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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


167

14e année - N°167
Septembre  1990
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 
DEUX EDITEURS D'INFO-TÜRK CONDAMNES
PAR LE CONSEIL D'ETAT A RESTER APATRIDES

ÖZAL S'EN VA T'EN GUERRE

        Sous la pression de Washington, le Président Turgut Özal a franchi le seuil de guerre en forçant le Parti de la Mère-Patrie (ANAP), majoritaire à l'Assemblée Nationale, à accorder au gouvernement le pouvoir d'envoyer un nombre indéterminé de troupes turques dans la zone du Golfe et de permettre aux troupes américaines de se déployer en Turquie.
        Or, le 12 août, la même Assemblée Nationale n'avait accordé au gouvernement qu'un pouvoir restreint à utiliser les Forces Armées seulement en cas d'une agression étrangère.
        Juste trois semaines après cette décision, Özal a réuni le gouvernement dans sa résidence, Cankaya, le 3 septembre, et a persuadé tous les ministres de déposer devant le Parlement un projet de loi pour attribuer au gouvernement le pouvoir d'envoyer des troupes à l'étranger même s'il n'y a pas une agression étrangère. Et le 5 septembre, seule la majorité ANAP au sein de l'Assemblée Nationale a voté le projet de loi. Le vote a eu lieu à huis clos. Le projet a été soutenu par 246 députés contre 136.
        Selon les rumeurs rapportées par le journal anglais Dateline du 8 septembre, Özal avait dix feuilles de papier contresignées en blanc par les ministres pour être utilisées plus tard comme décrets gouvernementaux. "Personne n'a le moindre doute que ce soit Özal qui remplira ces feuilles déjà signées lorsqu'il l'estimera nécessaire, sans consulter le gouvernement," dit le journal.
        Il semble qu'Özal utilisera le pouvoir d'envoyer des troupes dans la région du Golfe ou d'autoriser les troupes américaines à se déployer en Turquie après ses entretiens avec le président Bush les 24-26 septembre.
        En échange, on s'attend à ce qu'Özal négocie avec Bush une aide financière d'exception et qu'il demande aux Etats-Unis d'inciter les Etats européens à accorder une contribution pareille à la Turquie. La suppression des quotas américains des exportations turques et l'adhésion turque aux Communautés européennes seront également débattues par les deux présidents.
        La situation foisonne de dangers pour la Turquie, selon les critiques d'Özal. Ils accusent Özal d'abuser de son pouvoir en prenant des décisions dont les raisons sont connues de lui-seul mais qui affectent l'ensemble du pays.
        Le leader du Parti Populaire Social Démocrate (SHP), Erdal Inönü, a déclaré que l'administration commettait un délit en ne respectant pas le principe de "Paix chez soi, paix dans le monde", établi par Kemal Atatürk, le fondateur de la République. "Les pouvoirs obtenus équivalaient à engager la Turquie dans la guerre et à transformer l'image de la Turquie en celle d'un Etat expansionniste."
        Süleyman Demirel, l'ancien premier ministre et leader du Parti de la Juste Voie (DYP), s'est même servi d'un langage plus sévère et a déclaré que toute l'affaire était un "scénario de trahison".
        D'ailleurs, le SHP a décidé d'introduire un recours devant la Cour constitutionnelle pour annuler les pouvoirs donnés au gouvernement qu'il considère inconstitutionnels.
        En plus de l'opposition parlementaire, toutes les organisations démocratiques de Turquie s'opposent à la politique du gouvernement dans le Golfe et elles tiennent des rassemblements pour protester contre la décision de l'Assemblée Nationale.
        Selon un sondage de l'opinion publique effectué par le journal Hürriyet et le Groupe Kamar, plus de 61% des citoyens ne désirent pas voir la Turquie en guerre.

UNE GRÈVE SUSPENDUE DANS DES BASES US

        A mesure que les troubles sociaux s'amplifient à travers le pays, la crise du Golf est devenue pour le gouvernement et les employeurs un prétexte pour suspendre de nombreux grèves.
        Pendant les six premiers mois de cette année, 177 grèves ont été menées par 36.239 travailleurs. Dans la même période, 26 employeurs ont procédé à un lock-out contre 15.109 travailleurs. Le nombre de personnes encore en grève dans le pays en août était de 10.406 et 4.000 autres travailleurs ont annoncé qu'ils se mettraient en grève. De plus, 7.000 autres travailleurs dont les négociations collectives ont échoué, se préparaient à un arrêt du travail.
        Le gouvernement, prétextant la crise du Golfe, a suspendu le 11 août une grève menée par 4.200 employés civils dans les installations militaires américaines. La grève était jugée comme une menace à l'égard de l'intérêt national.
        Le Syndicat des Travailleurs de l'Industrie de Guerre (HARB-IS) a annoncé que les employeurs américains réduisaient le nombre du personnel turc et employaient illégalement du personnel américain. 347 employés turcs ont été renvoyés des bases l'année dernière et il y avait plus de 400 Américains y travaillant illégalement.
        Le gouvernement a suspendu sous le même prétexte une autre grève menée dans les industries du caoutchouc.

LA CATASTROPHE DE LA MECQUE SUSCITE LA COLÈRE

        Bien que l'administration Özal se soit engagée dans la défense de l'Arabie Saoudite, l'opinion publique n'a pas de sympathie à l'égard de ce pays qui a toujours été l'instigateur et le supporter principal de l'intégrisme islamique en Turquie.
        Même parmi les croyants, la tragédie de la Mecque où sont morts le 2 juillet, plus de 1.400 pèlerins, près de 600 d'entre eux étant Turcs, a abouti à une réaction virulente.
        Une pétition signée par 56 députés du Parti de la Juste Voie (DYP) a demandé une séance extraordinaire de l'Assemblée Nationale pour débattre de la mort des pèlerins turcs. Ce mouvement a été rejoint plus tard par les 73 députés de l'opposition principale, le Parti Populaire Social Démocrate (SHP).
        Le gouvernement est également accusé de ne pas avoir exercé une pression sur l'Arabie Saoudite afin de payer une indemnité. Le Premier Ministre Akbulut a déclaré: "Ceci peut être débattu plus tard. Notre chagrin est grand. Je ne pense pas que l'argent puisse soulager notre douleur."
        Le Roi Fahd d'Arabie Saoudite a déclaré que les événements de la Mecque étaient la "volonté de Dieu". Un journal saoudien, Al Nadwa, a affirmé que ces Etats islamiques qui réclament une enquête sur l'incident ne croient pas en la volonté de Dieu.
        Les deux partis d'opposition ont accusé le gouvernement d'essayer d'absoudre l'Arabie Saoudite de la responsabilité des décès.
        Le leader du SHP Erdal Inönü, a également accusé le gouvernement d'avoir autorisé 10 gouverneurs turcs et le chef de la police d'Istanbul à organiser le pèlerinage à l'invitation du "Rabitat-ul-Alem-ul Islam" (Ligue islamique mondiale), une organisation saoudienne qui promeut la version saoudienne de l'Islam à travers le monde (Voir: Info-Türk, Intégrisme islamique et l'immigration, 1988).

Une nouvelle preuve de la poursuite du régime militaire en Turquie

DEUX EDITEURS D'INFO-TÜRK CONDAMNES
PAR LE CONSEIL D'ETAT A RESTER APATRIDES

    Le Conseil d'Etat turc, suite à un examen de deux ans, a rejeté un recours de deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, à l'encontre de la décision du gouvernement militaire de les priver de leur nationalité.
    La décision condamnant ainsi les deux journalistes à rester apatrides a été prise par trois voix contre deux.
    Özgüden et Tugsavul avaient été déchus de leur nationalité turque en 1983 et ce en raison de l'action qu'ils mènent à l'étranger en faveur des droits de l'homme.
     Bien qu'à l'époque cette décision ait été rapportée par les journaux turcs, elle n'avait pas été notifiée de manière officielle.
    En 1988, los d'une conférence de presse qui s'est tenue à Bruxelles, Özgüden et Tugsavul ont posé au premier ministre Turgut Özal quelques questions concernant la situation des droits de l'homme en Turquie.
    Quelques mois plus tard, en mai 1988, en guise de représailles, le gouvernement turc leur a notifié par l'intermédiaire de son Consulat général à Bruxelles sa décision de les priver de leur nationalité. Suite à cette notification tardive, Özgüden et Tugsavul ont fait appel devant le Conseil d'Etat pour qu'il annule cette décision.
    En réponse à cet appel, le gouvernement turc a affirmé que les éditeurs d'Info-Türk doivent rester "apatrides" car ils se livrent, dans les publications qu'ils éditent à l'étranger, à la propagande communiste et séparatiste ainsi qu'à la calomnie à l'encontre des autorités et des chefs de l'Armée.
    Toujours dans sa réponse, le gouvernement turc a rapporté que des poursuites légales contre les deux journalistes s'étaient ouvertes en Turquie en vertu de plusieurs articles du Code pénal turc: Art 140 (diffusion d'informations fausses ou exagérées dans le but de nuire à la réputation de la Turquie à l'étranger), Art 142 (se livrer à de la propagande communiste et séparatiste-), Art 156 (calomnier les autorités gouvernementales et les chefs de l'Armée).
    En vertu de ces articles, Özgüden et Tugsavul sont passibles chacun de peines de prison de pas moins de 30 ans.
    Le Conseil d'Etat turc n'a rejeté l'appel des deux journalistes qu'en se référant à un décret de la junte militaire, du 28 octobre 1980, relatif à "l'ordre constitutionnel" qui stipule qu'aucun recours ne peut se faire à l'encontre des lois ou décrets promulgués par la junte militaire ou bien par son gouvernement militaire.
    Or ce décret a été levé le 7 décembre 1983 suite à l'inauguration de l'Assemblé nationale et n'est plus en vigueur depuis lors.
    La décision du Conseil d'Etat démontre une fois de plus que la Turquie, malgré toute prétention de devenir une démocratie européenne, subit toujours, avec toutes ses institutions, parlementaire, gouvernementale et judiciaire, un régime arbitraire instauré par les militaires.
    A l'heure actuelle, plus de 200 contestataires turcs à l'étranger privés de leur nationalité ne sont pas autorisés à se rendre dans leur pays, alors que les dirigeants d'un parti communiste pro-soviétique qui n'ont jamais été déchus de leur nationalité, sont déjà retournés à la Turquie et qu'on leur permet de  participer à la vie politique.
    Par ailleurs, plus de 14 mille citoyens turcs sont également privés de leur nationalité pour avoir refusé d'effectuer le service militaire obligatoire dans l'Armée turque.

LES DROITS DE L'HOMME SUSPENDUS AU KURDISTAN TURC

        Bien qu'Özal exige que la Turquie soutienne l'opération militaire américaine au Moyen-Orient dans le souci de sauvegarder le droit international et les droits de l'homme dans la région, une des premières démarches décidées par le gouvernement, après avoir pris une position belliqueuse, a été de suspendre l'application de la Convention européenne des Droits de l'Homme dans le Kurdistan turc.
        Cette décision a d'abord été divulguée par le quotidien français Libération et confirmée ensuite par les autorités turques le 20 septembre. Cette décision se base sur l'article 15 de la Convention: "En cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute partie contractante peut prendre les mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l'exige."
        Cependant, le même article stipule: "La disposition précédente n'autorise aucune dérogation à l'article 2, sauf pour le cas de décès résultant d'actes licites de guerre et aux articles 3, 4 (paragraphe 1er) et 7."
        L'article 2 prévoit que: "Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi."
        L'article 3: "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."
        L'article 4, paragraphe 1er: "Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude."
        L'article 7: "Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international".
        Or, le gouvernement turc n'a jamais respecté ces articles, non seulement après la suspension de la Convention au Kurdistan turc, mais déjà avant. Les décrets d'état d'urgence, qui confèrent des pouvoirs extraordinaires au Ministre de l'Intérieur et au Gouverneur régional (Voir: Info-Türk, avril 1990 et après) n'étaient pas du tout compatibles avec la Convention européenne ni avec la constitution turque.
        L'Association des Droits de l'Homme (IHD) a annoncé que des militaires avaient passé par les armes sept personnes, le 8 août, dans le district de Yüksekova dans la province de Hakkari. Les autorités militaires ont annoncé à cette date-là que sept militants du PKK avaient péri lors d'une confrontation avec les forces de sécurité.
        Le IHD, déniant cette déclaration officielle, a affirmé que les sept victimes n'étaient pas des militants du PKK, mais de simple trafiquants. Après avoir été arrêtés, on leur a passé les menottes, on les a emmenés au quartier général du Bataillon Mobile de la Gendarmerie et ils ont été fusillés. Ensuite, les corps ont été enterrés dans une fosse commune creusée par un bulldozer municipal. Les parents des victimes ont demandé les cadavres pour établir la cause réelle du décès mais les autorités militaires ont refusé d'ouvrir la tombe. Le IHD a accusé les forces de sécurité d'exécuter tout suspect sans jugement.
        Le 15 août à Dogu Beyazit, tous les commerçants locaux ont descendu leurs volets pour manifester leur sympathie à la Guérilla kurde qui célébrait le 6ème anniversaire du début de ses actions armées. En représailles, un grand nombre de militaires ont été envoyés dans la ville et ont ouvert le feu sur les habitants.
        Le 20 août, l'enterrement d'un partisan kurde, tué par les forces de sécurité, s'est transformé en manifestation en faveur du mouvement de guérilla kurde. Les manifestants qui scandaient des slogans contre le gouvernement devant le bureau du gouverneur régional ont été dispersés par la force par des troupes de soldats. 32 personnes ont été arrêtées.
        Le 5 septembre, trois Kurdes ont été tués par les forces de sécurité dans la ville de Nusaybin. Les autorités locales ont refusé de remettre les corps des victimes à leurs parents. En signes de protestation, les commerçants locaux ont fermé leurs volets et ont organisé une manifestation anti-gouvernementale. Des forces de sécurité ont fondu sur les manifestants et ont arrêté plus de 80 personnes.
        L'hebdomadaire Yüzyil a rapporté le 27 août que de nombreux villages et hameaux kurdes de la province de Sirnak avaient été brûlés par des militaires. Les noms de ces villages et hameaux sont: Avyan, Govasmu, Tenge, Bacirit, Cekceko, Diryan, Girek, Cebrowil et Torkiz.
        D'autre part, depuis le début d'août jusqu'au 12 septembre, les forces de sécurité ont tué 42 militants kurdes lors de confrontations ou attaques armées à Siirt, Sirnak, Yüksekova, Tunceli, Agri, Dogu, Beyazit, Savur, Bingol, Kahramanmaras, Gaziantep et Mardin.

DÉFAITE ÉLECTORALE DE L'OPPOSITION PARLEMENTAIRE

        Les résultats de l'élection locale qui s'est tenue le 18 août dans une ville et 13 municipalités nouvellement formées ont plongé deux partis de l'opposition représentés au Parlement dans une grande confusion.
        Le Parti Populiste Social Démocrate (SHP) n'a récolté que 11% et le Parti de la Juste Voie (DYP) 9,6% des suffrages dans le 14 circonscriptions électorales.
        Le Parti de la Mère Patrie (ANAP) au pouvoir actuellement s'est assuré une légère victoire dans 11 des 14 circonscriptions, en recueillant 24% des voix, trois points de plus qu'aux élections municipales de 1989.
        La grande surprise de cette élection a été le progrès considérable enregistré par trois partis d'opposition qui ne sont pas représentés à l'Assemblée Nationale à cause du barrage des 10% des voix aux élections législatives.
        Le Parti Démocratique de la Gauche (DSP) de l'ancien premier ministre Bülent Ecevit a remporté la victoire dans le district d'Istanbul, Bayrampasa,  son candidat Necdet Özkan devenant maire . L'approbation effective au DSP, confirmée par ses 33% des voix aux élections, l'a élevé à la première place.
        Le Parti du Bien-être (RP), islamiste, de l'ancien vice-premier ministre Necmettin Erbakan s'est classé troisième avec 18% des voix.
        Le Parti Nationaliste du Travail (MCP), extrême-droite, de l'ancien colonel Alparslan Türkes et de ses "Loups Gris" a obtenu un gain important à la municipalité d'Etimesgut à Ankara. Son candidat a raté la mairie à 0,1% des voix. Le candidat de l'ANAP, Ramazan Tosun a été élu maire d'Etimesgut à 22% des voix.
        Au sein du SHP, le secrétaire général Deniz Baykal et son équipe ont dû, suite à ces résultats, se démettre de leurs postes et le Président Erdal Inönü a réclamé un congrès extraordinaire du parti le 29 septembre afin d'en élire les nouveaux organes administratifs. Avant le congrès, Inönü et Baykal se sont engagés dans un duel politique pour s'évincer mutuellement de la direction du parti.
        Quant au DYP, plusieurs figures éminentes du parti projettent de demander au Président Süleyman Demirel de démissionner.

CENSURE DE BARREAUX TURCS

        L'ouverture de l'année judiciaire le 6 septembre a été marquée par une querelle publique entre la Cour suprême et les organisations d'avocats.
        L'Union des Barreaux Turcs (TBB), pour la première fois dans l'histoire de la République, a organisé une cérémonie indépendante de celle de la Cour Suprême. Cette cérémonie "alternative" a été suivie par près de 2.000 avocats.
        Les barreaux de Turquie avaient déjà annoncé le 16 juin qu'ils boycotteraient la cérémonie du 6 septembre à la Cour Suprême en raison de la censure du discours que devait prononcer le président du TBB, Önder Sav.
        La querelle entre le Président de la Cour de Cassation Ismet Ocakcioglu et les barreaux a débuté lorsque Ocakcioglu a demandé à Sav de soumettre le texte de son discours avant la cérémonie. Sav a refusé, en soulevant qu'il s'agissait d'une tentative de censure. Ocakcioglu répondit que si Sav ne soumettait pas le texte de son discours, il ne serait pas autorisé à prendre la parole lors de la cérémonie. Sur ce, présidents et représentants de 43 barreaux se sont rencontrés à Ankara et ont décidé de tenir une cérémonie d'ouverture séparée pour souligner l'indépendance de la juridiction.
        Le principal leader de l'opposition Erdal Inönü (SHP) a quitté la cérémonie en signe de protestation contre certaines passages de l'allocution du président de la Cour: "Il y a des milieux qui désiraient utiliser la discussion entre la Cour Suprême et les Barreaux à des fins politiques. Certains politiciens alimentent la discussion. Il n'y a pas de place ici pour des discours qui visent à transformer cette cérémonie en une plate-forme pour débats politiques."
        Après avoir quitté la cérémonie, Inönü a déclaré: "Une telle attitude n'est pas digne d'un président de cour suprême. Le principal parti d'opposition s'est engagé à assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire."
        Dans une autre démarche pour intimider les avocats, le 18 juillet, le procureur de la République, sur ordre du Ministère de la Justice, a entamé une procédure légale pour exiger la démission de dirigeants du Barreau d'Istanbul.
        Cet acte d'intimidation a été sévèrement condamné par le TBB. US Helsinki Watch, dans un message envoyé à la Turquie le 19 juillet, a également condamné cette action contre le Barreau d'Istanbul.

NOUVELLES PRESSIONS SUR LES AVOCATS

        Une nouvelle directive du Ministère de la Justice, datée du 13 juin 1990, apporte de nouvelles restrictions aux visites des avocats à leurs clients en prison et interdit de tels contacts dans certains cas. L'avocat Meryem Erdal a introduit une action, le 24 août, devant le Conseil d'Etat pour obtenir l'annulation de cette directive qui considère à priori tous les avocats comme "suspects".
        Le même jour, un avocat, Hasan Hüseyin Reyhan, a subi l'application de cette nouvelle directive. Lorsqu'il s'est rendu au siège de la police à Iskenderun afin d'obtenir des informations concernant la détention de son client, le chanteur folk Gülhan Tabak, les agents de police ont refusé de lui communiquer les informations et, lorsqu'il a insisté, ils l'ont torturé.
        Après sa remise en liberté, Reyhan a obtenu une attestation médicale certifiant d'une incapacité de travail de trois jours, conséquence de la torture.
        Le 7 septembre, trois avocats qui voulaient entrer dans la prison de Bayrampasa pour voir leurs clients en ont été empêchés par les gardiens. Pendant la discussion, trois avocats, Fethiye Peksen, Ulutan Gün et Bedri Yarayici ont été harcelés par des gardiens et forcés de quitter la prison.
        En réalité, l'agitation parmi les prisonniers politiques de la prison de Bayrampasa ne cesse de croître. Le 6 septembre, un détenu politique, Ali Osman Köse, pendant son procès devant la Cour de la Sûreté d'Etat d'Istanbul, a tenté de faire une déclaration sur certains incidents à la prison de Bayrampasa. La demande a été rejetée par le président. Lorsque le détenu a persisté dans sa demande, le juge a ordonné aux gardiens de l'expulser de la salle d'audience, en disant: "Jetez ce vagabond dehors!" Lorsque des journalistes ont essayé de photographier l'incident, le juge les a insultés de même manière.
        Le 10 septembre, la presse a rapporté que des parents de prisonniers ont saisi le Bureau du Procureur de la République d'une plainte selon laquelle le nombre de leurs visites en prison a été réduit d'une fois par semaine à une fois tous les quinze jours. En outre, la durée de la visite a été limitée à 15 minutes. Ils ont aussi entrepris quelques manifestations de protestation devant la prison et ont bloqué l'entrée principale. Des soldats ont dispersé tous les manifestants en usant de la force.

DEUX NOUVEAUX RAPPORTS D'AI SUR LA TURQUIE

        Amnesty International a de nouveau critiqué les autorités turques dans deux rapports successifs publié au début de juillet.
        AI fait observer dans le rapport intitulé "Turquie: De plus amples informations sur les violations persistants des droits de l'homme" qu'aucun progrès n'a été fait afin de promulguer les propositions d'Amnesty International pour amender la Constitution de 1982, le code pénal et le code de procédure criminelle en ce qui concerne la durée de la détention, la visite des avocats aux détenus, l'abrogation de la peine de mort, la suppression des articles selon lesquels des prisonniers de conscience sont condamnés.
        Ce qui suit constitue les commentaires des rapports sur la torture et les mauvais traitements en Turquie:
        "Depuis la publication du Rapport de mai, AI a continué à recevoir un grand nombre de témoignages établissant à suffisance l'existence de la torture. Le nombre de personnes qui pendant deux mois seulement ont été signalées à l'organisation comme ayant souffert de la torture et de mauvais traitements sous la surveillance de la police dépasse les 100. Toute information dont dispose AI indique que la torture est encore largement répandue et systématique en Turquie, malgré le fait que ce pays ait ratifié la Convention Européenne pour la Prévention de la torture le 25 février 1988 et la Convention des Nations-Unies contre la torture le 2 août 1988.
        "D'autres rapports de torture sévère et de mauvais traitements sont venus du sud-est de la Turquie où la majorité de la population est d'origine kurde. Dix provinces dans cette région sont en état d'urgence avec pour conséquence que la durée maximale de la détention au secret est ici deux fois plus longue que dans le reste du pays.
        "Des rapports de torture et de mauvais traitements en Turquie font aussi état de décès de détenus suite à la torture. Deux de ces rapports ont été reçus en mai et juin 1990. Ali Akcan est mort en mai sous la surveillance de la police à Antalya. Le 4 juin, Serdar Cekil Abbasoglu, âgé de 23 ans, a été retrouvé mort dans la prison d'Ankara."
        Dans l'autre rapport intitulé "Kurdes irakiens: Au risque d'un rapatriement forcé de la Turquie et les violations des droits de l'homme en Irak", Amnesty déclare "qu'en l'absence de protection légale, les réfugiés kurdes irakiens risquent d'être rapatriés ou extradés par la force de la Turquie vers l'Irak où ils risqueraient la 'disparition', la torture ou l'exécution."
        Plus de 55.000 Kurdes ont fui vers la Turquie en août et septembre 1988 pour échapper aux attaques irakiennes mais ils n'ont reçu des Turcs qu'à un abri temporaire, affirme-t-elle.

HELSINKI WATCH PROTESTE

        Dans une lettre à l'Ambassade turque à Washington, en juillet dernier, Helsinki Watch a protesté contre la décision de la Turquie de ne pas autoriser ses membres à enquêter sur les conditions d'emprisonnement dans ce pays.
        Le professeur Herman Schwartz, auteur du rapport d'Helsinki Watch sur les conditions d'emprisonnement en Turquie publié en août 1989, avait demandé au gouvernement turc via l'ambassade de reconsidérer sa décision.
        Le gouvernement turc avait refusé la permission à Schwartz et aux membres de son groupe de visiter une prison turque en 1989. Pourtant, après leur départ de Turquie, le gouvernement turc avait annoncé qu'ils pouvaient visiter la prison de Bursa.
        Helsinki Watch a renouvelé cette année sa requête pour entreprendre un programme étendu de visites des prisons en Turquie. Cette requête a de nouveau été rejetée par le gouvernement turc. Il a accordé à cette mission d'enquête l'autorisation de visiter une seule prison, celle de Bursa.
        Helsinki Watch a déclaré que son rapport l'année dernière sur les prisons a été critiqué par le gouvernement turc comme étant "profondément inexact" et "déséquilibré" puisque "la mission n'avait visité qu'une seule prison turque".
        Dans sa lettre à l'Ambassade turque de Washington, Schwartz déclarait qu'une investigation "équilibrée" du système carcéral ne peut être réalisée sur base d'étude d'une seule prison. Schwartz souligne dans le compte-rendu d'Helsinki Watch que d'autres pays, y compris la Pologne, la Tchécoslovaquie, le Brésil, Cuba et le Mexique, avaient bien accueilli les visites d'Helsinki Watch dans leurs prisons.

ALLÉGATIONS RÉCENTES DE TORTURE

        Le 1er août, la Faculté de Médecine de l'Université d'Ankara a publié un compte-rendu médical attestant que la vie du détenu politique Sedat Karaagac serait en danger s'il n'était pas immédiatement libéré. Karaagac est atteint d'un cancer de la peau.
        Le 6 août, le président local du Parti du Bien-être (RP) de Karaman, Nazim Boynukalin, révélait avoir été détenu alors qu'il se rendait dans un bureau de police pour visiter son frère qui était en état d'arrestation. Il a confirmé que la police l'a torturé dans sa cellule.
        Le même jour, l'Association pour la Solidarité avec les Familles des Prisonniers (TAYAD) a annoncé que 15 personnes ont été détenues alors qu'elles se rendaient à un pique-nique à Istanbul et ont ensuite été torturées au centre de police de Bakirköy.
        Le 8 août, à Izmit, un étudiant universitaire, Cemil Demiröz, et un travailleur, Cem Tat, ont déclaré avoir été torturés pendant 21 heures au centre de police après leur arrestation à la foire de Kocaeli alors qu'ils visitaient le stand de la revue Mücadele.
        Le 20 août, un ancien détenu politique, Feremez Aydin est mort suite aux tortures endurées au quartier général de la police de la ville d'Antalya. Selon ses docteurs, la torture a provoqué une cirrhose du foie pour laquelle il n'a jamais reçu de traitement médical. Un tribunal avait cependant prononcé sa remise en liberté six mois auparavant mais il était déjà trop tard.
        Le lendemain, deux femmes arrêtées lors d'une manifestations anti-USA à Ankara, Songül Özyurt et Hülya Özdemir, ont affirmé, après leur remise en liberté, avoir subi des tortures pendant deux jours au commissariat général. Leurs affirmations ont été confirmées par certificat médical.
        Le 27 août, la TAYAD annonça qu'un détenu politique, Dogan Yildirim qui avait été arrêté 10 jours auparavant, avait été torturé au commissariat et avait entamé une grève de la faim en signe de protestation.

TERREUR POLICIÈRE DANS LES BAS QUARTIERS

        Des personnes vivant dans des bidonvilles de Kücükarmutlu à Istanbul ont eu, le 23 juillet, une confrontation de 11 heures avec la police. Une personne est décédée et au moins 30 personnes ont été blessées. La police a arrêté 27 habitants.
        L'incident a débuté lorsque les forces de police au nombre de 150 ont perquisitionnée dans les maisons de Kücükarmutlu au cours de la nuit. La police a déclaré que ces perquisitions faisaient suite à des dénonciations selon lesquelles des militants armés d'extrême-gauche rôdaient dans les alentours.
        Alors que la police passait les maisons au peigne fin et montait vers le sommet de la colline du côté européen du Bosphore, un groupe d'habitants ont entamé une marche de protestation, pensant que la police était venue avec des équipes municipales de démolition et qu'elle était sur le point d'abattre leurs maisons.
        Dans le passé, il y avait eu de fréquentes confrontations entre les forces de sécurité et les habitants des bidonvilles d'Istanbul lorsque des travailleurs municipaux étaient arrivés pour démolir leurs maisons de fortune construites sans permis de bâtir et habituellement sur un terrain appartenant à l'Etat.
        Cette fois-ci, face à la résistance de la population, la police a dû se retirer des lieux; 27 personnes ont été arrêtés. Hüseyin Iseri, 41 ans, a été tué par balles. Il avait été atteint au cou et au dos.
        Lors des affrontements, 17 policiers ont été blessés, trois d'entre eux sérieusement, par des pierres lancées par les manifestants. Les habitants de Kücükarmutlu se plaignent d'un "bas-monde sordide" qui s'enrichit sur le dos des personnes qui vivent dans les taudis en permettant de construire leurs maisons sur des parcelles de terrain que des racketteurs contrôlent illégalement.
        "Nous avons déposé une pétition signée par 287 personnes vivant ici, dénonçant que ces personnes nous exploitent. Nous avons demandé de l'aide. Mais au lieu de cela, la police a fait une descente dans nos maisons. En réalité, certains agents de police collaborent avec ces racketteurs", ont-ils affirmé.
        Récemment, le 11 septembre, des troupes de la gendarmerie ont procédé à une opération de ratissage dans les bidonvilles de Kartal à Istanbul. 27 personnes ont été arrêtées.

TERRORISME D'ETAT EN DEUX MOIS

        1.8, sept personnes ont été arrêtées à Istanbul par la Cour de Sûreté de l'Etat pour avoir manifesté pendant le procès de 20 militants islamiques le 25 juillet 1990.
        2.8, la police a annoncé l'arrestation de 20 personnes dans la ville de Batman et 17 protecteurs de village dans la ville de Pervari pour des activités anti-gouvernementales. Parmi les détenus de Batman se trouvent aussi certains membres de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD).
        3.8, un médecin du Centre de Santé n°2 de Siirt, le Dr Ahmet Soysal, a été assigné dans une autre ville d'Anatolie centrale par le gouverneur régional en application des nouvelles mesures d'urgence.
        3.8, deux avocats en état d'arrestation, Hasan Sahin et Gürbüz Ozaltinli ont été traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara. Le procureur de la République a requis pour chacun une peine d'emprisonnement de 8 à 15 ans pour appartenance à une organisation clandestine. Les inculpés déclarant qu'ils sont membres de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD), ont accusé le procureur de condamner sous l'emprise de la haine des intellectuels progressistes.
        4.8. un détenu politique kurde, Halil Celikaslan, a été condamné à un emprisonnement de 9 ans et 8 mois pour avoir plaidé sa cause devant la cour en kurde. Il avait déjà été condamné à 18 ans de prison pour appartenance au PKK. En plus de ces deux peines, l'accusé a été condamné à 10 mois d'emprisonnement pour avoir rédigé son appel devant la Cour de Cassation en kurde.
        9.8, dix détenus politiques, membres du DEV-SOL (la gauche révolutionnaire), ont été inculpés dans un nouveau procès pour avoir annoncé qu'ils entameraient une grève de la faim en prison. Le procureur de la CSE d'Istanbul a requis un total de 160 ans d'emprisonnement pour dix détenus.
        9.8, un meeting tenu à Istanbul par un groupe de socialistes pour constituer un nouveau parti légal, le Parti d'Union des Socialistes (SBP), a été dispersé par la police. 53 participants, y compris le journaliste Oral Calislar et les avocats Serpil Aslan, Ayhan Kizilöz et Nurcan Akca ont été arrêtés.
        10.8, le quotidien Günes a rapporté que tous les ouvriers d'origine kurde travaillant dans la cité en construction de Batikent avaient été fichés comme suspects par le Commandant de Gendarmerie d'Ankara. Cette opération, confirmée par le bureau du Gouverneur avait été vivement critiquée par l'Association des Droits de l'Homme (IHD).
        10.8, le président régional de l'Association des Droits de l'Homme (IHD) à Tunceli a été jugé à la CSE d'Erzincan pour avoir incité des personnes à une action de protestation. En Etat d'arrestation depuis quatre mois, il encourt une peine de prison de 15 ans.
        11.8, un membre du comité central du Parti Socialiste (SP), Ismail Durna, a été arrêté alors qu'il conversait avec un groupe de travailleurs dans la ville de Terme à Izmir.
        12.8, des forces de sécurité ont arrêté 14 personnes, membres prétendus d'une organisation clandestine, au moment où ils s'enfuyaient en bateau de Söke vers la Grèce.
        14.8, deux étudiants du secondaire, tous deux âgés de 15 ans, ont été traduits devant la Cour de Sûreté d'Etat d'Istanbul, accusés d'avoir transporté des cocktail molotov lors des incidents du 1er mai.
        15.8, le président local du Parti de la Juste Voie (DYP) de la ville de Pervari, Ahmet Bilen, a été arrêté avec trois protecteurs de village. Ils sont accusés de non-assistance à une une unité pro-gouvernementale attaquée par les guérillas du PKK.
        15.8, la police a annoncé l'arrestation de 18 membres présumés de l'Acilciler (Action urgente) à Gaziantep et Hatay.
        16.8, la branche locale de la Maison du Peuple (Halkevleri) dans les quartiers d'Üsküdar d'Istanbul à été interdite par le gouverneur. Le Président des Clubs Populaires, Ahmet Yildiz a protesté contre cette décision, en affirmant que cette mesure prouvait que le régime actuel est un prolongement du gouvernement militaire.
        17.8, l'Association des Travailleurs à Istanbul a été interdite par ordre du Gouverneur d'Istanbul.  La police a également enregistré les noms et adresses de tous ceux qui s'y trouvaient pendant la mise en exécution de l'ordre.
        18.8, la police a annoncé l'arrestation de cinq militants présumés du Parti Communiste Révolutionnaire (DKP) à Istanbul.
        20.8, le procureur de la République a requis la peine capitale contre un Syrien, Muhammed Kemal qui est accusé de prendre part à la guérilla du PKK. Il sera jugé par la Cour de la Sûreté d'Etat de Malatya avec 17 autres accusés qui encourent chacun 5 ans d'emprisonnement.
        20.8, le procureur de la République a intenté une procédure légale en vue d'interdire la section de Mersin de l'Association des Droits de l'Homme (IHD).
        21.8, la police a annoncé l'arrestation de 9 militants présumés de l'Organisation du 16 juin. Parmi eux se trouve aussi un lieutenant de l'armée.
        22.8, le procureur de la République a intenté une procédure légale contre huit militants du Parti Communiste Révolutionnaire (DKP), arrêtés suite à une confrontation armée avec les forces de sécurité à Istanbul. L'un des accusés encourt la peine capitale tandis que les sept autres sont passibles d'un emprisonnement d'une durée de 10 à 60 années.
        22.8, la Cour de la Sûreté d'Etat d'Ankara a condamné quatre personnes à différentes peines de prison allant jusqu'àa 2 ans et 6 mois pour avoir distribué des tracts politiques à Ankara.
        31.8, l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) a annoncé qu'un chauffeur de taxi dans la commune de Siverek, Adnan Bagca, avait disparu depuis qu'il avait été arrêté le 11 juin 1990.
        5.9, à Nusaybin, trois membres du Parti Socialiste (SP) ont été arrêtés pour avoir dévoilé un compte-rendu sur la violation des droits de l'homme dans le village de Kurtköy dans le district de Nusaybin. Dans le cadre de la même enquête, le procureur a lancé un mandat d'arrêt contre le Secrétaire Général du SP, Yalcin Büyükdagli, et deux autres dirigeants du parti qui ont, avec les trois membres arrêtés, pris part à la commission qui a rédigé le-dit compte-rendu.
        6.9, le ministère public a entamé une procédure en vue d'interdire définitivement la branche de la Maison du Peuple (Halkevleri) à Bursa, prétextant qu'elle se transforme en cachette pour les étudiants universitaires recherchés par la police.
        11.9, quatre personnes détenues depuis 15 jours pour appartenance à l'Armée de Libération Révolutionnaire des Travailleurs-Paysans (TIKKO), ont été placés sous mandat d'arrêt par la Cour de la Sûreté d'Etat d'Istanbul.
        12.9, le 10ème anniversaire du coup militaire du 12 septembre 1980 a été marqué par une série d'actions de protestations et de représailles brutales de la part de la police. Des groupes de gauche ont procédé à des manifestations à travers le pays. Sous prétexte que l'autorisation préalable n'avait pas été demandée pour ces manifestations, la police a assailli les manifestants et a ouvert le feu sur la foule. A Ankara, un étudiant, Kenan Baysüren, a été gravement blessé par une balle de police. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Lors d'un meeting commun tenu par de nombreuses organisations démocratiques, le Secrétaire Général de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), Akin Birdal a demandé aussi bien l'arrestation des auteurs du coup d'Etat que la suppression de toutes les institutions anti-démocratiques mises sur pied par la junte militaire.

DES ISLAMISTES ONT MASSACRÉ UN JOURNALISTE

        Le journaliste Turan Dursun, un ancien ecclésiastique et chroniquer de l'hebdomadaire Yüzyil, a été assassiné le 4 septembre à Istanbul par des personnes non-identifiées. Dursun quittait sa maison du côté asiatique du Bosphore lorsque des assaillants tirèrent sept coups de feu dans sa direction. Ils est mort sur place.
        Défenseur de la laïcité, Dursun avait écrit de nombreux articles critiquant la Sharia (la loi islamique) et durant six mois, il avait reçu des menaces de mort. Dans une de ces lettres d'un "hommes d'affaires de Van", on signalait que s'il ne s'excusait pas publiquement pour ses accusations contre les Musulmans, il payerait de sa vie. Cependant, il n'a pas demandé la protection de la police contre les menaces intégristes.
        A l'annonce du meurtre de Dursun, la Radio de Téhéran a déclaré que "le Salman Rushdie turc avait été tué". "Comme Rushdie, a déclaré la Radio de Téhéran, Dursun a trahi et insulté l'Islam et le Prophète Mohammed à plusieurs reprises."
        Dans ses propres termes, l'autobiographie récente de Dursun, Kullateyn, a porté un "coup de grâce" aux intégristes, aux sheikhs, aux clergés et aux tabous religieux. Il était aussi l'auteur de Din Bu (Voici la Religion), un essai sur la religion.
        Dursun avait fait ses études dans des écoles religieuses. Durant ses 14 années de carrière d'ecclésiastique, il avait souvent été taxé de laïque. Il s'est tourné vers le journalisme et est devenu producteur de programmes religieux pour la Radio et Télévision Turques.
        Hasan Yalcin, l'éditeur-en-chef du Yüzyil a accusé le gouvernement de permettre à l'intégrisme de gagner du terrain dans le pays. En réalité, les intégristes avaient également réclamé "la tête" de l'avocat Muammer Aksoy en février et du journaliste Cetin Emec en mars, tous deux farouches partisans de la laïcité.
        Douze journalistes turcs ont été victimes d'assassinats politiques depuis 1978.
        Lors d'un autre acte de violence contre la presse, le bureau central du quotidien Milliyet à Istanbul a été lapidé le 7 septembre par un groupe appartenant au milieu. Des dizaines d'employés de la réception et des lecteurs ont été blessées pendant l'attaque. Le frère d'un parrain, Drej Ali, partisan du mouvement néo-fasciste turc, a été capturé blessé après l'attaque. Toutefois, le juge l'a libéré ainsi que les autres détenus malgré l'existence de preuves solides contre eux.

PERINCEK DEMEURE ENCORE EN PRISON

        Lors de la deuxième séance de son procès le 31 août, la Cour de la Sûreté d'Etat de Diyarbakir a refusé la libération de Dogu Perincek, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire de gauche interdit, 2000e Dogru. La décision a rencontré des protestations de quelque 50 spectateurs à l'audience, les soldats ont fait usage de la force pour les déloger. Parmi les spectateurs se trouvait Helmut Oberdiek, le représentant d'Amnesty International.
        Constatant la décision de la cour de ne pas le relâcher, Perincek a déclaré: "Que je sois poursuivi sans aucune preuve solide ne constitue pas un fait dont la loi turque doive être fière. Laissez venir Özal et le MIT (le Service National de Renseignements) et jugez moi alors."
        L'arrestation de Perincek continue de provoquer des protestations tant à travers le pays qu'à l'étranger.
        Le 24 août, quinze membres du parti Socialiste (SP) ont été détenus à Istanbul pour avoir mené une manifestation en véhiculant des affiches qui mentionnaient "Libérez Perincek!" Le lendemain, un autre groupe de membres du SP ont été dispersés par la police lorsqu'ils manifestaient dans le quartier de Cagaloglu, le centre de la presse d'Istanbul.
        Le 28 août, à Istanbul, un groupe d'intellectuels a réclamé dans un communiqué de presse, la libération de Dogu Perincek. Le lendemain, un groupe de membres du Parti Socialiste (SP) s'est rendu au Ministère de la Justice pour déposer une pétition réclamant la libération de Perincek mais ils en ont été empêchés par la police. A Diyarbakir, deux membres du SP ont été arrêtés alors qu'ils collaient sur les murs des affiches réclamant la libération de Perincek.

PERSÉCUTIONS DE LA PRESSE EN DEUX MOIS

        1.8, un concert du groupe de musique Ekin, au campus de l'Université de Hacettepe a fait l'objet d'une descente de la gendarmerie. Quatre membres du groupe et 24 étudiants universitaires ont été arrêtés.
        2.8, l'éditeur responsable de la revue mensuelle Emegin Bayragi, Sükrü Aksoy, a été condamné par la Cour de la Sûreté d'Etat d'Istanbul à une peine de prison de 10 mois pour propagande communiste.
        3.8, un chroniqueur du journal Yeni Nesil, Nurettin Sirin a été inculpé par la CSE d'Izmir pour sa conférence à Denizli sur la question de foulard islamique. Il encourt une peine de prison de 17 ans pour propagande anti-laïque.
        3.8, deux journalistes du mensuel Kafdagi, le chroniqueur Murat Ozden et l'éditeur responsable Aslan Ari, ont été accusés par la CSE d'Ankara pour un article intitulé: "Problèmes culturels des Circassiens." Tous les deux encourent une peine de prison de 10 ans pour atteinte aux sentiments nationaux.
        4.8, un ouvrage intitulé "Une vue générale du passé proche et le projet d'une nouvelle plate-forme", publié par la Maison d'édition Eksen, a été saisi par la CSE d'Istanbul sous prétexte qu'il contient une "propagande séparatiste".
        6.8, un concert de Ferhat Tunc a été interdit au dernier moment par le Gouverneur d'Istanbul. En outre, Tunc a été placé en garde à vue pendant quatre heures.
        6.8, le célèbre chanteur de folklore Ahmet Kaya a été détenu à Istanbul sous l'accusation d'avoir provoqué des incidents politiques lors de son concert qui avait eu lieu quelques semaines auparavant. Quoique la CSE l'ait relâché après, il sera jugé par la même cour du chef de propagande séparatiste. Il est passible d'une peine de prison de 5 ans.
        7.8, à Sanliurfa, un chanteur de folklore, Besir Kaya, a été arrêté pour avoir chanté des chansons kurdes lors de sa prestation dans une boite de nuit.
        11.8, un prospectus touristique distribué par une agence de voyage allemande, Rotel Tours, est devenu l'objet d'une action judiciaire en Turquie. Le procureur de la République a ouvert une enquête contre ce tract publicitaire qui présente l'Est de l'Anatolie sous le nom de "Kurdistan".
        14.8, le numéro récent de la revue Islamiste Akdogus a été confisquée sous l'inculpation d'insulte à Atatürk et de propagande séparatiste. Toutes les parutions précédentes de cette revue avaient déjà été confisquées auparavant.
        17.8, à Istanbul, un concert du groupe musical Kizilirmak et la projection du film "Fascisme Ordinaire" ont été interdits par le Gouverneur.
        18.8, le chanteur Gulhan Tabak a été arrêté par la police pour avoir chanté quelques chansons kurdes lors de son concert à Iskenderun.
        18.8, l'édition n°22 de la revue mensuelle Özgürlük Yolu a été saisie par la CSE d'Istanbul.
        18.8, deux journalistes du journal Milliyet, l'éditeur responsable Eren Güvenir et le rédacteur en matière économique Necati Dogru, ont été accusés d'avoir discrédité la nation turque dans un article. Tous deux encourent une peine de prison de 6 mois.
        20.8, un concert du groupe musical Ekin à Mersin a été empêché par la police. Un membre du groupe, Metin Turan, a été arrêté.
        21.8, le nouveau procès du Professeur Yalcin Kucuk, accusé de "propagande séparatiste" a débuté devant la CSE. Il encourt une peine de prison de 15 ans.
        22.8, Emin Cölasan et Hasan Kilic, respectivement chroniqueur et éditeur responsable du journal Hürriyet, ont été accusés dans une action en diffamation du Président Özal. Tous les deux encourent une peine de prison de quatre ans et demi. Le président a aussi un procès pendant contre Cölasan pour un livre qu'il a publié sur la famille d'Özal.
        23.8, le procès de trois journalistes de l'hebdomadaire 2000e Dogru, l'éditeur responsable Tunca Arslan, les correspondants Nadiye Yesiltepe et Hüseyin Kivanc, a commencé à la CSE. Accusés de propagande séparatiste, chacun encourt une peine de prison de 15 ans.
        24.8, trois peintres d'Allemagne, Judith Hamann, Sahin Ince et Heiner Metzeger, n'ont pas été autorisés à ouvrir une exposition dans le cadre des fêtes de Kadiköy à Istanbul. Cette censure des Arts a été sévèrement protestée à la fois par les artistes et l'Association des Arts Plastiques.
        27.8, la représentation de la pièce intitulée "Pir Sultan Abdal" a été interdite à Istanbul par le gouverneur. Pir Sultan Abdal était un leader populaire de l'ordre Alévite et avait été exécuté par les dirigeants ottomans. Le directeur du Théâtre Birlik d'Ankara, Zeki Göker a déclaré que cette interdiction n'était pas compatible avec la liberté des Arts.
        31.8, à Bursa, le bureau local du mensuel Yeni Cözüm a été perquisitionné par la police et 15 personnes ont été arrêtées.
        31.8, la première édition de l'hebdomadaire Yeni Halk Gercegi a été saisie par ordre de la CSE d'Istanbul sous le chef d'accusation de séparatisme. Cette nouvelle revue était publiée en remplacement de Halk Gercegi, interdite définitivement par le Ministre de l'Intérieur.
        31.8, l'éditeur responsable du mensuel Emek, Abuzer Kilic a été condamné à 7 ans et 6 mois de prison pour séparatisme. La peine a été commuée en une amende de 13.675.000 LT (5.000$).
        31.8, l'éditeur responsable du mensuel Yeni Cözüm, Yasar Kopan a été condamné à une amende de 9.165.000 LT (3.500$).
        5.9, un chroniqueur du journal Cumhuriyet, Oktay Akbal a été jugé par un tribunal criminel d'Istanbul pour avoir critiqué le Président Özal.
        10.9, le correspondant à Ankara du mensuel Mücadele, Erol Sarikaya et un lecteur de la revue, Tülay Gencay, ont été arrêtés. Leurs avocats n'ont pas été autorisés à voir les détenus.
        12.9, un journaliste, Hasan Uysal et un acteur, Ilyas Salman, ont été condamnés pour avoir insulté le Président Özal lors d'un meeting à Akhisar. Tous deux encourent une peine de prison de 5 ans.

POLÉMIQUE SUR LA TÉLÉVISION PRIVÉE

        Tout comme d'autres pays, les groupes de médias, public et privé, en Turquie se sont engagés dans une polémique relative au contrôle des émissions TV turques, à laquelle sont également impliqués des magnats de la presse étrangère comme Murdoch et Maxwell.
        Jusqu'à présent, en vertu de la constitution turque, le monopole de diffusion radio et télévision appartenait à la Corporation de Radio et Télévision Turque (TRT), sous la surveillance du gouvernement.
        Avec la prolifération des antennes paraboliques sur les toits des maisons turques, les émissions par satellite des sociétés étrangères de télévision sont déjà devenues un divertissement pour les téléspectateurs locaux. Puisqu'elles se font en langues étrangères, ces nouvelles émissions ne dérangaient pas les autorités turques.
        Cependant, en juin 1990, une société de télévision privée, Magic Box, a annoncé qu'elle commencerait à émettre d'Allemagne ses programmes réguliers en turc à partir de septembre. Ainsi, les spectateurs turcs pourront recevoir cette diffusion avec les antennes paraboliques en Turquie.
        Cette nouvelle initiative a été chaudement accueillie par les partis d'opposition qui se sont toujours plaints du monopole de la propagande du gouvernement sur la télévision publique et qui espèrent, à présent, pouvoir élever leur voix sur les écrans TV grâce à cette société privée. Toutefois, cet espoir a été bouleversé lorsqu'on s'est rendu compte que le principal actionnaire de cette nouvelle société privée de télévision est le fils aîné du Président Özal, Ahmet Özal. Il a désigné, à la direction de Magic Box, Tunca Toskay, l'un des directeurs précédents de TRT, un serviteur loyal des gouvernements militaires et d'après.
        Alors que la controverse sur Magic Box allait croissant, les magnats étrangers de la presse ont aussi pris des initiatives pour investir dans les médias turcs.
        Le magnat anglais d'origine chypriote, Asil Nadir, propriétaire de Polly Peck International qui comprend Del Monte, la firme d'électronique Sansui et Vestel en Turquie, a déjà acquis un empire considérable de médias en Turquie. Sa première entreprise a été l'acquisition des journaux Günaydin et Tan, ensemble avec Gelisim Publications, qui édite l'hebdomadaire Nokta ainsi que 14 autres périodiques et 24 encyclopédies. En janvier 1988, Nadir a fait aussi l'acquisition du quotidien Günes. Il a l'intention d'avoir également des chaînes de TV privées.
        Récemment, deux magnats étrangers des médias, Rupert Murdoch et Robert Maxwell ont visité la Turquie pour explorer les possibilités d'investissement dans ce pays.
        Pendant sa visite de quatre jours en Turquie, Murdoch a rencontré Özal au Palais présidentiel le 27 juillet et lui a dit qu'il désirait investir en Turquie. Özal lui a assuré que tout le monde était bienvenu pour investir en Turquie et faire des affaires conformément à la loi et aux réglementations du pays. Murdoch a également rendu visite au directeur de TRT, Kerim Aydin Erdem et proposé une société entre TRT et lui-même qui exploiterait Channel 3.
        Après le départ de Murdoch, le magnat anglais de la presse Robert Maxwell s'est rendu en Turquie en vue d'acquérir les 49% d'actions dans le plus grand quotidien turc, Hürriyet. On le dit intéressé aussi dans l'investissement TV. Il a expliqué la raison de son intérêt en déclarant qu'il était venu pour la première fois en Turquie en provenance de Tchécoslovaquie sans le sou 50 ans auparavant pour fuir la Gestapo. Il était tombé amoureux de la Turquie et des Turcs, a-t-il affirmé, et depuis lors, les a soutenus à chaque occasion.
        Après avoir été reçu par Özal, lors de la conférence de presse qu'il a tenu sur son yacht privé à Istanbul le 14 août, il a chaudement approuvé la politique du Président Özal dans la crise du Golf et a critiqué l'opposition turque pour ne pas s'être unie au gouvernement lorsqu'il y avait une menace de guerre.
        Probablement, les télévisions et la presse turques tomberont très bientôt sous contrôle de groupes de presse internationaux.

LE PORT DE FOULARD ISLAMIQUE AUTORISE

        La controverse sur le foulard religieux (turban) s'est avivée en Turquie avec le début de l'année académique 1990-1991.
        La Commission du Budget et de la Planification de l'Assemblée nationale a passé, le 5 septembre, un décret qui autorise le port de tout habit "généralement accepté". Le décret permet aussi aux étudiants de porter le turban qui a été la cause de débats violents pendant deux ans. Les turbans ont d'abord été interdits au début de 1989, mais l'interdiction a été levée en décembre de l'année dernière.
        Yusuf Özal, président de la commission et frère du Président Özal a déclaré qu'il n'y avait aucune mention de turbans dans le nouveau décret mais que tous les types d'habits étaient à présent autorisés sur le campus pour éliminer la "discrimination entre l'Islam et les autres religions".
        Les intégristes ont prétendu l'année dernière que tandis que les chrétiens pouvaient porter librement une croix autour du cou, les musulmanes étaient empêchées de porter l'habit religieux traditionnel.

PAS DE COURS D'ISLAM POUR LES CHRÉTIENS

        Le ministre de l'Education a décidé de ne pas exiger des étudiants non-musulmans d'étudier la religion islamique dans les écoles primaires et secondaires.
        L'enseignement de la religion islamique est devenu obligatoire dans le système turc d'éducation après le coup d'Etat militaire de 1980. L'expérience a suscité des plaintes de la part des familles chrétiennes et juives qui ne voulaient pas voir leurs enfants inscrits aux cours de religion islamique. Un nombre d'actions ont été introduites contre le ministre par des familles d'étudiants non-musulmans. L'opinion internationale a aussi mené une campagne de protestation contre cette pratique.
        Grâce à ces efforts, le Ministre de l'Education a annoncé le 20 août que les étudiants non-musulmans seraient exemptés des cours de religion s'il produisent un document démontrant qu'ils appartiennent à une religion autre que l'Islam.

NOUVELLES PERSÉCUTIONS DES CHRÉTIENS

        Six étrangers, Sally Ingram, Deborah Mannveiller, Corey Schmaijen, Patrick Kelley, Ira Kaikko et Karsten Laova ont été arrêtés à Kayseri le 6 août pour avoir distribué des livres et des pamphlets sur le christianisme. Ils ont été relâchés plus tard par la Cour de Sûreté d'Etat.
        Le 25 août, un professeur d'université australien, Rudolph Michalke, et sa secrétaire Eva Gantroler ont été arrêtés par la police à Istanbul alors qu'ils distribuaient des tracts de propagande chrétienne.

UN NOUVEAU PATRIARCHE ARMÉNIEN ÉLU

        Lors d'une élection ecclésiastique secrète, le 5 septembre, l'archevêque Karekin Bedros Kazanciyan de Jérusalem a battu l'évêque Sahan Simon Sivaciyan d'Istanbul par deux voix et est devenu le 83ème patriarche de l'Eglise arménienne de Turquie, sous réserve d'approbation gouvernementale.
        S'étant déroulée six mois après le décès du dernier patriarche Shnork Kalustyan, cette élection a résolu les tensions qui s'étaient développées au sein de la communauté arménienne. Le gouvernement turc avait, dans le but d'aboutir à l'élection de Sivaciyan, ordonné des changements dans les longues procédures de l'église pour désigner un patriarche. Lorsque l'Eglise arménienne a contesté l'ordre, le gouvernement l'a abrogé et a annoncé que l'église pouvait suivre les mêmes procédures observées lors des dernières élections patriarcales de 1961.
        Kazanciyan, 62 ans, a rempli des fonctions d'archéveque pendant longtemps en Australie et Nouvelle-Zélande et ensuite il est devenu vicaire au Patriarche de Jérusalem. Il est titulaire d'un diplôme de philosophie de l'Université de Cambridge et a poursuivi des études supérieures en littérature et en philosophie aux Etats-Unis.

SUCCÈS DU PARTI TURC EN BULGARIE

        La minorité turque en Bulgarie est devenue pour la première fois une puissance politique —la troisième au Parlement— suite aux élections de juin. Le Mouvement des Droits et Libertés (MDL)  connu comme étant le parti turc a récolté 7% des voix et 23 des 400 sièges parlementaires. Dans certaines régions du pays, les suffrages du parti ont atteint 25%.
        Ahmet Dogan, le leader du MDL a déclaré: "Non seulement les Turcs mais aussi des Bulgares, des citoyens de couleur (les Gitans), des Arméniens et des Pomaks (des slaves qui se sont convertis à l'Islam) font aussi partie du mouvement."
        Insistant sur le fait que la Bulgarie ne veut pas revenir aux temps de la présidence de Todor Zhivkov, Dogan a exhorté les Turcs bulgares qui ont été forcés d'émigrer en Turquie l'année dernière, à revenir.
termes de sièges.

LA TURQUIE CRITIQUÉE À L'OIT

        L'Organisation Internationale du Travail (OIT) a inscrit la Turquie à l'ordre du jour de son Comité d'Applications le 11 juin en conséquence de la plainte de la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS).
        Le rapport de TURK-IS a précisé les deux plus importants problèmes de la Turquie en violation des articles 87 et 92 de la charte de l'OIT. L'article 87 précise la liberté des syndicats et protège le droit de fonder des syndicats tandis que l'article 92 vise le droit des conventions collectives.
        TURK-IS a rappelé à l'OIT que le gouvernement turc n'a pas encore accepté l'article 87: "Nous avons besoin de la pression internationale pour soutenir une campagne que nous lancerons en ce qui concerne cette question. Il serait utile de garder dans le compte-rendu qu'il est honteux de ne pas accepter cet article" a annoncé le rapport.
        Lors de la réunion du Comité d'Applications, les leaders de syndicats européens ont reproché sévèrement au gouvernement turc de ne pas appliquer les normes de l'OIT en ce qui concerne le droit du travail. Le leader du syndicat belge Jef Houthuys qui a quitté la présidence du groupe des Travailleurs au sein du Comité d'Applications, a déclaré: "Je regrette profondément de quitter ce poste sans voir un progrès significatif en Turquie."
        Neil Kearner, le représentant du Syndicat International des Travailleurs du Textile a déclaré: "La situation actuelle des conditions de travail en Turquie démontre qu'elle est loin de pouvoir entrer dans la Communauté européenne."

SALAIRE MENSUEL MINIMUM: 100$

        Après six réunions non-concluantes cette année pour déterminer le salaire minimum, le Comité du Salaire Minimum a annoncé le 24 juillet que le salaire minimum avant imposition pour les travailleurs du secteur industriel, agricole et des services serait de 414.000 LT par mois, ce qui correspond à 261.954 LT (100$) après retenus. Ceci représente une augmentation de salaire minimum de 84%. Cependant, une étude effectuée par la Confédération des Syndicats Turcs (TURK-IS) en juin 1990 a donné la moyenne mensuelle des dépenses vitales pour une famille de quatre personnes: 482.000 LT sans tenir compte du loyer et autres dépenses sociales.
        D'autre part, l'augmentation  insuffisante du traitement des fonctionnaires d'Etat accordée le 9 juillet 1990 par le gouvernement, a provoqué une protestation nationale à travers le pays.
        Une hausse de 25% est considérée par les fonctionnaires comme inadéquate puisque l'inflation atteint couramment les 63,5%. A Istanbul, une réunion de plus de 1.500 personnes à la Place de Sultanahmet a été dispersée de force par la police armée. 30 personnes ont été arrêtées et un concierge a eu un bras cassé. Un groupe de manifestants qui s'était détaché pour se diriger vers Sirkeci, a bloqué la circulation dans la zone.
        Près de 200 fonctionnaires de la Compagnie des transports d'Istanbul (IETT) qui se sont réunis au Square Tunel à Istanbul ont brûlé leurs fiches de traitement.