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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


170

15e année - N°170
Décembre 1990
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 
LES ÉDITEURS D'INFO-TÜRK SONT ALLÉS EN APPEL DEVANT
LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

        Le 7 décembre, deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, sont allés en appel devant la Commission Européenne des Droits de l'Homme dans le but de faire annuler la décision du gouvernement turc les privant de la nationalité turque.
        La juriste belge Catherine Deman, soutenant que la décision du gouvernement turc a enfreint les Articles 3, 6, 10, 11, 13 et 14 de la Convention Européenne sur les Droits de l'Homme et l'Article 1 du Protocole Additionnel, demande la révocation de la décision et des dommages pour la perte de leurs droits en Turquie.



Özal, plus belliciste que les généraux turcs, décrète la mobilisation générale
et essaye de rendre l'Europe complice de son abus de pouvoir.


Fait accompli


        La réaction suscitée dans tout le pays par la politique individuelle que mène le président Özal dans le Golfe vient d'acquérir une nouvelle dimension avec la démission du chef d'état-major, le général Necip Torumtay. Auparavant, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense Nationale avaient également démissionné parce qu'Özal menait lui-même la politique étrangère et militaire sans les consulter.
        Torumtay devint le premier chef militaire à démissionner de son poste en raison de divergences politiques avec le gouvernement. Il fut remplacé par le général Dogan Güres. Dans sa laconique lettre de démission, Torumtay exprime les principes auxquels il croit et affirme que sa vision du gouvernement ne lui permettait pas de continuer à occuper son poste.
        Dans son message d'adieu adressé aux forces armées, le chef militaire a encouragé ces dernières à poursuivre dans la direction indiquée par Kemal Atatürk.
        La dernière rencontre officielle entre Özal et Torumtay, au cours de laquelle ils abordèrent les récents événements concernant la crise du Golfe, eut lieu le 1er décembre. Au cours de cet entretien, Özal mit l'accent sur la nécessité d'envoyer une unité militaire symbolique en Arabie Saoudite, prétextant qu'une présence symbolique de la Turquie dans le Golfe lui conférerait davantage de protagonisme dans les négociations diplomatiques ultérieures. Torumtay s'opposa aux plans du Président.
        Le Ministère des Affaires étrangères et l'Etat-major se seraient tous deux opposés à l'idée d'impliquer des troupes turques dans la guerre et d'autoriser les troupes de combat américaines à utiliser les bases d'Incirlik et de Pirinclik en cas de conflit armé contre l'Irak.
        Au cours de cet entretien, Torumtay affirma qu'avant d'utiliser les bases contre l'Irak, un nouvel accord entre Ankara et Washington s'avérait nécessaire. Torumtay fut également déçu par la manière dont Özal mène la politique à travers ses propres filières sans consulter le quartier général de l'Etat-Major. La figure de proue de la filière du Président est le général à la retraite Kemal Yamak, Secrétaire Général du Palais Présidentiel. La presse turque affirme qu'Özal a apporté aux plans de l'Etat-Major des modifications suggérées par Yamak pour satisfaire les demandes de l'administration américaine.
        En fait, depuis la démission du général Torumtay, la concentration de forces armées à la frontière irakienne s'est accélérée. Selon l'édition du 8 décembre du Hürriyet, outre une force de 100.000 hommes, des troupes supplémentaires ont été envoyées dans les provinces d'Hakkari et Siirt.
        Alors qu'il commentait la démission du général Torumtay, le principal leader de l'opposition, Erdal Inönü dit ceci: "Plusieurs membres du cabinet ont démissionné parce qu'ils disaient être incapables de travailler avec Özal. Maintenant c'est le chef de l'Etat-Major qui démissionne. L'approche personnelle d'Özal est en train de conduire le pays à la guerre. D'éminents bureaucrates démissionnent à tour de rôle faisant savoir qu'ils ne veulent pas être impliqués dans cette aventure."
        Dans une nouvelle démarche, Özal a demandé à l'OTAN d'envoyer le composant aérien de la Force Mobile Alliée (AMF) à la frontière turco-irakienne afin de défendre le sud-est du pays contre une éventuelle attaque irakienne. Ce composant est constitué par trois escadrons d'avions de combat allemands, belges et italiens.
        Bien que la presse turque fut informée de cette demande le 19 décembre, la lettre envoyée à l'OTAN est datée du 30 novembre 1990. Il semble que la demande fut envoyée à l'OTAN malgré le désaccord du chef de l'état-major.
        La presse turque affirme que cette décision fut également prise par Özal lui-même, sans l'avoir préalablement débattue au Conseil des Ministres.
        La presse turque rapporte également qu'au début de 1991, une mobilisation générale sera décrétée dans toute la Turquie sous prétexte d'une éventuelle agression de l'Irak.
        Etant donné que Saddam Hussein n'a jamais proféré la moindre menace contre la Turquie, ces mesures sont interprétées comme une nouvelle manœuvre d'Özal pour justifier l'utilisation des aéroports turques par les Forces Aériennes américaines d'un côté et pour renforcer son pouvoir coercitif, d'un autre côté.
        Les groupes d'opposition turcs et kurdes ont rappelé que toute assistance militaire à la Turquie dans le Sud-Est équivaudra à une contribution occidentale à la répression menée par l'armée turque contre la population kurde.
        En réalité, à l'exception des Etats-Unis, les membres européens de l'OTAN ont déjà délibérément opté pour la prudence à l'égard de la demande d'Özal. Il semble que les ambassadeurs de l'OTAN pourraient accéder à la demande de déploiement présentée par la Turquie en tant que simple geste politique, mais couperaient court à l'idée de rendre les avions engagés dans ce déploiement opérationnels. Avant que les escadrons ne puissent entrer en action, il faudrait donc une autre décision de l'OTAN.

LE GLADIO TURC EST UTILISÉ CONTRE LA GUÉRILLA KURDE

        Le débat public sur l'Organisation Contre-Guérilla, équivalent turc du Gladio, s'est poursuivi le mois dernier avec l'intervention de nombreuses personnalités publiques ainsi que certains ex-officiers. Le porte-parole de l'armée turque a confirmé l'existence d'une telle organisation, connue sous le nom officiel de Département Spécial de la Guerre. Bien qu'il nia l'existence du moindre lien entre l'organisation et la terreur politique, le porte-parole admit que dans le Sud-est, on avait encore recours à des équipes de l'Organisations Contre-guérilla contre les guérillas kurdes.
        Cependant, la majorité de l'Assemblée Nationale, ne tenant nullement compte du débat public, a rejeté une proposition du SHP dont le but était de donner priorité à une investigation des activités de l'Organisation Contre-guérilla.
        Le lieutenant-Général Dogan Beyazit, chef de la division des opérations de l'état-major, déclarait aux journalistes le 3 décembre que le Département Spécial de la Guerre et l'Organisation contre-guérilla n'étaient pas la même chose: "Le département fut créé pour résister à une invasion, par la guerre de guérilla, le sauvetage de la résistance et des opérations d'enlèvements."
        Le général de brigade Kemal Yildiz, chef de ce controversé département déclara que l'organisation avait été créée en septembre 1952, lorsqu'Adnan Menderes, allié ouvert des Etats-Unis, était premier ministre. Le département fut créé après que la Turquie soit devenu membre à part entière de l'OTAN en février 1952.
        Selon Yilmaz, le Département Spécial de la Guerre, qui se compose aussi bien de civils que d'officiers de l'armée, organisa un mouvement de résistance à Chypre entre 1963 et 1974 et fut également utilisé en 1980 pour libérer des otages tenus prisonniers dans un avion de passagers des Lignes Aériennes Turques détourné vers Diyarbakir par des terroristes fondamentalistes musulmans. "Le département a encore participé activement aux opérations de sécurité menées contre les membres armés du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) dans les provinces du sud-est de la Turquie," ajouta-t-il.
        Aux récentes déclarations de Bülent Ecevit qu'il n'avait appris l'existence du département qu'en 1974, lorsqu'en tant que premier ministre, on lui demanda des fonds supplémentaires, Beyazit répondit en ces termes: "En 1974, Ecevit reçut des instructions de l'état-major, et les généraux chargés de donner ces instructions prirent note des commentaires du premier ministre. Ecevit dit: 'C'est mon devoir national [de fournir des fonds au département]. En principe, je suis favorable à un recours à des fonds nationaux pour financer ce besoin. Cette solution n'alourdira pas l'état, le département pourrait être financé avec des fonds secrets. Déterminez vos besoins et faites-m'en parvenir une liste.' Si Ecevit prétend qu'il n'était pas totalement informé, alors c'est qu'il n'a pas lu attentivement les décrets qu'il signait".
        Beyazit affirma que le département n'était pas une organisation clandestine mais une division de l'armée. Il nia, cependant, que l'organisation se soit formée sur initiative de l'OTAN. Il dit également qu'il n'existait aucun lien entre le Département Spécial de la Guerre et l'Organisation Nationale de Renseignements (MIT). Toutefois, il admit que le département coopérait avec l'OTAN dans des domaines techniques et que, parfois, il participait aux programmes d'entraînement de l'OTAN en Turquie et à l'étranger.
        L'organisation n'était pas particulièrement anti-communiste, soutenait Beyazit. "Si la Turquie était un pays menacé par une invasion seulement communiste, l'organisation aurait été structurée comme un bouclier dressé contre le communisme. Mais la Turquie est soumise à d'autres menaces, allant du fondamentalisme religieux au président Saddam Hussein et à la Grèce," dit-il, et ajoute ensuite que "le département serait également utilisé contre une révolution religieuse en Turquie".
        Des journalistes et d'anciens hommes politiques ont déclaré récemment que le département avait interrogé des leaders politiques et des prisonniers et les avait torturés dans la résidence de Ziverbey, dans le district d'Erenköy à Istanbul, après le coup d'Etat du 12 mars 1971, lorsque les principaux généraux du pays ont fait paraître un mémorandum obligeant le gouvernement de l'ancien premier ministre, Süleyman Demirel à démissionner. Beaucoup d'écrivains de gauche, des journalistes et des activistes furent arrêtés après le coup d'Etat de 1971. L'écrivain Ilhan Selçuk et des officiers de l'armée, soupçonnés d'avoir été impliqués dans un complot contre l'Etat furent interrogés dans la résidence. Par la suite, tous affirmèrent qu'au cours de l'interrogatoire on leur avait dit que la résidence était utilisée par l'Organisation contre-guérilla.
        Au cours de la conférence de presse, Beyazit nia que la résidence eut été utilisée par le département. "Le département n'a reçu aucune mission secrète au cours du coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980" conclut-il.

La version du Général Evren sur la Contre-Guérilla

        Les déclarations émanant du quartier général de l'Armée semblent être en contradiction avec les commentaires de Kenan Evren, ancien président et chef de la junte militaire du 12 septembre 1980. Evren dit dans ses mémoires, publiées le mois dernier, que le 5 mai 1980, Süleyman Demirel, alors premier ministre, avait demandé le concours du département pour combattre le terrorisme.
        "J'ai rejeté cette demande. Il [Demirel] insista et fit remarquer qu'en 1971, le département avait été utilisé contre des activités subversives. Une fois de plus, j'ai rejeté la demande. Tant que je fus à la tête du quartier général de l'Etat-Major, le département n'outrepassa jamais ses fonctions de départ," déclara Evren.
        Evren manifesta que bien qu'il n'autorisa pas l'utilisation de cette organisation secrète, "Certaines personnes affiliées à elle peuvent avoir été impliqués dans ces incidents. je ne suis pas en mesure de le savoir. Elle peuvent l'avoir été sans m'en informer," ajouta-t-il.
        Evren confirma que le Département Spécial de la Guerre avait participé auparavant à ce genre d'activités, notamment à l'assassinat de neuf militants de gauche à Kizildere, dans le nord de l'Anatolie, le 30 mars 1972.
        D'un autre côté, Evren avait déclaré auparavant dans une interview publiée le 26 novembre dans le journal Hürriyet que des civils affiliés à l'organisation paramilitaire secrète créée par le Département Spécial de la Guerre au sein du Quartier Général de l'Armée pouvaient avoir été impliqués à son insu dans des incidents terroristes survenus avant 1980.
        Demirel nia avoir demandé à Evren d'avoir recours au département pour contrer le terrorisme: "Je lui ai simplement demandé d'utiliser son autorité. Evren confond les choses."
        L'ancien premier ministre, Bülent Ecevit, indiqua que plusieurs incidents survenus en 1977 et 1978 n'étaient toujours pas résolus. "Le plus grave d'entre eux eut lieu au cours du rassemblement du 1er mai 1977 sur la place Taksim à Istanbul. Il causa la mort de plus de 30 personnes", affirma Ecevit. Au cours du rassemblement, des personnes non-identifiées ont ouvert le feu sur la place où étaient entassées des milliers de personnes. Les coups de feu ont provoqué la panique, et une fuite précipitée causa la mort de 33 personnes. En dépit des actions en justice concernant l'incident et les investigations policières, on ne sait toujours pas qui a ouvert le feu.
        Ecevit dit également avoir révélé à Fahri Korutürk, alors président de la République, qu'il soupçonnait la branche civile du Département Spécial de la Guerre d'être derrière les incidents qui se sont produits le 1er mai et que celui-ci lui avait demandé de lui soumettre ses inquiétudes par écrit.
        Ecevit a également mentionné la tentative d'assassinat dont il fut victime le 29 mai 1977. Au cours de l'incident, un policier ouvrit le feu et, à l'aide d'une arme spéciale qui lançait un petit missile, il blessa un collaborateur d'Ecevit, Mehmet Isvan. "Après l'incident, on présumait que les forces de police turques n'étaient pas censées posséder officiellement une telle arme. Nos tentatives pour découvrir l'origine de cette arme furent déjouées. Jamais, nous ne pûmes savoir d'où elle venait ou qui l'avait donnée au policier qui la maniait" déclara Ecevit.
        En 1977, Demirel —qui était alors premier ministre— mit publiquement en garde Ecevit pour qu'il ne participe pas à un rassemblement politique à Taksim car il était évident qu'il serait victime d'un attentat.
        "En 1978, lorsque je suis arrivé au pouvoir, j'étais curieux de savoir d'où Demirel avait tiré l'information" dit Ecevit. "J'ai demandé le dossier et je l'ai étudié. L'avertissement était écrit sur une feuille de papier blanche sans signature. Apparemment, ni le quartier général de la police, ni l'Organisation Nationale de Renseignements (MIT) n'ont enquêté sur l'origine de la feuille de papier. Ceci m'a à nouveau fait penser au Département Spécial de la Guerre," indiqua Ecevit.

Les révélations d'un ancien officier sur la contre guérilla

        Talat Turhan, un officier de l'armée à la retraite, auteur de trois livres sur les opérations des groupes contre-guérilla en Turquie, révéla qu'une organisation contre-guérilla comparable au Gladio fut établie en Turquie peu après l'intégration du pays dans l'OTAN en 1952.
        Dans une interview concédée le 24 novembre au journal Dateline, Turhan insinué l'existence d'un possible lien entre la soi-disant Organisation contre-guérilla et les récents assassinats, y compris ceux de Cetin Emec, ancien rédacteur en chef du journal à grand tirage Hürriyet, du juriste Muammer Aksoy, ferme partisan des principes de réforme d'Atatürk, du conférencier de théologie et ancien ministre du SHP, Bahriye Ucok et de l'écrivain Turan Dursun. "Théoriquement, si les meurtriers ne peuvent être retrouvés et si les assassinats politiques continuent, les auteurs des crimes sont les forces de sécurité et les agences de renseignements. Ces organisations peuvent agir individuellement ou en collaboration. Elles pourraient agir en collaboration avec une agence de renseignements étrangère. C'est au gouvernement à prouver ou à établir la fausseté de cette théorie" dit-il.
        L'actuelle situation politique, ajouta-t-il, pourrait donner lieu à un autre coup d'Etat militaire. "Dans la Turquie d'aujourd'hui j'ai le sentiment qu'un film déjà vu deux fois pourrait être projeté une troisième fois. Tout ceci est dû à l'échec du gouvernement. Il ne parvient pas à trouver les meurtriers."
        Evoquant la période qui précéda le coup d'Etat militaire de 1971, Turhan déclara, "Avant le coup d'Etat du 12 mars 1971, les activités terroristes individuelles s'étaient étendues. Cette atmosphère politique fut suivie d'un coup d'Etat militaire, qui bénéficiait les Etats-Unis car ceux-ci étaient opposés aux libertés que garantissait la Constitution de 1961. En favorisant ce coup d'Etat on cherchait à apporter certains amendements à la Constitution qui rétabliraient l'exploitation par les Etats-Unis."
        Selon Turhan, le coup d'Etat du 12 septembre 1980 fut entrepris dans le même but. "Ceux qui voulaient exploiter ce pays encore plus qu'ils ne le faisaient par le passé organisèrent un autre coup d'Etat militaire. La Turquie fut plongée dans un bain de sang par les provocations et les assassinats perpétrés par des personnes inconnues. Tout ceci donna lieu au coup d'Etat militaire" affirma-t-il. Turhan dit à Dateline qu'à l'origine, l'idée d'établir un groupe de résistance contre une invasion menée par les Soviétiques contre un pays membre de l'OTAN était légitime. Vous ne pouvez blâmer un tel groupe pour ses opérations si elles restent dans un cadre légal. Mais s'il agit sous l'influence des forces étrangères, surtout l'impérialisme américain, il est probable qu'il participera à des activités illégales. Il s'est trouvé que tel était le cas en Italie et il en va de la même en Turquie", précisa-t-il.
        Turhan, qui jouissait d'une grande influence au sein de l'armée après le coup d'Etat militaire de 1960, fut accusé d'avoir participé à deux tentatives de coup d'Etat et fut obligé de quitter l'armée en 1964. Après le coup d'Etat militaire de 1971 organisé par des officiers de droite, Turhan fut emprisonné pour activités subversives et pour avoir mené un coup d'Etat militaire de gauche.
        Au cours de son procès, Turhan présenta à la cour plusieurs documents parmi lesquels figurait celui intitulé Opérations Contre-guérilla, publié par l'armée américaine en tant que manuel de manœuvres FM-31-16. Plus tard, il fut traduit en turc et publié par le quartier général de l'armée turque en tant que publication numéro ST-311S.
        Il présenta également —comme preuve de l'existence d'opérations contre-guérilla en Turquie— un livre de David Galula intitulé Guerre Contre-insurrection. Le livre, publié en 1964 par Frederick A. Praeger, Inc., maison d'édition de la CIA selon Turhan, fut publié en turc en 1965 par le quartier général de l'armée. D'après Turhan, ces livres, surtout Opérations Contre-guérilla, furent les manuels des organisations contre-guérilla en Turquie.
        Le livre Opération Contre-guérilla fournit une information détaillée sur les embuscades, les activités terroristes, les sabotages, les attaques contre les postes de police et les agents de sécurité, le vol à main armée et la torture. L'autre livre écrit par Galula, sur la guerre contre-insurrection, propose dans le chapitre sept des tactiques pour influencer les leaders politiques locaux et truquer les élections locales au moment voulu.
        "Dans certaines élections locales, il peut arriver que tous les hommes politiques élus soient des incompétents, ou il pourrait être impossible de trouver un autre candidat meilleur. C'est une situation regrettable. Dans de telles circonstances, la seule chose qui reste à faire est d'amener un meilleur candidat d'un autre quartier et truquer les élections", précise le livre.
        "Moi-même, je crois de tout cœur à la démocratie et j'adresse les plus vives critiques au quartier général de l'Armée Turque pour avoir publié un livre dans lequel elle recommande le trucage d'élections. Cevdet Sunay, alors chef de l'état-major et Süleyman Demirel, qui au cours de ces années détenait le pouvoir politique en tant qu'ancien premier ministre du gouvernement du Parti de la Justice, sont responsables d'avoir publié un tel livre," ajouta Turhan.

GUERRE SPÉCIALE DANS LE KURDISTAN TURC

        Le 4 décembre, une équipe des droits de l'homme composée de 50 législateurs, de représentants des partis politiques, des associations médicales et des groupes des droits de l'homme, est arrivée à la conclusion que les pratiques du gouvernement dans le Sud-est ont induit un sentiment de terreur parmi la population.
        Ce groupe, qui parmi ses ranges, comptait des législateurs du principal parti d'opposition, le Parti Populiste Social Démocrate (SHP), visita des villes et des villages dans les provinces d'Hakkari et Cizre.
        Mesut Öztaskin, porte-parole du groupe, affirma que la Turquie, alors qu'elle s'appliquait à trouver le moyen de faire face à une éventuelle guerre dans le Moyen-Orient, faisait semblant de ne pas remarquer la guerre qui se déroulait sur son propre sol, dans le Sud-est.
        Le député indépendant d'Izmir, Kemal Anadol, a accusé le gouvernement de terroriser la population du Sud-est au lieu de lui procurer la paix et la stabilité.
        "Dans cette région, les villages sont évacués de force et les gens se voient contraints à devenir des gardiens de villages. S'ils refusent, leurs maisons sont incendiées. Le quartier de Sapaca à Uludere constitue un exemple concret de cette pratique. L'élevage était la seule source de subsistance dans cette région mais en raison des restrictions imposées par le gouvernement, cette forme d'agriculture est en train de disparaître. Ce déclin, nous l'attribuons surtout au bannissement des bergers dans les montagnes, mesure destinée à éviter les contacts avec les Kurdes séparatistes. Aucune des lois turques signées par le président et le premier ministre n'est observée dans le sud- est de l'Anatolie" affirma Anadol.

LE TUMULTUEUX PROCÈS D'UNE ÉCOLIÈRE PACIFISTE

        Le 3 décembre, premier jour du procès de N.A., l'écolière de 16 ans accusée d'être membre d'une organisation illégale, la police et les soldats se sont heurtés aux spectateurs et aux journalistes à la Cour de Sûreté de l'Etat.
        Trois mandataires, ainsi que 62 observateurs de la Cour, parmi lesquels se trouvaient les parents et six autres membres de la famille de N.A. furent arrêtés. Les juristes furent relâchés la nuit du lundi et remis aux mains de Sehmuz Öner, membre du conseil exécutif de l'Association du Barreau d'Istanbul.
        L'étudiante, connue seulement par les initiales N.A. en raison d'une stipulation judiciaire destinée à protéger les mineurs, fut arrêtée en octobre et accusée d'avoir écrit des slogans contre la guerre sur un mur de son école. Le ministère public demande pour elle une peine de 20 ans de prison pour appartenance à un groupe politique banni et pour avoir écrit des slogans politiques.
        Trois autres détenus, Bunyamin Yücel, Saliha Nilufer Gen et Cana Acar, furent accusés du même crime et risquent également des sentences de 20 ans de prisons.
        Des policiers et des soldats encerclèrent la Cour de Sûreté de l'Etat, et lorsque les incidents éclatèrent, le juge remit l'affaire au 12 décembre.
        La police commença à évacuer la salle du tribunal par la force. Les avocats des détenus jetèrent leur toge devant le siège du juge en signe de protestation contre l'intervention de la police. La police agressa les avocats qui protestaient et les mandataires Murat Celik, Elvan Turker et Gülizar Tuncer furent arrêtés.
        Turgut Kazan, président du Barreau d'Istanbul se montra critique à l'égard de la violence dans le tribunal, qualifiant l'incident d'affront contre la loi et la justice.
        "En tant que membres du Barreau d'Istanbul, nous avons honte de cette image de notre pays. Nous nous élevons énergiquement contre les 'malfaiteurs' qui ont attaqué violemment les observateurs et les avocats dans la salle du tribunal. Au nom de la justice, nous appelons cet incident brutalité" affirma-t-il.
        Zerrin Sari, également avocat des détenus, indiqua que bien que N.A. avoua être membre de Devrimci Genclik (Jeunesse Révolutionnaire), ce doit être une "drôle" d'organisation politique car parmi les activités qu'elle dit exercer figuraient la danse folklorique et la préparation d'un journal d'école. "Rien dans ce groupe n'était illégal. Parmi leurs documents de trouvait Nokta [magazine hebdomadaire], mais aucune publication n'était illégale", conclut-elle.
        Selon Atalay Yörükoglu, psychiatre pour enfants à l'Université d'Hacettepe à Ankara, "une adolescente de 16 ans est consciente de ce qu'elle fait et peut avoir des idées politiques. Mais ce ne devrait pas être un motif pour l'enlever à son école, l'arrêter, et la jeter en prison. Dans un pays occidental, il est impossible d'arrêter un enfant pour avoir écrit des slogans contre la guerre" dit-il. "Elle a pu avouer appartenir à un groupe politique contrainte par la force ou sous l'effet de la peur. Qui peut le savoir? Après son arrestation, elle est soudainement devenue une héroïne".
        Huseyin Alkan fit savoir qu'il préférait ne pas penser au tort que la prison ferait à sa fille. "Les neuf jours de cauchemar qu'elle a passés à la section politique du département de police d'Istanbul auront certainement une influence sur le reste de sa vie" déclara-t-il.
        Juste après l'arrestation de d'étudiante, la police civile se rendit chez elle et demanda si la famille était contre la guerre. "Bien sûr que nous le sommes. Qui, dans ce pays, peut être en faveur de la guerre? La police fouilla la maison à la recherche de livres politiques. Il n'y a que quelques livres, mais aucun d'entre eux n'est interdit" affirmèrent-ils.
        La benjamine de la famille, N.A., qui était née en Allemagne de l'Ouest, a cinq sœurs.
        Aucun membre de sa famille ne fut autorisé à la voir avant sont dix-septième jour de captivité. La police permit alors à la sœur de N.A. de la voir pendant 15 minutes. "Nous fûmes autorisés à envoyer quelques brefs messages. Et elle [N.A.] nous répondit qu'elle allait bien sur l'autre face du même papier. Elle n'a que 16 ans. Elle a dû faire face à toutes ces choses compliquées dont elle ne comprend rien" conclut son père.

Persécution des mineurs d'âge en Novembre

        Le 9/11, à Adana, un étudiant âgé de 16 ans, arrêté avec 18 autres personnes pour être membres d'une organisation clandestine, a déclaré avoir été torturé durant son interrogatoire.
        Le 18/11, commença à la CSE de Diyarbakir, le jugement de trois mineurs d'âge,  H.B. (11 ans), A.Y. (12 ans) et S.G. (14 ans). avec 17 autres personnes arrêtées au cours d'un conflit contre les forces de sécurité. Le ministère public demande la peine de mort pour tous les accusés y compris les trois jeunes.
        Le 27/11, commença, à la CSE de Malatya, le jugement de six personnes, y compris A.O. de dix-sept ans, accusées d'activités séparatistes. Tous les accusés,  risquent la peine de mort.        Le 29/11, la police annonça l'arrestation de 13 membres du PKK à Antalya. Parmi eux se trouvait un jeune garçon de 16 ans.

LE TERRORISME D'ETAT EN NOVEMBRE

        Le 1/11, le secrétaire général du Parti Travailliste du Peuple (HEP) et député de Malatya, Ibrahim Aksoy, risque une peine de prison de 5 ans pour un discours prononcé le 25 juillet à Diyarbakir. Le ministère public, qui accuse Aksoy de faire de la "propagande séparatiste", demanda au Ministère de la Justice de lui enlever son immunité parlementaire.
        Le 2/11, huit personnes furent arrêtées dans la ville de Sarikaya pour avoir donné refuge à des militants du PKK.
        Le 3/11, les bureaux de plusieurs associations ont été perquisitionnés par la police et 84 personnes furent mises en état d'arrestation.
        Le 4/11, à Gaziantep, 59 personnes arrêtées en raison de leurs liens supposés avec certaines organisations clandestines.
        Le 6/11, Bülent Ates fut mis en accusation par la CSE d'Ankara pour avoir pris part aux activités du Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP).
        Le 7/11, à Elazig, 244 étudiants de l'Université de Firat furent jugés pour avoir participé à un rassemblement en mars. Chacun d'eux risque une peine de prison allant jusqu'à trois ans.
        Le 8/11, à Ankara, deux médecins, Sinan Olcay et Huseyin Güler, furent arrêtés, accusés d'avoir fourni du matériel médical à certaines organisations illégales. Ils seront jugés à la cour criminelle de Van.
        Le 8/11, la CSE d'Izmir à infligé à quatre personnes des peines de prison individuelles d'un an et trois mois pour avoir participé dans cette même ville au rassemblement du 1er mai alors que celui-ci n'avait pas été autorisé.
        Le 9/11, à Adana, 19 personnes furent arrêtées accusées d'être membres d'une organisation clandestine. Un des détenus, âgé de 16 ans a déclaré avoir été torturé durant son interrogatoire.
        Le 12/11, la présidente de l'Association pour la Solidarité envers les Familles des Prisonniers (TAYAD), Gülten Sesen, et l'ancien président de la même association, Mustafa Eryüksel, furent condamnés par la CSE à 5 ans de prison, chacun, pour une conférence de presse qu'ils avaient tenue deux ans auparavant à Bruxelles.
        Le 13/11, à Istanbul, 30 membres supposés du Parti Révolutionnaire Communiste de Turquie (TDKP), furent arrêtés par la police tandis qu'ils distribuaient des tracts contre la guerre.
        Le 14/11, à Gaziantep, 17 membres supposés de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol), furent arrêtés par la police.
        Le 15/11, quatre villageois araméens furent abattus au village de Bülbül de la province de Mardin par des agresseurs non-identifiés dotés d'armes automatiques.
        Le 16/11, le juriste Kemal Ilter, secrétaire de la section de Sakarya du IHD, fut condamné à 3 mois de prison pour avoir distribué des badges contre la guerre.
        Le 18/11, à Istanbul, 25 travailleurs furent arrêtés pour avoir protesté contre le renvoi de leurs collègues d'usine.
        Le 18/11, commença à la CSE de Diyarbakir, le jugement de 20 personnes arrêtées au cours d'un conflit contre les forces de sécurité. Le ministère public demande la peine de mort pour tous les accusés, parmi lesquels, trois sont mineurs: H.B. (11 ans), A.Y. (12 ans) et S.G. (14 ans).
        Le 18/11, le gouverneur provincial a ordonné la fermeture de la section locale du IHD à Gaziantep sous prétexte qu'elle maintenait des liens secrets avec des organisations illégales.
        Le 20/11, à Istanbul, 19 étudiants universitaires furent mis en accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat pour avoir participé à des manifestations contre le Conseil de l'Enseignement Supérieur (YÖK). Chacun d'eux risque une peine de prison de 5 à 8 ans.
        Le 21/11, à Adana, une manifestation d'étudiants universitaires protestant contre la peine de mort fut dispersée de force par la police et 32 d'entre eux furent arrêtés.
        Le 22/11, à Istanbul, un manifestant fut abattu et 20 autres furent arrêtes par la police au cours d'une manifestations contre la guerre.
        Le 22/11, à Ankara, 50 travailleurs municipaux furent arrêtés pour avoir envoyé à l'Organisation Alimentaire et Agricole des Nations Unies (FAO) une pétition demandant de la nourriture. Dans leur pétition ils disaient que leurs salaires étaient insuffisants pour nourrir leur famille.
        Le 22/11, la présidente de l'Association Féminine pour la Lutte Démocratique (DEMKAD), Gamze Turan, et quatre autres dirigeantes ont été arrêtées par la police.
        Le 22/11, trois dirigeants de la section d'Ankara du IHD, furent arrêtés par la police pour avoir protesté conter l'humiliante déclaration du ministre d'Etat sur les femmes.
        Le 23/11, le gouverneur interdit une réunion de l'Association des Enseignants (Egit-Der).
        Le 23/11, la police perquisitionna la cantine des étudiants de l'Ecole Supérieure de Journalisme de l'Université d'Istanbul et arrêta six étudiants. Deux étudiants eurent les bras cassés au cours de l'opération.
        Le 23/11, à Eskisehir, 13 personnes furent arrêtées alors qu'elles distribuaient des tracts contre la guerre.
        Le 23/11, à Iskenderun, 30 personnes d'origine kurde, accusées d'aider le PKK, furent arrêtées par la police.
        Le 25/11, à Istanbul, 18 femmes furent arrêtées par la police pour avoir manifesté contre l'humiliante déclaration du ministre d'Etat sur les femmes.
        Le 25/11, à Istanbul, le Club du Peuple de Beykoz et l'Association pour les Droits de l'Homme (IHD) furent perquisitionnés par la police. Au cours de ces deux opérations, 57 personnes furent arrêtées.
        Le 27/11, commença, à la CSE de Malatya, le jugement de six personnes accusées d'activités séparatistes. Tous les accusés, y compris A.O. de dix-sept ans, risquent la peine de mort. Le même jour, la police annonce l'arrestation de 30 personnes à Kars et Erzurum pour le même motif.
        Le 27/11, à Ankara, l'Association des Jeunes de l'Enseignement Supérieur (YÖGD), fut interdite par le gouverneur. Le même jour, la police perquisitionna une association culturelle située dans le quartier de Mamak et six personnes furent arrêtées.
        Le 28/11, la CSE d'Izmir condamna cinq membres du Dev-Sol à des peines de prison allant jusqu'à 9 ans et 8 mois.
        Le 29/11, la police annonça l'arrestation de 15 membres de Dev-Sol à Istanbul et de 13 membres du PKK à Antalya. Parmi ces derniers se trouvait un jeune garçon de 16 ans.
        Le 30/11, la CSE infligea à cinq étudiants universitaires des peines de prison allant jusqu'à 6 ans pour avoir distribué des tracts de la Jeunesse Révolutionnaire (Dev-Genc).
        Le 30/11, le ministère public de la CSE d'Ankara engagea des poursuites contre 100 professeurs d'université pour avoir participé à un boycottage organisé pour protester contre la montée du mouvement anti-laïque.

POURSUITE CONTRE LES MÉDIAS EN NOVEMBRE

        Le 2/11, le célèbre acteur de cinéma Ilyas Salman fut inculpé par la CSE d'Istanbul pour avoir fait de la propagande séparatiste au cours d'un discours qu'il prononça le 19 août à Bursa. Il risque une peine de prison de 10 ans.
        Le 3/11, la CSE d'Istanbul confisqua deux magazines, le bimensuel Mücadele et le mensuel Emek, qu'elle accusa de faire de la propagande communiste et séparatiste.
        Le 6/11, la CSE d'Istanbul confisqua le nouveau livre du sociologue Ismail Besikci, intitulé La Loi de Tunceli et Génocide, ainsi que deux revues mensuelles, Emegin Bayragi et Sosyalizm.
        Le 8/11, le représentant du mensuel Yeni Demokrasi à Ankara, Ali Ekber Kaypakkaya, ainsi que 7 collaborateurs furent mis en état d'arrestation par la CSE d'Ankara après avoir été détenus par la police pendant 12 jours. Un autre correspondant de cette même revue, Ismail Atik, fut également arrêté à Kars.
        Le 12/11, trois journalistes du quotidien Cumhuriyet, le rédacteur en chef, Okay Gönensin, le collaborateur, Ilhan Selcuk et le caricaturiste Necet Sen, furent inculpés à Istanbul pour avoir insulté le Président de la République.
        Le 13/11, la CSE d'Istanbul confisqua l'hebdomadaire Yüzyil parce qu'il avait publié un article sur la préparation d'un coup d'Etat au sein de l'Armée.
        Le 16/11, deux journalistes de la revue humoristique, Limon, le rédacteur en chef, Tan Cemal Genc, et le caricaturiste, Mustafa Bilgin, furent inculpés pour avoir ridiculisé le système judiciaire turc. Chacun d'eux risque une peine de prison de 5 ans.
        Le 19/11, le ministère public de la CSE d'Ankara délivra un mandat d'arrêt contre le chanteur de folklore Bedri Ayseli. Il est accusé d'avoir chanté une chanson kurde au cours d'une cérémonie de mariage à laquelle assistaient le Ministre de l'Intérieur et certains députés du parti au pouvoir.
        Le 19/11, deux journalistes du quotidien Sabah, le rédacteur en chef, Nazim Özdemir, et le correspondant, Kenan Akcay furent jugés par une cour criminelle d'Istanbul, pour avoir critiqué le système judiciaire turc. Chacun d'eux risque une peine de prison de 6 ans.
        Le 20/11, le ministère public intenta un nouveau procès contre le sociologue Ismail Besikci. Il est accusé de faire de la propagande séparatiste dans son dernier livre La Loi de Tunceli et Génocide, ainsi que dans une interview qu'il concéda à la revue mensuelle Deng.
        Le 22/11, la CSE d'Istanbul confisqua deux nouveau livres: Parti Léniniste et Cadres d'Enver Hodja pour propagande communiste et Appel, recueil de poèmes de Sosyal Ekinci, pour propagande séparatiste.
        Le 25/11, le rédacteur en chef du mensuel Deng, Kamil Ermis, fut condamné par la CSE d'Istanbul à 6 ans et 3 mois de prison pour propagande séparatiste.
        Le 25/11, un livre d'Haydar Isikalan: Memik, le Seigneur de Dersim, fut confisqué pour des raisons de séparatisme. L'auteur et son éditeur furent soumis à un procès.
        Le 25/11, la CSE d'Istanbul confisqua le premier numéro de la nouvelle revue politique Özgür Halk.
        Le 27/11, le chef des émissions turques de la WDR, Yüksel Pazarkaya, fut arrêté à l'Aéroport d'Istanbul alors qu'il rentrait en Allemagne. La police précisa que son nom figurait sur une liste de personnes recherchées.
        Le 27/11, le livre de Mme Rüya Eser Oguzcan, La Lesbienne, fut confisqué par une cour criminelle d'Istanbul. Le même jour, la CSE d'Istanbul fit de même avec la dernière publication du mensuel Medya Günesi.
        Le 28/11, quatre membres d'une équipe de la télévision hollandaise soupçonnés de vouloir tourner un film lorsqu'ils passaient à proximité de la Prison de Bayrampasa, furent arrêtés. Ils furent relâchés le lendemain.
        Le 30/11, on rapporte que le poète et éditeur, Ugur Kaynar, avait été arrêté par la police.
   

UNE GRÈVE DE 48.000 MINEURS DÉBOUCHA SUR UNE INTERMINABLE MANIFESTATION CONTRE LE GOUVERNEMENT

        Des dizaines de milliers de mineurs et leurs familles, de leaders syndicalistes, des hommes politiques de l'opposition, et des commerçants appuyant les mineurs, sont descendus dans la rue à Zonguldak, transformant la grève qui commença le 30 novembre dans les mines de charbon en une interminable manifestation contre le gouvernement.
        Après que le syndicat des mineurs ait échoué dans sa tentative d'arriver à un accord avec le gouvernement, 48.000 mineurs travaillant dans les mines de l'Etat se sont mis en grève.
        Le 2 décembre, d'importants groupes de mineurs qui s'étaient rassemblés aux portes des puits se sont dirigés, à partir de différents points, vers le centre de Zonguldak ville. Un grand rassemblement auquel participaient les femmes et les enfants des mineurs s'était donné rendez-vous devant le bâtiment du syndicat. Les manifestants scandèrent des slogans contraires au gouvernement exigeant la démission d'Özal. En passant devant les locaux du Parti de la Mère Patrie (ANAP), ils protestèrent contre la politique menée par ce parti au pouvoir. Faisant allusion à l'emblème du ANAP, une abeille, les grévistes criaient: "Ce devrait être une guêpe et non pas une abeille!"
        Des forces d'intervention renforcées par des troupes de l'armée stationnées à Zonguldak n'ont pas eu recours à la force pour dissoudre les manifestations qui, par la suite, se sont déroulées un peu partout. Beaucoup de commerces, qui n'ont pas ouvert leurs portes le 3 décembre, demeurèrent fermés. Leurs propriétaires se sont joints aux manifestants pour exprimer leur mécontentement envers la politique du gouvernement.
        La compagnie gouvernementale du charbon a annoncé un lock-out pour le 3 décembre, ce qui réduit les espérances de trouver une solution rapide au problème. Le président Özal, aussi bien que le premier ministre Akbulut ont adressé de sévères avertissements aux grévistes. Özal déclara que les compagnies publiques qui perdaient de l'argent devraient fermer leurs portes. Akbulut dit ceci: "Tout devrait être fait en vertu de la loi. Nous appliquerons la loi."
        Erdal Inönü, leader du principal parti d'opposition, le Parti Populiste Social Démocrate (SHP), est arrivé à Zonguldak accompagné de 82 de ses députés et s'est adressé aux mineurs en grève et à ceux qui les soutiennent. "A Zonguldak, les mineurs sont en train de montrer ce qu'est une démocratie. Grâce à votre action, certaines choses vont changer. Le gouvernement et le président Özal —qui est supposé être impartial— sont contre vous. Ce dernier n'est pas supposé se mêler des conflits des travailleurs. Mais il agit comme s'il était une des parties en litige. Il n'a pas le droit de faire ça," affirma Inönü.
        L'ancien premier ministre et leader du conservateur Parti de la Juste Voie (DYP), Süleyman Demirel, soutenait également les mineurs en grève. Demirel accusa le gouvernement d'affamer les mineurs qui étaient en train de travailler à 700 ou 800 mètres sous terre pour 500.000 LT (178$) par mois.
        L'ancien premier ministre Bülent Ecevit, leader du Parti Démocratique de Gauche (DSP), était également présent dans la ville exprimant sa solidarité aux grévistes.
        A Ankara, Sevket Yilmaz, président de Türk-Is, la plus grande confédération de travailleurs de Turquie, et un groupe de 30 dirigeants de syndicats ont quitté une réunion de la Convention Nationale sur la Productivité en signe de protestation lorsque le président Özal prit la parole. Yilmaz fit savoir qu'Özal était le responsable de la grève de Zonguldak et de l'échec d'autres négociations pour une convention collective du travail entre les syndicats ouvriers et les employeurs.
        Semsi Denizer, président du Syndicat des Mineurs, indiqua que les grévistes pourraient entreprendre une marche de Zonguldak à Ankara. Dans un discours qu'il prononça lors d'un rassemblement, Denizer dit que le syndicat était prêt à administrer les mines si le gouvernement était prêt à les remettre aux travailleurs.
        Les grèves et le mécontentement permanent des travailleurs sont rapidement devenus un thème central dans la société turque. Des séries de négociations collectives du travail aboutissent à des impasses car les syndicats des employeurs prétendent que les exigences des syndicats sont trop élevées. Ces derniers soutiennent que les travailleurs, simplement ne reçoivent pas les salaires qu'ils méritent.
        Maintenant, dans l'impasse, les exigences des différents syndicats comprennent des augmentations salariales allant de 400 à 650 pour cent. Les employeurs refusent d'aller au-delà de 100%.
        On estime que 55.000 travailleurs sont actuellement en grève, parmi eux, on trouve 42.000 mineurs de Zonguldak. Dans l'industrie du papier, 10.000 travailleurs ont décidé de se mettre en grève car les syndicat des employeurs avait refusé de leur concéder l'augmentation qu'ils demandaient.
        Le 3 décembre, Tesif, syndicat des travailleurs du secteur textile, a appelé à la grève des travailleurs d'Adana, Bursa, Izmir et Kayseri. Tesif, affilié à Turk-Is, affirma qu'il était ridicule que des travailleurs reçoivent le salaire minimum alors qu'actuellement le coût de vie en Turquie est si élevé.
        A la deuxième moitié de 1990, des négociations collectives pour les secteurs public et privé s'étaient tenues — ou étaient en train de se tenir— pour un total d'environ 500.000 travailleurs.
        Les travailleurs du secteur sidérurgique semblent être également sur le point d'entamer la grève. Le 4 octobre, les négociations entre le syndicat patronal, l'Association des Employeurs Turcs des Industries Sidérurgiques (MESS), et les syndicats Türk-Metal, Otomobil-Is, Ozdemir-Is et Celik-Is ont abouti à une impasse. Le plus important de ces trois syndicats, Türk Metal, qui est affilié à Türk-Is, représente 85.000 travailleurs répartis dans 262 entreprises. On s'attend à ce que le conseil d'administration de Türk-Metal convoque bientôt une grève.
        Le grève menace également les fabricants d'électroménagers tel que Arçelik, Profilo et les constructeurs automobiles Tofas et Renault. Dans leurs négociations avec MESS, les syndicats Otomobil-Is, Celik-Is et Ozdemir-Is représentent 55.000 travailleurs.
        Au cours de six premiers jours de grève à Zonguldak, les pertes étaient estimées à 69 milliards de LT (24,5 millions de $). Les officiels ont indiqué que si la grève devait durer encore un mois, les pertes seraient estimées à 250 milliards de LT.

DISCRIMINATION DE LA FEMME EN TURQUIE

        Le 5 décembre fut commémoré le 56ème anniversaire du droit de suffrage de la femme en Turquie par des cérémonies officielles auxquelles furent invités de nombreuses personnalités internationales dans le but de charmer les institutions européennes et l'opinion mondiale. La célébration officielle de ce jour tandis que, partout dans le pays, des milliers de femmes turques et kurdes étaient emprisonnées ou mises en accusation pour leurs opinions politiques, était une véritable hypocrisie. Devant une telle situation, nombreuses furent les femmes européennes invitées qui ont refusé de participer à cette farce.
        Est-ce que la condition de la femme a vraiment beaucoup progressé en Turquie? C'est la première question qui vient à l'esprit lors de la commémoration du 5 décembre. En Turquie, les femmes ont été autorisées à voter et à se présenter en tant que candidates aux élections municipales en 1930. Le 5 décembre 1934, sous l'impulsion de Kemal Atatürk, fondateur de la République, l'Assemblée Nationale fit paraître une loi conférant aux femmes ces mêmes droits dans les élections générales. En 1935, lors des premières élections auxquelles les femmes avaient le droit de voter et d'être élues, dix-huit d'entre elle ont obtenu un siège au Parlement. De ces dix-huit, dix étaient enseignantes.
        Pour savoir si le statut politique de la femme s'est amélioré depuis 1934, il suffit d'analyser brièvement la représentation féminine dans l'actuelle Assemblée Nationale: bien qu'un des ministres du Parti de la Mère Patrie (ANAP) —le ministre du Travail Imren Aykut— soit une femme, parmi les 450 membres de l'Assemblée Nationale, il n'y a que six femmes députés, contre 18 en 1935.
        Depuis 1934, 90 femmes ont été députés ou sénateurs au Parlement, 10 d'entre elles ont été désignées. Les femmes d'Istanbul ont eu plus de succès dans la conquête du Parlement (19), viennent ensuite celles d'Ankara avec 11 et celles d'Izmir avec 10.
        Selon une étude des Nations Unies portant sur des femmes vivant dans 99 pays (le Dateline , 8 décembre 1990), la Turquie n'est pas bien placée pour ce qui est du statut de la femme. Tandis que la Finlande arrive en tête de la liste des pays qui accordent le plus de droits sociaux à la femme, la Turquie apparaît en 35ème position, en dépit du fait que les femmes turques ont acquis le droit de vote avant la plupart de leurs homologues européennes. En France et en Italie, par exemple, elles l'ont acquis bien plus tard qu'en Turquie.
        Pour les femmes turques, l'acquisition des droits politiques sur le papier n'a pas été automatiquement reflété dans la pratique, tel que le démontre l'étude de l'O.N.U. Dans un classement du pourcentage des femmes qui travaillent, la Turquie arrive 82ème dans une liste de 92.
        Après la proclamation de la République Turque, le premier pas vers la libération de la femme fut l'adoption de la loi Tevhid-i Tedrisat qui créa des écoles mixtes et exigea de tous les citoyens turcs —y compris des femmes— l'obtention du certificat d'études primaires.
        Bien que cette loi eut pour but d'augmenter le nombre de femmes instruites en Turquie, le niveau relativement élevé d'analphabétisme parmi les femmes turques montre que cet objectif n'a pas été atteint. En termes d'éducation, les femmes turques arrivent en 79ème position sur la liste des N.U.
        D'après le recensement national de 1980, 16% des jeunes turcs âgés de moins de 14 ans étaient analphabètes, dont 77,3% étaient des filles. La situation est un peu meilleure dans les grandes villes, où les filles représentent 25% des étudiants universitaires.
        Le deuxième pas comprend l'adoption, en 1929, du Code Civil Suisse, en vertu duquel les femmes avaient le même statut que les hommes et les mêmes droits légaux dans le mariage, le divorce et l'héritage.
        Cependant, le Code Civil a omis d'aborder les suppositions traditionnelles telles que le mari soit le chef de famille. Le code spécifiait que le premier devoir de la femme était son ménage et que pour travailler elle devait avoir la permission du mari.
        Le troisième pas d'Atatürk fut la loi d'Attire qui abolissait la loi Ottomane qui exigeait que le visage et le corps des femmes soient couverts en public. Toutefois, depuis le coup d'Etat militaire de 1980, cette réforme n'a pas été observée et les femmes turques, sous l'influence et la pression de la montée du fondamentalisme islamique, se voient à nouveau dans l'obligation de couvrir leur visage.
        Bien que, le 30 novembre, la Cour Constitutionnelle ait déclaré inconstitutionnel l'article 159 du Code Civil, qui précisait que pour travailler, une femme devait obtenir la permission de son mari, cette révocation est considérée comme une victoire partielle du mouvement pour les droits de la femme. D'autres clauses du Code Civil sur des problèmes d'héritage, de statut au sein de la famille et de divorce, sont également discriminatoires vis-à-vis de la femme. Ce sont des extensions de l'article 152 du Code Civil, qui considère que l'homme est le chef de famille. L'article 152 précise également que la femme doit assister son mari pour le bien-être de la famille, par exemple, et que c'est le mari qui décidera du lieu de résidence.
        Selon l'article 154, le mariage est représenté par le mari. C'est lui, par exemple, qui est responsable des économies de la famille.
        L'article 263 sur la garde des enfants, également dans le Code Civil, précise que si les deux parents partagent la garde, en cas de désaccord, c'est automatiquement le père qui l'obtient.
        L'article 200 affirme qu'une épouse ne peut renoncer à un héritage qu'avec la permission de son mari. S'il refuse, la femme peut poursuivre l'affaire en justice.
        L'article 440 du Code Pénal dit qu'une femme mariée coupable d'adultère est passible d'une peine de prison allant de six mois à trois ans. L'article 441, cependant, stipule qu'un homme marié coupable du même crime ne sera emprisonné que s'il a vécu en couple avec une autre femme dans la maison où il habitait auparavant avec sa femme ou dans un autre emplacement bien connu de ses voisins.

VERS UN NOUVEAU PARTI DE GAUCHE

        Le 25 novembre, un groupe de communistes et de socialistes turcs ont décidé de fonder le cinquième parti de gauche qui voit le jour depuis le coup d'Etat. Les 136 membres fondateurs furent invités à introduire, avant le 15 janvier 1991, une demande formelle auprès du Ministère de l'Intérieur en vue de former le nouveau parti qui s'appelera parti de l'Union Socialiste (SBP).
        Les cinq autres partis qui ont été légalement fondés sont le Parti Populiste Social Démocrate (SHP), le Parti de la Gauche démocratique (DSP), le Parti Travailliste du Peuple (HEP, le Parti Socialiste (SP) et le parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP). De ces cinq partis, seuls le SHP et le HEP sont représentés à l'Assemblée Nationale.
        La déclaration du nouveau parti prône le commencement d'une nouvelle ère dans le monde politique turc et une restructuration de la démocratie dans le pays. Les 600 participants réunis dans le congrès d'ouverture étaient principalement des dirigeants des anciens partis pro-soviétiques de la période précédant le coup d'Etat, tel que le Parti Communiste de Turquie (TKP), le Parti Ouvrier de Turquie (TIP) et le Parti Ouvrier Socialiste de Turquie (TSIP), qui, tous, étaient devenus illégaux et avaient été dissous après le coup d'Etat militaire de 1980. Deux de ces partis, le TKP et le TIP, avaient été réunis sous le nom de Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP), dont la Cour Constitutionnelle doit encore se prononcer à propos de son statut légal.
        Les anciens députés du SHP, Kemal Anadol, Husnu Okcuoglu, Kamil Atesoglu et Ekin Dikmen ont participé au congrès constituant du SBP en tant que membres. Les députés du SHP, Orhan Veli Yildirim et Tayfun Un, ainsi que le député du HEP, Adnan Ekmen, ont également pris part au congrès mais furent présentés comme des invités assistant aux sessions.
        Un des débats essentiels qui a été résolu au cours du congrès fut l'élection d'un nom acceptable pour le nouveau parti de gauche. Des 151 noms proposés, parmi lesquels ont trouvait le Parti Communiste Turc, le Parti de la Recherche et la Pratique Scientifique et le Parti Socialiste Turco-Kurde, les délégués se sont finalement décidés pour le Parti de l'Union Socialiste.
        Cependant, une grande majorité des anciens membres du TKP, du TIP et du TSIP ont refusé de prendre part à ce nouveau mouvement, objectant que les fondateurs du nouveau parti avaient adopté un programme trop soumis. Nihat Sargin et Nabi Yagci (Haydar Kutlu), respectivement président et secrétaire général du TBKP, qui étaient parmi les fondateurs du nouveau parti, sont particulièrement visés par les critiques des militants du TKP, du TIP et du TSIP qui estiment qu'ils ont renoncé à la lutte des classes et courtisent les grosses affaires et les hommes politiques de droite.

LA CHARTE DE PARIS ET LA TURQUIE

        La Turquie était l'un des 34 pays à signer le document de 45 pages de la Charte de Paris et de l'Accord Mutuel et Equilibré de Désarmement Militaire.
        Cependant, parmi les 34 signataires, la Turquie est pour le moment le seul pays où les droits de l'homme sont violés de façon systématique.
        Bien qu'après avoir signé la Charte, le président Özal eut déclaré que "la Turquie était fière de jouer un rôle actif dans la construction de la nouvelle structure européenne", la situation des droits de l'homme en Turquie est encore une honte pour les dirigeants du pays.
        Le commentateur des affaires étrangères du Milliyet, Mehmet Ali Birand, déclara dans son article du 20 novembre: "Le changement le plus important sera l'accent particulier mis sur les droits de l'homme et la démocratie. Ces points constitueront les seuls baromètres d'une société contemporaine. Ceux qui n'admettent pas ces principes, ne trouveront pas de place dans la communauté mondiale des nations. La Turquie parviendra-t-elle à occuper sa place légitime dans ce nouveau monde? Si elle n'y parvient pas nous raterons le coche, car de telles opportunités ne se présentent pas souvent dans l'histoire du monde. Nous devons changer notre attitude envers la démocratie et les droits de l'homme et mettre fin à toutes les restrictions dans ce domaines."
        Özal, prenant la parole dans la Conférence de Paris, dit que le problème des minorités en Europe ne pouvait être résolu de manière satisfaisante que par le biais des principes démocratiques. Etant donné que les Kurdes de Turquie sont encore soumis à des pressions inhumaines et privés et de leurs droits nationaux et culturels, une telle déclaration ne fait que prouver une fois de plus la traditionnelle hypocrisie d'Özal.


VERS UNE COMMUNAUTÉ DE LA MER NOIRE

        Le gouvernement turc, après le déclin du système socialistes, porte un grand intérêt à la proposition d'une Zone de Coopération Economique de la Mer Noire. Certains observateurs prétendent que l'intégration de la Turquie dans cette nouvelle communauté économique serait la seule échappatoire, puisque la Communauté Européenne a reporté sa décision sur la candidature turque à après 1995.
        La future zone économique qu'établiront les quatre pays situés en bordure de la Mer Noire — la Turquie, l'Union Soviétique, la Bulgarie et la Roumanie— encourageraient les projets de coopération comprenant des investissements communs, une banque commune, des zones de libre-échange, des échanges technologiques et une coopération en matière de ressources énergétiques.
        Après une petite phase de transition, les quatre états se sont mis d'accord pour abolir le système des visas pour les voyages d'affaires et de tourisme ne dépassant pas un mois.
        Cependant, selon l'accord proposé, les hommes d'affaires de ces pays qui veulent rester plus d'un mois pour administrer leurs affaires recevraient une réponse immédiate à leur demande de visa. Une éventuelle libre-circulation de travailleurs entre les quatre pays fut prévue.
        L'accord préliminaire dit que les quatre pays, "mettant l'accent sur l'importance d'une coopération régionale et soulignant la nécessité de développer leur économie, d'augmenter leur niveau de vie et de faire un usage efficace de leurs ressources économiques, ont accepté le fait que le progrès économique repose en grande partie sur les tentatives et les entreprises individuelles et sur la libre-circulation des gens, des capitaux, des services et des biens."
        On s'attend donc à ce que les formalités douanières soient réduites au minimum après la période de transition.
        Selon l'accord préliminaire, les gouvernements des états membres essayeraient de coordonner leurs relations économiques en essayant de développer la coopération dans les domaines convenus avant. Il est également prévu de créer une banque de données et d'instaurer une coopération en méthodologie pour assurer cette coopération.
        Les états membres ont également convenu de joindre leurs efforts pour promouvoir une coopération bilatérale ou régional en vue de construire des centrales électriques, éliminer les déchets toxiques, redévelopper d'autres sources d'énergie et la technologie des hydrocarbures.
        Ils augmenteraient la coopération dans la recherche scientifique et technologique et s'engageraient dans des projets communs d'infrastructure et de construction d'habitations.
        En vertu de l'accord préliminaire, une Banque de Développement de la Mer Noire serait créée pour encourager la coopération entre les membres et fomenter les relations économiques en mettant l'accent sur les projets d'infrastructure. Après une période de transition, la banque commencerait à financer totalement ou partiellement certains projets.
        Les stratégies communes exposées dans la ville de villégiature d'Abant au cours d'une réunion présidée par le président Turgut Özal seraient discutés dans une réunion qui doit être tenue les 19 et 20 décembre à Ankara.