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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


173

15e année - N°173
Mars 1991
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

LES KURDES TRAHIS

    "A la Maison Blanche, on commence à saisir l'énormité du déshonneur jeté sur les Etats-Unis par la décision du président Bush de trahir le peuple kurde… A plusieurs reprises, le Président américain incita les Kurdes à se révolter contre Saddam Hussein; il promit, dans un discours télévisé, qu'il maintiendrait à terre les armes du tyran. Alors, M. Bush ne tint pas parole, permettant à l'aviation des tueurs irakiens d'écraser les arrières de la révolte."
    Ces lignes sont parues le 5 avril 1991 dans un prestigieux journal américain, The international Herald Tribune, alors que plus d'un million de Kurdes fuyant la guerre civile en Irak se pressaient aux frontières de l'Iran et de la Turquie.
    En fait, il s'agit d'une des trahisons les plus spectaculaires de l'histoire de l'humanité! Mais George Bush n'est pas le seul responsable dans cette honteuse affaire. Tous les alliés qui, pour sauver la monarchie d'une poignée de corrompus émirs du Koweït, ont participé à la Guerre du Golfe et tous ceux qui, au Conseil de Sécurité des Nations Unies, ont offert un soutien inconditionnel aux opérations militaires, sont complices de cette trahison contre le peuple kurde, victime de l'oppression depuis des siècles.
    N'était-ce pas le président Turgut Özal qui, s'affirmant comme le "tuteur de tous les Kurdes du Moyen-Orient", incita les Kurdes Irakiens à la révolte? (Voir Info-Türk de janvier et février 1991). C'est le même Özal qui, après avoir maintenu des "réunions tête-à-tête" avec George Bush à Camp David et lui avoir demandé de ne soutenir aucune action kurde visant à obtenir une administration indépendante en Irak, ferma la frontière avec ce pays alors que les Kurdes en quête d'un asile étaient tués ou blessés par les troupes irakiennes, ou succombaient à la rigueur du froid.
    Après avoir accompli un geste en faisant la promesse d'autoriser la langue kurde, et ce pour gagner leur soutien, Özal invita les leaders d'Irak à se rendre en Turquie pour les inciter à une éventuelle action armée contre le régime de Saddam. Le 11 mars, dans un avion qui le menait à Moscou pour une visite en Union Soviétique, il annonça que Jalal Talabani, leader de l'Union Patriotique du Kurdistan (PUK) et un représentant de Masoud Barzani, leader du Parti Démocratique Kurde, s'étaient rendus à Ankara pour maintenir des entretiens avec des fonctionnaires du Ministère des Affaires Extérieures et de l'Organisation Nationale de Renseignement (MIT).
    "Nous devons nous entendre avec les Kurdes aussi bien que possible. Etant donné que tous les pays européens maintiennent des pourparlers avec les groupes kurdes, la Turquie se doit de faire de même. Tous leurs problèmes nous touchent de plus près. Nous devons nous entretenir avec eux. Nous aurions tort de ne pas leur parler (aux groupes kurdes) alors que tout le monde le fait," affirma-t-il aux journalistes turcs.
    Depuis l'avènement de la République Turque en 1923, le pouvoir officiel a refusé de reconnaître les quelque 25 millions de Kurdes vivant en Turquie, en Iran, en Irak et en Syrie comme un peuple autonome. Au cours des sept dernières années, l'Armée turque a maintenu une lutte contre les guérillas du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) au cours de laquelle 2.600 personnes ont perdu leur vie.
    Le PKK a pris les manœuvres d'Özal avec prudence tandis que Talabani et Barzani sont tombés dans le piège des Etats-Unis et de l'administration turque. Très satisfait des déclarations et de l'invitation d'Özal, Talabani déclara: "La Turquie peut considérer les Kurdes comme des alliés. Nous ne porterons certainement pas atteinte à ses intérêts." Il ajouta que le PUK avait collaboré avec le PKK dans le passé mais qu'à présent il avait rompu les relations avec ce groupe.
    Malgré la déclaration de Talabani visant à convaincre les autorités turques, Özal et les militaires turques n'ont cessé de redouter que l'autonomie kurde en Irak ne conduise les 15 millions de Kurdes à revendiquer leur autonomie en Turquie.
    Selon l'édition du 28 mars du journal Milliyet, les officiers militaires demandaient si les aspirations kurdes pouvaient se limiter à la liberté culturelle. "Ils craignent également que la Turquie ne soit forcée d'accepter l'autonomie kurde et ceci donne lieu à d'autres revendications kurdes en vue d'un état indépendant. L'armée pense que si une fédération est constituée en Irak et les Kurdes en font partie, elle aura également un effet sur le mouvement kurde en Turquie," ajouta le Milliyet. "Les militaires prétendent que le leader du PKK, Abdullah Öcalan ne devrait pas être accepté comme porte-parole kurde."

CHASSE AUX KURDES EN TURQUIE

    En fait, alors qu'Özal tente de se faire passer pour le "tuteur des Kurdes", les forces de sécurité de Turquie n'ont jamais cessé leurs actes de répression dans le Kurdistan turc.
    Cette nouvelle vague de terrorisme d'état a donné lieu à des protestations dans tout le pays et la traditionnelle célébration du Nouvel An Kurde (Newroz) en mars s'est transformée en de gigantesques manifestations contre la répression.
    Le 28 février, date du cessez-le-feu dans le Golfe, les forces de sécurité turques abattirent quelque 200 mules, appartenant aux villageois de la région, et qui servaient à transporter les excédants et les restes du charbon des mines de Sirnak jusque chez eux, ils abattirent également plusieurs villageois. La tension était déjà grande dans la région, car depuis le début de la Guerre du Golfe, au moins 70 villages de la province de Sirnak ont été évacués pour des "raisons de sécurité".
    Le lendemain, s'insurgeant contre la tuerie du 28 février, la population de Sirnak organisa une violente manifestation qui causa la mort à un soldat. Les manifestants en colère endommagèrent également la statue d'Atatürk et jetèrent des pierres contre les fenêtres de la mairie et du quartier local de l'armée. 200 personnes furent arrêtées.
    Le 1er mars, un groupe d'étudiants de l'Université d'Istanbul attaqua la police à coups de pierre et de cocktailes Molotov pour protester contre les troubles dont souffrait Sirnak. Les étudiants détruisirent la guérite de la police installée dans le jardin de l'université.
    Le 4 mars, une autre manifestation était organisée à Idil, une municipalité de Sirnak, après que les forces de sécurité ne mènent une opération de recherche et arrêtent certaines personnes  dans le village de Kuvuz. Au cours de la manifestation, la police tua deux personnes et en blessa dix autres au cours d'une bagarre avec les manifestants. Un groupe de reporters qui s'était déplacé de Diyarbakir pour couvrir l'événement ne fut pas autorisé par les forces de sécurité à se rendre à Idil pour "des raisons de sécurité". Cependant, on rapporta que les manifestants jetèrent des pierres contre le bureau de poste et mirent le feu à un véhicule du service des postes. 20 personnes furent arrêtées après la manifestation.
    Le lendemain, un groupe de personnes organisa une autre manifestation pour protester contre les détentions. Pendant ce temps, l'Association pour les Droits de l'Homme (IHD), la Chambre des Architectes, le Parti Travailliste du Peuple (HEP), le Barreau et le Syndicat des Travailleurs du Pétrole, faisant paraître un rapport conjoint sur les incidents de Idil, affirmaient que l'Etat considérait les habitants de la région comme des criminels potentiels.
    Le 7 mars, dans la municipalité de Dargecit, les forces de sécurité abattirent une femme et blessèrent huit personnes lorsqu'ils ouvrirent feu contre un groupe de Kurdes qui protestaient contre les incidents de Sirnak et Idil. Le lendemain, plus de 2.000 personnes prirent part à une marche de protestation dans la ville et les commerçants fermèrent leurs volets pour montrer leur désaccord avec la répression. Une manifestation similaire, dans laquelle on scandait les slogans "Vive le Kurdistan", "A bas les tortionnaires!", eut lieu le 15 mars dans la même ville.
    Le 16 mars, le troisième anniversaire du Massacre d'Halabja en Irak, constituait une autre occasion pour s'élever contre l'oppression des Kurdes aussi bien en Irak qu'en Turquie.
    Le 20 mars, à l'occasion du Nouvel An kurde (Newroz), les Kurdes organisèrent des manifestations gigantesques dans toute la Turquie. A Adana, les manifestants mirent feu à quatre voitures de police. Par la suite, les incidents causèrent 5 blessés et 80 arrestations.
    Les jours suivants, d'autres manifestations eurent lieu dans les grandes villes comme Istanbul, Ankara et Izmir, et des centaines de manifestants furent arrêtés par la police.
    Le 22 mars, à Nusaybin, un Kurde fut abattu au cours des manifestations.
    La répression ne se limita pas au territoire turc. Le 28 mars, des unités militaires et des hélicoptères pénétrèrent en territoire irakien et lancèrent des raids contre les camps des guérillas des PKK. Le 3 avril, le journal Tercüman rapportait que 60 militants du PKK et 4 soldats turcs avaient péri dans la confrontation. Cependant, le Comité Kurde de Bruxelles rapportait que seulement deux militants avaient perdu la vie mais qu'en revanche les unités turques avaient perdu 30 soldats. Le comité annonça également que le lieutenant-colonel, Muzaffer Alicguzel avait été capturé par les guérillas du PKK.

AMNESTY INTERNATIONAL SUR LA TURQUIE

    Le 25 février, Amnesty International publia un nouveau rapport sur la Turquie intitulé "Nous attendons toujours un changement; information sur les continuelles violations des droits de l'homme."
    "En 1989, les autorités turques déclaraient qu'elles avaient l'intention d'introduire des changements dans la constitution, la législation et les procédures en vue de renforcer la protection contre la torture des détenus sous tutelle policière, et qu'elle aboliraient ou modifieraient les articles du code pénal le plus souvent invoqués pour maintenir en détention les prisonniers de conscience. Pendant les deux ans qui se sont écoles, la législation ou les procédures relatives à ces problèmes n'ont pas évolué. Les modifications proposées pour la Constitution, le Code Pénal Turc et le Code de procédure Criminelle sont restées au stade de projets tandis que les prisonniers de conscience continuent à purger de longues peines de prison pour avoir exprimé leurs croyances et leurs opinions. Les détenus sont encore systématiquement tenus au secret dans les postes de police,  dans certaines régions, ils y restent pendant pus de 30 jours, privés des plus élémentaires protections contre les mauvais traitements. La torture demeure une pratique largement répandue, avec la connivence apparente des autorités. Au cours des derniers mois un nombre alarmant de décès, vraisemblablement dûs à la torture, ont été rapportés," indiquait le rapport d'AI.
    Les 14 pages du rapport apportent de l'information récente concernant les prisonniers de conscience, la torture, les mauvais traitements en prison, les décès de prisonniers dans les postes de police, les exécutions illégales et la peine de mort.
    En ce qui concerne la torture, AI arrive à la conclusion suivante: "La plupart des cas de torture rapportés ont eu lieu au début de la période de détention, alors que les détenus n'ont pas le droit de voir leur famille ou un avocat. Bien que l'Article 128 du Code Turc de Procédure Criminelle stipule que la période maximale permise avant qu'un détenu ne soit officiellement accusé ou relâché est de 24 heures, elle peut être portée à 15 jours par le procureur sans l'accord d'un juge dans les cas impliquant trois suspects ou plus ou selon la 'nature du crime'. Dans les 10 provinces soumises actuellement à l'état d'urgence la période de détention maximale peut atteindre 30 jours. Amnesty International a reçu des rapports de prisonniers détenus pendant des périodes encore plus longues, augmentant donc le risque de torture ou de mauvais traitements. Une autre source de préoccupation est la clause du Décret révisé Numéro 430 sur la "Censure et l'Exil" promulguée en décembre 1990, qui permet le rappel des détenus en prison pour de plus amples interrogatoires et l'éventuelle torture dans les postes de police et de gendarmerie, même si cette pratique avait été abolie en 1988 pour son caractère inconstitutionnel."
    AI partage la préoccupation d'Helsinki Watch concernant les "décès en détention" (Voir Info-Türk de février ainsi que l'article suivant de cette édition). "Un rapport publié par Amnesty International en avril 1991, cite 193 noms, ainsi que les dates et les lieux des décès en détention qui ont été rapportés entre le 12 septembre 1980 et le 6 mars 1989. En réponse à l'information émanant des autorités turques depuis la publication de ce document, Amnesty International a révisé la liste provisoire des cas de décès en détention. Elle compte maintenant 192 cas parmi lesquels 34 fois la torture a été confirmée comme étant la cause du décès. Dans les autres cas, l'organisation continue à chercher davantage d'information. Au cours des trois derniers mois, huit cas de décès en détention furent attribués à la torture. Amnesty International pense que si ces décès sont dûs à la torture, ils seraient directement imputables à l'incapacité des autorités à appliquer les mesures de garantie contre la torture exigées par la Convention des Nations Unies contre la Torture, les Principes des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes soumises à toute forme de détention ou d'emprisonnement, et d'autres normes internationnalement reconnues."

DEUX NOUVEAUX DECES EN DETENTION

    Le 20 février 1991, Helsinki Watch publia un deuxième rapport concernant deux autres décès en détention, en Turquie. Ceci porte à sept le nombre des personnes décédées au cours d'une période de six semaines —ce qui équivaut au nombre des détenus morts dans des circonstances douteuses pour toute l'année 1990. De plus, une des deux personnes récemment décédées se serait suicidée, ce qui porte à trois le nombre de personnes qui, selon les autorités, se serait ôté la vie.

    Les deux derniers décès sont:

    1. Le 8 février 1991, le Günes rapportait que Kasim Aras était mort à l'hôpital d'Erzurum dans lequel il était entré dans le coma après avoir été relâché de la prison d'Aralik à Kars. Celle-ci aurait été causée par une hémorragie cérébrale survenue au cours de la torture. Le frère d'Aras, Halit Aras, déclara: "Les sous-officiers, Ihsan Karacaoglu et Salim Taskese du Poste Régional de Gendarmerie d'Aralik, ont mis mon frère dans cet état." Il ajouta que Kasim Aras avait été hospitalisé à deux reprises au cours du mois qu'il passa en prison. Le 13 février, le Ministère de l'Intérieur ouvrit une enquête sur la mort d'Aras.

    2. Le 14 février 1991, le Günes rapportait qu'Ali Riza Aydogan, de 25 ans, qui avait été détenu au poste de police de Beyoglu à Istanbul, était tombé du quatrième étage du bâtiment et mourrait par la suite à l'hôpital de Taksim où il avait été transporté. Les autorités déclarèrent qu'Aydogan s'était suicidé en sautant par la fenêtre. Le père d'Aydogan, Muzaffer Aydogan, déclara: "Mon fils n'avait aucune raison de se suicider. Il allait bientôt se marier. Il n'avait de lien avec aucune organisation ou activité."

DES REPORTERS DE YÜZYIL TORTURES

    Dix reporters du bureau d'Ankara de l'hebdomadaire Yüzyil furent arrêtés le 5 mars en raison des armes trouvées dans l'office de rédaction. Bien que huit journalistes furent relâchés le lendemain, le directeur de l'hebdomadaire, Güner Tokgoz, et le directeur adjoint, Hasan Yalcin, furent mis en état d'arrestation par un tribunal.
    Mehmet Bedri Gültekin, rédacteur en chef de Yüzyil, accompagné des reporters relâchés et des avocats de l'hebdomadaire, donna une conférence de presse dans laquelle il déclara que les reporters avaient été torturés au siège de la Sûreté d'Ankara. Il dit également que Tokgöz, toujours détenu, avait été transféré dans un hôpital.
    Gültekin affirma que les employés du magazine avaient constamment subi des menaces, soit par lettre ou par téléphone, raison pour laquelle le rédacteur Dogu Perincek et son adjoint, Hasan Yalcin, avaient demandé un permis de port d'armes. Il ajouta, cependant, que ces demandes avaient été refusées. Les armes trouvées dans les locaux, conclut-il, étaient destinées à assurer la défense légitime.

PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN FEVRIER

    Le 1.2, le président Özal entama une action en justice contre le journal Sabah pour diffamation. Il réclame une indemnisation de 50 millions de LT (18.000$).
    Le 2.2, le sociologue Ismail Besikci fut traduit devant la Cour de Sûreté de l'Etat  N° 2 d'Istanbul pour son livre, déjà interdit: La loi de Tunceli et le Génocide de Dersim. Accusés de la propagande séparatiste, Besikci et l'éditeur du livre, Mme Ayse Zarakolu, risquent tous deux des peines de prison de 15 ans.
    Le 3.2, le Gouverneur de Yozgat interdit la vente de cassettes de neuf musiciens. Parmi les chansons interdites figurent également celles de Pir Sultan Abdal, Ahmet Kaya, Arif Sag, Selda Bagcan, Rahmi Saltuk, Group Yorum et Ferhat Tunc.
    Le 5.2, le mensuel Özgürlük Yolu fut confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 6.2 la CSE d'Istanbul confisqua deux revues mensuelles, Mücadele, pour propagande séparatiste, et Odak, pour propagande communiste.
    Le 6.2, la CSE confisqua un livre d'Ali Osman Köse sur les procès de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol) pour propagande communiste.
    Le 8.2, le président Özal intenta un procès contre l'hebdomadaire 2000e Dogru pour diffamation. Il réclame une indemnisation de 150 millions de LT (50.000$).
    Le 9.2, le rédacteur en chef du mensuel Hedef, Zeki Tombak fut arrêté.
    Le 10.2, le livre intitulé Ecrits sur la Questions de la Femme, publié par la Maison d'Edition Dönüsüm, fut confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande communiste et séparatiste.
    Le 10,2, le Gouverneur interdit la représentation de Pir Sultan Abdal à Denizli. La pièce avait déjà été interdite dans les provinces d'Istanbul, Kocaeli et Izmir. Le Gouverneur de Denizli demanda aux gouverneurs des autres provinces d'en faire de même.
    Le 12.2, le Syndicat des Editeurs annonça qu'au cour de l'année dernière, 31 livres publiés par 17 maisons d'édition furent confisqués pour des raisons politiques.
    Le 12.2, deux livres de la Maison d'Edition Devrimci Proletarya, Les Dix Dernières Années de Liquidationisme et A propos de l'Unité furent confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande communiste.
    Le 13.2, un livre intitulé Méthode pour Apprendre le Kurde, écrit par Huseyin Sagnic et publié par la Maison d'Edition Melsa, fut confisqué, sur décision d'une cour criminelle d'Istanbul, pour propagande séparatiste.
    Le  16.2, la représentation d'une pièce intitulée Papa, où étais-tu le 12 septembre?, fut interdite dans les villes de Karaman et Mus. Deux responsables du théâtre Halk Oyunculari, Mert Egemen et Fuat Ciyiltepe, furent interrogés par la police politique d'Ankara.
    Le 17.2, la CSE d'Istanbul confisqua deux livres pour propagande communiste et séparatiste: Ecrits sur la Voie Révolutionnaire (Devrimci Yol) de Oguzhan Müftüoglu, et La Réalité Sociale en Turquie et Stratégie Révolutionnaire, publié par la Maison d'Edition Varyos.
    Le 17.2, le journal Mücadele, qui paraissait depuis quatre ans dans la province de Kars, fit savoir qu'il devait interrompre ses publications en raison des pressions judiciaires. En quatre ans 132 poursuites judiciaires furent intentées contre le journal et ses journalistes furent arrêtés à maintes reprises.
    Le 18.2, la dernière édition de l'hebdomadaire Yeni Ülke fut confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 18.2, la revue radicale islamiste Akdogus annonça qu'elle avait mis fin à ses publications en raison de pressions diverses. Six collaborateurs de la revue avaient été arrêtés par la CSE d'Istanbul accusés d'exercer des activités anti-laïques.
    Le 21.2, Mme Rüya Eser Oguztan fut traduite devant la Cour Criminelle de Première Instance N° 2 d'Istanbul pour son livre Lesbienne. Elle est accusée, ainsi que son éditeur, d'avoir publié un ouvrage immoral.
    Le 21.2, au cours d'un festival culturel organisé par la Municipalité de Hasandede à Kirikkale, le gouverneur interdit  la représentation d'une pièce intitulée Amnistie: Un jeu de Liberté, sous prétexte qu'elle contient des dialogues allant à l'encontre de la moralité publique.
    Le 22.2, la représentation de Pir Sultan Abdal fut interdite à Ankara.
    Le 22.2, à Kayseri, le spectacle du célèbre acteur Ilyas Salman fut interdit sous prétexte que les forces de sécurité ne pouvaient assurer la sécurité dans la salle.
    Le 22.2, on rapportait qu'au cours des 18 premiers mois du mandat du Président Özal, plus de 50 personnes, principalement des journalistes et des dessinateurs, avaient été mis en accusation pour avoir insulté le Président de la République. Chacun d'eux risque une peine de prison de 5 ans.
    Le 24.2, le numéro 2 de la revue politique Yeniden Üretim fut confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande communiste.
    Le 27.2, une nouvelle poursuite judiciaire a été intentée contre le sociologue Ismail Besikci pour une interview qu'il concéda au mensuel Deng. Besikci, ainsi que trois journalistes de la revue, Kamber Soypak, Mustafa Sahlan et Demir Ermis, risquent une peine de prison de 15 ans pour propagande séparatiste.

TERRORISME D'ETAT EN FEVRIER

    Le 4.2, la section de Samsun de l'Association des Educateurs (Egit-Der) fut fermée sous prétexte qu'elle exerçait des activités portant atteinte à la sécurité nationale.
    Le 5.2, Muzaffer Erdos, président de la section d'Ankara de l'Association pour les Droits de l'Homme (IHD), fut mis en accusation pour une conférence de presse au cours de laquelle il critiqua les arrestations massives des derniers jours.
    Le 5.2, à Elazig, 40 personnes furent arrêtées par ordre d'un tribunal accusées d'aider le PKK. Parmi les personnes arrêtées figuraient également le Maire de Karakocan et membre du Parti de la Juste Voie (DYP), Abdusselam Cicek, et le président local du Parti Travailliste du Peuple (HEP), l'avocat Yavuz Yilmaz.
    Le 6.2, à Ankara, après la détention de 13 personnes membres des associations proscrites, TAYAD et DEMKAD, quatre d'entre elles furent mises aux arrêts par le tribunal.
    Le 6.2, au cours d'une opération de ratissage menée dans les quartiers de Küçükarmutlu, à Istanbul, six personnes furent arrêtées.
    Le 8.2, à Ankara, neuf étudiants accusés d'appartenir à une organisation illégale furent arrêtés.
    Le 9.2, trois femmes membres de TAYAD et DEMKAD arrêtées trois jours auparavant, déclarèrent qu'elles avaient été torturées au centre de police.
    Le 10.2, la presse rapportait que l'ingénieur Ceyhan Sari, arrêté à Ankara le 7 février, et sept étudiants arrêtés le 4 février, au cours d'une manifestation contre la guerre à Konya, avaient été torturés au cours de leur interrogatoire.
    Le 11.2, la CSE de Malatya condamna trois membres de l'organisation kurde TEVGER à 4 ans et 2 mois d'emprisonnement chacun, un autre détenu fut condamné à 2 ans et 6 mois de prison.
    Le 12.2, les forces de sécurité annoncèrent l'arrestation de 73 personnes dans la zone soumise à l'état d'urgence, pour avoir soutenu le PKK.
    Le 13.2, le Super Gouverneur refusait l'entrée dans la ville de Siirt à la parlementaire allemande, Ursula Fiischer (PDS). Elle était venue dans la région investie d'une mission parlementaire concernant la situation des droits de l'homme.
    Le 13.2, la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV) annonçait qu'au cours de l'année 1990, la police avait perquisitionné les locaux de 59 associations: 34 à Istanbul, 9 à Ankara, et 16 dans d'autres provinces. En outre, les gouverneurs ordonnèrent la fermeture définitive de 27 associations: 16 à Istanbul et 11 dans d'autres provinces. Les employés des associations perquisitionnées ou fermées furent soumis à des poursuites judiciaires.
    Le 13.2, à Izmir, l'ancien secrétaire local de l'Association pour les Droits de l'Homme de Turquie (IHD), l'avocat Mustafa Ufacik, fut traduit devant une cour criminelle pour un discours qu'il prononça en août 1990 lors d'une réunion de l'association. Il est accusé d'inciter les gens à l'insurrection.
    Le 13.2, le Parti Socialiste (SP) signalait que trois membres du parti arrêtés à Van, Abdullah Kaya, Abdulaziz Kaya et Zeynel Cetin, avaient été torturés au centre de police.
    Le 14.2, la police annonçait que 13 membres supposés du Dev-Sol avaient été arrêtés à Istanbul.
    Le 15.2, à Ankara, 44 personnes, principalement des parents de prisonniers politiques, furent mis en accusation pour avoir participé à un acte de protestation contre les restrictions sur les visites aux prisonniers. Chacun d'eux risque une peine de prison de cinq ans.
    Le 16.2, le procureur de la CSE d'Istanbul intenta une action en justice contre 55 jeunes pour avoir participé à des actions politiques de la Jeunesse Révolutionnaire (Dev-Genç). 35 d'entre eux sont aux arrêts.
    Le 16.2, deux militants présumés du PKK et 20 personnes aidant ce dernier furent arrêtés à Mardin.
    Le 17.2, le Gouverneur d'Ankara interdit un meeting sur "les Enfants et la Violence", organisé par la Section d'Ankara de l'IHD prétextant qu'il pourrait donner lieu à des désordres.
    Le 18.2, la police politique arrêtait en quelques jours quinze personnes pour des raisons politiques.
    Le 19.2, Hatip Dicle, président local du IHD à Diyarbakir, fut arrêté pour une conférence de presse au cours de laquelle il révélait un cas de décès dû à la torture. Pour protester, Dicle entama une grève de la faim.
    Le 20.2, la police politique perquisitionna plusieurs maisons à Ankara et arrêta dix personnes.
    Le 21.2, la CSE d'Istanbul arrêta dix personnes appartenant à l'illégal Parti Communiste de Turquie/Union (TKP/B).
    Le 21.2, la police politique ouvrait une enquête sur Yüksel Cakmur, Maire d'Izmir, pour avoir autorisé l'affichage dans la ville de posters contre la guerre.
    Le 21.2, on rapportait que la présidente du TAYAD, Gülten Sesen, et d'autres membres du conseil d'administration, avaient entamé une grève de la faim de sept jours pour protester contre le bannissement de l'association.
    Le 22.2, à Ankara, sept personnes furent arrêtées, accusées d'appartenir au Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP).
    Le 24.2, lorsque le gouvernement turc prit part dans la campagne contre l'Irak, 115 prisonniers politiques furent condamnés à des peines de prison individuelles de 6 ans et 8 mois pour avoir signé, trois ans auparavant, en prison, une pétition contre le bombardement d'Halabja en Irak, en 1988.
    Le 24.2, la police politique annonça l'arrestation à Istanbul de 20 personnes accusées d'appartenir à des organisations illégales.
    Le 25.2, un étudiant de 16 ans d'une école supérieur de Gümüshane fut arrêté après que le directeur de l'école l'ait accusé d'avoir dessiné une faucille et un marteau sur le tableau. Après sa libération, Dincer Sahin déclara avoir été torturé au centre de police.
    Le 26.2, les forces de sécurité annoncèrent l'arrestation de 19 militants du PKK à Elazig, Tunceli et Cemisgezek.
    Le 26.2, La CSE d'Ankara mit en état d'arrestation onze personnes accusées d'être membres du TDKP.
    Le 26.2, on rapportait le renvoi, des Forces Aériennes, de dix-sept sous-officiers pour leurs activités religieuses. Plus de 200 sous-officiers ont été déjà renvoyés pour cette raison.
    Le 27.2, une étudiante universitaire, Ferda Civelek, arrêtée pour avoir insulté le Président Özal et la Justice turque, déclara dans la Cour Criminelle N°3 d'Istanbul qu'elle avait été torturée pendant l'interrogatoire de la police. Elle risque une peine de prison de 10 ans.

LES AMBITIONS POLITIQUES DE MME ÖZAL

    Le président Özal, qui se qualifia lui-même de diplomate mondial durant la crise du Golfe, doit faire face au sein de son parti à une confuse révolte, engendrée par sa femme, et qui pourrait lui coûter une partie de son pouvoir.
    Le malaise au sein du parti au pouvoir, le Partie de la Mère Patrie (ANAP), fondé en 1983 par Özal, éclata en public le 3 mars lorsqu'un congrès du parti tenue à Istanbul fut dissoute par une bruyante querelle.
    L'épouse d'Özal, Semra, se lança dans la politique pour essayer de consolider le contrôle de la famille sur le parti et disputa à Talat Yilmaz, candidat de la Sainte Alliance nationaliste-fondamentaliste, la présidence de la branche du parti d'Istanbul.
    Dans la salle bondée, les factions rivales se sont accusées de frauder dans les votes, des coups de poing se sont échangés et le Ministre d'Etat Mustafa Tasar, président du congrès, qui frappa même un délégué, annula la séance jusqu'à nouvel ordre.
    Contre Semra, menaient campagne le Ministre de l'intérieur, Abdülkadir Aksu, les Ministres d'Etat, Mehmet Kececiler et Cemil Cicek, et l'ex-ministre de la défense, Hüsnü Dogan, renvoyé le mois dernier par son cousin, Özal, pour s'être opposé aux ambitions politiques de la "First Lady". Selon les journaux, Özal pourrait répliquer en modifiant son cabinet. "Il n'y a pas de place au gouvernement pour Aksu, Kececiler et Cicek", aurait déclaré Özal selon le journal Cumhuriyet.
    Même à travers les durs critères de la politique turque, après le spectacle du parti au pouvoir se déchirant en public, montre à quel point Özal s'accroche au pouvoir, affirmèrent les diplomates.
    "Je crois qu'Özal se trouve dans une impasse", déclara un diplomate occidental distingué. "S'il ne parvient pas à déterminer qui gouverne le pays et à mettre de l'ordre dans son propre parti, il ne pourra pas progresser ou innover. Il pourrait être paralysé."
    L'ANAP, une grande coalition d'intérêts, a gagné deux élections depuis 1983. Özal a laissé entendre qu'il pourrait en convoquer une troisième cette année, un an avant que n'expire le mandat du parti. En 1987, avec un maigre 36% de vote le parti remporta 292 des 450 sièges de l'unique chambre du parlement et ce grâce aux  lois électorales qui favorisent le parti majoritaire.
    Selon la Constitution, les présidents turcs sont au dessus de la politique des partis. Mais depuis qu'en 1989, Özal quitta son bureau de Premier Ministre pour s'installer au palais présidentiel, il n'a cessé de tirer les ficelles grâce à son influence sur le Parti de la Mère Patrie.
    Selon un rapport de Reuter publié par le Turkish Daily News du 6 mars, le parti d'Özal n'a pas contesté sa vision de la Turquie, à savoir celle d'une démocratie de libre-marché et laïque servant de modèle pour ses voisins islamiques et de lien entre l'Europe et le Moyen-Orient. Mais l'opinion de l'aile conservatrice du parti semble diverger de la sienne sur des aspects moins vastes, comme le problème kurde dans le Sud-est, la réforme de l'armée et les droits de l'homme. Ils semblent également en avoir marre de sa despotique manière de gouverner. Auparavant, Özal, fervent musulman, avait encouragé les conservateurs. A présent, selon des sources politiques, il pourrait se dire qu'ils sont devenus trop forts et qu'ils pourraient entraver ses plans pour la Turquie, parmi lesquels figure une éventuelle entrée dans la Communauté Européenne. En plaçant sa femme au beau milieu de la bataille, Özal a montré qu'il est déterminé à couper les ailes aux conservateurs et aux fondamentalistes pour donner à son parti une image plus centriste.
    "C'est la première fois que l'autorité d'Özal au sein du Parti de la Mère Patrie est à ce point contesté", écrivait Ertugrul Özkok dans Hürriyet. "Semra Özal ne pouvait obtenir le résultat qu'elle attendait d'une lutte où elle s'engagea avec le soutien financier et moral de son mari, une grande partie du cabinet, la bureaucratie et les hommes d'affaires. Özal est un homme politique obstiné. Je suppose que l'issue du congrès d'Istanbul le fera adopter une position politique plus dure", déclara Özkök, homme proche du président.

LES FEMMES SOUMISES A LA TORTURE

    Les femmes qui veulent recevoir un traitement au Centre de Réhabilitation de la Torture affirment toutes avoir été victimes de menaces ou abus sexuels.
    Le psychologue Aysun Yavuz, qui travaille à la Fondation Turque pour les Droits de l'Homme (TIHV), affirma: "Bien que les femmes turques puissent être culturellement disposées à parler plus facilement de leurs faiblesses et soient donc plus enclin à récupérer, de nombreuses jeunes femmes  ne peuvent se débarrasser des effets de la torture — généralement de nature sexuelle. Quasiment toutes les femmes qui viennent ici ont fait l'objet de menaces sexuelles verbales. Le fait que la torture soit infligée par un homme, crée des pressions psychologiques. Invariablement, les femmes en réhabilitation prétendent avoir été menacées, humiliées ou violées. Elles affirment devoir se mettre régulièrement nues pour être fouillées ou recevoir des douches froides."
    L'âge des femmes qui demandent une réhabilitation varie entre 20 et 28 ans, sauf pour une d'entre elles qui a 42 ans. Des onze femmes qui demandent actuellement à être traitées, la plupart sont des étudiantes universitaires, détenues pour participer à des actes de protestation illégaux ou appartenir à une organisation illégale. La femme de 42 ans, mère d'un détenu, fut arrêtée au cours d'une visite qu'elle rendait à son fils.
    Yavuz affirme que la torture infligée à des femmes très jeunes crée en elles des problèmes irréparables dont elles souffriront plus tard dans leur vie. Parmi ces problèmes figurent une méfiance envers les hommes, et un changement dans la manière de percevoir leur propre corps.
    "Etant donné que c'est leur nature sexuelle qui les a exposées à une agression, elles tentent d'amoindrir ou carrément de dissimuler cet aspect d'elles-même dans leur façon de s'habiller ou de se comporter. En raison peut-être d'un conditionnement culturel, les femmes ont cependant l'avantage qu'elles peuvent aborder plus facilement le sentiment de faiblesse. Les femmes adoptent une attitude plus tolérante dans la vie. On s'attend à ce qu'elles fassent face aux difficultés avec plus de facilité et de force. Mais malgré tout, les hommes ont plus de facilité que les femmes à reprendre une vie normale."
    "Ils utilisent dans la torture tous les problèmes de la société patriarcale", affirme Haldun Özen, secrétaire général de la fondation, faisant remarquer que le rôle dominant du mâle est utilisé contre la femme et que, par ailleurs, les hommes sont menacés du viol des membres féminins de leur famille.
    Jusqu'à présent, les journaux ont rapporté huit cas de femmes torturés en 1991, déclare Özen. "Les procès contre trois officiers de police accusés d'avoir torturé Newroz Türkdogan durant le garde-à-vue se poursuit. Türkdogan qui lors de sa détention était enceinte, affirme avoir perdu son enfant après que les policiers l'aient battue".
    Le fonctionnement du Centre de Réhabilitation de la Torture de la Fondation Turque pour les Droits de l'Homme, ouvert depuis avril 1990, repose uniquement sur des collaborations volontaires. Un projet destiné spécialement aux femmes victimes de la torture est actuellement au stade de la planification.

LA POSITION BELGE SUR LA QUESTION KURDE

    Le 14 mars 1991, la Chambre des Représentants belge a adopté une résolution concernant les Kurdes et d'autres minorités ethniques de Turquie.
    La résolution, qui proposa que la Belgique s'oppose à l'adhésion de la Turquie à la Communauté Européenne, fut ressentie par les autorités turques et par certains journaux comme un complot contre la Turquie. Tandis que certaines personnalités politiques turques envoyaient des notes de protestation à leurs homologues belges, d'autres demandaient que la Turquie revoie ses relations avec la Belgique et rappelle même son ambassadeur à Bruxelles.
    La résolution dit:
    "La Chambre des représentants,
    "- demande au Gouvernement d'insister auprès du Gouvernement turc et par le biais de la Communauté européenne, du Conseil de l'Europe et des Nations Unies:
    "- pour qu'il soit mis fin immédiatement aux déportations de Kurdes établis dans les villages du sud-est de la Turquie et pour que soient levées les lois d'exception en vigueur dans cette région;
    "- pour que soient respectés les droits politiques, sociaux et culturels des Kurdes et de toutes les autres minorités ethniques vivant en Turquie;
    "- pour qu'une part équitable des compensations accordées pour pallier les conséquences négatives de la guerre du Golf soit affectée à la répartition des dommages socio-économiques subis par la population du sud-est de la Turquie;
    "- propose que la Belgique s'oppose à l'adhésion de la Turquie à la Communauté européenne aussi long-temps que les droits de l'homme seront violés dans ce pays et que l'identité culturelle des Kurdes n'y aura pas été reconnue;
    "- demande que la Belgique, en sa qualité de membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, mette tout en oeuvre afin d'obtenir que le problème kurde qui se pose dans cinq pays soit examiné dans le cadre d'une conférence internationale."

LE DEFICIT TURC DEPASSE $2 MILLIARDS

    Selon les chiffres de la Banque Centrale, le déficit du compte courant de la Turquie atteignait les 2,611 milliards de dollars en 1990. En 1989, les comptes courants enregistraient un excédant de 961 millions de dollars. Pour la première fois depuis 1980, le déficit des comptes courants dépassait les 2 milliards de dollars. Le déficit était de 3.4 milliards de dollars en 1980.
    Les pertes dues à la Crises du Golfe et l'augmentation des importations constituent les principales causes des déficits dans les comptes courants de l'année dernière. En 1990, tandis que les exportations augmentaient de 11%, les importations  le faisaient de 41%. En conséquence, le déficit commercial extérieur de la Turquie, qui était de 4.2 milliards de dollars en 1989, atteignit les 9.5 milliards.
    En 1990, le recours aux emprunts à long et moyen terme augmenta de 16% par rapport à l'année précédente. En 1989, ceux-ci se chiffraient à 3,1 milliards de dollars pour 3,6 milliards en 1990.
    Parmi les aspects positifs de l'année dernière, citons un accroissement des investissements étrangers. Les revenus du tourisme ont également augmenté. En 1989, les investissements étrangers s'élevaient à 633 millions de dollars. En 1990, ces investissements augmentèrent de 7,5% et totalisèrent 565 millions de dollars en 1989 à 520 millions en 1990.
    En 1990, les paiements des travailleurs augmentèrent de 6,7% atteignant 3,2 milliards de dollars. En 1989, ils s'élevaient à 3,04 milliards de dollars.

ÖZAL N'A PAS REUSSI A OBTENIR L'AIDE PROMISE

    Les pays du Golfe semblent avoir déjà oublié le soutien que la Turquie offrit aux forces alliées durant la Guerre du Golfe et n'ont fait aucun effort pour lui fournir l'argent promis.
    Le Koweït n'a même pas mentionné la Turquie dans les remerciements qu'il adressa aux pays alliés dans les annonces des journaux.
    On ne voit pas arriver le moindre dollar des 400 millions d'Abu Dhabi promit et l'Arabie Saoudite a réduit ses dons de pétrole à la Turquie.
    Les Etats-Unis, non plus, ne semblent pas très disposés à fournir à la Turquie un soutien financier suffisant.
    Au cours de la visite qu'il réalisa aux Etats-Unis en mars, Özal fit savoir au président Bush que la Turquie avait un besoin urgent de 2 milliards de dollars et que le succès de l'actuel gouvernement aux élections générales de 1992 dépendait entièrement de l'aide financière des Etats-Unis. Cependant, selon le journal Hürriyet du 28 mars, Özal n'aurait pas réussi à convaincre son homologue américain George Bush, d'accorder des crédits urgents.
    Toujours selon Hürriyet, l'Etat ne cesse d'emprunter et ce en augmentant les taux d'intérêt et l'inflation. Tout ceci diminue la croissance et augmente le chômage.
    D'autre part, le 4 mars, la Communauté Européenne affirma sa volonté de maintenir ses liens avec la Turquie mais ne donna aucune information quant à la date où elle dégagerait l'aide de 800 millions de dollars destinée à Ankara et bloquée depuis 1981.
    Selon des observateurs diplomatiques, la Turquie est déçue mais à peine surprise par la décision de la Communauté économique de ne pas dégager l'aide.
    Tandis que le Ministère des affaires étrangères s'est officiellement refusé à tout commentaire avant d'évaluer les documents de la réunion, des sources proches du ministère ont déclaré savoir que le Quatrième Protocole Financier, pourrait rester bloqué.
    Des cercles officiels s'étaient montrés "pessimistes" quant aux chances de déblocage du protocole puisque la semaine précédente les ministres des finances de la CE avaient décidé d'accorder une aide de 2,2 milliards d'Ecus à la Grèce, mais de retarder les discussions sur l'aide à la Turquie.
    Auparavant, le 1er mars, le Président turc, Özal, avait envoyé une lettre aux premiers ministres des pays de la CE, à l'exception de la Grèce, leur faisant part de sa croissante préoccupation pour les relations entre la CE et la Turquie, bien qu'il paraissait évident que cette dernière méritait un meilleur traitement de la part de ses alliés de l'OTAN.
    Dans sa lettre, Özal fit remarquer que, dans son soutien à l'Occident durant la Guerre du Golfe, la Turquie avait couru de gros risques aussi bien économiques que politiques, mais n'avait reçu qu'une aide de 175 millions d'ECUS.
    "En comparaison avec ce que la Communauté a offert à d'autres pays, je en peux m'empêcher de dire que la Turquie est nettement discriminée", poursuivait la lettre.
    Özal observait que le public turc avait perdu sa confiance dans la CE. Il cita également l'existence de plusieurs obstacles au maintien de relations bilatérales entre la Turquie et la Communauté, tel que les vetos répétés que la Grèce opposa au déblocage de protocole financier.
    Dans une conférence de presse, le principal leader de l'opposition, Erdal Inönü, affirma que la Turquie n'avait pas fait le nécessaire pour améliorer ses relations avec la CE. "Je déplore profondément que le gouvernement n'ait pas adopté une politique destinée à améliorer les liens bilatéraux," déclara le leader social démocrate, Inönü. "L'erreur principale consiste à laisser que les relations entre la Turquie et la CE puissent être hypothéquées par un tiers, la Grèce."

LA VISITE D'ÖZAL EN UNION SOVIETIQUE

    Avant sa visite à Washington, le président Özal s'est rendu en Union Soviétique où il signa, avec Mikhail Gorbatchev, un traité d'amitié et de coopération dans lequel était inclus le prolongement pour un an d'un accord commercial qui existait déjà.
    Özal débuta son voyage de six jours en Union Soviétique le 11 mars.
    Les entretiens entre Gorbatchev et Özal, premier leader turc qui visite l'Union Soviétique depuis 22 ans, eurent lieu dans le Grand Palais de Kremlin. Pendant trois heures, les deux leaders débattirent de la situation dans le Golfe après la guerre menée par les Etats-Unis contre l'Irak. Özal insista sur le fait que, maintenant que la guerre est finie, des efforts concertés sont indispensables pour réunir les conditions nécessaires à la construction d'une région stable, tranquille et en paix permanente afin de pouvoir panser les blessures de la guerre. Les deux leaders ont également discuté de la proposition d'Özal pour la création d'un projet de coopération dans la Mer Noire.
    Selon certaines sources, Özal envisage de visiter la Roumanie et la Bulgarie au cours des prochains mois afin de promouvoir la création de la Zone de Coopération Economique de la Mer Noire, projet qualifié par l'Union Soviétique d'entreprise prometteuse.
    A la fin de la réunion, Özal et Gorbatchev signèrent des accords de coopération commerciale, économique, scientifique et technologique, destinés également à éviter une double imposition fiscale. L'accord commercial Turco-Soviétique pour 1989-1990 fut prolongé d'un an.
    Les échanges entre les deux voisins ont atteint 1,8 milliards de dollars en 1990.
    Les deux pays envisagent d'ouvrir une frontière à Nahdjivan, en plus de celle ouverte en 1988 à Sarp, près e la Mer Noire.
    De plus, la Turquie a récemment signé des accords commerciaux avec huit des quinze républiques soviétiques.
    Özal, accompagné de 70 leaders commerciaux, a également visité l'Ukraine, le Kazakhstan et l'Azerbaijan avant de rentrer en Turquie.

LES PROTESTATIONS DES TURCS EN BULGARIE

    Le 26 mars dernier, des milliers de Turcs défilèrent près de la ville bulgare de Razgard pour protester contre la politique menée par ce pays envers son Ethnie turque. La manifestation, à laquelle prirent part 15.000 personnes, était organisée par le Mouvement pour les Droits et les Libertés (HOH). Ahmet Dogan, président du HOH, déclara que la Bulgarie devait résoudre ses problèmes dans les Balkans avant de développer ses relations avec l'Europe. Dogan critiqua également le Parti Socialiste pour sa position contre l'enseignement de la langue turque dans les écoles. Il affirma que l'éducation turque se poursuivait dans les associations et les mosquées en dépit de l'opposition de ce parti.
    Le 8 mars, après des semaines de boycottages dans les écoles et de barrages dans les rues par les nationalistes bulgares, le parlement postposa jusqu'à l'automne un plan du gouvernement pour mettre sur pied des cours volontaires de turc à caractère expérimental. La décision a soulevé des protestation dans les deux parties en conflit.
    Dans une réunion antérieure, tenue le 17 mars à Kirkzhali, les porte-paroles turcs avaient réitéré que soit immédiatement introduits des cours obligatoires de turc dans les régions à population mixte. Tandis qu'ils rejetaient le compromis du gouvernement d'introduire des cours expérimentaux de turc dans certaines écoles, ils ajoutèrent que les ethnies turques ne sont pas des "cobayes".
    Le député turc Nureddin Mehmet déclara que les Turcs bulgares ne s'étaient pas inclinés devant "la terreur des années 80" du leader communiste évincé, Todor Zhivkov, faisant référence à une "campagne bulgare" qui atteignit son point culminant en 1984-85, lorsque les turcs furent obligés à changer de nom.
    Lorsque Zhivkov ouvrit les frontières bulgares pendant l'été de 1989, 320.000 personnes d'origine turque fuirent vers la Turquie pour échapper à la persécution dont ils étaient victimes chez eux. Depuis lors, moins de la moitié sont retournés devant la pénurie de travail et de logements en Turquie.
    En attendant, le parlement a promulgué des lois rétablissant les noms turcs. Ils sont de nouveau libres de pratiquer leur religion et d'utiliser leur langue en public.
    Le Mouvement pour les Droits et les Libertés, qui compte 23 sièges au parlement, a annoncé que les émissions en langue turque, supprimées sous Zhivkov, seraient bientôt rétablies.
    Les leaders turcs rejetèrent les revendications des nationalistes bulgares selon lesquelles les cours de turc dans les régions à population mixte mettrait en danger la sécurité nationale et mirent l'accent sur la nécessité d'une union nationale.