LES
MENSONGES D'OZAL A STRASBOURG
Le 27 septembre dernier, lors son
allocution devant l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à
Strasbourg, le premier ministre turc Turgut Ozal a déclaré que la
Turquie avait énormément progressé sur le plan du respect des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. Pour convaincre les
parlementaires européens, il a annoncé l'adoption par le gouvernement
turc de deux décrets: le premier vise à limiter l'application de la
peine capitale, le second octroie aux citoyens turcs de droit de
recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.
En réponse aux questions qu'on
lui posait, il a déclaré obsolètes les articles 141 (contre
l'organisation communiste), 142 (contre la propagande communiste et
séparatiste) et 163 (organisation et propagande anti-séculaire) du Code
pénal turc et qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour les
supprimer.
Ainsi, Özal, une fois de plus, a réussi à tromper le
Conseil de l'Europe:
En fait, dès le lendemain de son discours:
- Mehmet Bozisik, exilé politique âgé de 88 ans, a
été arrêté dès son retour volontaire à Ankara, sur ordre de la Cour de
Sûreté de l'Etat en vertu de l'article 141 pour avoir été membre du
comité central du parti communiste.
- Melih Calaylioglu, lycéen âgé de 15 ans, a à
nouveau été traduit devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Izmir en vertu
de l'article 142, sur base du second rapport du médecin légal qui cette
fois, a déclaré que le prévenu était conscient lorsqu'il se livrait à
de la propagande communiste parmi ses camarades de classe.
- Halil Ibrahim Celik, récemment élu maire de
la ville de Sanliurfa, a été jugé par la Cour de Sûreté de l'Etat
d'Ankara en vertu de l'article 163 pour avoir déclaré qu'il n'était ni
un partisan d'Atatürk, ni laïc.
- Des cours d'appel traitent actuellement des
centaines de peines capitales prononcée par des tribunaux militaires à
l'encontre de prisonniers politiques, car l'article 146 ne figure pas
parmi les articles pour lesquels la peine capitale a été supprimée.
Quant aux autres violations flagrants des droits et
des libertés en Turquie, commises antérieurement à son discours devant
le Conseil de l'Europe, ils sont largement illustrés dans les pages
suivantes.
Pour justifier le maintien des articles 141, 142 et
163 du code pénal, Özal a déclaré que l'opinion publique turque n'était
pas prête à accepter de tel changement et qu'un référendum national
pourrait empêcher leur suppression.
De toute façon, il n'existe aucune règle dans la
législation turque qui oblige le gouvernement à organiser un référendum
pour amender le code pénal turc.
De plus, il ne faut pas oublier qu'Özal lui-même n'a
obtenu que 21,9% des voix lors des élections de mars 1989, et en dépit
de cet échec retentissant, il se prépare à prendre la succession du
général Evren à la présidence de la République, sans se préoccuper le
moins du monde de l'opinion publique.
LE GOUVERNEMENT TURC INSISTE POUR QUE LES EDITEURS D'INFO-TURK RESTENT
APATRIDES
Le Conseil d'Etat turc examine
actuellement en appel, la décision du gouvernement militaire de priver
les deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, de leur
nationalité.
Les deux journalistes ont été
déchus de leur nationalité turque en 1983 et ce en raison de l'action
en faveur des droits de l'homme qu'ils mènent à l'étranger.
Bien qu'à l'époque, cette
décision ait été rapportée par les journaux turcs, elle n'avait pas été
notifiée de manière officielle.
En 1988, lors d'une conférence de
presse qui s'est tenue à Bruxelles, Özgüden et Tugsavul ont posé
quelques questions concernant les droits de l'homme au premier ministre
turc Turgut Özal.
Quelques mois plus tard, en mai
1988, en guise de représailles, le gouvernement turc a notifié
officiellement sa décision de les priver de leur nationalité. Suite à
cette notification tardive, Özgüden et Tugsavul ont fait appel devant
le Conseil d'Etat pour qu'il annule cette décision.
En Réponse à cet appel, le
gouvernement turc a affirmé que les éditeurs d'Info-Türk doivent rester
"apatrides" car ils se livrent, dans les publications qu'ils éditent à
l'étranger, à la "propagande communiste" et à la calomnie à l'encontre
des autorités turques et des chefs de l'Armée.
Toujours dans sa réponse, le
gouvernement turc a rapporté que des poursuites légales contre les deux
journalistes s'étaient ouvertes en Turquie en vertu de plusieurs
articles du code pénal turc: Art 140 (diffusion d'informations fausses
ou exagérées dans le but de nuire à la réputation de la Turquie à
l'étranger), Art 142 (se livrer à de la propagande communiste et
séparatiste), Art 156 (calomnier les autorités gouvernementales et les
chefs de l'armée).
En vertu de ces articles, les
deux journalistes sont passibles de peines de prisons de pas moins de
30 ans.
Le Conseil d'Etat est supposé
rendre son jugement dans les semaines à venir, et ce après avoir
entendu le plaidoyer d'Ali Yasar, défenseur des deux journalistes.
Si l'appel est rejeté, les deux
journalistes déposeront une plainte auprès de la Commission européenne
des droits de l'Homme.
UN DOCTEUR EXILE ARRETE DES SON RETOUR
Le 3O juillet dernier, le Dr
Tarik Ziya Ekinci a été emprisonné dès son retour volontaire en
Turquie. Il vivait en exil à Paris depuis le coup d'Etat militaire.
Actuellement, il purge une peine
de 18 mois à la prison de Sagmalcilar à Istanbul pour un article qu'il
avait écrit avant le coup d'Etat, dans l'hebdomadaire Yürüyüs.
NOUVELLES MENACES CONTRE LES REFUGIES POLITIQUE
Le 8 août dernier, le
gouvernement turc a publié une nouvelle liste des réfugiés politiques
qui sont sommés de se rendre aux autorités turques, sous peine d'être
déchus de la nationalité turque.
Parmi eux, se trouvent Zeki
Kilic, un membre dirigeant de l'ancien Parti des Ouvrier de Turquie
(TIP) et un homme d'affaires d'extrême droite, Murat Bayrak.
CAMPAGNE EN FAVEUR DES FILMS DE YILMAZ GUNEY
A l'occasion du 5ème anniversaire
de la mort de Yilmaz Güney, un groupe de cinéastes turcs, d'écrivains
et de journalistes a lancé une campagne pour obtenir la levée de
l'interdiction frappant la projection de ses films.
En vertu d'un décret pris en
application de la loi martiale, l'œuvre de ceux qui ont été privés de
leur nationalité ne peut pas être rendue publique en Turquie.
Yilmaz Güney, primé à Cannes avec
son film Yol, a été déchu de sa nationalité lorsqu'il était en exil.
Il s'est éteint à l'âge de 47
ans, des suites de sa longue détention en prison avant qu'il ne quitte
le pays en 1981.
Les signataires de la pétition
estiment que "le fait que les films de Yilmaz Güney ne puissent pas
être montrés aux nouvelles générations constitue une honte pour notre
vie culturelle".
OZAL A EGALEMENT PERDU L'APPUI DE SON PROPRE PARTI
Alors qu'Özal poursuivait son
opération de charme à l'étranger, il rencontrait de sérieuses
difficultés pour regagner son prestige dans son propre pays. Le 11
septembre dernier, l'élection du Président de l'Assemblée nationale a
montré qu'il avait perdu l'appui de son propre parti, le parti de la
mère patrie (ANAP).
Malgré que son parti détienne la
majorité absolue au Parlement, le candidat d'Özal, Mr Yildirim Akbulut,
n'a pas réussi à se faire élire lors des deux premiers tours car
d'autres députés ANAP, en dépit de l'interdiction d'Özal, avaient posé
leur candidature pour le même poste.
Selon la procédure parlementaire,
une majorité des deux tiers est requise pour l'élection du président
aux premier et second tours.
Au premier tours, Akbulut n'a
obtenu que 186 voix alors que deux autres députés ANAP, Ilyas Aktas et
Vehbi Dincerler obtenaient respectivement 103 et 82 voix.
Au second tour, Akbulut n'a, à
nouveau, pas obtenu les 300 voix nécessaires, mais a réussi à porter
son score à 215 voix.
Au troisième tour, au cours
duquel la majorité simple suffit pour élire le président, Akbulut a
obtenu 250 voix et Aktas 173. Le résultat démontre que 33 des 289
députés ANAP ont refusé de voter pour Akbulut et ce, même lors du
troisième tour.
Selon le quotidien Hürriyet
du 12 septembre dernier "quelque chose de vraiment incroyable" s'est
passé à Ankara. "L'action des députés ANAP influencera absolument tout,
même les élections présidentielles de novembre prochain car maintenant,
il est évident qu'Özal n'est plus aussi puissant au sein de son propre
parti qu'il ne l'était avant".
Erdal Inönü, leader de la
principale formation d'opposition, le parti populiste social-démocrate
(SHP), a estimé que le fait que certains députés ANAP n'ont pas voté
pour le candidat du premier ministre, démontre que "certains d'entre
eux s'éveillent".
Süleyman Demirel, leader du Parti
de la Juste Voie (DYP), a déclaré: "La voie vers Cankaya (la résidence
présidentielle) est fermée à Özal, non pas à cause de son échec à faire
élire le président du Parlement dès le premier tour mais parce qu'il ne
jouit plus de l'appuie populaire".
En fait, selon des sondages
récents, portant sur la popularité des partis: l'ANAP n'obtient
que 20% alors que le SHP et le DYP comptabilisent respectivement 29 et
25%.
LES MANIPULATIONS CONSTITUTIONNELLES D'OZAL
Dans le but de regagner le
soutien populaire que lui fait défaut et de coincer les deux partis de
l'opposition représentés à l'Assemblée Nationale, Özal a demandé à ces
derniers d'entamer des consultations dans le but de remplacer la
constitution de 1982 par un texte plus court et plus simple.
Erdal Inönü, leader du SHP, a
répondu à l'offre d'Özal en déclarant qu'il ne considérait pas
l'initiative du premier ministre comme "suffisamment sérieux". Inönü a
demandé au parti au pouvoir de mettre les amendements proposés par
écrit.
L'année dernière, une initiative
du SHP d'amender certains articles de la Constitution avait été rejetée
par l'ANAP.
Quant au DYP, son vice-président
Metin Gürdere a déclaré que les efforts déployés par l'ANAP pour faire
porter les débats politiques sur la révision constitutionnelle n'ont
pour seul but que de distraire l'attention de l'opinion publique de la
question des élections anticipées. Il a ajouté que son parti ne
participera pas aux débats sur les amendements constitutionnels tant
que cette question ne sera pas réglée.
Le plus étonnant, c'est que la
proposition d'Özal a été appuyée par une faction de la gauche
pro-soviétique. Le Parti Communiste unifié de Turquie (TBKP) a déclaré
dans un communiqué qu'il supportait l'idée d'Özal.
LE SHP DANS L'INTERNATIONALE SOCIALISTE
Après s'être avéré le candidat le
plus probable au gouvernement de la Turquie, le parti populiste
social-démocrate (SHP) a entrepris d'étendre ses relations à l'étranger
dans le but de s'assurer l'appuie des partis frères.
Lors de sa 18ème assemblée
générale qui s'est tenue à Stockholm le 21 juin dernier,
l'Internationale socialiste a fait du SHP, un membre à part entière de
l'organisation.
Depuis le coup d'Etat de 1980 et
la dissolution du Parti du Peuple Républicain (CHP) de l'ancien premier
ministre Bülent Ecevit, la Turquie n'avait plus jamais été représentée
au sein de l'internationale Socialiste.
Ecevit, bien que n'ayant plus le
droit d'occuper aucune fonction politique en Turquie, a été
l'observateur pour la Turquie auprès de l'organisation de 1980 à 1987
et était ainsi reconnu comme le leader social-démocrate turc auprès de
l'Internationale socialiste. Depuis 1987, Ecevit dirige le Parti de la
Gauche Démocratique (DSP) qui se présentait contre le SHP pour
l'obtention du statut de membre à part entière de l'Internationale
Socialiste.
RENFORCEMENT DE L'AILE GAUCHE DU SHP
Bien que considéré comme le parti
le plus puissant du pays, le SHP doit faire face à des querelles
internes qui opposent ses dirigeants à son aile gauche (voir Info-Türk
de décembre 1988).
Le 22 août dernier, les sociaux
démocrates d'Istanbul ont élu, pour la troisième fois, le candidat de
l'aile gauche Ercan Karakas à la tête de la plus grande organisation
provinciale.
Alors qu'Ercan Karakas obtenait
201 voix, Mustafa Özyürek, le candidat soutenu par Deniz Baykal,
secrétaire général du SHP, n'obtenait que 183 votes.
Karakas avait été élu une
première fois à la tête de la section d'Istanbul le 8 juin 1988. Mais
ce résultat électoral avait été déclaré nul après les objections de
Baykal.
Cependant, les délégués l'ont
réélu au même poste le 10 juin 1988, mais son administration a été
congédiée en novembre dernier et Özyürek avait été placé à la tête de
la section.
Lors d'un congrès récent, Baykal
a été hué et sifflé par beaucoup de délégués alors qu'il faisait son
entrée en compagnie de deux députés d'Istanbul.
L'aile gauche du parti estime que
l'élection de Karakas constitue un pas important dans l'instauration de
règlements démocratiques au sein du parti.
LES PERSPECTIVES DE LA GAUCHE EXTRA-PARLEMENTAIRE
Depuis le coup d'Etat militaire
de 1980, une part importante de la gauche turque reste illégale, ce
malgré le fait que le gouvernement qualifie la Turquie de démocratie
pluraliste, et de nombreuses organisations de gauche continuent leur
action dans une semi-clandestinité.
Le numéro du 12 septembre 1989 du
quotidien Milliyet rapporte que 120 organisations illégales sont
actuellement actives à travers le pays. La Direction générale de la
Sûreté les classe de la façon suivante: 74 sont consignées dans la
catégorie "extrême-gauche ou séparatiste", 38 "intégriste", 6
"extrême-droite ou raciste", 1 "extrémiste arménien" (ASALA),
1'"extrémiste chrétien" (témoins de Jéhovah).
Bien entendu, un grand nombre
d'organisations fictives ont été ajoutées dans cette liste dans le but
de convaincre l'opinion publique que la loi et l'ordre sont aux mains
des "organisations clandestines".
En fait, la gauche illégale
turque se divise en différents courants:
Le courant pro-soviétique:
Le parti communiste de Turquie
(TKP) en est le représentant le plus important. Il a été fondé en 1921,
mais a immédiatement été déclaré hors-la-loi. Après le coup d'Etat de
1980, ce parti a été rejoint par le Parti ouvrier de Turquie (TIP), un
des partis socialistes légaux de la période avant 1980. Ils ont
fusionné et ont pris le nom de Parti communiste unifié de Turquie
(TBKP).
Cependant, une fraction du TKP,
basée en Grande Bretagne, refuse cette fusion qu'elle considère comme
une tentative en vue de liquider le parti et continue à se nommer le
parti communiste de Turquie (TKP).
Une autre faction de ce courant,
représentée par le Parti des Ouvrier Socialiste de Turquie (TSIP), qui
était également légal avant le coup d'Etat, négocie actuellement avec
les dirigeants du TBKP et ce, dans le but d'unifier tous les courants
pro-soviétiques au sein d'une seule et unique organisation.
Dans la même catégorie, on
retrouve également le Parti communiste de Turquie/Union (TKP/B) et le
Parti communiste du Travail de Turquie (TKEP).
Le courant pro-chinois:
Avant le coup d'Etat, ce courant
était représenté par le Parti Ouvrier et Paysan de Turquie (TIKP). Il a
été récemment réorganisé, ce qui a donné un nouveau parti légal: le
parti socialiste (SP). Depuis que la Cour constitutionnelle a suspendu
la procédure légale dont il faisait l'objet, le SP est actuellement le
seul parti politique légale dans la gauche extra-parlementaire.
Récemment, un groupe
d'intellectuels est entré en désaccord avec les dirigeants du SP et a
quitté le parti. Ils publient le mensuel Sosyalist Birlik et
prônent l'unification des différents mouvements marxistes au sein d'un
nouveau parti politique.
Le Parti communiste de
Turquie/Marxiste-Léniniste (TKP/ML) constitue une autre faction de ce
courant. Il est loyal aux idées de Mao tse-tung et contre la ligne de
conduite actuelle du PC chinois. Il prône la lutte armée et effectue
des opérations de guérilla, surtout dans le Kurdistan turc.
Le courant pro-albanais:
Il est représenté par le Parti
Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP).
Les courants révolutionnaires
indépendants:
A côté des trois courants
mentionnés, qui se caractérisent par le fait qu'il sont influencés par
différents centres idéologiques du monde communiste, un grand nombre de
groupes de gauche extra-parlementaires se sont déclarés indépendants de
toute influence étrangère et se battent pour la réalisation d'un
socialisme qui tienne compte des réalités du pays.
A l'origine, un grand nombre
d'entre elles sont les émanations des légendaires organisations de
guérilla des années '70: Le parti/front de libération populaire de
Turquie (THKP/C) et l'Armée de Libération Populaire de Turquie (THKO).
Les plus représentatives sont la
Voie Révolutionnaire (DEV-YOL), la Gauche Révolutionnaire (DEV-SOL) et
la Libération (KURTULUS). Depuis que ces trois mouvements étaient
organisés avant 1980, comme les plus influents et combatifs dans les
quartiers populaires, ils ont constitué le cible principal du
terrorisme d'Etat en Turquie.
Dans cette catégorie, on retrouve
d'autre groupes moins importants qui sont également inspirés du
militantisme des THKP/C et THKO.
Groupes de réflexion:
En plus des partis et des groupes
politiques, et depuis quelques années, un grand nombre de groupes de
réflexion de gauche ont développé des projets d'unification de tous les
socialistes au sein d'un parti politique unique. Ces groupes se
composent d'anciens dirigeants de parti et d'intellectuels socialistes.
Ils diffusent leurs projets par le biais de publications et de livres.
Les plus connus d'entre eux sont
ceux créés autour de l'ancien dirigeant du TIP, Mehmet Ali Aybar, du
professeur Sadun Aren, du professeur Yalcin Küçük, du syndicaliste
Sirri Öztürk, des éditeurs Murat Belge, Metin Culhaoglu et Ragip
Zarakolu, de l'ancien leader de la jeunesse Ertugrul Kürkçü.
Un certain nombre de groupes
Trotskistes se sont joints à leur réflexion.
Les organisations kurdes:
En plus des organisations de
gauche, un certain nombre de partis politiques kurdes d'obédience
marxiste se sont battus pour la reconnaissance des droits du peuple
kurde.
La plus puissante d'entre elles
est le Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) qui mène actuellement une
guerre de guérilla dans le Kurdistan turc.
Les autres organisations kurdes
sont les suivantes: le Parti Socialiste du Kurdistan turc (TSKP), Ala
Rizgari, Rizgari, le Parti ouvrier d'avant-garde du Kurdistan (KOIP),
la Libération nationale du Kurdistan (KUK), Kawa et le Parti
Démocratique du Kurdistan Turc (TKDP).
La légalité: à quel prix?:
Depuis près de deux ans, le parti
communiste unifié de Turquie (TBKP) mène une campagne en vue d'obtenir
un statut légal en Turquie.
S'inspirant de la Perestroïka et
de la Glasnost de Gorbatchev, le TBKP a renoncé à ses anciennes
positions idéologiques et politiques et se présente comme un "parti
national". Il ne s'oppose plus à la présence turque au sein de l'OTAN
et est favorable à son adhésion aux Communautés européennes. Le TBKP
cherche un dialogue avec les autre formations politiques du pays, même
avec l'ANAP, ce dans le cadre de l'amendement de la constitution de
1982. Dans ce but, deux de ses dirigeants, Nabi Yagci et Nihat Sargin,
sont retournés en Turquie en 1987, mais ils y ont été arrêtés dès leur
arrivée et leur procès est toujours en cours à la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Ankara.
Le 21 septembre dernier, un autre
groupe de dirigeants du TBKP sont également retournés en Turquie. Ils
ont été immédiatement arrêtés à l'aéroport. Il s'agit de Mehmet
Bozisik, âgé de 88 ans, Ahmet Kardam et Seref Yildiz. On s'attend à ce
qu'ils soient inclus dans le procès Yagci-Sargin.
Toujours dans le but de
convaincre le gouvernement turc de la sincérité de sa déclaration de
devenir un "parti national", le TBKP a récemment fait cesser les
émissions de ses deux radio clandestines: "la Voix du TBKP" et "Notre
Radio" qui émettaient depuis la RDA.
D'autre part, les leaders du TSIP
ont également décidé de rentrer en Turquie. Le premier d'entre eux,
l'écrivain Tektas Agaoglu a été arrêté dès son arrivée, le 19 septembre
dernier.
Quant aux autres groupes de
gauche, ils contestent la manière dont le TKBP use pour obtenir sa
"légalité" et reprochent aux leaders pro-soviétiques de faire des
concessions aux autorités turques aussi bien sur le plan idéologique
que politique. Ils refusent toute "légalité" à quelque prix que ce soit.
Au contraire, ils donnent la
priorité à la réunification de toutes les forces socialistes, TBKP y
compris, sur base d'un programme plus radical compatible avec les
réalités du pays. Selon eux, c'est seulement après la réalisation d'une
telle unité que le mouvement socialiste de Turquie obtiendra sa
légalité sans faire aucune concession aux dirigeants du régime actuel.
LE MALAISE SUBSISTE DANS LES PRISONS
Bien que la vague de grèves
de la faim des prisonniers politiques se soit terminée depuis le 19
août dernier, suite à un certain nombre de concessions des autorités
pénitentiaires, le malaise subsiste au sein des prisons.
Confronté à des protestations de
plus en plus violentes de la part des détenus, de leurs familles et des
groupes humanitaires, le ministre de la Justice a été obligé de
décréter l'amendement des règlements carcéraux, surtout ceux prévoyant
les mesures disciplinaires.
Le nouveau texte n'est rien
d'autre qu'"une version maquillée que ce qui existait déjà". Il
n'instaure aucun changement important dans les règlements et donc, ne
contribue pas à l'élévation des prisons turques au niveau des standards
prévus par les Nations Unies.
Le président de l'Association des
Droits de l'Homme d'Istanbul, Emil Galip Sandalci, a estimé que "tout
ceci est de la déception et de la fraude. Le gouvernement monte un
spectacle pour tromper l'Europe".
Le code pénitentiaire actuel date
de 1967. Il a été amendé par une lettre circulaire datée du 1er août
1988. Il contient plusieurs mesures disciplinaires dont l'application
abouti à la destruction de la personnalité des prisonniers.
Selon le nouveau texte, les
délits tels que se rendre dans la cour de la prison sans permission,
écrire sur les murs, parler fort la nuit, ne pas respecter le personnel
pénitencier, faire la grève de la faim pendant 48 heures, sont toujours
punissables.
Les détenus qui refusent de
parler, de manger, qui forment des groupes, signent des pétitions,
utilisent des codes secrets pour servir des causes idéologiques, qui
essayent de se suicider ou qui se blessent volontairement ne seront pas
autorisés à recevoir de visites durant une période allant jusqu'à trois
mois.
Les standards de l'ONU
prescrivent que tout détenu est libre d'avoir des contacts avec un
représentant de sa religion ou de refuser un tel contact. Le nouveau
code pénitentiaire prévoit que si le prisonnier refuse de suivre les
cours de religion, il sera puni. Si le détenu ne chante pas l'hymne
national turc, ou s'il entend chanter un air correspondant à ses
opinions politiques, il sera également puni.
L'une des règles les plus
contestées de la circulaire du 1er août était l'obligation qui est
faite aux détenus de porter l'uniforme carcéral. Selon le nouveau
projet, ceux qui refusent de le porter seront isolés pendant une
période allant jusqu'à 15 jours.
LE PARLEMENT EUROPEEN AU SUJET DES PRISONS TURQUES
Le 14 septembre 1989, le
Parlement européen a adopté, par 63 voix contre 32 et 94 abstentions,
une résolution condamnant les traitements inhumains dont sont victimes
les prisonniers politiques turcs. La résolution, prise sur proposition
du Groupe Vert dit en substance:
"Le Parlement européen,
"A. vivement ému par la mort des
deux prisonniers politiques Mehmet Yalçinkaya et Hüsnü Eroglu,
"B. indigné par le transfert
brutal de détenus qui faisaient la grève de la faim, transfert au cours
duquel les deux prisonniers précités sont morts de soif,
"C. considérant que la Turquie
souhaite adhérer à la Communauté,
"D. atterré par la mauvaise
volonté mise par le gouvernement turc à assurer le respect des
dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et des
pactes des Nations unies de 1966 relatifs aux droits de l'homme,
"E. scandalisé de ce que, bien
que la Turquie ait adhéré à la convention interdisant la torture, les
autorités de ce pays recourent néanmoins à ce moyen pour briser la
volonté des prisonniers politiques ou leur arracher des informations,
"F. considérant les relations
multiples qui existent entre les Etats membres de la Communauté et la
Turquie,
"1. condamne sévèrement le
traitement inhumain infligé aux prisonniers politiques et l'attitude du
gouvernement turc à l'égard des détenus qui font la grève de la faim;
"2. observe que le régime
alimentaire, fait de denrées avariées, qui est réservé aux prisonniers,
l'insuffisance totale des installations sanitaires mises à leur
disposition, l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de contacter
leur famille ou un avocat, et la mise en œuvre de troupes de choc en
vue de les intimider représentent autant de violations graves des
droits de l'homme;
"3. invite le gouvernement turc à
tenir les promesses qu'il a faites aux prisonniers politiques et qui
ont déterminé l'arrêt de la grève de la faim, et, indépendamment de
cela, à garantir l'application de conditions de détention humaines;
"4. invite le gouvernement turc à
interdire immédiatement le recours à la torture et aux mauvais
traitements envers les prisonniers politiques, et à demander des
comptes aux personnes qui portent la responsabilité de ces agissements,
à les traduire en justice et à les sanctionner;
"5. invite la commission
parlementaire mixte CEE-Turquie à évaluer les différentes formes d'aide
que la Communauté et les Etats membres accordent actuellement à la
Turquie;
"6. charge son Président de
transmettre le présente résolution à la Commission, au Conseil, aux
gouvernements des Etats membres, à la Turquie et aux Nations unies."
RAPPORT D'HELSINKI WATCH SUR LES PRISONS TURQUES
Dans son dernier rapport sur les
"conditions carcérales en Turquie" publié en août dernier, le Helsinki
Watch accuse le gouvernement turc de ne pas avoir aligné les prisons
turques sur les européennes.
Il estime que: "Sans tenir compte
des prisons européennes, les prisons turques sont encore très loin des
standards minima de décence prescrits par les Nations unies et par les
textes européens auxquelles la Turquie est partie".
Toujours selon le rapport,
l'aspect le plus troublant du système carcéral turc réside en les abus
dont sont victimes les prisonniers tels que "les mauvais traitements
systématiques et brutaux, les punissions excessivement sévères qui
portent sur des nécessités de base telles que la nourriture et les
soins médicaux, la discrimination entre les prisonniers politiques et
les nationalistes kurdes, les règlements inutilement pénibles."
Toujours selon Helsinki Watch,
"en décembre 1988, on comptait 51.897 prisonniers et détenus répartis
dans 644 prisons et ce, pour une population de 55 millions, soit,
approximativement 99 prisonniers par 100.000 habitants. Ce qui
représente la proportion la plus élevée en Europe de l'Ouest. La
plupart des prisons sont récentes et 64 sont en cours de construction.
Selon des observateurs, la construction de prison est l'une des
industries les plus florissantes en Turquie".
Le rapport aborde également la
question des cellules dans les postes de police: "Les détenus sont
parfois maintenus au secret pendant deux semaines ou même plus
longtemps et ce avant de connaître le chef d'accusation. L'aspect le
plus terrifiant des cellules provisoires turques est la torture brutale
qu'on y pratique".
RESTRICTIONS SUR LA PEINE CAPITALE?
Dans le cadre de son opération de
charme à destination de pays européens, le gouvernement turc a préparé
un nouveau projet de la loi prévoyant la réduction du nombre des crimes
punissables de la peine de mort. Cependant, la peine capitale punit
encore un certain nombre de crimes.
Le projet de loi prévoit que 13
des 29 articles du code qui prévoient la peine capitale vont être revus
et que celle-ci sera remplacée par la prison à perpétuité.
Selon les statistiques, 422
personnes ont été exécutées par pendaison durant les 52 dernières
années en Turquie. Les années 1980 et 1984 ont été les plus noires de
cette période. Sur un total de 50 personnes exécutées après le coup
d'Etat militaire de 1980, 28 étaient des prisonniers politiques.
MORT D'UN ANCIEN PRISONNIER POLITIQUE
Le 23 août dernier, Inkilap Dal,
est mort à Paris de la leucémie.
Il avait été arrêté au lendemain
du coup d'Etat militaire et a passé 5 ans dans diverses prisons.
Sa santé a commencé à se
détériorer lorsqu'il se trouvait à la prison d'Aydin où les docteurs
ont diagnostiqué une leucémie. Bien qu'il ait été relâché l'année
dernière, les autorités lui ont toujours refusé le passeport nécessaire
pour lui permettre de se faire soigner à l'étranger.
Finalement, le 11 août dernier,
il l'a obtenu suite à une campagne de solidarité, il s'est
immédiatement rendu à Paris pour y suivre un traitement, mais il était
trop tard.
Après sa mort, son corps a été
rapatrié en Turquie et incinéré à Akhisar.
DES CENTRES DE REHABILITATION
L'Association des Droits de
l'Homme de Turquie (IHD) a crée une fondation ayant pour but de réparer
les dommages physiques et moraux causés par la torture.
Cette fondation ouvrira des
centres de réhabilitation pour tous ceux qui ont été torturés.
Cette fondation ouvrira des
centres de réhabilitation pour tous ceux qui en ont été victimes de la
torture et qui en ont gardé des séquelles physiques. Elle s'occupera
également de recherches sur les droits de l'homme.
REVOLTE POPULAIRE CONTRE LA REPRESSION AU KURDISTAN
Pendant que les opérations de
ratissage de l'Armée contre la guérilla kurde dans l'Est se
développait, la répression arbitraire dont la population kurde est
victime a provoqué des mouvements de révolte populaire.
Le 19 septembre dernier, cinq
cents habitants du village de Derebasi dans le district de Silopi de la
province de Mardin ont manifesté à Silopi.
Ils ont dénoncé le fait que six
des neuf personnes abattues par les forces de sûreté le 17 septembre
n'appartenaient pas au Parti ouvrier du Kurdistan (PKK).
La foule a lancé des pierres en
direction du bureau du gouverneur du district en criant "maudit soit
l'Etat turc".
Durant la manifestation, un jeune
homme de 15 ans a été blessé à la main et des journalistes ont été
battus.
Quarante personnes ont été
arrêtées par les forces de sûreté alors que les habitants fermaient
leurs magasins et se réfugiaient dans leurs maisons.
Suite à une opération organisée
par les forces de sûreté le 17 septembre dernier aux environs de 2
heures du matin, le bureau du gouverneur régional a annoncé que 9
membres armés du PKK ont été tués.
En fait, lors d'un autre incident
ayant eu lieu le même jour, 3 membres du PKK avaient été abattus par
les forces de sûreté. Juste après, des paysans qui se rendaient de leur
village à Silopi ont été arrêtés par les forces de sûreté.
Un paysan du nom de Cemalettin
Beyan a déclaré: "En premier lieu, un lieutenant nous a dit qu'il ne
connaissait pas bien la région et nous a demandé d'aller avec lui et de
lui montrer où l'incident avait eu lieu. Il a pris quatre personnes
dont mon fils Sadun. A 30 mètres de nous, se trouvaient deux bergers,
Fevzi Beyan et Abbas Cigdem. Les soldats les ont aussi pris avec eux.
Après leur départ, nous avons entendu des coups de feu. Le premier
lieutenant est revenu et a dit 'nous avons neuf maintenant'".
Un peu avant, le gouverneur
régional, Hayri Kozakcioglu, chargé du maintien de l'ordre dans 11
provinces du sud-est, avait allégé que le PKK était appuyé par la
population locale: "Les terroristes ne portent pas d'uniformes. Depuis
des décennies, la population locale respecte une tradition de
protection de l'insurgé. Ils ne l'ont pas abandonnée".
Le gouvernement a expérimenté une
autre pratique répressive, celle de la déportation forcée de "suspects".
Au début du mois de septembre,
neuf personnes considérées comme "des éléments indésirables" ont été
notifiées de quitter leur maison dans les 48 heures. Toutes étaient
d'anciens dirigeants locaux du SHP.
Mais après que la population
locale et l'opposition aient réagi violemment à ces nouvelles mesures,
le ministère de l'Intérieur a dû demander aux gouverneurs de cesser les
déportations.
Une mission de trois députés SHP,
après avoir fait des visites d'inspection dans la région, a déclaré que
les citoyens étaient poussés à joindre le PKK par la pression que
l'Etat exercé sur eux et qu'il régnait une atmosphère d'occupation
militaire dans la région.
LA MONTEE DES OPERATIONS MILITAIRES
L'armée turque, ne tenant aucun
compte des avertissements qu'on lui prodigue, continue à mener des
opérations de commando dans le Kurdistan.
Le 23 août dernier, le chef de
l'Etat major, le Général Necip Torumtay, a publié un communiqué dans
lequel il déclare: "Ceux qui prennent les armes contre l'Etat et ceux
qui les appuient seront considérés comme des ennemis. La Turquie doit
utiliser des moyens militaires pour combattre un tel séparatisme".
D'autre part, le premier ministre
a, le 28 août dernier, menacé d'attaquer les bases séparatistes se
trouvant sur le territoire des Etat voisins qui fournissent un appui au
PKK.
"J'espère que nos amis et ennemis
comprendront clairement une chose: la Turquie est un pays pacifiste.
Nous souhaitons vivre en paix et en harmonie avec les pays qui nous
entourent. Mais si certains de nos voisins continuent à soutenir
certains mouvements en Turquie, alors que nous essayons d'établir des
relations amicales avec eux, nous ne l'oublierons. Notre patience a des
limites. Il est en notre pouvoir de détruire les bases (à partir
desquelles les séparatistes lancent leurs opérations) où ils sont
localisés".
Le 20 septembre, un sommet
officieux a eu lieu au quartier général des forces terrestres d'Ankara.
Il avait pour but d'étudier dans les détails les événements de Silopi.
Le sommet présidé par le général
Kenan Evren est arrivé à la conclusion que "les incidents du sud-est
mèneront graduellement à la guerre civile", et a décidé d'éteindre les
mesures répressives et d'intensifier les opérations de commando.
ARRESTATIONS ET PROCES EN AOUT
Le 3 août, 14 personnes ont été
mises en accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir
milité en faveur de Dev-Yol. Les détenus risquent un total de 331
années d'emprisonnement. Le même jour, à Istanbul, quatre membres
présumés de Dev-Sol ont été traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat
n°1 d'Istanbul.
Le 5 août, deux jeunes femmes,
Nadide Aslan et Havva Suiçmez, ont été mises en accusation à Istanbul
pour avoir milité dans des organisations politiques clandestines.
Le 7 août, le Secrétaire générale
du Parti Socialiste (SP), Yalçin Buyukdagli, ainsi que 40 autres
membres du parti ont été arrêtés alors qu'ils se rendaient à une
réunion locale du parti à Ankara. La Police a aussi détenus deux
journalistes qui couvraient l'événement: Guner Tokgoz de l'Hebdomadaire
2000e Dogru et Celal Fatih Dagistanli de l'agence de presse Anka.
Le 16 août, la police a annoncé
l'arrestation de 9 membres présumés de Dev-Yol à Adana.
Le 20 août, quatorze membres
présumés du Dev-Sol ont été arrêtés à Istanbul.
Le 26 août, le procès d'un membre
de Dev-Sol, Erol Yalcin, a commencé à la Cour de Sûreté de l'Etat n°2 à
Istanbul. Il risque une peine de prison allant jusqu'à 60 ans.
PRESSIONS SUR LES MASS MEDIA
Le 1er août, les membres du
groupe musical Baran ont été arrêtés à Istanbul pour avoir protesté
contre l'arrestation des membres d'un autre groupe musical, Yorum
(voir: Info-Türk, juillet-août 1989)
Le 2 août, un libraire, Mehmet
Orhan, a été arrêté à Tunceli pour avoir vendu des cartes postales
illustrant des poèmes de Nazim Hikmet.
Le 3 août, le gouverneur
d'Istanbul a interdit un concert du groupe Yeni Yorum. Ce groupe a été
créé suite à l'arrestation des membres du groupe Yorum.
Le 10 août, la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Istanbul a mis en accusation Sirri Ozturk, directeur de la
maison d'édition Sorun et le Professeur Tahsin Yilmaz pour avoir
traduit et publié un livre intitulé "Lénine et l'éducation".
Le 14 août, la police a arrêté le
Professeur Yalcin Küçük, rédacteur en chef du mensuel Toplumsal
Kurtulus et Ekber Kaypakkaya, éditeur de Yeni Demokrasi,
pour avoir publié des articles sur les grèves de la faim dans les
prisons.
Le 15 août, deux autres
journalistes du mensuel Toplumsal Kurtulus, Ahmet Ak et Aydin Isik, ont
été arrêtés pour avoir écrit des articles sur les grèves de la faim
dans les prisons.
Le 16 août, l'hebdomadaire
Adimlar a annoncé que 13 personnes ont été mises en état
d'arrestation pendant une semaine pour avoir visité les locaux du
magazine.
Le 16 août, deux journalistes du
mensuel Görüs, Cagatay Anadol et Erdal Sahin, ont été mises en
accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat n°2 d'Istanbul pour avoir
publié quelques articles sur la question kurde. Ils risquent chacun une
peine de prison allant jusqu'à 15 ans.
Le 16 août, deux journalistes du
quotidien Cumhuriyet, Halil Nebiler et Okay Gonensin, ont été
condamnés chacun à un mois de prison pour avoir dévoilé le rapport de
médecine légale sur Melih Calaylioglu, jeune étudiant de 15 ans qui a
été arrêté pour s'être livré à de la propagande communiste. Depuis leur
peine à été commuée en une amende de 140.666 LT.
Le 18 août, le numéro d'août du
mensuel Yeni Öncü a été saisi.
Le 21 août, le mensuel Yeni
Cözüm a annoncé que ses deux correspondants, Alparslan Dibek et
Bekir Atli ont été arrêtés à Samsun et ont été soumis à la torture.
Le 23 août, le procureur de la
République d'Istanbul a ouvert une procédure légale contre le célèbre
chanteur folklorique Rahmi Saltuk pour avoir produit une cassette sur
laquelle figurent deux chansons kurdes. De plus, il a été interrogé par
le procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul au sujet
d'incidents qui ont eu lieu lors d'un concert qu'il a donné à Istanbul.
Le 23 août, trois journalistes de
l'hebdomadaire 2000e Dogru, Dogu Perincek, Faik Bulut et Tunca
Arslan ont été jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat n°2 d'Istanbul
pour des articles traitant de la question kurde. Ils risquent chacun
une peine de prison allant jusqu'à 15 ans.
Le 25 août, l'éditeur responsable
de l'hebdomadaire du 2000e Dogru, Tunca Arslan, a été jugé par la
Cour de Sûreté de l'Etat n°1 d'Istanbul pour un autre article sur la
question kurde. Il risque une peine de prison allant jusqu'à 15 ans.
Le 26 août, l'Association des
droits de l'homme pour la Turquie (IHD) a annoncé que tous les
journalistes ont été soumis à des tortures que des électrochocs, alors
qu'ils étaient en détention. Elle a cité les noms de Ahmet Ak et Aydin
Isik de Toplumsal Kurtulus et d'Aydin Söylemez de Yeni
Demokrasi. Elle a ajouté qu'en raison de la terreur policière qui
règne à Ankara, de nombreuses revues socialistes ont transféré leur
bureaux à Istanbul.
Le 26 août, le numéro 10 du
mensuel Ozgürlük Dünyasi a été saisi sur ordre de la Cour de
Sûreté de l'Etat d'Istanbul.
Le 27 août, une exposition de
livres organisée à Istanbul par le Club du livre du quotidien
Cumhuriyet a été incendiée par deux activistes d'extrême-droite.
Le 27 août, le concert organisé
par l'IHD à Istanbul et intitulé: "maintenant et pas demain pour les
droits de l'homme", a été interdit par le Gouverneur de la province.
Le 29 août, Tunca Arslan de 2000e
Dogru a été mis en accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat n°2
d'Istanbul pour avoir fait une annonce concernant les droits de
l'homme. Il risque une peine de 15 ans de prison.
Le 29 août, deux journalistes du
mensuel Dünya Solu, Ahmet Zengin et Sevki Omeroglu ont été
détenus pendant 14 heures.
Le 30 août, l'équipe de rédaction
du mensuel Yeni Demokrasi a annoncé que 20 des 24 numéros de la
revue qui ont été publiés à ce jour, ont été confisqués par la police.
Elle accuse également la police d'avoir torturé les membres de la
rédaction qui ont été arrêtés.
Le 31 août, le dernier numéro des
magazines: 2OOOe Dogru, Cagdas Yol, Adimlar et Emek ont été
confisqués par la Cour de Sûreté de l'Etat.
LA PRESSE TURQUE FRAPPEE DES AMENDES
L'avocat du premier ministre Özal
a annoncé que ce dernier réclame 370 millions de LT (166.000 dollars)
en réparation des dommages qui lui ont été infligés par divers
publications et magazines.
Özal a ouvert cinq poursuites en
diffamation contre les journaux suivants: Hürriyet, Gazete, Sabah
et Bugün à Istanbul et Yeni Asir à Izmir.
D'autre part, l'édition turque du
magazine Playboy a annoncé le 18 août dernier, qu'il a été condamné
pour obscénité, en vertu de la loi sur les publications nuisibles aux
mineurs, à verser une amende totale de 263.768.696 LT (130.000 dollars)
lors de sept procès différents.
LE COUP D'ANKARA A LA COMMUNAUTE TURQUE DE BULGARIE
Comme le nombre de Turcs bulgares
augmentait jusqu'à 310.000, le gouvernement turc a fermé des frontières
aux immigrants le 22 août 1989 à 2 heures.
Les officiels de la sécurité turque ont mis en place
une zone tampon du côté turc de la frontière et ont évacué tous les
véhicules et les gens de cette zone. A ce moment là, il y avait environ
5.000 Turcs qui attendaient de l'autre côté de la frontière.
Quand le train pour Francfort de
3h25 entra en gare de Kapikule, il transportait 522 Turcs en provenance
de Bulgarie. Ils furent immédiatement transférés à bord d'un autre
train et à 6h10, le train repartait en direction de la Bulgarie. Alors,
les immigrants se penchèrent par les portes et fenêtres et refusèrent
de retourner en Bulgarie. Certains se jetèrent sur les rails devant le
train en déclarant de se suicider si on les forçait à retourner en
Bulgarie. Trois heures plus tard, les autorités de la frontière turque
ont obtenu la permission d'Ankara de laisser entrer ces immigrants en
Turquie.
Le ministre des Affaires
étrangères annonça plus tard que cette décision ne signifiait pas que
la Turquie avait fermé les frontières à la communauté turque de
Bulgarie. "La Turquie a simplement réintroduit l'obligation du visa
pour les Bulgares venant de Turquie. Maintenant, les consulats turcs en
Bulgarie donneront la priorité aux membres des familles séparées,"
déclara le porte-parole ministériel.
Cette décision a conduit à une
série d'attaques contre le gouvernement de la part de l'opposition et
de la presse. Erdal Inönü, leader du SHP, déclara que la politique du
gouvernement bulgare était un échec. Il précisa: "En juin, nous avons
déclaré que nous étions prêt à accepter tous ceux qui désiraient venir
en Turquie. A présent, nous modifions cette politique et imposons des
restrictions. Ceci est un revirement inacceptable. La décision causera
à présent d'autres tragédies".
En réponse, le Premier Ministre
Özal justifie sa décision dans les termes suivants:
"Si nous avions laissé nos
frontières ouvertes, 1,5 million de personnes seraient arrivées en
Turquie dans les quatre mois à venir. Même les pays les plus puissants
ne pourraient faire face à un tel afflux".
Selon le Turkish Dateline
du 9 septembre 1989, l'arrivée des Turcs de Bulgarie a déjà coûté 47
milliards de LT (21 millions de dollars) à la Turquie.
La presse turque rapporte que
beaucoup de ces immigrants ont été déçus par la Turquie. Ils éprouvent
d'énormes difficultés à trouver un travail et un logement. Leurs
modestes économies ont déjà été dépensées et ils se retrouvent dans une
misère totale. De plus, leurs enfants ont des problèmes scolaires. Pour
toutes ces raisons, près de 20.000 d'entre eux sont déjà retournés en
Bulgarie.
LE PARLEMENT EUROPEEN CRITIQUE LA BULGARIE
"Lors de sa session du 14
septembre dernier, le Parlement européen a adopté la résolution
suivante concernant la situation de la communauté turque en Bulgarie:
"Le Parlement européen,
"A. vivement préoccupé par les
informations relatives au traitement que La Bulgarie réserve a ses
ressortissants d'origine turque, les autorités bulgares ayant notamment
témoigné de leur intention de retirer à ces derniers les symboles de
leur origine ethnique, comme le droit de s'exprimer en turc, de porter
un nom turc, de fréquenter une école turque et de pratiquer leur
religion,
"B. considérant que les atteintes
aux droits fondamentaux de l'homme sont a l'origine d'actes de violence
et de manifestations qui ont cause des pertes humaines et ont conduit
plus de 300.000 réfugies a franchir la frontière avec la Turquie,
"C. notant avec indignation la
violation flagrante des principes fondamentaux des droits de l'homme
par les autorités bulgares, dans un manque total de respect des
dispositions du document de clôture de Vienne, ainsi que du document
intitule "Coopération en matière humanitaire et en d'autres domaines",
l'obligation de visa pour les citoyens bulgares a partir du 22 août
1989 alors qu'elle avait été supprimée depuis le 30 mai,
"1. rappelle aux autorités
bulgares les obligations découlant des traites et pactes internationaux
en vigueur et les engagements souscrits dans le cadre du processus de
la CSCE en ce qui concerne la protection des droits de l'homme et le
traitement des minorités ;
"2. rappelle le devoir de respect
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, respect consigné
dans la Charte des Nations unies ;
"3. réaffirme son désir de voir
tous les groupes minoritaires des différents pays disposer du droit de
parler leur langue, pratiquer leur religion et bénéficier des droits
culturels fondamentaux ;
"4. demande qu'il soit mis un
terme au traitement réservé à la minorité turque en Bulgarie ;
"5. attire l'attention de la
Commission sur le fait que la situation actuelle en Bulgarie en ce qui
concerne les droits fondamentaux de la minorité d'origine turque rend
plus difficile la poursuite des négociations en vue de la conclusion
d'un accord de commerce et de coopération économique avec ce pays ;
"6. attend du gouvernement
bulgare qu'il recherche d'urgence des solutions satisfaisantes 3 ce
problème dans un esprit constructif et ouvert au dialogue avec la
Turquie et que, dans ce cadre, il prenne en considération l'appel du
gouvernement turc a entamer des négociations pour conclure dans les
meilleurs délais un accord sur l'immigration abordant le problème dans
toutes ses dimensions ;
"7. rappelle l'initiative prise
le 24 août 1989 par, la Présidence française a propos du règlement du
problème des réfugies turcs ;
"8. charge son Président de
transmettre la présente résolution a la Commission, au Conseil, aux
ministres des Affaires étrangères réunis dans le cadre de la
coopération politique européenne, ainsi qu'aux gouvernements de la
Bulgarie et de la Turquie.
C'est principalement grâce aux
efforts du SHP que cette résolution a été adoptée.
Le 21 juin 1989, lors d'une
réunion de l'Internationale socialiste à Stockholm, Erdal Inönü, leader
du SHP, avait demandé l'appui des membres de l'Internationale
Socialiste pour la cause des Turcs de Bulgarie. Au même moment, il leur
distribuait deux pamphlets sur le sort des Turcs bulgares, réalisés par
le SHP.
Dans son communiqué final,
l'Internationale Socialiste fait allusion aux déportations des Turcs de
Bulgarie: "Malgré l'avance économique de la Bulgarie, la manière dont
la minorité turque y est traitée, est déplorable".
LA RESOLUTION DU CONSEIL DE L'EUROPE
D'autre part, un rapport présenté
à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 26 septembre 1989
établit la responsabilité de la Turquie dans l'émigration de plus de
300.000 Turcs de Bulgarie.
Ce rapport rédigé par Friedrich
Erich Probst déplore la politique d'assimilation forcée pratiquée par
le gouvernement bulgare, mais critique également le gouvernement turc
qui se livre à de la propagande au sein de la communauté turque de
Bulgarie.
L'Assemblée parlementaire, se
basant sur ce rapport, a adopté la résolution suivante:
"L'Assemblée,
"Lance un appel pressant au
Gouvernement bulgare qu'il:
"i. mette immédiatement un terme
à sa politique d'assimilation, afin de permettre aux membres de sa
minorité ethnique et musulmane de reprendre effectivement leurs noms
d'origine, s'ils le souhaitent, et de recourir sans restriction à
l'usage de la langue turque et à la pratique de la religion musulmane;
"ii. reconnaisse à sa minorité
ethnique et musulmane les droits d'une minorité dans l'esprit du
document de clôture adopté par la Conférence de la CSCE à Vienne en
janvier 1989;
"Lance également un appel
pressant aux autorités turques pour que:
"i. comme geste de bonne volonté,
elles évitent d'inclure tout élément de propagande dans les
informations qu'elles transmettent à la minorité ethnique et musulmane
de Bulgarie;
"ii. elles prennent les mesures
nécessaires pour permettre aux familles divisées de se réunir selon les
modalités qu'elles souhaitent;
"Demande aux Etats membres du
Conseil de l'Europe de promouvoir l'ouverture de négociations entre la
Bulgarie et la Turquie en vue du relâchement de la tension entre ces
deux pays, qui peut conduire à des conséquences politiques et
économiques dangereuses pour l'ensemble du continent."