LES
ÉDITEURS D'INFO-TÜRK SONT ALLÉS EN APPEL DEVANT
LA COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE
L'HOMME
Le 7 décembre, deux éditeurs
d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, sont allés en appel devant
la Commission Européenne des Droits de l'Homme dans le but de faire
annuler la décision du gouvernement turc les privant de la nationalité
turque.
La juriste belge Catherine Deman,
soutenant que la décision du gouvernement turc a enfreint les Articles
3, 6, 10, 11, 13 et 14 de la Convention Européenne sur les Droits de
l'Homme et l'Article 1 du Protocole Additionnel, demande la révocation
de la décision et des dommages pour la perte de leurs droits en Turquie.
Özal,
plus belliciste que les généraux turcs, décrète la mobilisation
générale
et essaye de rendre l'Europe complice de son abus de pouvoir.
Fait accompli
La réaction suscitée dans tout le
pays par la politique individuelle que mène le président Özal dans le
Golfe vient d'acquérir une nouvelle dimension avec la démission du chef
d'état-major, le général Necip Torumtay. Auparavant, les ministres des
Affaires étrangères et de la Défense Nationale avaient également
démissionné parce qu'Özal menait lui-même la politique étrangère et
militaire sans les consulter.
Torumtay devint le premier chef
militaire à démissionner de son poste en raison de divergences
politiques avec le gouvernement. Il fut remplacé par le général Dogan
Güres. Dans sa laconique lettre de démission, Torumtay exprime les
principes auxquels il croit et affirme que sa vision du gouvernement ne
lui permettait pas de continuer à occuper son poste.
Dans son message d'adieu adressé
aux forces armées, le chef militaire a encouragé ces dernières à
poursuivre dans la direction indiquée par Kemal Atatürk.
La dernière rencontre officielle
entre Özal et Torumtay, au cours de laquelle ils abordèrent les récents
événements concernant la crise du Golfe, eut lieu le 1er décembre. Au
cours de cet entretien, Özal mit l'accent sur la nécessité d'envoyer
une unité militaire symbolique en Arabie Saoudite, prétextant qu'une
présence symbolique de la Turquie dans le Golfe lui conférerait
davantage de protagonisme dans les négociations diplomatiques
ultérieures. Torumtay s'opposa aux plans du Président.
Le Ministère des Affaires
étrangères et l'Etat-major se seraient tous deux opposés à l'idée
d'impliquer des troupes turques dans la guerre et d'autoriser les
troupes de combat américaines à utiliser les bases d'Incirlik et de
Pirinclik en cas de conflit armé contre l'Irak.
Au cours de cet entretien,
Torumtay affirma qu'avant d'utiliser les bases contre l'Irak, un nouvel
accord entre Ankara et Washington s'avérait nécessaire. Torumtay fut
également déçu par la manière dont Özal mène la politique à travers ses
propres filières sans consulter le quartier général de l'Etat-Major. La
figure de proue de la filière du Président est le général à la retraite
Kemal Yamak, Secrétaire Général du Palais Présidentiel. La presse
turque affirme qu'Özal a apporté aux plans de l'Etat-Major des
modifications suggérées par Yamak pour satisfaire les demandes de
l'administration américaine.
En fait, depuis la démission du
général Torumtay, la concentration de forces armées à la frontière
irakienne s'est accélérée. Selon l'édition du 8 décembre du Hürriyet,
outre une force de 100.000 hommes, des troupes supplémentaires ont été
envoyées dans les provinces d'Hakkari et Siirt.
Alors qu'il commentait la
démission du général Torumtay, le principal leader de l'opposition,
Erdal Inönü dit ceci: "Plusieurs membres du cabinet ont démissionné
parce qu'ils disaient être incapables de travailler avec Özal.
Maintenant c'est le chef de l'Etat-Major qui démissionne. L'approche
personnelle d'Özal est en train de conduire le pays à la guerre.
D'éminents bureaucrates démissionnent à tour de rôle faisant savoir
qu'ils ne veulent pas être impliqués dans cette aventure."
Dans une nouvelle démarche, Özal
a demandé à l'OTAN d'envoyer le composant aérien de la Force Mobile
Alliée (AMF) à la frontière turco-irakienne afin de défendre le sud-est
du pays contre une éventuelle attaque irakienne. Ce composant est
constitué par trois escadrons d'avions de combat allemands, belges et
italiens.
Bien que la presse turque fut
informée de cette demande le 19 décembre, la lettre envoyée à l'OTAN
est datée du 30 novembre 1990. Il semble que la demande fut envoyée à
l'OTAN malgré le désaccord du chef de l'état-major.
La presse turque affirme que
cette décision fut également prise par Özal lui-même, sans l'avoir
préalablement débattue au Conseil des Ministres.
La presse turque rapporte
également qu'au début de 1991, une mobilisation générale sera décrétée
dans toute la Turquie sous prétexte d'une éventuelle agression de
l'Irak.
Etant donné que Saddam Hussein
n'a jamais proféré la moindre menace contre la Turquie, ces mesures
sont interprétées comme une nouvelle manœuvre d'Özal pour justifier
l'utilisation des aéroports turques par les Forces Aériennes
américaines d'un côté et pour renforcer son pouvoir coercitif, d'un
autre côté.
Les groupes d'opposition turcs et
kurdes ont rappelé que toute assistance militaire à la Turquie dans le
Sud-Est équivaudra à une contribution occidentale à la répression menée
par l'armée turque contre la population kurde.
En réalité, à l'exception des
Etats-Unis, les membres européens de l'OTAN ont déjà délibérément opté
pour la prudence à l'égard de la demande d'Özal. Il semble que les
ambassadeurs de l'OTAN pourraient accéder à la demande de déploiement
présentée par la Turquie en tant que simple geste politique, mais
couperaient court à l'idée de rendre les avions engagés dans ce
déploiement opérationnels. Avant que les escadrons ne puissent entrer
en action, il faudrait donc une autre décision de l'OTAN.
LE GLADIO TURC EST UTILISÉ CONTRE LA GUÉRILLA KURDE
Le débat public sur
l'Organisation Contre-Guérilla, équivalent turc du Gladio, s'est
poursuivi le mois dernier avec l'intervention de nombreuses
personnalités publiques ainsi que certains ex-officiers. Le
porte-parole de l'armée turque a confirmé l'existence d'une telle
organisation, connue sous le nom officiel de Département Spécial de la
Guerre. Bien qu'il nia l'existence du moindre lien entre l'organisation
et la terreur politique, le porte-parole admit que dans le Sud-est, on
avait encore recours à des équipes de l'Organisations Contre-guérilla
contre les guérillas kurdes.
Cependant, la majorité de
l'Assemblée Nationale, ne tenant nullement compte du débat public, a
rejeté une proposition du SHP dont le but était de donner priorité à
une investigation des activités de l'Organisation Contre-guérilla.
Le lieutenant-Général Dogan
Beyazit, chef de la division des opérations de l'état-major, déclarait
aux journalistes le 3 décembre que le Département Spécial de la Guerre
et l'Organisation contre-guérilla n'étaient pas la même chose: "Le
département fut créé pour résister à une invasion, par la guerre de
guérilla, le sauvetage de la résistance et des opérations
d'enlèvements."
Le général de brigade Kemal
Yildiz, chef de ce controversé département déclara que l'organisation
avait été créée en septembre 1952, lorsqu'Adnan Menderes, allié ouvert
des Etats-Unis, était premier ministre. Le département fut créé après
que la Turquie soit devenu membre à part entière de l'OTAN en février
1952.
Selon Yilmaz, le Département
Spécial de la Guerre, qui se compose aussi bien de civils que
d'officiers de l'armée, organisa un mouvement de résistance à Chypre
entre 1963 et 1974 et fut également utilisé en 1980 pour libérer des
otages tenus prisonniers dans un avion de passagers des Lignes
Aériennes Turques détourné vers Diyarbakir par des terroristes
fondamentalistes musulmans. "Le département a encore participé
activement aux opérations de sécurité menées contre les membres armés
du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) dans les provinces du sud-est de la
Turquie," ajouta-t-il.
Aux récentes déclarations de
Bülent Ecevit qu'il n'avait appris l'existence du département qu'en
1974, lorsqu'en tant que premier ministre, on lui demanda des fonds
supplémentaires, Beyazit répondit en ces termes: "En 1974, Ecevit reçut
des instructions de l'état-major, et les généraux chargés de donner ces
instructions prirent note des commentaires du premier ministre. Ecevit
dit: 'C'est mon devoir national [de fournir des fonds au département].
En principe, je suis favorable à un recours à des fonds nationaux pour
financer ce besoin. Cette solution n'alourdira pas l'état, le
département pourrait être financé avec des fonds secrets. Déterminez
vos besoins et faites-m'en parvenir une liste.' Si Ecevit prétend qu'il
n'était pas totalement informé, alors c'est qu'il n'a pas lu
attentivement les décrets qu'il signait".
Beyazit affirma que le
département n'était pas une organisation clandestine mais une division
de l'armée. Il nia, cependant, que l'organisation se soit formée sur
initiative de l'OTAN. Il dit également qu'il n'existait aucun lien
entre le Département Spécial de la Guerre et l'Organisation Nationale
de Renseignements (MIT). Toutefois, il admit que le département
coopérait avec l'OTAN dans des domaines techniques et que, parfois, il
participait aux programmes d'entraînement de l'OTAN en Turquie et à
l'étranger.
L'organisation n'était pas
particulièrement anti-communiste, soutenait Beyazit. "Si la Turquie
était un pays menacé par une invasion seulement communiste,
l'organisation aurait été structurée comme un bouclier dressé contre le
communisme. Mais la Turquie est soumise à d'autres menaces, allant du
fondamentalisme religieux au président Saddam Hussein et à la Grèce,"
dit-il, et ajoute ensuite que "le département serait également utilisé
contre une révolution religieuse en Turquie".
Des journalistes et d'anciens
hommes politiques ont déclaré récemment que le département avait
interrogé des leaders politiques et des prisonniers et les avait
torturés dans la résidence de Ziverbey, dans le district d'Erenköy à
Istanbul, après le coup d'Etat du 12 mars 1971, lorsque les principaux
généraux du pays ont fait paraître un mémorandum obligeant le
gouvernement de l'ancien premier ministre, Süleyman Demirel à
démissionner. Beaucoup d'écrivains de gauche, des journalistes et des
activistes furent arrêtés après le coup d'Etat de 1971. L'écrivain
Ilhan Selçuk et des officiers de l'armée, soupçonnés d'avoir été
impliqués dans un complot contre l'Etat furent interrogés dans la
résidence. Par la suite, tous affirmèrent qu'au cours de
l'interrogatoire on leur avait dit que la résidence était utilisée par
l'Organisation contre-guérilla.
Au cours de la conférence de
presse, Beyazit nia que la résidence eut été utilisée par le
département. "Le département n'a reçu aucune mission secrète au cours
du coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980" conclut-il.
La version du Général Evren sur la Contre-Guérilla
Les déclarations émanant du
quartier général de l'Armée semblent être en contradiction avec les
commentaires de Kenan Evren, ancien président et chef de la junte
militaire du 12 septembre 1980. Evren dit dans ses mémoires, publiées
le mois dernier, que le 5 mai 1980, Süleyman Demirel, alors premier
ministre, avait demandé le concours du département pour combattre le
terrorisme.
"J'ai rejeté cette demande. Il
[Demirel] insista et fit remarquer qu'en 1971, le département avait été
utilisé contre des activités subversives. Une fois de plus, j'ai rejeté
la demande. Tant que je fus à la tête du quartier général de
l'Etat-Major, le département n'outrepassa jamais ses fonctions de
départ," déclara Evren.
Evren manifesta que bien qu'il
n'autorisa pas l'utilisation de cette organisation secrète, "Certaines
personnes affiliées à elle peuvent avoir été impliqués dans ces
incidents. je ne suis pas en mesure de le savoir. Elle peuvent l'avoir
été sans m'en informer," ajouta-t-il.
Evren confirma que le Département
Spécial de la Guerre avait participé auparavant à ce genre d'activités,
notamment à l'assassinat de neuf militants de gauche à Kizildere, dans
le nord de l'Anatolie, le 30 mars 1972.
D'un autre côté, Evren avait
déclaré auparavant dans une interview publiée le 26 novembre dans le
journal Hürriyet que des civils affiliés à l'organisation paramilitaire
secrète créée par le Département Spécial de la Guerre au sein du
Quartier Général de l'Armée pouvaient avoir été impliqués à son insu
dans des incidents terroristes survenus avant 1980.
Demirel nia avoir demandé à Evren
d'avoir recours au département pour contrer le terrorisme: "Je lui ai
simplement demandé d'utiliser son autorité. Evren confond les choses."
L'ancien premier ministre, Bülent
Ecevit, indiqua que plusieurs incidents survenus en 1977 et 1978
n'étaient toujours pas résolus. "Le plus grave d'entre eux eut lieu au
cours du rassemblement du 1er mai 1977 sur la place Taksim à Istanbul.
Il causa la mort de plus de 30 personnes", affirma Ecevit. Au cours du
rassemblement, des personnes non-identifiées ont ouvert le feu sur la
place où étaient entassées des milliers de personnes. Les coups de feu
ont provoqué la panique, et une fuite précipitée causa la mort de 33
personnes. En dépit des actions en justice concernant l'incident et les
investigations policières, on ne sait toujours pas qui a ouvert le feu.
Ecevit dit également avoir révélé
à Fahri Korutürk, alors président de la République, qu'il soupçonnait
la branche civile du Département Spécial de la Guerre d'être derrière
les incidents qui se sont produits le 1er mai et que celui-ci lui avait
demandé de lui soumettre ses inquiétudes par écrit.
Ecevit a également mentionné la
tentative d'assassinat dont il fut victime le 29 mai 1977. Au cours de
l'incident, un policier ouvrit le feu et, à l'aide d'une arme spéciale
qui lançait un petit missile, il blessa un collaborateur d'Ecevit,
Mehmet Isvan. "Après l'incident, on présumait que les forces de police
turques n'étaient pas censées posséder officiellement une telle arme.
Nos tentatives pour découvrir l'origine de cette arme furent déjouées.
Jamais, nous ne pûmes savoir d'où elle venait ou qui l'avait donnée au
policier qui la maniait" déclara Ecevit.
En 1977, Demirel —qui était alors
premier ministre— mit publiquement en garde Ecevit pour qu'il ne
participe pas à un rassemblement politique à Taksim car il était
évident qu'il serait victime d'un attentat.
"En 1978, lorsque je suis arrivé
au pouvoir, j'étais curieux de savoir d'où Demirel avait tiré
l'information" dit Ecevit. "J'ai demandé le dossier et je l'ai étudié.
L'avertissement était écrit sur une feuille de papier blanche sans
signature. Apparemment, ni le quartier général de la police, ni
l'Organisation Nationale de Renseignements (MIT) n'ont enquêté sur
l'origine de la feuille de papier. Ceci m'a à nouveau fait penser au
Département Spécial de la Guerre," indiqua Ecevit.
Les révélations d'un ancien officier sur la contre guérilla
Talat Turhan, un officier de
l'armée à la retraite, auteur de trois livres sur les opérations des
groupes contre-guérilla en Turquie, révéla qu'une organisation
contre-guérilla comparable au Gladio fut établie en Turquie peu après
l'intégration du pays dans l'OTAN en 1952.
Dans une interview concédée le 24
novembre au journal Dateline, Turhan insinué l'existence d'un possible
lien entre la soi-disant Organisation contre-guérilla et les récents
assassinats, y compris ceux de Cetin Emec, ancien rédacteur en chef du
journal à grand tirage Hürriyet, du juriste Muammer Aksoy, ferme
partisan des principes de réforme d'Atatürk, du conférencier de
théologie et ancien ministre du SHP, Bahriye Ucok et de l'écrivain
Turan Dursun. "Théoriquement, si les meurtriers ne peuvent être
retrouvés et si les assassinats politiques continuent, les auteurs des
crimes sont les forces de sécurité et les agences de renseignements.
Ces organisations peuvent agir individuellement ou en collaboration.
Elles pourraient agir en collaboration avec une agence de
renseignements étrangère. C'est au gouvernement à prouver ou à établir
la fausseté de cette théorie" dit-il.
L'actuelle situation politique,
ajouta-t-il, pourrait donner lieu à un autre coup d'Etat militaire.
"Dans la Turquie d'aujourd'hui j'ai le sentiment qu'un film déjà vu
deux fois pourrait être projeté une troisième fois. Tout ceci est dû à
l'échec du gouvernement. Il ne parvient pas à trouver les meurtriers."
Evoquant la période qui précéda
le coup d'Etat militaire de 1971, Turhan déclara, "Avant le coup d'Etat
du 12 mars 1971, les activités terroristes individuelles s'étaient
étendues. Cette atmosphère politique fut suivie d'un coup d'Etat
militaire, qui bénéficiait les Etats-Unis car ceux-ci étaient opposés
aux libertés que garantissait la Constitution de 1961. En favorisant ce
coup d'Etat on cherchait à apporter certains amendements à la
Constitution qui rétabliraient l'exploitation par les Etats-Unis."
Selon Turhan, le coup d'Etat du
12 septembre 1980 fut entrepris dans le même but. "Ceux qui voulaient
exploiter ce pays encore plus qu'ils ne le faisaient par le passé
organisèrent un autre coup d'Etat militaire. La Turquie fut plongée
dans un bain de sang par les provocations et les assassinats perpétrés
par des personnes inconnues. Tout ceci donna lieu au coup d'Etat
militaire" affirma-t-il. Turhan dit à Dateline qu'à l'origine, l'idée
d'établir un groupe de résistance contre une invasion menée par les
Soviétiques contre un pays membre de l'OTAN était légitime. Vous ne
pouvez blâmer un tel groupe pour ses opérations si elles restent dans
un cadre légal. Mais s'il agit sous l'influence des forces étrangères,
surtout l'impérialisme américain, il est probable qu'il participera à
des activités illégales. Il s'est trouvé que tel était le cas en Italie
et il en va de la même en Turquie", précisa-t-il.
Turhan, qui jouissait d'une
grande influence au sein de l'armée après le coup d'Etat militaire de
1960, fut accusé d'avoir participé à deux tentatives de coup d'Etat et
fut obligé de quitter l'armée en 1964. Après le coup d'Etat militaire
de 1971 organisé par des officiers de droite, Turhan fut emprisonné
pour activités subversives et pour avoir mené un coup d'Etat militaire
de gauche.
Au cours de son procès, Turhan
présenta à la cour plusieurs documents parmi lesquels figurait celui
intitulé Opérations Contre-guérilla, publié par l'armée américaine en
tant que manuel de manœuvres FM-31-16. Plus tard, il fut traduit en
turc et publié par le quartier général de l'armée turque en tant que
publication numéro ST-311S.
Il présenta également —comme
preuve de l'existence d'opérations contre-guérilla en Turquie— un livre
de David Galula intitulé Guerre Contre-insurrection. Le livre, publié
en 1964 par Frederick A. Praeger, Inc., maison d'édition de la CIA
selon Turhan, fut publié en turc en 1965 par le quartier général de
l'armée. D'après Turhan, ces livres, surtout Opérations
Contre-guérilla, furent les manuels des organisations contre-guérilla
en Turquie.
Le livre Opération
Contre-guérilla fournit une information détaillée sur les embuscades,
les activités terroristes, les sabotages, les attaques contre les
postes de police et les agents de sécurité, le vol à main armée et la
torture. L'autre livre écrit par Galula, sur la guerre
contre-insurrection, propose dans le chapitre sept des tactiques pour
influencer les leaders politiques locaux et truquer les élections
locales au moment voulu.
"Dans certaines élections
locales, il peut arriver que tous les hommes politiques élus soient des
incompétents, ou il pourrait être impossible de trouver un autre
candidat meilleur. C'est une situation regrettable. Dans de telles
circonstances, la seule chose qui reste à faire est d'amener un
meilleur candidat d'un autre quartier et truquer les élections",
précise le livre.
"Moi-même, je crois de tout cœur
à la démocratie et j'adresse les plus vives critiques au quartier
général de l'Armée Turque pour avoir publié un livre dans lequel elle
recommande le trucage d'élections. Cevdet Sunay, alors chef de
l'état-major et Süleyman Demirel, qui au cours de ces années détenait
le pouvoir politique en tant qu'ancien premier ministre du gouvernement
du Parti de la Justice, sont responsables d'avoir publié un tel livre,"
ajouta Turhan.
GUERRE SPÉCIALE DANS LE KURDISTAN TURC
Le 4 décembre, une équipe des
droits de l'homme composée de 50 législateurs, de représentants des
partis politiques, des associations médicales et des groupes des droits
de l'homme, est arrivée à la conclusion que les pratiques du
gouvernement dans le Sud-est ont induit un sentiment de terreur parmi
la population.
Ce groupe, qui parmi ses ranges,
comptait des législateurs du principal parti d'opposition, le Parti
Populiste Social Démocrate (SHP), visita des villes et des villages
dans les provinces d'Hakkari et Cizre.
Mesut Öztaskin, porte-parole du
groupe, affirma que la Turquie, alors qu'elle s'appliquait à trouver le
moyen de faire face à une éventuelle guerre dans le Moyen-Orient,
faisait semblant de ne pas remarquer la guerre qui se déroulait sur son
propre sol, dans le Sud-est.
Le député indépendant d'Izmir,
Kemal Anadol, a accusé le gouvernement de terroriser la population du
Sud-est au lieu de lui procurer la paix et la stabilité.
"Dans cette région, les villages
sont évacués de force et les gens se voient contraints à devenir des
gardiens de villages. S'ils refusent, leurs maisons sont incendiées. Le
quartier de Sapaca à Uludere constitue un exemple concret de cette
pratique. L'élevage était la seule source de subsistance dans cette
région mais en raison des restrictions imposées par le gouvernement,
cette forme d'agriculture est en train de disparaître. Ce déclin, nous
l'attribuons surtout au bannissement des bergers dans les montagnes,
mesure destinée à éviter les contacts avec les Kurdes séparatistes.
Aucune des lois turques signées par le président et le premier ministre
n'est observée dans le sud- est de l'Anatolie" affirma Anadol.
LE TUMULTUEUX PROCÈS D'UNE ÉCOLIÈRE PACIFISTE
Le 3 décembre, premier jour du
procès de N.A., l'écolière de 16 ans accusée d'être membre d'une
organisation illégale, la police et les soldats se sont heurtés aux
spectateurs et aux journalistes à la Cour de Sûreté de l'Etat.
Trois mandataires, ainsi que 62
observateurs de la Cour, parmi lesquels se trouvaient les parents et
six autres membres de la famille de N.A. furent arrêtés. Les juristes
furent relâchés la nuit du lundi et remis aux mains de Sehmuz Öner,
membre du conseil exécutif de l'Association du Barreau d'Istanbul.
L'étudiante, connue seulement par
les initiales N.A. en raison d'une stipulation judiciaire destinée à
protéger les mineurs, fut arrêtée en octobre et accusée d'avoir écrit
des slogans contre la guerre sur un mur de son école. Le ministère
public demande pour elle une peine de 20 ans de prison pour
appartenance à un groupe politique banni et pour avoir écrit des
slogans politiques.
Trois autres détenus, Bunyamin
Yücel, Saliha Nilufer Gen et Cana Acar, furent accusés du même crime et
risquent également des sentences de 20 ans de prisons.
Des policiers et des soldats
encerclèrent la Cour de Sûreté de l'Etat, et lorsque les incidents
éclatèrent, le juge remit l'affaire au 12 décembre.
La police commença à évacuer la
salle du tribunal par la force. Les avocats des détenus jetèrent leur
toge devant le siège du juge en signe de protestation contre
l'intervention de la police. La police agressa les avocats qui
protestaient et les mandataires Murat Celik, Elvan Turker et Gülizar
Tuncer furent arrêtés.
Turgut Kazan, président du
Barreau d'Istanbul se montra critique à l'égard de la violence dans le
tribunal, qualifiant l'incident d'affront contre la loi et la justice.
"En tant que membres du Barreau
d'Istanbul, nous avons honte de cette image de notre pays. Nous nous
élevons énergiquement contre les 'malfaiteurs' qui ont attaqué
violemment les observateurs et les avocats dans la salle du tribunal.
Au nom de la justice, nous appelons cet incident brutalité"
affirma-t-il.
Zerrin Sari, également avocat des
détenus, indiqua que bien que N.A. avoua être membre de Devrimci
Genclik (Jeunesse Révolutionnaire), ce doit être une "drôle"
d'organisation politique car parmi les activités qu'elle dit exercer
figuraient la danse folklorique et la préparation d'un journal d'école.
"Rien dans ce groupe n'était illégal. Parmi leurs documents de trouvait
Nokta [magazine hebdomadaire], mais aucune publication n'était
illégale", conclut-elle.
Selon Atalay Yörükoglu,
psychiatre pour enfants à l'Université d'Hacettepe à Ankara, "une
adolescente de 16 ans est consciente de ce qu'elle fait et peut avoir
des idées politiques. Mais ce ne devrait pas être un motif pour
l'enlever à son école, l'arrêter, et la jeter en prison. Dans un pays
occidental, il est impossible d'arrêter un enfant pour avoir écrit des
slogans contre la guerre" dit-il. "Elle a pu avouer appartenir à un
groupe politique contrainte par la force ou sous l'effet de la peur.
Qui peut le savoir? Après son arrestation, elle est soudainement
devenue une héroïne".
Huseyin Alkan fit savoir qu'il
préférait ne pas penser au tort que la prison ferait à sa fille. "Les
neuf jours de cauchemar qu'elle a passés à la section politique du
département de police d'Istanbul auront certainement une influence sur
le reste de sa vie" déclara-t-il.
Juste après l'arrestation de
d'étudiante, la police civile se rendit chez elle et demanda si la
famille était contre la guerre. "Bien sûr que nous le sommes. Qui, dans
ce pays, peut être en faveur de la guerre? La police fouilla la maison
à la recherche de livres politiques. Il n'y a que quelques livres, mais
aucun d'entre eux n'est interdit" affirmèrent-ils.
La benjamine de la famille, N.A.,
qui était née en Allemagne de l'Ouest, a cinq sœurs.
Aucun membre de sa famille ne fut
autorisé à la voir avant sont dix-septième jour de captivité. La police
permit alors à la sœur de N.A. de la voir pendant 15 minutes. "Nous
fûmes autorisés à envoyer quelques brefs messages. Et elle [N.A.] nous
répondit qu'elle allait bien sur l'autre face du même papier. Elle n'a
que 16 ans. Elle a dû faire face à toutes ces choses compliquées dont
elle ne comprend rien" conclut son père.
Persécution des mineurs d'âge en Novembre
Le 9/11, à Adana, un étudiant âgé
de 16 ans, arrêté avec 18 autres personnes pour être membres d'une
organisation clandestine, a déclaré avoir été torturé durant son
interrogatoire.
Le 18/11, commença à la CSE de
Diyarbakir, le jugement de trois mineurs d'âge, H.B. (11 ans),
A.Y. (12 ans) et S.G. (14 ans). avec 17 autres personnes arrêtées au
cours d'un conflit contre les forces de sécurité. Le ministère public
demande la peine de mort pour tous les accusés y compris les trois
jeunes.
Le 27/11, commença, à la CSE de
Malatya, le jugement de six personnes, y compris A.O. de dix-sept ans,
accusées d'activités séparatistes. Tous les accusés, risquent la
peine de mort. Le 29/11, la police
annonça l'arrestation de 13 membres du PKK à Antalya. Parmi eux se
trouvait un jeune garçon de 16 ans.
LE TERRORISME D'ETAT EN NOVEMBRE
Le 1/11, le secrétaire général du
Parti Travailliste du Peuple (HEP) et député de Malatya, Ibrahim Aksoy,
risque une peine de prison de 5 ans pour un discours prononcé le 25
juillet à Diyarbakir. Le ministère public, qui accuse Aksoy de faire de
la "propagande séparatiste", demanda au Ministère de la Justice de lui
enlever son immunité parlementaire.
Le 2/11, huit personnes furent
arrêtées dans la ville de Sarikaya pour avoir donné refuge à des
militants du PKK.
Le 3/11, les bureaux de plusieurs
associations ont été perquisitionnés par la police et 84 personnes
furent mises en état d'arrestation.
Le 4/11, à Gaziantep, 59
personnes arrêtées en raison de leurs liens supposés avec certaines
organisations clandestines.
Le 6/11, Bülent Ates fut mis en
accusation par la CSE d'Ankara pour avoir pris part aux activités du
Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP).
Le 7/11, à Elazig, 244 étudiants
de l'Université de Firat furent jugés pour avoir participé à un
rassemblement en mars. Chacun d'eux risque une peine de prison allant
jusqu'à trois ans.
Le 8/11, à Ankara, deux médecins,
Sinan Olcay et Huseyin Güler, furent arrêtés, accusés d'avoir fourni du
matériel médical à certaines organisations illégales. Ils seront jugés
à la cour criminelle de Van.
Le 8/11, la CSE d'Izmir à infligé
à quatre personnes des peines de prison individuelles d'un an et trois
mois pour avoir participé dans cette même ville au rassemblement du 1er
mai alors que celui-ci n'avait pas été autorisé.
Le 9/11, à Adana, 19 personnes
furent arrêtées accusées d'être membres d'une organisation clandestine.
Un des détenus, âgé de 16 ans a déclaré avoir été torturé durant son
interrogatoire.
Le 12/11, la présidente de
l'Association pour la Solidarité envers les Familles des Prisonniers
(TAYAD), Gülten Sesen, et l'ancien président de la même association,
Mustafa Eryüksel, furent condamnés par la CSE à 5 ans de prison,
chacun, pour une conférence de presse qu'ils avaient tenue deux ans
auparavant à Bruxelles.
Le 13/11, à Istanbul, 30 membres
supposés du Parti Révolutionnaire Communiste de Turquie (TDKP), furent
arrêtés par la police tandis qu'ils distribuaient des tracts contre la
guerre.
Le 14/11, à Gaziantep, 17 membres
supposés de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol), furent arrêtés par la
police.
Le 15/11, quatre villageois
araméens furent abattus au village de Bülbül de la province de Mardin
par des agresseurs non-identifiés dotés d'armes automatiques.
Le 16/11, le juriste Kemal Ilter,
secrétaire de la section de Sakarya du IHD, fut condamné à 3 mois de
prison pour avoir distribué des badges contre la guerre.
Le 18/11, à Istanbul, 25
travailleurs furent arrêtés pour avoir protesté contre le renvoi de
leurs collègues d'usine.
Le 18/11, commença à la CSE de
Diyarbakir, le jugement de 20 personnes arrêtées au cours d'un conflit
contre les forces de sécurité. Le ministère public demande la peine de
mort pour tous les accusés, parmi lesquels, trois sont mineurs: H.B.
(11 ans), A.Y. (12 ans) et S.G. (14 ans).
Le 18/11, le gouverneur
provincial a ordonné la fermeture de la section locale du IHD à
Gaziantep sous prétexte qu'elle maintenait des liens secrets avec des
organisations illégales.
Le 20/11, à Istanbul, 19
étudiants universitaires furent mis en accusation par la Cour de Sûreté
de l'Etat pour avoir participé à des manifestations contre le Conseil
de l'Enseignement Supérieur (YÖK). Chacun d'eux risque une peine de
prison de 5 à 8 ans.
Le 21/11, à Adana, une
manifestation d'étudiants universitaires protestant contre la peine de
mort fut dispersée de force par la police et 32 d'entre eux furent
arrêtés.
Le 22/11, à Istanbul, un
manifestant fut abattu et 20 autres furent arrêtes par la police au
cours d'une manifestations contre la guerre.
Le 22/11, à Ankara, 50
travailleurs municipaux furent arrêtés pour avoir envoyé à
l'Organisation Alimentaire et Agricole des Nations Unies (FAO) une
pétition demandant de la nourriture. Dans leur pétition ils disaient
que leurs salaires étaient insuffisants pour nourrir leur famille.
Le 22/11, la présidente de
l'Association Féminine pour la Lutte Démocratique (DEMKAD), Gamze
Turan, et quatre autres dirigeantes ont été arrêtées par la police.
Le 22/11, trois dirigeants de la
section d'Ankara du IHD, furent arrêtés par la police pour avoir
protesté conter l'humiliante déclaration du ministre d'Etat sur les
femmes.
Le 23/11, le gouverneur interdit
une réunion de l'Association des Enseignants (Egit-Der).
Le 23/11, la police
perquisitionna la cantine des étudiants de l'Ecole Supérieure de
Journalisme de l'Université d'Istanbul et arrêta six étudiants. Deux
étudiants eurent les bras cassés au cours de l'opération.
Le 23/11, à Eskisehir, 13
personnes furent arrêtées alors qu'elles distribuaient des tracts
contre la guerre.
Le 23/11, à Iskenderun, 30
personnes d'origine kurde, accusées d'aider le PKK, furent arrêtées par
la police.
Le 25/11, à Istanbul, 18 femmes
furent arrêtées par la police pour avoir manifesté contre l'humiliante
déclaration du ministre d'Etat sur les femmes.
Le 25/11, à Istanbul, le Club du
Peuple de Beykoz et l'Association pour les Droits de l'Homme (IHD)
furent perquisitionnés par la police. Au cours de ces deux opérations,
57 personnes furent arrêtées.
Le 27/11, commença, à la CSE de
Malatya, le jugement de six personnes accusées d'activités
séparatistes. Tous les accusés, y compris A.O. de dix-sept ans,
risquent la peine de mort. Le même jour, la police annonce
l'arrestation de 30 personnes à Kars et Erzurum pour le même motif.
Le 27/11, à Ankara, l'Association
des Jeunes de l'Enseignement Supérieur (YÖGD), fut interdite par le
gouverneur. Le même jour, la police perquisitionna une association
culturelle située dans le quartier de Mamak et six personnes furent
arrêtées.
Le 28/11, la CSE d'Izmir condamna
cinq membres du Dev-Sol à des peines de prison allant jusqu'à 9 ans et
8 mois.
Le 29/11, la police annonça
l'arrestation de 15 membres de Dev-Sol à Istanbul et de 13 membres du
PKK à Antalya. Parmi ces derniers se trouvait un jeune garçon de 16 ans.
Le 30/11, la CSE infligea à cinq
étudiants universitaires des peines de prison allant jusqu'à 6 ans pour
avoir distribué des tracts de la Jeunesse Révolutionnaire (Dev-Genc).
Le 30/11, le ministère public de
la CSE d'Ankara engagea des poursuites contre 100 professeurs
d'université pour avoir participé à un boycottage organisé pour
protester contre la montée du mouvement anti-laïque.
POURSUITE CONTRE LES MÉDIAS EN NOVEMBRE
Le 2/11, le célèbre acteur de
cinéma Ilyas Salman fut inculpé par la CSE d'Istanbul pour avoir fait
de la propagande séparatiste au cours d'un discours qu'il prononça le
19 août à Bursa. Il risque une peine de prison de 10 ans.
Le 3/11, la CSE d'Istanbul
confisqua deux magazines, le bimensuel Mücadele et le mensuel Emek,
qu'elle accusa de faire de la propagande communiste et séparatiste.
Le 6/11, la CSE d'Istanbul
confisqua le nouveau livre du sociologue Ismail Besikci, intitulé La
Loi de Tunceli et Génocide, ainsi que deux revues mensuelles, Emegin
Bayragi et Sosyalizm.
Le 8/11, le représentant du
mensuel Yeni Demokrasi à Ankara, Ali Ekber Kaypakkaya, ainsi que 7
collaborateurs furent mis en état d'arrestation par la CSE d'Ankara
après avoir été détenus par la police pendant 12 jours. Un autre
correspondant de cette même revue, Ismail Atik, fut également arrêté à
Kars.
Le 12/11, trois journalistes du
quotidien Cumhuriyet, le rédacteur en chef, Okay Gönensin, le
collaborateur, Ilhan Selcuk et le caricaturiste Necet Sen, furent
inculpés à Istanbul pour avoir insulté le Président de la République.
Le 13/11, la CSE d'Istanbul
confisqua l'hebdomadaire Yüzyil parce qu'il avait publié un article sur
la préparation d'un coup d'Etat au sein de l'Armée.
Le 16/11, deux journalistes de la
revue humoristique, Limon, le rédacteur en chef, Tan Cemal Genc, et le
caricaturiste, Mustafa Bilgin, furent inculpés pour avoir ridiculisé le
système judiciaire turc. Chacun d'eux risque une peine de prison de 5
ans.
Le 19/11, le ministère public de
la CSE d'Ankara délivra un mandat d'arrêt contre le chanteur de
folklore Bedri Ayseli. Il est accusé d'avoir chanté une chanson kurde
au cours d'une cérémonie de mariage à laquelle assistaient le Ministre
de l'Intérieur et certains députés du parti au pouvoir.
Le 19/11, deux journalistes du
quotidien Sabah, le rédacteur en chef, Nazim Özdemir, et le
correspondant, Kenan Akcay furent jugés par une cour criminelle
d'Istanbul, pour avoir critiqué le système judiciaire turc. Chacun
d'eux risque une peine de prison de 6 ans.
Le 20/11, le ministère public
intenta un nouveau procès contre le sociologue Ismail Besikci. Il est
accusé de faire de la propagande séparatiste dans son dernier livre La
Loi de Tunceli et Génocide, ainsi que dans une interview qu'il concéda
à la revue mensuelle Deng.
Le 22/11, la CSE d'Istanbul
confisqua deux nouveau livres: Parti Léniniste et Cadres d'Enver Hodja
pour propagande communiste et Appel, recueil de poèmes de Sosyal
Ekinci, pour propagande séparatiste.
Le 25/11, le rédacteur en chef du
mensuel Deng, Kamil Ermis, fut condamné par la CSE d'Istanbul à 6 ans
et 3 mois de prison pour propagande séparatiste.
Le 25/11, un livre d'Haydar
Isikalan: Memik, le Seigneur de Dersim, fut confisqué pour des raisons
de séparatisme. L'auteur et son éditeur furent soumis à un procès.
Le 25/11, la CSE d'Istanbul
confisqua le premier numéro de la nouvelle revue politique Özgür Halk.
Le 27/11, le chef des émissions
turques de la WDR, Yüksel Pazarkaya, fut arrêté à l'Aéroport d'Istanbul
alors qu'il rentrait en Allemagne. La police précisa que son nom
figurait sur une liste de personnes recherchées.
Le 27/11, le livre de Mme Rüya
Eser Oguzcan, La Lesbienne, fut confisqué par une cour criminelle
d'Istanbul. Le même jour, la CSE d'Istanbul fit de même avec la
dernière publication du mensuel Medya Günesi.
Le 28/11, quatre membres d'une
équipe de la télévision hollandaise soupçonnés de vouloir tourner un
film lorsqu'ils passaient à proximité de la Prison de Bayrampasa,
furent arrêtés. Ils furent relâchés le lendemain.
Le 30/11, on rapporte que le
poète et éditeur, Ugur Kaynar, avait été arrêté par la police.
UNE GRÈVE DE 48.000 MINEURS DÉBOUCHA SUR UNE INTERMINABLE MANIFESTATION
CONTRE LE GOUVERNEMENT
Des dizaines de milliers de
mineurs et leurs familles, de leaders syndicalistes, des hommes
politiques de l'opposition, et des commerçants appuyant les mineurs,
sont descendus dans la rue à Zonguldak, transformant la grève qui
commença le 30 novembre dans les mines de charbon en une interminable
manifestation contre le gouvernement.
Après que le syndicat des mineurs
ait échoué dans sa tentative d'arriver à un accord avec le
gouvernement, 48.000 mineurs travaillant dans les mines de l'Etat se
sont mis en grève.
Le 2 décembre, d'importants
groupes de mineurs qui s'étaient rassemblés aux portes des puits se
sont dirigés, à partir de différents points, vers le centre de
Zonguldak ville. Un grand rassemblement auquel participaient les femmes
et les enfants des mineurs s'était donné rendez-vous devant le bâtiment
du syndicat. Les manifestants scandèrent des slogans contraires au
gouvernement exigeant la démission d'Özal. En passant devant les locaux
du Parti de la Mère Patrie (ANAP), ils protestèrent contre la politique
menée par ce parti au pouvoir. Faisant allusion à l'emblème du ANAP,
une abeille, les grévistes criaient: "Ce devrait être une guêpe et non
pas une abeille!"
Des forces d'intervention
renforcées par des troupes de l'armée stationnées à Zonguldak n'ont pas
eu recours à la force pour dissoudre les manifestations qui, par la
suite, se sont déroulées un peu partout. Beaucoup de commerces, qui
n'ont pas ouvert leurs portes le 3 décembre, demeurèrent fermés. Leurs
propriétaires se sont joints aux manifestants pour exprimer leur
mécontentement envers la politique du gouvernement.
La compagnie gouvernementale du
charbon a annoncé un lock-out pour le 3 décembre, ce qui réduit les
espérances de trouver une solution rapide au problème. Le président
Özal, aussi bien que le premier ministre Akbulut ont adressé de sévères
avertissements aux grévistes. Özal déclara que les compagnies publiques
qui perdaient de l'argent devraient fermer leurs portes. Akbulut dit
ceci: "Tout devrait être fait en vertu de la loi. Nous appliquerons la
loi."
Erdal Inönü, leader du principal
parti d'opposition, le Parti Populiste Social Démocrate (SHP), est
arrivé à Zonguldak accompagné de 82 de ses députés et s'est adressé aux
mineurs en grève et à ceux qui les soutiennent. "A Zonguldak, les
mineurs sont en train de montrer ce qu'est une démocratie. Grâce à
votre action, certaines choses vont changer. Le gouvernement et le
président Özal —qui est supposé être impartial— sont contre vous. Ce
dernier n'est pas supposé se mêler des conflits des travailleurs. Mais
il agit comme s'il était une des parties en litige. Il n'a pas le droit
de faire ça," affirma Inönü.
L'ancien premier ministre et
leader du conservateur Parti de la Juste Voie (DYP), Süleyman Demirel,
soutenait également les mineurs en grève. Demirel accusa le
gouvernement d'affamer les mineurs qui étaient en train de travailler à
700 ou 800 mètres sous terre pour 500.000 LT (178$) par mois.
L'ancien premier ministre Bülent
Ecevit, leader du Parti Démocratique de Gauche (DSP), était également
présent dans la ville exprimant sa solidarité aux grévistes.
A Ankara, Sevket Yilmaz,
président de Türk-Is, la plus grande confédération de travailleurs de
Turquie, et un groupe de 30 dirigeants de syndicats ont quitté une
réunion de la Convention Nationale sur la Productivité en signe de
protestation lorsque le président Özal prit la parole. Yilmaz fit
savoir qu'Özal était le responsable de la grève de Zonguldak et de
l'échec d'autres négociations pour une convention collective du travail
entre les syndicats ouvriers et les employeurs.
Semsi Denizer, président du
Syndicat des Mineurs, indiqua que les grévistes pourraient entreprendre
une marche de Zonguldak à Ankara. Dans un discours qu'il prononça lors
d'un rassemblement, Denizer dit que le syndicat était prêt à
administrer les mines si le gouvernement était prêt à les remettre aux
travailleurs.
Les grèves et le mécontentement
permanent des travailleurs sont rapidement devenus un thème central
dans la société turque. Des séries de négociations collectives du
travail aboutissent à des impasses car les syndicats des employeurs
prétendent que les exigences des syndicats sont trop élevées. Ces
derniers soutiennent que les travailleurs, simplement ne reçoivent pas
les salaires qu'ils méritent.
Maintenant, dans l'impasse, les
exigences des différents syndicats comprennent des augmentations
salariales allant de 400 à 650 pour cent. Les employeurs refusent
d'aller au-delà de 100%.
On estime que 55.000 travailleurs
sont actuellement en grève, parmi eux, on trouve 42.000 mineurs de
Zonguldak. Dans l'industrie du papier, 10.000 travailleurs ont décidé
de se mettre en grève car les syndicat des employeurs avait refusé de
leur concéder l'augmentation qu'ils demandaient.
Le 3 décembre, Tesif, syndicat
des travailleurs du secteur textile, a appelé à la grève des
travailleurs d'Adana, Bursa, Izmir et Kayseri. Tesif, affilié à
Turk-Is, affirma qu'il était ridicule que des travailleurs reçoivent le
salaire minimum alors qu'actuellement le coût de vie en Turquie est si
élevé.
A la deuxième moitié de 1990, des
négociations collectives pour les secteurs public et privé s'étaient
tenues — ou étaient en train de se tenir— pour un total d'environ
500.000 travailleurs.
Les travailleurs du secteur
sidérurgique semblent être également sur le point d'entamer la grève.
Le 4 octobre, les négociations entre le syndicat patronal,
l'Association des Employeurs Turcs des Industries Sidérurgiques (MESS),
et les syndicats Türk-Metal, Otomobil-Is, Ozdemir-Is et Celik-Is ont
abouti à une impasse. Le plus important de ces trois syndicats, Türk
Metal, qui est affilié à Türk-Is, représente 85.000 travailleurs
répartis dans 262 entreprises. On s'attend à ce que le conseil
d'administration de Türk-Metal convoque bientôt une grève.
Le grève menace également les
fabricants d'électroménagers tel que Arçelik, Profilo et les
constructeurs automobiles Tofas et Renault. Dans leurs négociations
avec MESS, les syndicats Otomobil-Is, Celik-Is et Ozdemir-Is
représentent 55.000 travailleurs.
Au cours de six premiers jours de
grève à Zonguldak, les pertes étaient estimées à 69 milliards de LT
(24,5 millions de $). Les officiels ont indiqué que si la grève devait
durer encore un mois, les pertes seraient estimées à 250 milliards de
LT.
DISCRIMINATION DE LA FEMME EN TURQUIE
Le 5 décembre fut commémoré le
56ème anniversaire du droit de suffrage de la femme en Turquie par des
cérémonies officielles auxquelles furent invités de nombreuses
personnalités internationales dans le but de charmer les institutions
européennes et l'opinion mondiale. La célébration officielle de ce jour
tandis que, partout dans le pays, des milliers de femmes turques et
kurdes étaient emprisonnées ou mises en accusation pour leurs opinions
politiques, était une véritable hypocrisie. Devant une telle situation,
nombreuses furent les femmes européennes invitées qui ont refusé de
participer à cette farce.
Est-ce que la condition de la
femme a vraiment beaucoup progressé en Turquie? C'est la première
question qui vient à l'esprit lors de la commémoration du 5 décembre.
En Turquie, les femmes ont été autorisées à voter et à se présenter en
tant que candidates aux élections municipales en 1930. Le 5 décembre
1934, sous l'impulsion de Kemal Atatürk, fondateur de la République,
l'Assemblée Nationale fit paraître une loi conférant aux femmes ces
mêmes droits dans les élections générales. En 1935, lors des premières
élections auxquelles les femmes avaient le droit de voter et d'être
élues, dix-huit d'entre elle ont obtenu un siège au Parlement. De ces
dix-huit, dix étaient enseignantes.
Pour savoir si le statut
politique de la femme s'est amélioré depuis 1934, il suffit d'analyser
brièvement la représentation féminine dans l'actuelle Assemblée
Nationale: bien qu'un des ministres du Parti de la Mère Patrie (ANAP)
—le ministre du Travail Imren Aykut— soit une femme, parmi les 450
membres de l'Assemblée Nationale, il n'y a que six femmes députés,
contre 18 en 1935.
Depuis 1934, 90 femmes ont été
députés ou sénateurs au Parlement, 10 d'entre elles ont été désignées.
Les femmes d'Istanbul ont eu plus de succès dans la conquête du
Parlement (19), viennent ensuite celles d'Ankara avec 11 et celles
d'Izmir avec 10.
Selon une étude des Nations Unies
portant sur des femmes vivant dans 99 pays (le Dateline , 8 décembre
1990), la Turquie n'est pas bien placée pour ce qui est du statut de la
femme. Tandis que la Finlande arrive en tête de la liste des pays qui
accordent le plus de droits sociaux à la femme, la Turquie apparaît en
35ème position, en dépit du fait que les femmes turques ont acquis le
droit de vote avant la plupart de leurs homologues européennes. En
France et en Italie, par exemple, elles l'ont acquis bien plus tard
qu'en Turquie.
Pour les femmes turques,
l'acquisition des droits politiques sur le papier n'a pas été
automatiquement reflété dans la pratique, tel que le démontre l'étude
de l'O.N.U. Dans un classement du pourcentage des femmes qui
travaillent, la Turquie arrive 82ème dans une liste de 92.
Après la proclamation de la
République Turque, le premier pas vers la libération de la femme fut
l'adoption de la loi Tevhid-i Tedrisat qui créa des écoles mixtes et
exigea de tous les citoyens turcs —y compris des femmes— l'obtention du
certificat d'études primaires.
Bien que cette loi eut pour but
d'augmenter le nombre de femmes instruites en Turquie, le niveau
relativement élevé d'analphabétisme parmi les femmes turques montre que
cet objectif n'a pas été atteint. En termes d'éducation, les femmes
turques arrivent en 79ème position sur la liste des N.U.
D'après le recensement national
de 1980, 16% des jeunes turcs âgés de moins de 14 ans étaient
analphabètes, dont 77,3% étaient des filles. La situation est un peu
meilleure dans les grandes villes, où les filles représentent 25% des
étudiants universitaires.
Le deuxième pas comprend
l'adoption, en 1929, du Code Civil Suisse, en vertu duquel les femmes
avaient le même statut que les hommes et les mêmes droits légaux dans
le mariage, le divorce et l'héritage.
Cependant, le Code Civil a omis
d'aborder les suppositions traditionnelles telles que le mari soit le
chef de famille. Le code spécifiait que le premier devoir de la femme
était son ménage et que pour travailler elle devait avoir la permission
du mari.
Le troisième pas d'Atatürk fut la
loi d'Attire qui abolissait la loi Ottomane qui exigeait que le visage
et le corps des femmes soient couverts en public. Toutefois, depuis le
coup d'Etat militaire de 1980, cette réforme n'a pas été observée et
les femmes turques, sous l'influence et la pression de la montée du
fondamentalisme islamique, se voient à nouveau dans l'obligation de
couvrir leur visage.
Bien que, le 30 novembre, la Cour
Constitutionnelle ait déclaré inconstitutionnel l'article 159 du Code
Civil, qui précisait que pour travailler, une femme devait obtenir la
permission de son mari, cette révocation est considérée comme une
victoire partielle du mouvement pour les droits de la femme. D'autres
clauses du Code Civil sur des problèmes d'héritage, de statut au sein
de la famille et de divorce, sont également discriminatoires vis-à-vis
de la femme. Ce sont des extensions de l'article 152 du Code Civil, qui
considère que l'homme est le chef de famille. L'article 152 précise
également que la femme doit assister son mari pour le bien-être de la
famille, par exemple, et que c'est le mari qui décidera du lieu de
résidence.
Selon l'article 154, le mariage
est représenté par le mari. C'est lui, par exemple, qui est responsable
des économies de la famille.
L'article 263 sur la garde des
enfants, également dans le Code Civil, précise que si les deux parents
partagent la garde, en cas de désaccord, c'est automatiquement le père
qui l'obtient.
L'article 200 affirme qu'une
épouse ne peut renoncer à un héritage qu'avec la permission de son
mari. S'il refuse, la femme peut poursuivre l'affaire en justice.
L'article 440 du Code Pénal dit
qu'une femme mariée coupable d'adultère est passible d'une peine de
prison allant de six mois à trois ans. L'article 441, cependant,
stipule qu'un homme marié coupable du même crime ne sera emprisonné que
s'il a vécu en couple avec une autre femme dans la maison où il
habitait auparavant avec sa femme ou dans un autre emplacement bien
connu de ses voisins.
VERS UN NOUVEAU PARTI DE GAUCHE
Le 25 novembre, un groupe de
communistes et de socialistes turcs ont décidé de fonder le cinquième
parti de gauche qui voit le jour depuis le coup d'Etat. Les 136 membres
fondateurs furent invités à introduire, avant le 15 janvier 1991, une
demande formelle auprès du Ministère de l'Intérieur en vue de former le
nouveau parti qui s'appelera parti de l'Union Socialiste (SBP).
Les cinq autres partis qui ont
été légalement fondés sont le Parti Populiste Social Démocrate (SHP),
le Parti de la Gauche démocratique (DSP), le Parti Travailliste du
Peuple (HEP, le Parti Socialiste (SP) et le parti Communiste Unifié de
Turquie (TBKP). De ces cinq partis, seuls le SHP et le HEP sont
représentés à l'Assemblée Nationale.
La déclaration du nouveau parti
prône le commencement d'une nouvelle ère dans le monde politique turc
et une restructuration de la démocratie dans le pays. Les 600
participants réunis dans le congrès d'ouverture étaient principalement
des dirigeants des anciens partis pro-soviétiques de la période
précédant le coup d'Etat, tel que le Parti Communiste de Turquie (TKP),
le Parti Ouvrier de Turquie (TIP) et le Parti Ouvrier Socialiste de
Turquie (TSIP), qui, tous, étaient devenus illégaux et avaient été
dissous après le coup d'Etat militaire de 1980. Deux de ces partis, le
TKP et le TIP, avaient été réunis sous le nom de Parti Communiste
Unifié de Turquie (TBKP), dont la Cour Constitutionnelle doit encore se
prononcer à propos de son statut légal.
Les anciens députés du SHP, Kemal
Anadol, Husnu Okcuoglu, Kamil Atesoglu et Ekin Dikmen ont participé au
congrès constituant du SBP en tant que membres. Les députés du SHP,
Orhan Veli Yildirim et Tayfun Un, ainsi que le député du HEP, Adnan
Ekmen, ont également pris part au congrès mais furent présentés comme
des invités assistant aux sessions.
Un des débats essentiels qui a
été résolu au cours du congrès fut l'élection d'un nom acceptable pour
le nouveau parti de gauche. Des 151 noms proposés, parmi lesquels ont
trouvait le Parti Communiste Turc, le Parti de la Recherche et la
Pratique Scientifique et le Parti Socialiste Turco-Kurde, les délégués
se sont finalement décidés pour le Parti de l'Union Socialiste.
Cependant, une grande majorité
des anciens membres du TKP, du TIP et du TSIP ont refusé de prendre
part à ce nouveau mouvement, objectant que les fondateurs du nouveau
parti avaient adopté un programme trop soumis. Nihat Sargin et Nabi
Yagci (Haydar Kutlu), respectivement président et secrétaire général du
TBKP, qui étaient parmi les fondateurs du nouveau parti, sont
particulièrement visés par les critiques des militants du TKP, du TIP
et du TSIP qui estiment qu'ils ont renoncé à la lutte des classes et
courtisent les grosses affaires et les hommes politiques de droite.
LA CHARTE DE PARIS ET LA TURQUIE
La Turquie était l'un des 34 pays
à signer le document de 45 pages de la Charte de Paris et de l'Accord
Mutuel et Equilibré de Désarmement Militaire.
Cependant, parmi les 34
signataires, la Turquie est pour le moment le seul pays où les droits
de l'homme sont violés de façon systématique.
Bien qu'après avoir signé la
Charte, le président Özal eut déclaré que "la Turquie était fière de
jouer un rôle actif dans la construction de la nouvelle structure
européenne", la situation des droits de l'homme en Turquie est encore
une honte pour les dirigeants du pays.
Le commentateur des affaires
étrangères du Milliyet, Mehmet Ali Birand, déclara dans son article du
20 novembre: "Le changement le plus important sera l'accent particulier
mis sur les droits de l'homme et la démocratie. Ces points
constitueront les seuls baromètres d'une société contemporaine. Ceux
qui n'admettent pas ces principes, ne trouveront pas de place dans la
communauté mondiale des nations. La Turquie parviendra-t-elle à occuper
sa place légitime dans ce nouveau monde? Si elle n'y parvient pas nous
raterons le coche, car de telles opportunités ne se présentent pas
souvent dans l'histoire du monde. Nous devons changer notre attitude
envers la démocratie et les droits de l'homme et mettre fin à toutes
les restrictions dans ce domaines."
Özal, prenant la parole dans la
Conférence de Paris, dit que le problème des minorités en Europe ne
pouvait être résolu de manière satisfaisante que par le biais des
principes démocratiques. Etant donné que les Kurdes de Turquie sont
encore soumis à des pressions inhumaines et privés et de leurs droits
nationaux et culturels, une telle déclaration ne fait que prouver une
fois de plus la traditionnelle hypocrisie d'Özal.
VERS UNE COMMUNAUTÉ DE LA MER NOIRE
Le gouvernement turc, après le
déclin du système socialistes, porte un grand intérêt à la proposition
d'une Zone de Coopération Economique de la Mer Noire. Certains
observateurs prétendent que l'intégration de la Turquie dans cette
nouvelle communauté économique serait la seule échappatoire, puisque la
Communauté Européenne a reporté sa décision sur la candidature turque à
après 1995.
La future zone économique
qu'établiront les quatre pays situés en bordure de la Mer Noire — la
Turquie, l'Union Soviétique, la Bulgarie et la Roumanie—
encourageraient les projets de coopération comprenant des
investissements communs, une banque commune, des zones de
libre-échange, des échanges technologiques et une coopération en
matière de ressources énergétiques.
Après une petite phase de
transition, les quatre états se sont mis d'accord pour abolir le
système des visas pour les voyages d'affaires et de tourisme ne
dépassant pas un mois.
Cependant, selon l'accord
proposé, les hommes d'affaires de ces pays qui veulent rester plus d'un
mois pour administrer leurs affaires recevraient une réponse immédiate
à leur demande de visa. Une éventuelle libre-circulation de
travailleurs entre les quatre pays fut prévue.
L'accord préliminaire dit que les
quatre pays, "mettant l'accent sur l'importance d'une coopération
régionale et soulignant la nécessité de développer leur économie,
d'augmenter leur niveau de vie et de faire un usage efficace de leurs
ressources économiques, ont accepté le fait que le progrès économique
repose en grande partie sur les tentatives et les entreprises
individuelles et sur la libre-circulation des gens, des capitaux, des
services et des biens."
On s'attend donc à ce que les
formalités douanières soient réduites au minimum après la période de
transition.
Selon l'accord préliminaire, les
gouvernements des états membres essayeraient de coordonner leurs
relations économiques en essayant de développer la coopération dans les
domaines convenus avant. Il est également prévu de créer une banque de
données et d'instaurer une coopération en méthodologie pour assurer
cette coopération.
Les états membres ont également
convenu de joindre leurs efforts pour promouvoir une coopération
bilatérale ou régional en vue de construire des centrales électriques,
éliminer les déchets toxiques, redévelopper d'autres sources d'énergie
et la technologie des hydrocarbures.
Ils augmenteraient la coopération
dans la recherche scientifique et technologique et s'engageraient dans
des projets communs d'infrastructure et de construction d'habitations.
En vertu de l'accord
préliminaire, une Banque de Développement de la Mer Noire serait créée
pour encourager la coopération entre les membres et fomenter les
relations économiques en mettant l'accent sur les projets
d'infrastructure. Après une période de transition, la banque
commencerait à financer totalement ou partiellement certains projets.
Les stratégies communes exposées
dans la ville de villégiature d'Abant au cours d'une réunion présidée
par le président Turgut Özal seraient discutés dans une réunion qui
doit être tenue les 19 et 20 décembre à Ankara.