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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


146

13e année - N°146
Décembre  1988
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

DANGEREUSE ESCALADE DE L'EXTREME DROITE EN TURQUIE


    La rapide ascension de l'extrême-droite en Turquie, que l'on a pu observer dès l'absorption de la direction de l'ANAP par l'Alliance Sacrée, est une des préoccupations majeures de l'opinion publique de ce pays.
    L'extrême-droite turque s'était développée avant le coup d'Etat de 1980, à travers deux mouvements différents: d'un côté le Panturquisme  des Loups Gris et de l'autre: l'intégrisme islamique encouragé par l'Arabie Saoudite.
    Pendant que les Loups Gris véhiculaient l'idée de la supériorité de la race turque et prônaient l'union de toutes les personnes d'origine turque (y compris les musulmans d'URSS) au sein d'un empire baptisé Turan; les intégristes islamiques qui rejettent l'unité sur une base raciale, avaient lancé l'idée de l'union des musulmans (y compris les Turcs) à l'intérieur d'une communauté religieuse guidée par l'Arabie Saoudite.
    Après le coup d'Etat, les militaires ont réorganisé les structures de l'Etat turc en les conformant à la thèse de la Synthèse turco-islamique, pour mettre fin au conflit qui oppose les deux tendances de l'Extrême-droite et dans le but d'élargir la base populaire du nouveau régime. Cette synthèse prévoit la promotion en Turquie des valeurs traditionnelles turques et des principes de l'Islam.
    La Constitution de 1982 et certaines lois dictées par la junte militaire ont augmenté l'influence de l'Islam sur le plan social et culturel, nuisant ainsi à la laïcité de l'Etat turc. Pour la première fois dans l'histoire de la République que les cours de religion islamique dans le secondaire ont été rendus obligatoires et ce, même pour les enfants non-musulmans.
    Par conséquent, les holdings financiers fondés par des cercles islamiques et dont le capital provient, en grande partie, d'Arabie Saoudite, dominent actuellement l'économie turque. Depuis l'arrivée au pouvoir d'Özal, le nombre de concessions faites aux intégristes a considérablement augmenté.
    La montée de l'intégrisme est devenue telle que les citoyens turcs sont constamment confrontés, dans leur vie quotidienne, aux intimidations des militants islamistes.
    En ce qui concerne les Loups Gris, ils développent maintenant leur action sous l'égide de la Synthèse turco-islamique.
    Les deux tendances de l'Extrême-droite, les Intégristes islamiques et les Panturquistes, unies dans l'Alliance sacrée, ont pris définitivement le contrôle de l'ANAP au cours de son dernier congrès. Bien qu'Özal déclare être opposé à l'Alliance Sacrée, il apporte constamment de l'eau au moulin de la Synthèse turco-islamique.
    Selon un sondage d'opinion du quotidien Hürriyet  couvrant la dernière semaine d'octobre 1988, les citoyens turcs sont plus effrayés par l'intégrisme islamique que par le communisme. Ce sondage a été organisé dans 23 provinces et à la suite des déclarations du général Evren en faveur de la création d'un parti communiste légal, comme dans les autres pays de la Communauté européenne. 29,6% de la population turque considère que les communistes ont le droit d'avoir un parti légal alors que le 51,5% est contre et 18,7% n'a pas d'opinion.
    Lorsqu'on a interrogé le même groupe pour savoir s'il aimerait qu'un parti intégriste islamique soit fondé: 58,4% a répondu "non" et seulement 19,7% considère qu'ils ont également le droit d'avoir un parti reconnu officiellement. Les 21,7% restant n'avait pas d'opinion.
    Cependant, 60,6% des personnes interrogées ont estimé qu'il ne devrait pas y avoir de restrictions à la liberté d'opinion en Turquie.

DUEL ENTRE L'ARABIE SAOUDITE ET L'IRAN

    Le 25 octobre 1988, l'opinion publique turque a eu un choc lorsqu'on a annoncé l'assassinat du 2ème secrétaire de l'Ambassade d'Arabie Saoudite Abdulghani Beddewi, devant sa résidence d'Ankara.
    Une déclaration publiée à Beyrouth au nom du grou-pement pro-iranien Jihad Islamique Hijaz dit: "Nous reconnaissons notre responsabilité dans l'exécution de la sentence de mort rendue contre les agents des services secrets saoudiens qui travaillent sous la couverture de l'Ambassade d'Arabie Saoudite à Ankara". Il a également déclaré qu'il allait mener des actions contre d'au-tres diplomates saoudiens et koweitiens en Europe.
    Après cet incident, l'Ambassadeur d'Arabie Saoudite, Abdulaziz Khojah, a déclaré qu'ils avaient re•u de nombreuses menaces durant le Pèlerinage Sacré. Cette an-née, l'Iran a boycotté le Pèlerinage (hajj) en raison d'un accrochage entre la police saoudienne et des manifestants à la Mecque en 1987 qui avait causé la mort de près de 400 pèlerins iraniens.
    Beddawi était le second diplomate assassiné en Turquie ces trois dernières années. Le 23 juillet 1985, le 1er secrétaire de l'Ambassade de Jordanie, Zid Sati, avait été abattu par le groupement Jihad Islamique.
    De plus, le 25 octobre dernier, deux diplomates iraniens ont été arrêtés près de Erzincan, ville d'Anatolie orientale, alors qu'ils essayaient d'enlever un opposant au régime de Khomeiny et de l'emmener en Iran dans le coffre d'une voiture de l'Ambassade.
    On a identifié l'homme, il s'agit d'Hassan Mochtanadzadeh, ingénieur iranien vivant à Istanbul. Il avait été kidnappé par les Iraniens le 23 octobre. Alors que les deux diplomates ont été renvoyés en Iran, quatre autres Iraniens qui les accompagnaient dans une autre voiture ont été arrêtés et emmenés à Istanbul pour y être jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat.
    Le leader de Mujahadin Al-Haq Masoud Rajavi, avait déclaré un peu avant, lors d'une conférence de presse à Bagdad, que les agents du service secret iranien, SAVAMA, enlevaient des Iraniens opposants au régime qui vivaient en Turquie pour les ramener en Iran où ils étaient interrogés.
    La victime de l'enlèvement, Mr Mochtahodzadeh a déclaré lors d'une conférence de presse qu'ils l'ont interrogé en lui donnant des coups de poing et des coups de pied. Finalement, il a admis être un sympathisant de Mujahadin Al-Haq et leur a dit que c'était le cas de 450.000 sur 500.000 Iraniens qui vivent à Istanbul. Il a ajouté que les agents de Khomeiny étaient aidés par des membres de la police turque et par des agents des servies secrets turcs (MIT). Déjà il y a un an, TheTimes  du 23 novembre 1987 rapportait que les deux puissances ennemies du monde islamique, l'Iran shiite et l'Iraq sunnite, avaient essayé d'étendre leur idéologie à la Turquie. le journal britannique poursuit en disant que "l'intégrisme islamique en Turquie est un mouvement modéré qui, tout en s'opposant à la théologie révolutionnaire de Khomeiny, prône la restauration de pratiques conservatrices des Etats du Golfe."

ALLIANCE TURCO-ISLAMIQUE AU SEIN DE L'ANAP

    Au cours de son dernier Congrès qui a eu lieu à Ankara du 20 au 25 juin 1988, le Parti de la Mère Patrie(ANAP) a réaffirmé la prééminence de la synthèse tur-co-islamique à l'intérieur du parti.
    Bien qu'Özal ait présenté son parti à l'Ouest, com-me libéral et pro-occidental, cette image ne peut pas cacher le fait que le noyau dur de l'ANAP provient d'an-ciens hommes politiques néo-fascistes et islamistes qui sont maintenant unis au sein de l'Alliance Sacrée.
    En dépit des prédictions selon lesquelles Özal n'al-lait pas laisser l'Alliance Islamiste-Nationaliste balayer les éléments libéraux du comité exécutif du parti, ces derniers n'ont pas été élus au Conseil Central Exécutif des 50 membres.
    Mehmet Ke•eciler, chef du groupe islamiste et Mustafa Tasar, chef de l'aile nationaliste, ont été ovationnés par les délégués qui se sont levés à leur entrée dans la Salle de conférence.
    La majorité des délégués ont demandé la réouverture d' Haghia Sophia, la basilique byzantine d'Istanbul qui est actuellement utilisée comme musée, à des activités islamiques. Des prières ont été récitées depuis la tribu-ne avec la participation de près de 1.000 délégués.
    Alors qu'il semblait mécontent du succès spectaculaire remporté par l'Alliance Sacrée lors du congrès du Parti, Özal lui-même n'a pas attendu pour se livrer à des démonstrations religieuses à l'occasion du pèlerinage sacré (hajj) de juillet '88.
    Il avait déjà participé à deux reprises à ce rituel, en 1968 et 1975. Mais c'était la première fois qu'il y participait en tant que premier ministre de Turquie.
    La rencontre d'Özal avec les chefs religieux des groupes de pèlerins turcs à Jeddah a provoqué une controverse à son retour. Certains des leaders religieux présents à cette réunion, où les journalistes n'étaient pas admis, ont raconté qu'Özal a déclaré qu'il n'est pas laïc malgré le fait que la Turquie soit un Etat laïc.
    En plus de son pèlerinage, Özal a aussi rencontré le Roi Fahd Bin Abdulaziz d'Arabie Saoudite et les présidents de Gambie et du Bengladesh.
    Après cette visite, l'ambassadeur saoudien à Ankara a déclaré que le pèlerinage d'Özal allait renforcer l'unité musulmane. L'importance de la visite d'Özal réside dans le fait que c'est le premier chef du gouvernement, depuis l'établissement de la République turque, à participer au Hajj alors qu'il est encore en fonction. (Dateline, 30 juillet 1988).
    Au même moment, lors d'une interview accordée au réseau de télévision luxembourgeois RTL, Özal a défendu le point de vue suivant, concernant Atatürk, fondateur de la République:
    "Il était un bon musulman et c'est pour cela qu'il a combattu les fanatiques. Atatürk a ouvert la première session de l'Assemblée Nationale avec une cérémonie religieuse. Il était un bon musulman mais il avait aussi des idées modernes. Le fait de dire que ses principes sont abandonnés en Turquie d'aujourd'hui, est non fondé".

OZAL: L'HOMME DE L'ORDRE NAKSIBENDI

    Selon des rapports de presse, de nombreux membres de l'ANAP ainsi que le premier ministre lui-même, ont des liens avec l'ordre religieux Naksibendi Tarikati.
    Des contradictions et des conflits internes entre différentes sectes et ordres religieux continuent à exister alors que l'intégrisme islamique se renforce grâce à l'ac-tion du tandem Evren-Özal et de l'Arabie Saoudite.
    Historiquement, l'Islam n'a jamais été monolithe en Turquie.
    Les deux principales sectes de l'Islam, les Sunnites et les Alevites, se livrent à des luttes de pouvoir depuis des siècles.
    A l'heure actuelle, Les Alévites, minoritaires, ont commencé à gagner de l'influence au sein du Parti Po-puliste Social démocrate (SHP) et à placer leurs représentants dans son bureau et dans son groupe parlementaire, et ce dans le but de se ménager une protection politique contre les attaques possibles des sunnites.
    Quant aux Sunnites, majoritaires, ils se divisent en différents ordres religieux: les tarikats. Chacun d'eux essaye d'augmenter sa propre influence sur la majorité sunnite de la population et à cette fin, chargent leurs militants et leurs propagandistes d'être actifs au sein des partis de droite nouvellement fondés.
    Gencay Saylan, spécialiste des tarikats en Turquie et auteur d'un livre sur la religion et la politique en Turquie, croit que le takkiye, une ancienne institution shi-ite, est une bonne métaphore pour désigner les nombreux politiciens turcs ayant des liens avec les tarikats.
    Les chefs religieux shiites utilisaient l'institution du Takkiye avant la formation en 1500, d'un Etat shiite en Iran, dans le but de faire des progrès dans un environnement hostile.
    Comme cela a déjà été le cas au cours de l'histoire, la relation entre les partis politiques et les tarikats est basée sur le secret. Les deux parties en profitent: les tarikats sont capables de fonctionner presque en toute liberté et de diffuser leur message religieux alors que les partis politiques, eux, utilisent les réseaux souterrains des tarikats lors des élections afin d'obtenir les votes des électeurs islamiques.
    Le Naksibendi est l'un des ordres religieux les plus anciens du pays. Certains Naksibendi  pratiquent le takkiye depuis les années '60 pour en retour à la Sha-ri'a (loi islamique) en Turquie.
    Dans les années '70, ils ont soutenu le Parti du Salut National (MSP) de Necmeddin Erbakan. Actuellement, ils soutiennent principalement le Parti de la Mère Patrie (ANAP) mais influencent aussi le Parti du Bien-être (RP), le Parti de la Juste voie (DYP) et le Parti nationaliste du Travail (MCP).
    Ce tarikat s'attribue la plus grosse part des sommes importantes distribuées par l'Arabie Saoudite, grâce au frère du premier ministre, Korkut Özal, qui a des relations privilégiées avec l'intégrisme saoudien.

DES INTELLECTUELS MUSULMANS

    Alors que les incursions des tarikats dans la politique turque peuvent être attribuées à leur nature d'arcane aussi bien qu'à des fonds étrangers et à des organisations secrètes, un nouveau mouvement d'intellectuels musulmans a évolué seul indépendamment de l'organisation et du support financier du réseau des tarikats.
    En fait, ces intellectuels n'entretiennent aucune relation avec les partis politiques. Ils font passer leur message de retour aux principes et au mode de vie islamiques d'origine à travers les rares journaux intellectuels musulmans comme le Dis Politika  et Girisim. Pour la masse musulmane non-avertie, leurs écrits paraissent élitistes et ésotériques, cependant ces hommes paraissent, aux yeux de leurs "supporters", comme l'avant garde d'une direction nouvelle et radicale de l'Islam en Turquie.
    Extérieurement, la philosophie des intellectuels musulmans est simple et atavique: tout au long de l'his-toire, l'Islam a été contaminé par des concepts occidentaux et pour qu'il retrouve son potentiel réel, il est indispensable que s'opère un retour à l'Islam du 7ème siècle, celui du prophète.
    Ils rejettent les tentatives des réformateurs islami-ques qui essayent de rendre l'Islam compatible à la technologie et à la culture occidentales et affirment que le déclin qu'a connu l'Islam aux 18ème et 19ème siècles est la conséquence des efforts de fusion des concepts occidentaux et islamiques.   
    L'existence de ce schisme est apparue au début de l'année 1988, lorsqu'un des quotidiens islamiques les plus importants de Turquie, Zaman, a connu un changement de rédacteur en chef. Le nouveau rédacteur, Nabi Avci, a autorisé un grand nombre d'intellectuels musulmans ainsi que des hommes de gauche de différents bords à exprimer leurs opinions dans l'éditorial du journal.
    Bien qu'ils critiquent férocement l'Occident, la plupart de ces intellectuels sont de purs produits occidentaux de par leur éducation laïque et par le fait que nombreux d'entre eux parlent une seconde langue occidentale.
    Pour cette intelligentsia, seul le Coran et les hadiths (paroles et actes du prophète) représentent l'Islam. En dépit de l'opinion généralement admise que le Shari'a est nécessaire en Turquie, les intellectuels et les traditionalistes ne sont pas d'accord avec les moyens à utiliser pour exécuter la Shari'a. Alors que les traditionalistes soutiennent l'Alliance sacrée au sein du parti au pouvoir, les intellectuels rejettent toute participation dans la politique quotidienne.
    Les intellectuels musulmans rejoignent avec ironie certains points de vue de la gauche turque. Ils ont tout deux la même aversion pour la culture occidentale et l'impérialisme politique.
    Leurs périodiques véhiculent les mêmes idées comme les conflits de classes, la destruction écologique et l'ab-sence de valeurs spirituelles.
    Bien que les intellectuels de gauche et musulmans aient la même opinion philosophique sur certains problèmes, les musulmans ne partagent pas la conception marxiste de la lutte des classes.


SCISSION AU SEIN DES LOUP GRIS

    Le 27 novembre dernier, à Ankara, le Parti nationaliste du Travail (MCP), l'organisation des Loups Gris née après le coup de 1980, a tenu son congrès annuel au cours duquel l'ex-colonel Alparsan Türkes a été réélu président à l'unanimité par les 680 délégués présents.
    Malgré les démonstrations de force de Türkes lors du congrès, le mouvement néo-fasciste qu'il avait lancé dans les '60 n'est plus unie et son prestige souffre de ses scissions aussi bien en Turquie qu'à l'extérieur.
    Les troubles de Türkes avaient commencé après sa mise en liberté en 1985.
    Il y a deux ans, le 8 avril 1987, Türkes a été condamné à 11 ans de prison par le tribunal militaire d'An-kara. Le tribunal militaire a acquitté 148 Loups Gris dont tout le bureau administratif du parti d'Action nationaliste (MHP), et n'a condamné que quelques activis-tes du parti pour leurs actions armées: 5 à mort, 9 à l'emprisonnement à vie et 219 à d'autres peines de prison.
     Malgré sa condamnation, Türkes n'a pas été incarcéré de nouveau, parce que le tribunal militaire a jugé qu'il avait déjà purgé une partie importante de sa condamnation de son arrestation en 1980 jusqu'à sa mise en liberté le 9 avril 1985.
    Après sa libération, Türkes a immédiatement repris part à la vie politique en soutenant activement le nouveau parti néo-fasciste fondé par ses partisans: le Parti nationaliste du Travail (MCP)..
    Après le référendum du 6 septembre 1987, l'inter-diction politique qui frappait 242 anciens leaders politiques a été levée, dès lors Alparslan Türkes s'est placé lui-même à la tête du MCP.
    Cependant, le résultat des dernières législatives l'a montré, Türkes n'est plus capable de réunir tous ses anciens compagnons au sein du nouveau parti. Alors que le MHP obtenait 6,6% des voix lors des élections pré-cédant le coup d'Etat de 1980, le nouveau MCP n'a obtenu que très difficilement 2,9% des voix lors des législatives de 1987.

LES LOUPS GRIS DANS L'ALLIANCE SACREE

    L'une des raisons principales de cet échec réside dans le fait que après le coup d'Etat, beaucoup de Loups Gris de notoriété publique ont été placés à des postes clefs de l'administration militaire et, plus tard, ont pris part dans le noyau dur du parti au pouvoir, l'ANAP.
    The Times  du 11 septembre 1984 rapportait:
    "Ils ont notamment, pris le contrôle de la Radio-Télévision d'Etat (TRT) dont le nouveau directeur était une ancienne figure du MHP. Un autre ex-membre du MHP est le secrétaire d'Etat du ministre de l'Emploi. La dernière étape en date, encore plus sinistre, est la no-mination aux deux postes de directeur adjoint de la Police nationale dont un était chargé au centre de torture d'Ankara pendant le régime militaire précédent en 1971 et a depuis, été tenu à l'écart. Tandis que le nom de l'autre a été vu dans les documents secrets du MHP comme le futur directeur de la Police nationale une fois le pouvoir pris. La question s'est posée, après de telles nominations, si le coup d'Etat de 1980 était réellement une défaite pour le terrorisme comme ses auteurs le clamaient."
    Lorsqu'Özal a fondé l'ANAP en 1983, il a confié à Mustafa Tasar, ancien sympathisant du MHP, la fonction de secrétaire général.
    Le premier gouvernement d'Özal comprenant de nom-breux sympathisants bien connus du défunt MHP: ainsi le ministre d'Etat Halil Sivgin, le ministre d'Etat Kazim Oksay, le ministre d'Etat Mesut Yilmaz, le ministre des communications Veysel Atasoy et le sous-secrétaire Hasan Celal Güzel.
    En plus, d'anciens activistes néo-fascistes étaient élus maires dans un grand nombre de grandes villes comme Ankara, Erzincan, Erzurum, Adapazari, Bingöl, Elazig, Yozgat, Gaziantep, Antakya et Kastamonu.
    Et tous ces anciens compagnons préfèrent développer leur action à l'intérieur d'un parti au pouvoir comme l'ANAP plutôt que de perdre leur temps dans un parti mineur comme le MCP.
    Il y a encore d'autre anciens Loups gris comme influents qui, au lieu de soutenir Türkes, parlent de développer "un mouvement de droite contemporaine ainsi, ils apportent implicitement de l'eau au moulin d'Özal.

DEFI A L'AUTORITE DE TURKES EN EUROPE

    Mais le défi le plus important à l'autorité de Türkes vient des Loups Gris organisés dans les pays d'Europe de l'Ouest.
    Aux yeux de ses Loups Gris "européens", lors de son procès, Türkes passait pour un martyr. Après sa libération, Alparslan Türkes a fait une visite spectaculaire en Europe. En dépit de la condamnation pour actes de violence d'extrême-droite prononcée contre lui, le gouvernement l'avait autorisé à effectuer un tel voyage. De plus, l'interdiction d'entrée qui pesait sur lui en RFA a été levée par le gouvernement ouest-allemand, malgré les protestations de diverses organisations démocrati-ques.
    Après avoir été accueilli par des milliers de Loups Gris à Francfort (RFA), Türkes a participé à la 10ème Convention de Türk-Federasyon à Hamm, le 6 mai 1987.
    Des manifestations de protestations ont été organisées avant et pendant ce congrès, par des centaines d'organisations anti-fascistes turques et allemandes. Elles avaient lieu devant la salle de congrès. Les groupes ont également demandé aux autorités d'interdire ce congrès.
    S'adressant à la convention, Türkes a déclaré qu'en dépit de l'interdiction frappant le Parti de l'Action Nationaliste (MHP), et de l'arrestation de ses leader, le parti de la synthèse turco-islamique était victorieux car il était reconnu par l'Etat. Il a ajouté "tôt ou tard, nous prendrons le pouvoir car notre cause est juste".
    Lors de ce congrès, suivi par 5.000 sympathisants du MHP, le colonel à la retraite Hasan Yildizan a été élu sur la proposition de Türkes, président de la Türk-Federasyon, en remplacement de Serdar Celebi.
    Un mois plus tard, le 5 juillet, Türkes s'est exprimé au cours d'un autre congrès d'extrême-droite qui se déroulait à Vienne. Par contre, le Sénat de Berlin lui a interdit de se rendre dans cette ville.
    Voyant la réaction négative dont son mouvement faisait l'objet en Europe, Türkes a déclaré dans le but de s'innocenter qu'il ne collaborait plus avec certains anciens leaders des Loups Gris en Europe tels que Serdar Celebi et Ali Batman.
    Cette déclaration a provoqué une très vive réaction parmi les Loups Gris d'Europe. Finalement, 70 associations ont quitté la Türk-Federasyon et ont crée, lors d'un congrès à Nieder-Olm, l'Union des Associations culturelles turco-islamiques (Union turco-islamique). Serdar Celebi a été élu président de la nouvelle union.
    Après cette scission, les missions diplomatiques de Turquie en Europe ont fait leur choix en faveur de l'U-nion turco-islamique. La Fédération des Associations culturelles turco-islamiques de Belgique est l'un des piliers de la nouvelle union. Le 2 avril dernier s'est tenu à Beringen, le 5ème congrès de cette fédération anti-Türkes en la présence de Serdar Celebi ainsi que d'un certain nombre de députés de l'ANAP et du consul de Turquie à Bruxelles, Orhan Türeli. De nombreux ministres du gouvernement Özal, l'ambassadeur de Turquie Ecmel Barut•u, le premier ministre belge Wilfrid Mar-tens, le vice-ministre Guy Verhofsstadt et le ministre de la Justice Jean Gol lui ont adressé des messages de sympathie.
    Un mois plus tard, le 21 mai s'est tenu à Koblenz le premier Congrès de l'Union turco-islamique d'Alle-magne. Mustafa Tasar, le principal conseiller d'Özal, sept députés de l'ANAP ainsi que certains anciens leaders du MHP, Sadi Somuncuoglu, Necati Gültekin et Yasar Okuyan qui en participant à ce congrès ont cautionné la nouvelle union. Celebi a été réélu président. Le quotidien Hürriyet  a décrit ce congrès comme un "coup anti-Türkes".
    Türkes a répondu à ce défi en assistant à un con-grès organisé par ses sympathisants en Belgique. A-près la scission les Loups Gris restés fidèles à Türkes dans ce pays, ont créé une autre organisation sous le nom de Fédération des Associations turques de l'Idéal en Belgique (Bel•ika ºlkücü Türk Dernekleri Federasyonu). Alors que le maire de Charleroi, Mr Emile Hen-ry avait annulé sa permission accordée à la fédération pour tenir son congrès le 4 juin, un tribunal local a annulé cette décision et a permis à Türkes de prendre la parole. Cependant, les missions diplomatiques turques ont refusé de participer à ce congrès pro-Türkes.
    Quelques semaines plus tard, le 25 juin la Türk Fe-derasyon, favorable à Türkes a tenu son 11ème con-grès à Iserlohn. Cette fois-ci, les autorités allemandes n'ont pas délivré de visa et ont interdit à Türkes d'y participer. Cela a été un grand choc pour Türkes et ses partisans. Lors du congrès, un ancien dirigeant de la section jeunesse de l'ancien MHP, Türkmen Onur, a été élu président de la fédération. De plus, l'assemblée a décidé de nommer des représentants pour exercer un contrôle strict sur les organisations restées fidèles à Türkes.

NOUVELLES POURSUITES CONTRE LES LOUPS GRIS

    Pendant que deux fractions du mouvement néo-fasciste turc s'entre-déchirent, les autorités judiciaires européennes ont ouvert de nouvelles procédures contre ses figures dirigeantes.
    En dépit de l'acquittement de Serdar Celebi et de ses compagnons lors du procès à Rome, le procureur a annoncé, le 27 novembre 1987, l'ouverture d'un 3ème procès impliquant des leaders des Loups Gris comme Serdar Celebi, Oral Celik, Abdullah Catli, Ömer Bagci, etc.....
    D'autre part, le procureur général de Francfort, le Dr Harold H. Kormer, a déclaré le 27 septembre 1987 au quotidien Hürriyet  qu'il allait lancer des poursuites contre un groupe de Loups Gris en RFA pour fraude, tentative de meurtre, chantage, et sabotage. Parmi les accusés, on trouve un ancien président de section jeunesse du MHP aujourd'hui dissout: Rifat Yildirim. Il a déjà été arrêté pour avoir fait passer en fraude 1,5 kg d'héroïne.

OPERATION CENTRISTE AU SEIN DU SHP

    Les tensions qui existaient longtemps entre les éléments centristes et de gauche du principal parti d'opposition, le Parti Social Démocrate Populiste (SHP), ont pris une autre tournure avec le limogeage de sept bureaux provinciaux qui appartiennent à l'aile gauche du parti.
    L'organisation du SHP d'Istanbul était une forteresse de l'aile gauche du parti et les bureaux de Bursa, Erzurum et Diyarbakir étaient d'ardents supporters des prisonniers impliqués dans des grèves de la faim. Les centristes quant à eux, ont déclaré que les dirigeants locaux de la province de Siirt allaient trop loin lorsqu'ils parlaient du problème kurde.
    Le président du parti, Erdal Inönü, qui s'était toujours efforcé d'entretenir de bonnes relations avec les deux tendances rivales et qui avaient souvent joué le rôle de conciliateur, a pour la première fois pris parti pour les centristes le 29 novembre dernier et a approuvé le limogeage des sept bureaux provinciaux.
    Le rapport du Conseil exécutif central dit en substance:
    "Nous devons maintenir l'ordre et la discipline au sein de nos organisations locales. Les organisations qui ne correspondent plus à l'image du parti telle qu'elle a été définie par les instances centrales doivent être rectifiées et réhabilitées".
    Bien que le leader des centristes, Deniz Baykal, ait été élu Secrétaire Général et que le Conseil exécutif central était dominé par l'aile centriste lors du dernier congrès du SHP, les éléments de gauche du parti ont prouvé leur force dans de nombreuses provinces. De plus, l'aile gauche comprend des leaders syndicaux éminents comme le président du DISK Abdullah Bastürk et de nombreux députés d'origine kurde.
    Il y a quelques semaines, un des six secrétaires-adjoints, Ali Topuz, a déclaré à la presse que le parti était infiltré par des éléments d'extrême-gauche. Il a accusé certains leaders locaux d'avoir soutenu activement les prisonniers grévistes de la faim. Cette déclaration a ranimé les tensions au sein du parti et a provoqué un conflit qui oppose les deux factions rivales.
    Lors d'une mini-convention du SHP qui réunissait les dirigeants provinciaux, Topuz a été sérieusement critiqué pour ses déclarations. A la suite des attaques dont il a fait l'objet, Topuz a dû démissionner le 28 novembre dernier, de son poste de secrétaire-adjoint et du Conseil exécutif central.
    Le lendemain, ce conseil qui compte 14 membres parmi lesquels dominent les centristes, a décidé de prendre des mesures drastiques à l'encontre de l'aile gauche du parti et a annoncé la dissolution de sept bureaux provinciaux. Cette décision a provoqué de vives réactions de la part des éléments de gauche du parti. Ercan Karakas, président du parti local d'Istanbul l'a qualifié de tentative d'une certaine faction du parti d'éliminer ceux qui ne pensent pas de la même fa•on qu'elle.
    Le 30 novembre dernier, un groupe de 21 députés appartenant à l'aile gauche, s'est rencontré et a publié une dé-claration qui critique la direction du parti comme suit: "Notre parti a subi des dommages à cause de cette décision juste avant les élections locales. Nous sommes déterminés à user de nos droits comme ils nous sont garantis par les statuts du parti. Nous allons en appeller aux instances appropriées (du parti) pour qu'elles cassent cette décision."
    Kemal Anadol, un des députés SHP de tendance de gauche a déclaré: "Suspendre les bureaux des organisations locales sans même envoyer un inspecteur du parti va à l'encontre des principes d'honnêteté politique et de la loi".

GREVE DE LA FAIM DES PRISONNIERS

    Alors que la plupart des détenus ont terminé leur grève de la faim de six semaines qu'ils avaient entamée fin octobre '88 en guise de protestation contre les nouveaux règlements carcéraux, de nouveaux groupes se sont empressés de prendre leur place.
    Au stade le plus critique, plus de 2.000 détenus, pratiquement tous des prisonniers politiques, ainsi que des membres de leurs familles et des sympathisants participaient à cette grève.
    A la prison de Diyarbakir, 27 grévistes de la faim ont dû être emmenés à hôpital d'Etat. Dix autres ont été soignés à l'infirmerie de la prison. Le procureur a déclaré que les détenus seront autorisés à avoir des entretiens privés tous les 15 jours, que les prix pratiqués par les cantines des prisons seront diminués et que désormais ils auront accès à toutes les publications légales.
    Entre-temps, près de 180 parents et supporters des prisonniers ont décidé de continuer leur grève de la faim, déjà longue d'un mois, au siège de la branche de Diyarbakir du SHP, jusqu'à ce qu'ils puissent rendre vi-site à leur parents détenus à la prison de Diyarbakir.
    Deux députés de l'ANAP ont déclaré qu'ils soutenaient les grévistes de la faim car ils estimaient que les revendications des détenus sont justifiées et ont demandé au ministre de la Justice de trouver une solution à ce problème. Un de ces députés, Nurettin Yilmaz a lui-même passé près de deux ans en prison après le coup d'Etat de 1980. Il était accusé de divers délits allant des activités séparatistes kurdes à son appartenance à des organisations communistes.
    Des actions de protestation et des grève de la faim organisées par des sympathisants sont apparues dans plus d'une dizaine de villes de Turquie. La police a arrêté neuf parents  de prisonniers devant la prison de Nazilli et 30 manifestants à Izmir.
    A Canakkale, des manifestants ont brûlé l'effigie d'un prisonnier en uniforme et ont brandi des pancartes demandant l'abrogation des règlements du 1er août.
    Le 22 novembre dernier, à Istanbul, six invalides ont manifesté devant le Palais de Justice. Ils criaient, assis dans des chaises roulantes et appuyés sur des béquilles, qu'ils ne voulaient pas que des gens deviennent invalides à cause des grèves de la faim dans les pri-sons.
    Le 27 novembre 1988, à Istanbul, les conditions d'incarcération ont été critiquées lors 'une manifestation en plein air organisée par l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD).
    Bien que le gouvernement ne semble pas décidé à abandonner l'entièreté des règlements du 1er août, on est parvenu dans un certain nombre de prisons à des accords qui indiquent que le gouvernement a commencé à adoucir sa position vis-à-vis des prisonniers.

227 PEINES DE MORT AU PARLEMENT

    Début décembre, la Cour de cassation militaire a transmis 7 peines capitales supplémentaires à l'Assem-blée nationale, pour ratification. Ainsi, le nombre de peines de mort attendant d'être ratifiées se monte à 227.
    La dernière exécution en date en Turquie, remonte à 1984. Depuis l'Assemblé nationale n'a ratifié aucune peine capitale.
    Mais depuis l'exécution d'un ancien commandant de prison militaire par des groupes politiques clandestins, le président de la commission parlementaire de justice a déclaré que l'Assemblée nationale pourrait ratifier la sentence de mort prononcée contre certains "réfrac-taires".

PERSECUTIONS POLITIQUES RECENTES

    Le 11 novembre, à Diyarbakir, 15 personnes ont comparu devant la Cour de Sûreté de l'Etat. Elles étaient accusées d'appartenir au parti ouvrier du Kurdistan (PKK).
    Le 15 novembre, la Cour du Sûreté de l'Etat d'Istan-bul a condamné sept personnes à des peines de prison allant jusqu'à 15 ans pour avoir aidé le PKK.
    Le 20 novembre, à Izmir, Ertugrul Kürkcü, ancien leader estudiantin, a été retenu dans les locaux de la police parce qu'il avait participé à une table ronde au sujet des manifestation d'étudiants en 1968.
    Le 30 novembre, à Izmir, la Cour de Sûreté de l'Etat a condamné 13 personnes accusées d'appartenir au TKP, à des peines de prison allant jusqu'à 6 ans et 8 mois.

PRESSIONS SUR LA VIE INTELLECTUELLE

    Le 3 novembre, le bureau d'Istanbul du mensuel Toplumsal Dirilis a été attaqué par la police qui a retenu les membres du personnel.
    Le 4 novembre, le numéro de novembre 88 du mensuel Sorun a été confisqué.
    Le 11 novembre, des fascicules de l'Encyclopaedie des Temps Modernes (Yakin Tarih Ansiklopedisi) ont été saisis sous prétexte qu'ils contenaient des articles insultant Atatürk.
    Le 12 novembre, deux membres du groupe de musique folklorique Yorum, Efkan Sesen et Tuncay Akdogan ont été retenus dans les locaux de la police d'Ankara pour avoir chanté des chansons kurdes.
    Le quotidien Cumhuriyet a rapporté dans son numéro du 15 novembre qu'Erdal Cayir, correspondant à Ankara de la revue mensuelle Yeni Cözüm a essayé de se suicider alors qu'il était en état d'arrestation. Dès son arrestation le 11 novembre, son père avait envoyé un télégramme à Ozal lui expliquant que son fils allait être torturé.
    Le 16 novembre, le procureur d'Ankara a mis en accusation les dirigeants de l'Association des Professeurs (Egit-Der) pour avoir invité en Turquie, un groupe de professeurs fran•ais sans en avoir demandé l'autori-sation.
    Le 18 novembre, la Cour de Sûreté de l'Etat a confisqué les revues mensuelles Yeni Cözüm et  Demokrat Arkadas.
    Toujours le 18 novembre, le dessinateur Güneri I•-oglu de l'hebdomadaire humoristique Limon, a été appelé pour accomplir ses 10 mois d'emprisonnement.
    Le 23 novembre, le journaliste Erbil Tusalp a été mis en accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul pour avoir publié la déposition de l'auteur présumé de l'attentat contre Turgut Özal.
    Le 24 novembre, Mustafa Zülkadiroglu, directeur des éditions Emek, a été incarcéré pour accomplir les 6 ans et 3 mois d'emprisonnement auxquels il avait été condamné pour avoir publié une brochure sur le 1er Mai il y a 11 ans.
    Le 25 novembre, Sirri Oztürk, directeur des éditions Sorun, a été condamné à 2 mois de prison par une Cour criminelle et à verser une amende de 28.000 LT.
    Le même jour, le romancier Kerim Korcan, âgé de 70 ans, et l'éditeur Rabia Sen Süer ont comparu devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. Ils étaient accusés d'avoir fait de la propagande communiste dans le livre de Korcan intitulé Le pont de feu qui relate les tortures pratiquées dans les années '30 au centre de la police politique d'Istanbul.
    Le 26 novembre, la revue mensuelle Yönelis et le livre de Lénine sur l'organisation du parti ont été confisqués sur ordre de la CSE d'Istanbul.
    Le même jour, à Mersin, la police a annulé le concert que devait donner le groupe de musique folklorique Yorum.
    Le 30 novembre, deux journalistes de l'hebdoma-daire 2000e Dogru, Fatma Yazici et Emin Göker ont été condamnés pour avoir insulté le premier ministre. Cinq autres journalistes: Eren Güvener et Talat Halman du quotidien Milliyet, Hasan Kilic et Inan Göksel du quotidien Günaydin et Sabahat Aksakal de Yeni Nesil, ont été jugés pour la même raison par des cours criminelles à Istanbul.

UN CENTRE DE REHABILITATION POST-TORTURE

    S'inspirant d'une expérience menée au Danemark, l'Union des médecins turcs (TTB) et l'Association des droits de l'Homme de Turquie (IHD) ont décidé de créer un centre de réhabilitation post-torture à Istanbul.
    Ceux qui ont été torturés et qui souffrent de séquel-les psychologiques ou physiques y seront aidés sans qu'aucune contribution financière ne leur soit demandée. Le centre se présentera comme une fondation et son financement sera assumé en parties par le Centre international de réhabilitation post-torture du Danemark qui lui a déjà consenti un don de 25 millions LT.

NOUVEAU COUP DU PKK A L'ARMEE

    Le Parti ouvrier du Kurdistan (PKK) a, à l'occasion de son 10e anniversaire, porté un nouveau coup à l'Armée turque. Le 5 décembre dernier, un groupe de guérilla kurde a tendu un piège à une unité de l'armée dans la province de Siirt et plus précisément dans le district de Sirnak. Lord de l'affrontement, un lieutenant, deux sergents et neuf soldats ont été tuées et un autre soldat blessé. Les 10 membres du commando ont également péri.
    Lors de la conférence de presse qu'il a donnée à Bruxelles le 12 décembre, le porte parole de l'ERNK(Front de libération du Kurdistan) a déclaré que depuis le début de la guerre de guérilla dans le Kurdistan turc en 1984, les combattants du PKK ont abattu 4.342 membres des forces gouvernementales. Parmi eux, on compte un colonel, six majors, un commandant de bataillon, quatre capitaines, 10 lieutenants, 1 sous-lieutenant, 208 officiers et sous-officiers de différents grades, 247 membres de forces spéciales, 50 policiers, 2 commissaires, quatre sergents, 3 gardiens et 1.056 protecteurs de village.
    Selon le porte parole de l'organisation, l'ERNK a, quant à lui, perdu 273 militants depuis 1984.

LES RELATIONS TURCO-EUROPEENNES

    Après 8 ans d'arrêt, la Commission parlementaire mixte turco-européenne va tenir sa première réunion les 17-19 janvier 1989 à Strasbourg.
    Les premiers contacts entre les deux parlements ont eu lieu le 25 novembre dernier, lors de la visite à Ankara d'une délégation du Parlement européen.
    D'après l'agenda qui a été établi, la commission mixte s'exprimera sur des sujets prioritaires tels que la situation des droits de l'homme en Turquie, la demande turque d'adhésion aux Communautés européennes ainsi que la coopération financière et économique entre la Turquie et l'Europe.
    La délégation parlementaire turque sera menée par le chef de la faction intégriste de l'ANAP, Mehmet Keçeciler. Dans le passé, il s'était distingué par son opposition à l'entrée de la Turquie aux CE.
    D'autre part, le ministre turc des affaires étrangères, Mesut Yilmaz, a eu un briefing avec les ambassadeurs de Turquie dans les pays membres des CE. Il les a chargé du lancement d'une nouvelle campagne en faveur de l'adhésion de la Turquie aux CE et leur a demandé d'agir dans ce but au sein du Parlement européen.
    Le Parlement européen, quant à lui, a adopté le 6 novembre dernier, trois résolutions concernant la Turquie.
    Il demande à la Turquie, dans deux d'entre elles, d'améliorer les conditions d'incarcération et de mettre fin à la procédure légale entamée contre quatre citoyens grecs, arrêtés le 4 novembre dernier alors qu'ils manifestaient pendant le procès des membres de Dev-Yol qui avait lieu à Ankara.

PAS DE SOUTIEN TOTAL POUR OZAL A PARIS

    Le premier ministre turc Turgut Ozal, lors de sa vi-site officielle en France du 27 au 29 novembre dernier n'a pas réussi à obtenir le soutien de Paris à la candidature de la Turquie pour entrer à la CE.
    Özal a passé la journée du 27 novembre à Strasbourg, en compagnie du chancelier ouest-allemand Helmut Kohl. Les diplomates turcs qui accompagnaient Özal ont déclaré que le premier ministre n'était pas capable de persuader Kohl de soutenir la Turquie dans ses efforts pour devenir membre à part entière de la communauté. Cependant Özal a quand même obtenu quelque chose à la suite de cette rencontre: Kohl a promis au premier ministre turc une aide militaire accrue pour 1990, et ce en vertu de l'accord de coopération militaire signé par les premiers ministres des deux Etats en 1986.
    Le jour suivant, à Paris, le président fran•ais Fran•ois Miterrand a dit à Özal que la Turquie ne doit pas espérer devenir membre à part entière de la CE avant 1992. Cependant, il a ajouté qu'il ne considérait pas la Turquie comme économiquement trop faible pour être intégrée à l'Europe. Mais il a émis des réserves, principalement au sujet des droits de l'homme, des relations turco-grecques et de la question de Chypre.
    Après son entrevue avec Özal, le premier ministre fran•ais Michel Rocard a déclaré que la France ne formulait aucune objection à l'entrée de la Turquie à la Communauté européenne mais a souligné que celle-ci serait sans intérêt pour la Turquie et pour la CE si elle n'est pas bien préparée.
    Le ministre fran•ais des finances Bergovoy a déclaré que la France pourrait consentir des prêts à la Turquie en échange de contrats pour des firmes fran•aises comme par exemple pour une station radar militaire, le métro d'Ankara et des terminaux de gaz naturel.

13.696 TRAVAILLEURS EN GREVE

    A la fin du mois de novembre, 13.696 travailleurs étaient en grève à travers tout le pays et 151.267 autres entamaient différentes actions telles que des grèves sur le tas ou le boycotte des repas. En plus de cela, près de la moitié des affiliés de la Confédération des syndicats turcs (Turk-Is), soient 644.000 travailleurs, ont décidé d'entamer des grèves début '89 si les négociations collectives actuellement en cours n'aboutissent pas à des accords satisfaisants pour les travailleurs.
    Actuellement, les 10.200 employés des usines d'Etat de papier (SEKA) sont en grève.
    La grève des 45.000 mineurs des mines de charbon de Zonguldak a été évitée le 28 novembre dernier après que le gouvernement et le syndicat des mineurs (Maden-Is) soient arrivés à un accord qui prévoit une augmentation des salaires de 154% pour les deux prochaines années.
    Selon des rapports récents publiés par la Chambre des industriels d'Istanbul (ISO), le ratio revenu/salaire en Turquie est aussi bas que dans certains pays d'Amérique latine tels que le Chili, la Bolivie et la Colombie. Il est même plus bas que celui de certains pays africains comme le Zaïre et le Kenya ainsi que celui de la Malaisie.
    En 1970, en Turquie, la part des salaires dans les revenus était de 34,6%. Elle est tombée à 18,5% en 1986 et à 17,77% en 1987.

1,9 MILLION DE JOURS DE TRAVAIL PERDUS

    Le quotidien Cumhuriyet, dans son numéro du 24 octobre, estime que le nombre de jours de travail perdus en 1987, en raison des divers mouvements de grève, s'élève à 1.961.940. Durant les sept premiers mois de cette année, 132 grèves et 111 lock-outs ont entraîné respectivement la perte de 469.069 et 149.969 jours de travail.


ACTES RACISTES ET XENOPHOBES EN EUROPE

    En RFA, les groupes racistes et les Skinheads ont intensifié leurs attaques sur les immigrés turcs.
    Ce qui suit est un bref rapport sur les actes racistes et xénophobes dont les immigrants turcs ont été victimes pendant les sept derniers mois en Europe:
    Le 18 mai, à Rothenburgsort, près d'Hambourg, une épicerie turque a été incendiée par un groupe d'inconnus.
    Le 24 mai, à Radolfzell (RFA), une maison habitée par quatre familles turques a été incendiée avec du pétrole. Les dégâts sont estimés à 250.000 DM.
    Le 1er juillet à Mannheim (RFA), un Allemand a tiré sur un groupe de Turcs.
    Le 14 juillet, à Hofheim (RFA), un buffet turc a été attaqué par près de 250 Skinheads qui criaient "mort aux étran-gers!" Ils ont également agressé les forces de police qui tentaient de s'interposer. Le propriétaire et un client turc ont été blessés.
    Le 26 juillet, à Munich, un groupe de néo-Nazis a envoyé des lettres de menaces à des immigrants turcs. Ces lettres disaient, en substance: "On dit que nous avons tué plus de 6 millions de Juifs. Si c'est vrai, pourquoi vous, des étrangers, venez-vous dans cette Allemagne maudite? Retournez chez vous! Sinon, vous subirez le même sort!"
    Le 15 septembre, à Moisling (RFA), un magasin turc a été incendié avec du pétrole en pleine nuit.
    Le 21 septembre, à Hoogvliet (Pays-Bas), une mosquée turque a été incendiée. Ce lieu de prière avait déjà subi d'autres attaques.
    Le 3 octobre, à Hambourg, un groupe de Skinheads a attaqué des jeunes Turcs avec des grenades lacrymogènes. Cinq Skinheads ont été interpellés.
    Le 9 octobre, à Hannovre, près de 70 Skinheads ont agressé des jeunes Turcs. 15 d'entre eux ont été interpellés. Le lendemain, l'organisation des victimes du Nazisme a organisé une action en guise de protestation contre cette agression.
    Le 31 octobre, quatre Skinheads ont attaqué Mme Fatma Tunc, âgée de 56 ans, et l'ont battue brutalement. Les agresseurs, qui avaient été interpellés, ont été relâches quelques heures après.
    Le 12 novembre, à Hambourg, des organisations allemandes et turques ont organisé une manifestation pour protester contre les agressions racistes.
    Le 14 novembre, à Hannovre, des Skinheads ont attaqué un jeune Turc de 15 ans.
    Le 16 novembre, à Ludwigshaffen (RFA), 15 Skinheads ont attaqué un club turc. Ils ont blessé le propriétaire du club, Ahmet Demirel, et quatre autres citoyens turcs avec des marteaux et des chaînes.
    Le 20 novembre, à Hambourg, près de 40 Skinheads et 45 néo-Nazis, ont troublé l'ordre public en criant "Mort aux Turcs!". La police a confisqué leurs armes et a retenu 11 Skinheads.
    Le 25 novembre, un jeune Turc, Tuncay Merkoc, a été battu par un groupe de Skinheads. Il était dans le coma quand il a été transporté à hôpital.
    Le 8 décembre, à Lübeck (RFA), un ouvrier turc a été blessé par balles par deux Allemands.