne des droits de l’Homme pour
violation de l’article 10 de la Convention européenne de droits de
l’Homme, qui garantit la liberté d’expression. L’affaire portait sur le
blocage de l’entièreté du service Google Site, faute de n’avoir pu
interdire l’accès à l’un des sites hébergés sur cette plateforme et qui
était accusé d'outrage à la mémoire d'Atatürk, le fondateur de la
Turquie.
"En prison, j’étais plus libre d’écrire"
Ragip Zarakolu, né en 1948, est un chroniqueur turc, écrivain, éditeur.
Ce défenseur acharné des droits de l’Homme était venu pour témoigner de
longues années de répression et de l'harcèlement qui l’ont conduit, à
plusieurs reprises, en prison. Ragip Zarakolu a commencé à écrire au
lendemain de ses études, en 1968. Trois ans plus tard, après le coup
d’Etat, il est emprisonné pendant trois ans. En 1977, il fonde une
maison d’édition qui sera soumise à la censure. Malgré l’acharnement
des autorités turques, il n’a jamais déposé sa plume. En 2007,
l’association des journalistes turcs le récompensait pour sa défense de
la liberté d’expression.
Ragip Zarakolu a notamment abordé le concept "d’ennemi intérieur" ainsi
que l’importance du soutien international pour les intellectuels turcs.
Non sans humour, il a affirmé qu’il était plus libre d’écrire lorsqu’il
était emprisonné. Tout en rappelant les conditions pénibles de
détention : privations, isolement… "C’est une réelle torture". Il est
également revenu sur l’assassinat de Hrant Dink, journaliste et
écrivain turc, d’origine arménienne, assassiné à Istanbul en 2007.
"Hrant Dink nous a sauvé la vie car sa mort a suscité des réactions
importante dans le monde." Quant à craindre pour sa propre vie, Ragif
Zarakolu dit ne pas s’en soucier. "Et je n’ai pas peur."
"Je suis indigné du monde politique et journalistique belge !"
Jean-Claude Defossé, sénateur Ecolo et ancien journaliste, a fait part
de son indignation quant à la situation en Turquie. Mais pas seulement
: « Je suis indigné du monde politique belge qui a mis un an, au
Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour faire voter une
résolution condamnant les atteintes à la liberté de la presse en
Turquie. Et encore, il a fallu la diluer en y associant des pays des
Balkans. Je suis encore indigné de constater à quel point la presse
belge est silencieuse et entretient une omerta par rapport à ce qui se
passe en Turquie. Je suis indigné et honteux par rapport à mes anciens
collègues. Ici, il ne s’agit pas de plombiers-zingueurs mais de
journalistes ! Je ne leur demande pas de faire du militantisme mais de
faire leur métier. »
Les actions de la FEJ
Comment exprimer, depuis la Belgique, sa solidarité envers les
journalistes turcs emprisonnés ? "On a des campagnes et des moyens de
communication modernes", a expliqué Philippe Leruth. "A côté de ces
actions collectives, on peut également agir de manière individuelle en
écrivant à l’ambassade de Turquie pour protester contre
l’emprisonnement des journalistes." Dans sa page dédiée à la Turquie,
le site de la FEJ publie une liste mise à jour des journalistes
emprisonnés. A côté de leur nom, figure leur nombre de jours de
détentions. Hatice Duman en est leur "doyen" : le journaliste est privé
de sa liberté depuis plus de 3.550 jours.
En interne, la FEJ continue à soutenir l’union turque des journalistes
"qui est sur le terrain, confrontée à la situation. On envoie, quand on
peut, des délégués en Turquie pour montrer qu’on est présents. On a
nommé un coordinateur de campagne à Bruxelles, le journaliste
indépendant Mehmet Koksal. Et on poursuit nos contacts avec la
Commission européenne."
Voir:
http://www.ajp.be/actus/actus.php?id=672
http://www.youtube.com/watch?v=dOa7uipNneA&feature=youtu.be
La présence citoyenne lors de la conférence de presse (Photo: Dursun Aydemir)
Texte de l'intervention de Zarakolu lors de la conférence de presse
Il y a sept ans, le Comité de liberté d'expression de l'Union des Ecrivains de Turquie a fait la prédiction suivante:
"Le nouveau projet de loi contre le terrorisme (ATL) contient des
dispositions très graves qui peuvent mettre en péril la liberté de
pensée, d'expression et de la presse ainsi que la liberté de
publication."
Et un an plus tard après l'adoption de la nouvelle loi nous disions:
"L'un des développements les plus malheureux de 2006 a sans doute été
la révocation de certains changements positifs qui avaient été apportés
à la loi contre le terrorisme grâce à des avertissements sérieux
exprimés par des écrivains, des journalistes et des éditeurs. En fait,
ces changements sont susceptibles de créer une situation bien pire que
celle qui existait auparavant. Nous souhaiterions que le pouvoir
judiciaire adopte une prise de position plus indépendante et libre afin
que la liberté d'expression puisse s'épanouir malgré ces changements
législatifs. Cependant, il est très clair que l'intention des pouvoirs
législatif et exécutif est insuffisante concernant la liberté de
la pensée et de la publication. Il faut un changement majeur dans le
comportement du pouvoir en ce qui concerne les libertés et droits
fondamentaux.
Malheureusement, après la soi-disant «réforme» constitutionnelle de
l'année dernière, non seulement la liberté de pensée et d'expression a
été sans cesse soumise aux attaques, mais les droits fondamentaux tels
que le droit de réunion et d'association sont également confrontés à
des problèmes similaires. L'ingérence inadmissible dans la vie privée
est devenue une pratique quotidienne. Les représentants élus du peuple,
les associations professionnelles et les organisations non
gouvernementales sont également devenus la cible d’ attaques
permanentes.
C'est comme si le fantôme du maccarthysme des années 50 était
ressuscité. C'est l'ambiance d'un état d'urgence, c'est de facto la loi
martiale.
La loi contre le terrorisme n'est plus un projet de loi qui traite de
«terrorisme», elle est plutôt devenue une loi qui censure et une loi
qui ne tient pas compte des libertés et des droits fondamentaux. Quant
aux tribunaux dotés d’ autorités exceptionnelles spéciales, ils ont été
transformés en tribunaux de l'indépendance, en cour suprême de justice
et en cours martiales du passé. La loi contre le terrorisme est, comme
un cancer, l'acteur principal de l'érosion et de la destruction de
notre pays. Il est triste de constater que notre pays ne cesse de
devenir le pays ayant le plus de prisonniers politiques dans le monde.
L'un des faits les plus douloureux est que la construction des prisons
est devenue le secteur le plus actif de notre industrie. La question
ici n'est pas d'améliorer les conditions de détention, comme soulevée
par les discussions entourant la tragédie récente de Diyarbakir, mais
de créer les conditions afin que la Turquie soit un pays ayant moins de
prisons. La Turquie n'a pas besoin de créer de nouveaux goulags, mais
de faire vivre les droits fondamentaux et les libertés des individus.
Si ceux qui sont au pouvoir ont peur de la formation des places Tahrir,
nous ne pouvons que leur dire: «la peur ne peut jamais empêcher
l'arrivée de l'ange de la mort» et que «chaque être est mortel».
Les graves violations de la liberté de pensée et d'expression et les
droits fondamentaux en Turquie ont été une source de grande
préoccupation au niveau international. C'est la raison pour laquelle,
je veux tout d'abord attirer l'attention des organisations des
journalistes professionnels.
A cause de la mauvaise utilisation des législations contre le
terrorisme, la Turquie est devenue un pays où de nombreux journalistes,
écrivains, militants des droits humains, militants des partis
politiques légaux, étudiants, maires élus, Parlementaires élus se
trouvent en prison seulement pour leurs activités légales et légitimes.
Chaque jour, de nouvelles restrictions répressives sont mises en
pratique contre les libertés et les droits fondamentaux. La tentative
de réforme constitutionnelle a été arrêtée par l’ AKP après 10 ans de
pouvoir.
Le gouvernement AKP perd de plus en plus sa légitimité acquise par des
élections, parce qu'il préfère utiliser le pouvoir illégitime de la
Constitution militariste de 1982. L’ AKP veut supprimer le
deuxième vainqueur de l'élection, le parti pour la démocratie et la
paix (BDP), qui possède la majorité dans la région kurde.
La Turquie est sensée faire partie du système démocratique occidental,
mais il est le seul pays européen, champion par le nombre de
prisonniers politiques, en concurrence avec la Russie, la Chine,
l'Ukraine, l'Iran et la Biélorussie.
Parmi plusieurs métiers en Turquie, c'est la profession de journaliste
qui a eu le plus grand nombre de victimes au cours des trois dernières
années.
J'ai commencé le journalisme en 1968 avec la revue politique
hebdomadaire ANT, qui a été fermée par l'armée, puis mon journal
Demokrat, qui a été fermé par la même armée en1980, et en 1990, nous
avons poursuivi le journalisme dans le quotidien Özgür Gündem sous la
menace d'enlèvements et d'assassinats. La semaine dernière encore, 2
journalistes des quotidiens Evrensel et Gündem ont été arrêtés.
La presse d'opposition comme Azadiya Welat, Evrensel, Gündem, Atilim et
Birgün est toujours privée de nombreux correspondants, éditeurs ou
distributeurs, jetés en prison.
Il y a aussi plus de 1000 poursuites judiciaires contre tous les
médias, à cause de l'application abusive de la loi contre le
terrorisme, du Code pénal avec son fameux article 301 et de la loi sur
la presse qui empêche la jouissance de la liberté d'expression, de
presse, d'écriture, de lecture et d'édition.
J'ai été arrêté à cause de mes conférences sur les journalistes en
prison comme Ahmet Sik, Nedim Sener, Bedri Adanir, Vedat Kurshun et
d'autres.
J'ai été arrêté parce que je défendais des libertés académiques.
J'ai été arrêté parce que j'ai publié des livres sur des sujets
tabous comme la question kurde, le génocide arménien et la critique du
négationnisme.
En 2011, j'ai été condamné parce que j'ai publié un livre sur un des sujets d'actualité, le procès KCK.
Ils m'ont condamné en tant qu'éditeur, or légalement je n'étais pas
responsable, de l'écrivain N. Mehmet Güler. Le dossier a été envoyé à
la Cour d'appel.
Mais ce n'était pas assez pour eux. Ils nous ont arrêté tous deux en
tant qu'auteur et éditeur, cette fois dans le cadre d’ "organisation
terroriste". Il n'était pas assez pour eux de nous condamner à cause du
livre, ainsi ils nous ont mis en prison en vertu de la loi contre le
terrorisme.
Après cinq mois d'emprisonnement, ils ont dû nous libérer.
N. Mehmet Güler se trouve dans une situation critique, car même après
sa mise en liberté, des pressions, des menaces et des abus contre lui
se poursuivent sans cesse.
Il est marié et père de 2 enfants, il a une entreprise, comme plusieurs
autres personnes arrêtées. Les familles et enfants de prisonniers
politiques souffrent lourdement.
Je souffre aussi non seulement comme un journaliste ou un
écrivain ou un éditeur et militant des droits humains, mais également
en tant que père.
Maintenant, je me trouve ici en tant que témoin pour des journalistes
en prison avec qui j'ai travaillé pendant des années, par exemple avec
Davut Ucar pendant 20 ans.
Oui, je suis son témoin de défense. Il n'est pas un "terroriste", il est journaliste.
Et d'autres: j'ai travaillé avec Zeynep Koray, Yuksel Genc, Huseyin
Deniz, Fusun Erdogan, Nurettin Firat, Pervin Yerlikaya, Ramazan Pekgoz,
Tayyip Temel, Tourabi Kisin, Ziya Cicekci, Zuhal Tekiner ou Zeynep
Kuris etc… etc… Et ce pendant des années.
Je suis témoin pour Ayse Berkaty et Deniz Zarakolu; ils sont des chercheurs en sciences sociales et traducteurs.
Je suis témoin pour Mulazim Ozcan. Il est linguiste, poète et était mon professeur de langue kurde en prison.
Je suis témoin pour Muharrem Erbey. Il est un militant des droits humains et auteur de livres pour enfants.
Je suis témoin pour les membres du parti pour la démocratie et la paix
(BDP). C'est eux qui ont réalisé le succès électoral de leur parti aux
élections de 2011 malgré tous les obstacles anti-démocratiques.
Je suis témoin pour les parlementaires élus de ce parti qui se trouvent en prison.
Je suis témoin pour les maires kurdes élus et les autres représentants kurdes du pouvoir local.
Je suis témoin pour des étudiants universitaires qui se trouvent en
prison pour leurs manifestations, réunions et critiques démocratiques.
Je suis témoin pour des écrivains et traducteurs en prison.
Et ici, j'accuse des procès de masse injustes menés avec une mentalité
totalitaire comme cela s'est produit dans les années 1930 et 1940 ou
des procès militaires des années 1970 et 1980.
Ici dans ce tribunal symbolique du peuple, je dénonce des crimes contre
l'humanité, comme ce qui était fait au tribunal de Russel pour le
Vietnam en 1968 ou au tribunal de Paris en 1984.
Pourquoi? Parce que je suis un journaliste pour la vérité.
Parce que je suis un défenseur des droits de l'Homme.
Parce que je suis un éditeur qui porte la responsabilité de défendre le
droit de lire et écrire, de s'exprimer en pleine liberté.