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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


203

17e année - N°203
Septembre 1993
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 


ARMEMENT FRENETIQUE DE L'ARMEE TURQUE

CONTRE QUI?

    Tandis que les Forces Armées Turques mènent une guerre destructive contre le mouvement national kurde, le 14 septembre l'industrie guerrière de ce pays organisait une exhibition de son armement avec l'ouverture à Ankara de la première Foire Internationale de l'Industrie de la Défense et de l'Aviation Civile (IDEF 93). A cette occasion, le Ministère de la Défense a publié un inventaire détaillé de l'industrie de guerre turque sous le titre Livre Blanc 1993.
    Soutenue par un fabuleux budget et les investissements d'un complexe militaire industriel, l'industrie de guerre turque est devenue une des machines de mort les plus puissantes du monde. Bon nombre des armes et des munitions produites par cette industrie sont utilisées contre la population kurde.
    L'Armée Turque, dans le Livre Blanc 1993, justifie son frénétique armement par le nombre croissant de dangers qui menacent la sécurité de la Turquie en raison de la proximité des conflits des Balkans, du Caucase et du Moyen-Orient. Cependant, le général Hursit Tolon, Secrétaire Général de l'Etat-Major turc, affirme dans une entrevue avec le Turkish Daily News le 15 septembre: "La Guerre du Golfe a eu de nombreux effets sur l'équilibre politique et militaire de la région, contribuant également a donner un nouvel élan à la volonté sécessionniste kurde. La position géopolitique et géostratégique de la Turquie ne lui permet pas de se sortir du rapport de forces international et régional. Pour cette raison au lieu d'avoir une première ligne défensive, nous avons opté pour la stratégie de la puissance en première ligne".
    Outre les préoccupations déjà mentionnées, nombreux sont ceux qui dans les sphères militaires et politiques préconisent une expansion turque et considèrent cet onéreux armement comme indispensable afin de mettre leurs aventureux projets à exécution.
    Dans le monde bipolaire de la période de la Guerre Froide la Turquie avait une menace spécifique. En tant que pays de l'OTAN elle avait reçu la grande responsabilité de veiller à la sécurité su flanc sud de l'alliance. A bien des aspects il s'agissait d'une mission clairement définie. Le programme de modernisation de l'Armée Turque était essentiellement dirigée à subvenir aux besoins de cet environnement bipolaire et à faire face à la menace du Pacte de Varsovie.
    Depuis la fin de la Guerre Froide, les budgets de défense sont réduits dans le monde occidental, mais la Turquie va dans le sens contraire et augmente son propre budget de défense. En 1993, la Turquie a destiné 11,5% du Budget National, c'est-à-dire 41 trillions de LT (5.125.000.000 $), aux dépenses militaires. Cependant, à l'instar d'autres puissances militaires, la Turquie a décidé de diminuer les effectifs de son armée d'environ 700.000 soldats à près de 550.000 pour la fin de l'année 1994. Elle a l'intention de restructurer l'Armée, transformant le système de division-régiment en système de brigade-bataillon afin de disposer d'une force de frappe plus mobile.
    Les forces turques se sont mobilisées contre le mouvement national kurde et concentrent déjà quelque 180.000 soldats dans le Sud-est. Ces forces sont rapidement équipées d'armes sophistiquées produites par l'industrie de guerre ou importées d'autres pays.
    La responsabilité du développement d'une industrie de guerre a été confiée au Sous-secrétaire de l'Industrie de Défense (SSM), considéré comme l'autorité suprême du développement du complexe militaire-industriel grâce aux allocations budgétaires et aux investissements de capitaux privés étrangers et locaux.
    En vertu de la Loi de l'Industrie de Défense de 1985, des projets pour une valeur approximative de 10,5 milliards de $ ont soit été engagés ou sont sur le point de l'être.
    Les décisions concernant la mise en pratique des projets sont prises par le Comité Exécutif de l'Industrie de Défense (SSIK) composé du Premier Ministre, du Ministre National de la Défense et du chef d'Etat-Major.
    Le soutien financier aux projets à grande échelle de l'industrie de la défense, dont les études de plausibilité, évaluation et production sont réalisés par le SSM, est assuré par le Fonds de Soutien à l'Industrie de Défense qui jouit d'une place à part dans le budget national. Ce fonds dont les revenus s'élèvent à 700 millions de $ par an, constitue une importante source d'investissement dans l'industrie militaire. Il accélère également les décisions du SSIK en réduisant les formalités bureaucratiques. Les principales sources du fonds sont: des actions sur les revenus et les taxes corporatives, des actions sur les ventes de produits de l'Etat, des actions sur les loteries, et un pourcentage de l'impôt sur la consommation de combustible. Le fonds est administré par le SSM en accord avec les principes du SSIK.
    Les moyens de la défense turque ne se limitent pas aux activités du SSM, au cours des dernières années a commencé à apparaître une solide base industrielle.

    Projets en cours

    ° 115 F-16 C/D ont déjà été fabriqués dans les installations des Industries Aérospatiales Turques (TAI) à Mürted, près d'Ankara. Ces installations sont les plus modernes après celles de Lockheed (le General Dynamics lors de la signature du contrat) aux Etats-Unis. Actuellement, le programme de production comprend en la fabrication de 240 avions pour les Forces Armées Turques et 46 autres pour les Forces Aériennes Egyptiennes.
    TEI (Turkish Engine Industries) a entrepris la construction de moteurs pour les F-16 au travers d'une société par actions.
    ° La production de 122 systèmes de guerre électroniques actifs et 160 systèmes passifs par la compagnie MIKES à Akyurt, Ankara, pour équiper les F-16 fabriqués à TAI. Dans le cadre de ce projet, de 325 millions de $, 21 systèmes ont déjà vu le jour, dont quatre ont équipé des F-16 turcs.
    ° La production de 1.698 véhicules de combat blindés FNSS de quatre modèles différents. Un projet de 1,3 milliards et d'une durée de huit ans signé avec la société American FMC-Turkish Nurol (JVC) en 1988.
    Cela comprend la fabrication de sous-systèmes comme la coupole (avec Tursav), la transmission des moteurs (Taksan), le canon de 25 mm, le système de tourelle (le français Giat et le turc MKEK) et des systèmes de vision nocturne (Texas Instruments et le turc Aselsan).
    497 véhicules de trois modèles ont été livrés aux militaires turcs en août 1993, comme le demandait le contrat. Les installations de fabrication se trouvent à Gölbasi, près d'Ankara.
    ° L'acquisition directe de 45 hélicoptères Black Hawk de l'américain Sikorsky. 25 Black Hawks ont déjà été livrés. Le projet représente une valeur de 1,1 milliards de dollars. Outre ce projet, la coproduction dans le pays de 55 autres Black Hawks se trouve à l'étude. Le programme comprend également 20 hélicoptères de transport type Super-Puma (Cougar) du français Eurocopter. Des négociations sont en cours avec Sikorsky et Eurocopter pour l'acquisition de quatre hélicoptères maritimes.
    ° La fabrication de 52 avions de transport léger CN-235 a été entreprise par l'espagnol CASA en collaboration avec le partenaire turc TAI. Après une livraison directe de deux avions en provenance de l'Espagne, quatre autres ont été fabriqués dans les installations TAI de Mürted et remis aux Forces Armées Turques. Le coût du projet s'élève à 550 millions de $.
    ° La fabrication de 14 radars aériens et de 18 systèmes C3 (communications, commande, control) dans le cadre du projet des complexes de radars mobiles. Les radars mobiles sont fabriqués par le consortium composé du français Thompson et du turc Tekfen et les systèmes CE par celui intégré par l'américain Aydin et le turc Aymet. Les installation de fabrication des deux systèmes se trouvent à Ankara. Le premier système intégré devrait être livré en 1994. Le coût du projet s'élève à 313,5 millions de $.
    ° La fabrication de 2.936 radios de haute fréquence à bande unilatérale (HF/SSB) avec saut de fréquence et compteur de contre-mesure électronique. Le britannique Marconi a entrepris le projet, d'une valeur de 160 millions de $, avec les partenaires turcs Has, Cihan et Elit. 1.100 radios de trois modèles ont déjà été fabriquées dans les installations du consortium à Gölbasi, près d'Ankara.
    ° L'achat de deux systèmes de véhicules aériens inhabités (UAV) pour une valeur de 41 millions de $ à American Aircraft Industries et General Atomics, Etats-Unis. Pendant ce temps, la compagnie turque TAI a dessiné et fabriqué deux prototypes de UVA résultant d'un projet de recherche et de développement (R&D) financé par le SSM.
    ° La fabrication d'un flotte de bateaux de réapprovisionnement pour la Marine turque est en cours au chantier naval turc de Sedef, près d'Istanbul. Le coût du projet s'élève à 26 millions de $.
    ° La fabrication de 40 avions d'entraînement SF-260 par l'italien Augusta avec le partenaire turc TAI, dans les installations de TAI à Mürted. 32 avions ont été livrés aux Forces Armées turques. La valeur totale du projet s'élève à 17 millions de $.
    ° Douze projets de R&D pour une valeur de 22 millions de $ ont été signés avec une série d'instituts de recherche et d'universités turcs et seront subventionnés par le Fonds de Soutien à l'Industrie de Défense. Certains de ces projets sont:
    - Matériau composite en silicone à base de carbure
    - Perfectionnement de matériel informatique pour les systèmes de défense.
    - Moteurs de fusées en céramique au liquide propulseur Ramjet.
    - Radios avec saut de fréquence PRC/VRC 9600 VHF/FM
    - Matériel informatique pour la configuration d'instruments portables.
    - Véhicule aérien inhabité
    - Matériaux de blindage à base de carbure B
    - Technologies de la semi-conduction
    ° Les usines de Otomarsan et Otosan de MAN, Mercedes-Benz turc, Otokar (Landrover), fabriquent déjà des camions, des bus, des véhicules tactiques et utilitaires dotés de petites roues ainsi que des pick-up. Ces véhicules sont fabriqués et livrés aux Forces Armées turques et à d'autres pays alliés. La moitié des véhicules utilitaires sont produits dans les installations sous la forme d'ambulances, plates-formes de tir, et véhicules tactiques.
    ° Croissance de l'industrie des tanks. Les installations de réparation, entretien et modernisation des M-48 (avec des canons de 105 mm) et M-113 peuvent également moderniser les tanks M-60 MBT.
    ° Armes, munitions, fusées: vaste production de matériel d'artillerie et de munition; petites armes et munition; batteries anti-aériennes; systèmes de fusées d'infanterie; bombes d'avion; charges de propulsion; mines anti-tank et ventouse; poudre; blocs de démolition; fusées explosives; pistolets, fusils; mitrailleuses; armes pour tanks, mortiers; canons automatiques de 20 et 35 mm; produits en acier, cuivre et bois; machines de construction, excavation et industrielles; obusiers; grenades manuelles, explosifs; détonateurs et masques à gaz, dans les installations de MKEK (Corporation d'Industries Mécaniques et Chimiques).
    ° Matériel de terrain et construction: Le secteur turc de la construction est en train de rendre un grand service aux Forces Armées Turques et aux pays alliés. Le matériel de construction et les machines sont fournies aussi bien par le secteur civil que militaire, y compris les machines d'excavation et industrielles.
    ° Radios sans fil: Aselsan (Industrie Militaire Electronique) fabrique les 4.600 séries de radios portables, véhiculaires et  pour tank VHF/FM, les 4.800 séries de radios mobiles synthétisées, du matériel digital encryption, des systèmes d'alarme et anti-incendies contrôlés par ordinateur, des systèmes de téléphone encryption, des chercheurs de portée des lasers, avionics, des systèmes de vision nocturnes, l'électronique des fusées, des systèmes d'électronique de guerre, des détonateurs et des systèmes électro-optiques très variables. Elle contrôle donc un grand potentiel d'exportation.
    ° Entretien et modernisation: l'entretien en dépôt et les activités de réparation des F-4, F-5, F-16, C-130, SF-260, UH-1, des hélicoptères et de leurs son moteurs est effectuée en Turquie. La modernisation et les études d'évaluation sont programmées pour l'utilisation d'avions F-4 en l'an 2000, et probablement de F-5, pour entraîner les pilotes au maniement des F-16. La modernisation se fera totalement en Turquie.
    ° Equipement de soutien: casques, parachutes, uniformes et pièces d'hélicoptères et avions son produits dans les installations des Forces Armées Turques.
    ° Plates-formes marines: sous-marins du type 209-1200, frégates du type Meko-200, des vaisseaux d'attaque porteurs de missiles guidés, des escortes de destroyers, des pétroliers, des transporteurs, des navires de débarquement, des vedettes de patrouille rapides, des remorqueurs, des caboteurs logistiques, des cargos et des cales flottantes et sèches sont construites dans les chantiers navals civils et militaires de la Turquie.

    Projets à l'étude

    Voici les projets actuellement à l'étude par le SSM et l'Etat-Major turc qui n'ont pas encore été conclus:
    ° Le projet du Système de Lancement multiple de fusées (MLRS). Douze systèmes et leurs fusées ont déjà été livrés aux Forces Armées Turques par l'américain LTV. 24 autres systèmes seront fabriqués dans le cadre d'un projet d'une valeur approximative d'un milliard de dollars. La fabrication des fusées MLRS est prévue en Turquie, avec la coopération de LTV et du turc Roketsan, qui fabrique également le corps, le combustible solide et des pièces de moteur des missiles Stinger dans ses installations près d'Ankara dans le cadre d'un programme de l'OTAN.
    ° Le projet de systèmes de contrôle de feu anti-aérien de 35 mm. Le projet prévoit la fabrication dans le pays de 97 de ces systèmes pour un coût de 400 milliards de dollars. La compagnie hollandaise Signal, qui produit les Flycatcher, la britannique Racal, qui produit les Eagle, la helvético-canadienne Contraves, qui produit les Skyguard, ont été sélectionnées pour la co-production de ce projet. Celui-ci devrait être annoncé dans la deuxième moitié de 1993.
    ° Le projet d'un vaisseau démineur. Ce projet comprend la production, avec une contribution nationale, de six de ces bateaux pour la modernisation de la marine turque. Son coût s'élèvera à 380 millions de dollars. Les chantiers navals allemands Abeking&Rasmussen et Fr-Leurssen Werft, le français SOFMA-DCN, le britannique Vosper Thornycroft et l'italien Intermarine ont soumis leurs propositions pour un projet qui devrait être conclu pour la fin de 1993.
    ° Projet de défense aérienne de basse altitude. Le français Thomson-CSF, avec Crotale, le consortium Euromissile, avec Roland, Oerlikon-Bührle, avec Adats, et leurs partenaires turcs sont en compétition pour co-produire ces systèmes de défense aérienne à basse altitude en Turquie. L'Etat-Major turc évalue en ce moment la révision des conditions tactiques et techniques.
    ° Projet de construction de vedettes côtières. On étudie en ce moment la construction de 24 vedettes côtières dans les chantiers navals turcs. Le coût estimé du projet est de 200 millions de dollars.
    ° Acquisition d'hélicoptères d'attaque. Cinq hélicoptères Bell Super Cobra pour une valeur de 100 millions de dollars devraient être fournis par le gouvernement américain par l'intermédiaire de Foreign Military Sales (FMS).
    ° Projet de modernisation d'avions de combat. Des lettres ont été envoyées à 24 compagnies pour un projet de modernisation des F-5. Le but est d'utiliser les F-5 modernisés en tant que F-16 d'entraînement. Des études préliminaires pour la modernisation structurelle des F-4 Phantom des Forces Armées turques sont déjà en cours.
    ° Projet d'avion de réapprovisionnement de carburant en vol. Des études sont en cours pour l'acquisition de trois avions de réapprovisionnement.

    La liste Noire de l'Industrie de Guerre Turque

    Après la guerre froide, la Turquie, marché juteux pour les investissement de l'industrie de guerre, se trouve dans une position où elle peut choisir librement ses partenaires et refuser la coopération de certaines pays occidentaux qui se sont montrés critiques envers elle à propos des droits de l'homme.
    Ces pays, comme la Suisse, l'Autriche et la Suède, ont posé des conditions à la vente d'armes à la Turquie et au développement de programmes, comme l'interdiction d'utiliser les armes et munitions fournies par eux dans le Sud-est contre les Kurdes.
    Selon le Turkish Daily News du 15 septembre, la Turquie a établi une "liste noire" non officielle comprenant les pays qui seront exclus de ces projets de production commune et de vente directe.
    Bien que l'Allemagne, avec laquelle la Turquie maintenait un programme spécial de coopération de défense pendant la Guerre Froide, ne soit pas incluse dans la liste après avoir levé son embargo, de nombreux officiels affirment cependant qu'elle mériterait d'y figurer en raison de son approche vacillante envers la Turquie, ce qui rend peu probable sa participation aux programmes de modernisation militaire.
    Comble de l'ironie, le principal ennemi d'hier, la Russie, est aujourd'hui un des partenaires sûrs de la Turquie pour une coopération d'armement. En mars 1993, la Turquie et la Russie ont signé divers protocoles de coopération de défense, dont un de 75 millions de dollars qui permet à Ankara d'acheter des armes à Moscou.
    Mais il ne fait aucun doute que les Etats-Unis restent le plus sérieux partenaire. Outre un certain nombre de projets communs, en décembre 1992 les Etats-Unis ont signé avec Ankara un contrat de 1,1 milliards de dollars qui prévoit la vente à la Turquie d'hélicoptères Black Hawk destinés à détruire le mouvement nationaliste kurde dans le Sud-est. Le contrat conclu avec Sikorsky Aircraft comprend l'achat direct de 45 hélicoptères Black Hawk pour une valeur de 485 millions de dollars, ainsi que la fabrication et le montage de 50 autres en Turquie -projet dont le coût s'élève à 615 millions de dollars- dans des installations situées le long de Mürted. A cet endroit sont également co-produits les F-16 avec la compagnie américaine General Dynamics.
   
LES NOUVEAUX PLANS ANTI-KURDES DE CILLER

    Le Premier Ministre Ciller, s'adressant triomphalement au groupe parlementaire du DYP, affirmait le 1e septembre que 1.00 militants du PKK avaient été tués dans des affrontements avec les forces de sécurité turques au cours de six dernières semaines. Elle a précisé que le gouvernement était déterminé à en finir avec le PKK grâce à la formation d'équipes de commandos spéciaux et à l'acquisition de nouveaux véhicules et hélicoptères qui permettraient d'améliorer la capacité de reconnaissance et d'observation de l'Armée.
    Le quotidien Sabah du 12 septembre reprenait les mots du Chef d'Etat-Major, Général Dogan Güres, où il s'engageait à en finir avec le PKK pour le printemps prochain. Au cours des dernières opérations, les Forces Armées Turques ont porté de sérieux coups à l'organisation", et ajoute, "Le PKK a été repoussé dans ses retranchements. Leurs actes actuels sont le fruit de leur désespoir. Ils sont soumis à une grande tension aussi bien au niveau local qu'international".
    Le mois dernier, le gouvernement de Ciller annonçait un plan visant à mettre sur pied des escadrons spéciaux pour combattre le PKK. Selon le plan, les recrues des commandos seraient encouragés à se porter volontaires dans cette force spéciale une fois accompli leur service militaire de 15 mois.
    Le Ministre d'Etat, Mustafa Ciloglu, déclarait le 28 août qu'une nouvelle force de 20.000 unités pour combattre le PKK serait prête en six mois.
    "Jusqu'à présent nous sommes toujours restés à la défensive, répondant seulement aux attaques. A partir de maintenant nous allons changer de stratégie. En six ou sept mois nous allons mettre K.O. les terroristes avec cette force spéciale de 20.000 hommes", a-t-il souligné.
    D'un autre côté, le quotidien Hürriyet de 31 août rapportait que le Premier Ministre Ciller a un plan secret qui envisage des "peines de choc" pour ceux qui soutiennent les "terroristes" ou participent à des boycotts en masse. Selon le plan imaginé par le Ministre de l'Intérieur, ceux qui soutiennent les "terroristes" ou leurs actions en fermant leurs magasins ou utilisent leurs véhicules comme support de solidarité envers le PKK risqueront entre un et trois ans de prison. Les rideaux des magasins en question seront fermés pour une période de six mois et les véhicules ne pourront circuler pendant le même laps de temps. La période de détention sera prolongée pour les personnes arrêtées et soupçonnées d'appartenir à une organisation "terroriste".
    Ceux qui prononcent des discours avilissants pour l'Etat à l'étranger recevront des peines plus lourdes. Ceci tend à empêcher les membres du DEP de faire des discours à l'étranger.
    Un fonds anti-terrorisme sera créé, financé par de l'argent provenant d'autres fonds dans le pays et des collectes de l'Agence de la Loterie Nationale. Une partie de l'argent recueilli dans les matches de football sera également versé au fonds anti-terroriste. Les représentants de la sécurité qui sont blessés et doivent se retirer d'une façon prématurée recevront l'entièreté de leur salaire en tant que pension. Il en ira de même pour les veuves et orphelins de agents morts dans la lutte contre les organisations "terroristes".

LE PKK ANNONCE UNE NOUVELLE ESCALADE

    Pendant que la destructive offensive de l'Armée Turque prend de nouvelles dimensions, le leader du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, dans une interview concédée au quotidien Özgür Gündem et reproduite par le Turkish Daily News du 30 août, mettait en garde le gouvernement contre une nouvelle escalade de sa campagne armée, qui dure déjà depuis neuf ans.
    Le leader du PKK précisait que l'organisation, qui compte aujourd'hui 10.000 militants, avait l'intention de porter ce nombre à 20.000 pour l'hiver et à 30.000 pour le printemps 1994.
    "Aucun gouvernement ne peut s'opposer à 30.000 guérilleros", affirme Öcalan. Niant les rapports concernant un autre cessez-le-feu du PKK, Öcalan soutient que tant que l'Etat turc n'acceptera pas les conditions du PKK il n'y en aurait pas de nouvelle trêve:
    "J'ai exposé clairement les conditions d'un cessez-le-feu en mai dernier au cours d'une conférence de presse. Les opérations de l'Armée Turque dans le Sud-est devraient prendre fin. J'ai également dit que ce cessez-le-feu ne pourrait venir que des militaires et non du gouvernement. Ciller n'est qu'une façade pour cette guerre spéciale [dans le Sud-est]. On ne devrait attendre des civils les conditions d'un cessez-le-feu".
    Öcalan a précisé que les discussions des autorités turques pour la formation d'une armée privée qui combatte les militants kurdes avaient commencé dès l'arrivée au pouvoir de Tansu Ciller.
    "L'idée d'une armée privée est illégale, ajoute Öcalan. "Cela consisterait à recruter un tas de bandits, délinquants, fascistes et  vagabonds et à les intégrer dans l'actuelle force contre-guérilla du gouvernement. Tous ces hommes diront, `je suis la loi'. Les récents meurtres et kidnappings en sont la preuve. Il n'est pas possible d'imaginer qu'une armée privée pourrait réussir là une grande armée régulière a échoué. Si les meurtres de personnes ordinaires et les évacuations forcées de villages se poursuivent, le PKK devra riposter avec les mêmes méthodes.
    "S'ils reculent les limites de la guerre, nous ferons de même. Nous créerons des guérillas spéciales pour s'opposer aux forces spéciales [de l'Etat]".
    Öcalan soutient que la province d'Elazig a été utilisée par les forces contre-guérilla pour y torturer à mort les patriotes kurdes. Un journalistes d'Özgür Gündem, Ferhat Tepe, fut récemment retrouvé mort à Elazig après avoir été enlevé à Bitlis en août dernier.
    "Nous savons que d'anciens cercles fascistes jouent un rôle important dans ce genre d'actions. Ils reçoivent un soutien important des marchands et des usuriers à Elazig. Nous réduirons fortement leurs revenus. Nous avons l'intention d'encercler Elazig avec les forces de guérillas".
    Öcalan a fait de l'économie turque une autre cible des attaques du PKK. "Nos actions limitées contre la tourisme turc ont provoqué le chaos. Nous prendrons des mesures similaires non seulement au Kurdistan, mais également en Turquie. Il n'est pas difficile d'atteindre les cibles économiques turques". Faisant allusion au débat sur le tracé du pipeline de pétrole turco-azeri, il a précisé: "Les compagnies pétrolières internationales devraient parler avec nous et non pas avec la Turquie".
    Le leader du PKK a précisé qu'une faction au sein de l'appareil militaire turc pouvait tenter un coup-d'Etat afin d'apporter une solution politique au problème kurde. "Le contraire peut également se produire: un coup-d'Etat organisé par des éléments de droite plus extrémiste désirant durcir la position contre les militants kurdes. La bataille Güres-Fisunoglu pour déterminer qui sera le prochain Chef d'Etat-Major est un des éléments de cette lutte", a-t-il conclu.

RAPPORT D'HELSINKI WATCH SUR LES MEDIAS

    En août 1993 Helsinki Watch publiait un nouveau rapport sur la Turquie intitulé "Libre expression en Turquie, 1993: Assassinats, condamnations, confiscations".
    Dans l'introduction de son rapport de 40 pages, Helsinki Watch se dit extrêmement préoccupé par la violation de la liberté d'expression en Turquie pendant la première moitié de 1993.
    "Sous la Loi Anti-Terreur, introduite en 1991, de nombreux journalistes, écrivains et éditeurs de gauche et proches des Kurdes continuent d'être jugés et bon nombre d'entre eux sont condamnés à des peines de prison et à des amendes", souligne le rapport. "Les clauses du Code Pénal qualifiant de délit les insultes contre Atatürk, le laïcisme, l'Islam, les forces de sécurité et le président sont encore utilisés pour limiter la liberté d'expression. Les journaux et les livres sont fréquemment confisqués. La Loi sur la Presse permet aux procureurs d'interrompre la distribution d'un journal sans l'ordre d'un tribunal. Ces mêmes clauses limitent la liberté d'expression à la radio et à la télévision, dans les discours électoraux, les symposiums, les posters et les brochures. Les éditeurs et les auteurs reçoivent des amendes et des peines de prison en vertu de ces mêmes lois".
    "Dans les sept premiers mois de 1993, quatre journalistes ont été assassinés en Turquie. Dans le Sud-est, un distributeur et un marchand qui vendait des journaux de gauche ont été tués pendant cette même période. Le gouvernement n'a pas fait beaucoup d'efforts pour capturer et juger les assassins. Beaucoup d'autres journalistes, marchands de journaux et distributeurs ont reçu des menaces de mort. Tandis que les journalistes de la presse de la tendance dominante ne sont pas molestés pour la plupart, ceux des journaux de gauche subissent fréquemment des attentats, sont arrêtés ou jugés. Dans le sud-est de la Turquie les journalistes sont particulièrement en danger.
    "Bien que le gouvernement de coalition, arrivé au pouvoir en novembre 1991, assurait que les anciennes restrictions à la liberté d'expression seraient abolies, leurs actions se sont avérées extrêmement décevantes.
    "Les condamnations de journalistes, auteurs, éditeurs et artistes en vertu de la Loi Anti-Terreur et les clauses de Code Pénal violent la Convention Européenne pour la Protection des Droits de l'Homme et les Libertés Fondamentales, dont la Turquie est signataire, ainsi que l'Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'Article 19 de la Convention des Nations Unies sur les Droits Civils et Politiques".
    Après avoir donné des centaines d'exemples de violations de la liberté d'expression, Helsinki Watch donne les recommandation suivantes au gouvernement turc:
    ° Mener sans tarder une enquête à fond et impartiale sur les meurtres des 16 journalistes et cinq marchands et distributeurs assassinés depuis février 1992; juger les responsables;
    ° Remettre en liberté tous les journalistes, écrivains ou artistes incarcérés ou détenus pour leurs écrits ou l'expression pacifique de leurs opinions;
    ° Mettre fin à toute action en justice contre les journalistes, écrivains, éditeurs et artistes visant à entraver la diffusion de leurs écrits ou l'expression pacifiques de leurs opinions;
    ° Abolir la Loi Anti-Terreur;
    ° Modifier la Constitution en vue de supprimer les parties qui limitent la liberté d'expression;
    ° Modifier le Code Pénal pour en supprimer tous les articles qui limitent la liberté d'expression;
    ° Modifier la Loi sur la Presse pour en éliminer les parties qui limitent la liberté d'expression;
    ° Abroger la loi de protection des Mineurs contre les Publications Nocives;
    ° Abroger la loi sur les oeuvres cinématographiques, vidéo et musicales;
    ° Abolir les Conseils de Censure du Cinéma et de la Musique;
    ° Abroger ou modifier toutes les lois qui injustement limitent la liberté d'expression;
    ° Mettre fin aux restrictions qui privent les Kurdes de leur identité ethnique, y compris celles qui frappent la langue, la musique et la danse kurde.
    Helsinki Watch recommande également au gouvernement américain de condamner publiquement les abus contre les droits de l'homme détaillés dans le rapport et qu'il déploie tous ses efforts pour convaincre la gouvernement turc de mettre en pratique les conseils d'Helsinki Watch.
    Par ailleurs, Helsinki Watch recommande au gouvernement des Etats-Unis de mettre fin à toute assistance militaires et de sécurité à la Turquie jusqu'à ce que ce pays mette fin à ces violations. Selon le rapport, la Turquie est le troisième bénéficiaire de l'aide américaine; en 1993, la Turquie recevra 450 millions de dollars en prêts d'assistance militaire et 125 millions de dollars d'assistance économique.

SCANDALES DE CORRUPTION

    Alors que les accusations de fraude contre le Premier Ministre Tansu Ciller et son mari, Özer Ciller, sont systématiquement passées sous silence par la grande presse, une autre histoire de fraude impliquant un haut bureaucrate, proche du SHP, figurait à la une de tous les quotidiens turcs pendant deux derniers mois.
    Le chef du Département des Eaux de la Ville d'Istanbul(ISKI), Ergun Göknel, est le protagoniste de ce nouveau scandale médiatique.  Impatient d'épouser une jeune femme de 29 ans sa cadette, il offre à son épouse, Nurdan Göknel, 800.000$ afin d'obtenir un divorce rapide.  Après versement de la somme en avril, Mme Göknel décide de se venger et informe la presse de cet arrangement, tout en questionnant publiquement l'origine de cet argent que le traitement d'un fonctionnaire ne suffit pas à justifier.
    Aussitôt que le scandale éclate, le maire d'Istanbul, Nurettin Sözen, ancien ami de Göknel et membre du partenaire minoritaire de la coalition (SHP), démet le bureaucrate de ses fonctions alors que commençait l'enquête.
    Le 19 août, la cour d'Istanbul ordonne l'arrestation de Göknel pour détournement de fonds, falsification de documents et fraude fiscale.
    Le journal personnel de Göknel, écrit de sa propre main, révèle que l'ancien chef du ISKI a effectué des versements au profit du ministre Mehmet Mogultay (SHP) et de 29 journalistes.
    Au cours de son interrogatoire, Göknel dénonce l'implication
du Maire d'Istanbul, Nurettin Sözen, dans la corruption en masse liée à certaines affaires de la municipalité.
    La police découvre chez Göknel une liste reprenant les noms des compagnies privées ainsi que les sommes versées à, ou perçues par, chaque firme suite à l'attribution de contrats lucratifs en échange d'une commission.
    L'ISKI aurait également détourné des fonds au profit du SHP, devenant d'une certaine manière, grâce à ses grandes ressources, le soutien financier des sociaux démocrates à Istanbul.
    Bien que les leaders du SHP nient toutes les accusations dans cette affaire, cette chasse aux sorcières a fait plus de mal au SHP que toute autre personne ou organisation à la veille des élections municipales de 1994.
    Toutefois, aucun des partis politiques, que ce soit le DYP, le SHP ou les partis de l'opposition, sont irréprochables sur ce plan.
    Le quotidien Milliyet reprend 19 cas de corruption apparus depuis le mois de mars.  Certains dossiers impliquent le Ministère de Forêts, la Compagnie Nationale d'Electricité et le Ministère des Finances.
    Il y a cinq mois, Ciller, membre du DYP, éludait les charges d'abus de biens publics dans une transaction immobilière qui pesaient sur lui.  Le Président Demirel, leader du parti et premier ministre de l'époque, répondait par la déclaration suivante : "J'ai versé l'argent -- et alors ?".  L'affaire ILKSAN, du nom d'un consortium d'instituteurs auquel le gouvernement avait donné des fonds, disparaissait des gros titres à la mort du Président Özal en avril.
    Lorsque Ciller remplaça Demirel à la tête du gouvernement, sa situation financière a fait l'objet d'une controverse sur l'origine même d'une telle richesse, mais aucune enquête a été menée sur cette affaire.
    Au contraire, lors de son allocution télévisée du 26 août, Ciller, profitant du scandale de l'ISKI qui éclipsait le sien, s'est présentée comme l'ennemi acharné de la corruption en promettant aux téléspectateurs une société parfaitement "propre".

"LE REGIME MILITAIRE DEVRAIT ETRE TRADUIT EN JUSTICE"

    L'Association de Droits de l'Homme de Turquie (IHD) tente d'obtenir un procès symbolique pour les cinq anciens généraux qui ont monté le putsch militaire de 1980 et évincé le gouvernement et le parlement démocratiquement élu par la nation.
    Le 27 septembre, le Président de l'IHD, Akin Birdal, a annoncé son intention d'organiser les premiers débats pour la fin 1993 et la coopération de divers organismes tels que l'association de barreau de Paris et de New-York, ainsi que la Helsinki Watch.
    "Nous avons décidé de mener cette action parce que le régime du 12 septembre n'avait pas été jugé en matière de droits de l'homme." a déclaré Birdal.
    Il a ajouté qu'il ne s'agissait ici que d'un "procès" symbolique, mais que toute les victimes du putsch étaient invitées à déposer plainte.

LA LECON RIDICULE DE CILLER AUX ALLEMANDS

    Lors de ses visites à l'étranger en tant que chef de l'exécutif, le Premier Ministre Ciller a tenté de donner une image de "dame de fer".
    Le 22 septembre, dans une conférence de presse à Berlin, Ciller déclare que la Turquie ne connaît ni minorités, ni discriminations.
    "J'aurais bien souhaité que les citoyens turcs résidant en Allemagne aient le dixième des droits de l'homme que les Kurdes ont en Turquie.  J'aurais bien souhaité que nos compatriotes turcs aient le droit de vote en Allemagne.  Les Kurdes (en Turquie) ont le droit de monter une affaire et d'entrer au Parlement.  J'aurais bien souhaité que les Turcs puissent en faire de même ici.", a-t-elle déclaré.
    Cette déclaration a aussitôt été ridiculisée par l'opposition en Turquie en rappelant que les Turcs et les Kurdes d'Allemagne ont le droit de former leurs propres organisations, de suivre un enseignement et de publier des articles dans leur langue, alors qu'en Turquie, les Kurdes qui tentent de faire de même sont systématiquement persécutés.
    En outre, bien que les Turcs soient arrivés au cours des dernières décennies, ceux-ci peuvent se battre en toute liberté pour obtenir plus de droits, tels que la double nationalité et l'élection dans diverses assemblés.  Ces revendications sont soutenues par les forces progressistes d'Allemagne et pas un seul Turc a fait l'objet de persécutions pour avoir exigé ces droits.
    N'oublions pas non plus que les Kurdes vivaient déjà en Turquie bien avant l'arrivée des Turcs au XIème siècle et qu'ils peuvent donc à juste titre revendiquer leur souveraineté sur le territoire qu'ils occupent.  La domination turque a fait du Kurdistan turc une colonie et a privé les Kurdes de leurs droits fondamentaux, tels que le droit de parler kurde et de suivre un enseignement dans cette même langue.  Il ne s'agit donc pas ici de reconnaissance d'un droit à des gens récemment établis dans un pays étranger, mais bien de la violation du droit d'un peuple autochtone par une domination colonialiste.

FIASCO OLYMPIQUE POUR LA "DAME DE FER"

    Après sa visite de trois jours en Allemagne, Ciller s'est rapidement rendue à Monaco pour, dans une dernière tentative, faire pencher la balance en faveur d'Istanbul comme ville des Jeux Olympiques de l'an 2000, et, par la même occasion, pour attirer l'attention sur elle.
    En fait, la candidature d'Istanbul pour les Jeux Olympiques a été, une fois de plus, l'occasion pour les médias de tromper la population par la publication de rapports bien trop optimistes
quant à l'éligibilité de la Turquie.
    Avant de quitter Berlin, Ciller a déclaré que "Si Istanbul gagne, ce sera la première fois que les Jeux Olympiques se dérouleront dans un pays musulman".  Elle ajouté qu'Istanbul, la ville qui unit l'Europe et l'Asie, pourrait être "une des meilleures plate-formes" dans l'amélioration des liens internationaux.  Conditionnés par le slogan "rencontrons-nous là où deux continents se rencontrent", les Turcs étaient persuadés que l'organisation des Jeux à Istanbul aurait apporté, outre l'afflux non négligeable de visiteurs, une reconnaissance de la montée de l'influence turque dans une région déchirée par les conflits ethniques après la dislocation de l'Union Soviétique et de la Yougoslavie.
    89 membres du Comité Olympique avaient été invités en Turquie afin de les convaincre qu'Istanbul était le meilleur endroit pour les Jeux.  Avant l'arrivée de Ciller à Monaco, les 250 membres de la délégation turque participaient déjà à la réunion du CIO pour soutenir la candidature d'Istanbul.
    Ciller et la délégation turque étaient convaincus qu'Istanbul gagnerait, à un tel point que les médias turcs ont publié des rapports décrivant Istanbul comme une des plus riches cités au monde où tous les problèmes municipaux disparaîtraient grâce au 207 millions de dollars de bénéfices provenant des Jeux.
    Tout en ignorant complètement les fréquentes violations des droits de l'homme en Turquie, Ciller et les médias turcs espéraient voir tomber la candidature de Pékin en raison de la question des droits de l'homme en Chine.  Néanmoins, un grand nombre d'organisations internationales des droits de l'homme n'ont cessé de dénoncer les assassinats politiques quotidiens en Turquie et les violations des droits de l'homme à grande échelle dont se rendent coupables les forces de sécurité turques.
    Toutes ces illusions se sont envolées le 23 septembre lorsque la ville d'Istanbul a été éliminée par le CIO au premier tour avec seulement 7 voix en sa faveur.
    Le lendemain, on pouvait lire en gros titres dans le quotidien Milliyet : "Rêves et désespoir.  Les Jeux de l'an 2000 étaient notre rêve.  Nous l'avons tant voulu et nous n'avons rien eu."
    Quant à Ciller, elle continue à tromper le peuple en déclarant que "la Turquie a atteint son objectif à Monaco. Dorénavant le monde sait que la Turquie est un pays avec lequel il faudra compter dans de telles compétitions internationales.

LE REVE D'EUROPALIA '96

    Dans une autre tentative pour faire oublier la situation honteuse des droits de l'homme dans le pays, Ankara a lancé une nouvelle campagne pour faire de la Turquie le sujet de l'édition 1996 de l'exposition Europalia.
    Le 4 septembre, le Ministre des Affaires Etrangères, Hikmet Cetin, déclare, au cours d'une réunion à Istanbul avec une centaine d'hommes d'affaires, qu'un tel événement serait une bonne occasion pour améliorer l'image de la Turquie dans le monde occidental. 
    L'exposition bisannuelle Europalia est basée en Belgique et a actuellement comme thème le Mexique.
    "Outre les arts, il s'agit d'un forum qui vise la promotion de certains apsects économiques et culturels d'un pays", a déclaré Cetin.  "C'est un événement important qui sera patronné conjointement par notre président et le roi des Belges.
    Le coût de l'exposition est estimé entre 30 et 40 millions de dollars, dont 60 % seront couverts par le Fonds Europalia, le reste étant financé par le pays choisi comme thème.
    Les hommes d'affaires turcs que Cetin a rencontrés se sont engagés à soutenir l'exposition Europalia.

30 ANNEES DE RELATIONS ENTRE LA TURQUIE ET LA C.E.

    Le 30me anniversaire de la signature de l'accord d'Ankara, qui mettait officiellement la Turquie sur la voie de l'adhésion à la Communauté Européenne, est célébré le 12 septembre 1993 lors d'une réunion et un buffet organisés par la Fondation pour le Développement Economique (IKV) à Istanbul.
    Le Président Demirel, dans un discours adressé aux invités, déclare que l'adhésion à la CE n'était pas seulement une question d'économie, mais également de politique et de sécurité.  L'entrée de la Turquie dans la Communauté lui permettra de prospérer.
    Toutefois, contrastant avec l'optimisme de Demirel, l'adhésion de la Turquie à la CE semble, pour le moment, peu probable en raison de la situation économique pauvre,  du taux d'inflation élevé, du chômage sans cesse croissant et, surtout, du non-respect des droits de l'homme.
    En outre, l'adhésion de la Turquie doit faire face à la concurrence d'autres pays européens industrialisés qui désirent également entrer dans la CE.
    Lors de la réunion à Istanbul, Christina Scrievener, membre de la Commission de la CE, a rappelé que la CE européenne, qui se trouve encore dans un processus d'adaptation suite à l'établissement du marché unique, doit se consolider et faire face à la crise actuelle et que, par conséquence, elle ne pouvait faire aucune promesse concrète quant à une proche adhésion de la Turquie.  Elle s'est contentée de déclarer que le pays avait progressé rapidement au cours des 30 dernières années, c'est-à-dire depuis que le pacte est entré en vigueur, et que la CE continuerait à encourager l'intégration de la Turquie.
    L'intérêt de la Turquie pour la CE remonte au 31 juillet 1959, date à laquelle le gouvernement turc a posé, deux mois après le gouvernement grec, sa candidature auprès de la Communauté.
    Cette candidature s'est conclue le 12 septembre 1963 avec l'Accord d'Ankara qui a fait de la Turquie un partenaire privilégié de la CE et a établi un processus en trois étapes pour consolider les relations commerciales, économiques et politiques avec ses partenaires, et, finalement, adhérer comme membre à part entière, tout comme la Grèce en 1981.
    Un deuxième accord, appelé Protocole Supplémentaire, signé en 1970 pour garantir cette adhésion et en vigueur depuis 1973, confirme cet engagement et permet à la Turquie de se préparer :
union douanière en 1995 et amélioration de l'image de la Turquie en ce qui concerne la démocratie et les droits de l'homme.
    Bien que les relations entre la Turquie et la CE aient été suspendues après le putsch de 1980, Ankara n'a fait que différer sa candidature en tant que membre à part entière.  Néanmoins, en 1989, la Turquie se voit gentiment refuser l'entrée dans la Communauté Européenne.  Ceci ne signifie pas un refus catégorique, mais la CE considère que ni elle, ni la Turquie peuvent parler d'adhésion avant de remettre de l'ordre dans leurs pays respectifs, surtout en ce qui concerne le Marché Interne de 1992.  En outre, la Turquie doit améliorer sa situation économique, consolider la démocratie et assurer le respect des droits de l'homme, et montrer un changement dans son attitude envers le problème de Chypre.
    A propos des critères économiques auxquels la Turquie doit répondre, les réserves de la CE peuvent se comprendre dans une large mesure : la Turquie ne devrait pas s'attendre à ce que la CE accepte la libre circulation de travailleurs et donne du travail au 2 millions de chômeurs turcs.  La Turquie devrait éliminer toutes les barrières douanières et trouver une solution à son inflation galopante, ainsi qu'à sa dette publique, qui représente  50 % du PNB.
    La Turquie ne répond pour le moment a aucun de ses critères. Le taux de chômage ne cesse d'augmenter en raison de la mauvaise situation économique et du taux de croissance de la population également élevé.  Le problème de Chypre reste sans solution.  Par ailleurs, la Turquie reste le seul pays européen qui viole systématiquement les droits de l'homme et qui a recours au armes pour éliminer la minorité kurde.

SHP : NOUVEAU LEADER MAIS MEME POLITIQUE

    Suite au changement de leader dans le parti majoritaire de la coalition (DYP), le SHP (Parti Populiste Social Démocrate), également membre de la coalition, changeait à son tour de leader le 12 septembre dernier.  Le Maire d'Ankara, Murat Karayalcin, âgé de 49 ans, a été élu président du SHP après avoir obtenu 559 votes des 1007 émis par les délégués, alors que son rival le plus direct, Aydin Güven Gürkan, en a obtenu 403. 
    Malgré sa promesse électorale de "construire une nouvelle Turquie", à l'instar de son prédécesseur Erdal Inönü, Karayalcin a également accepté de collaborer avec le DYP et a accepté un poste de Vice-Premier Ministre au sein du gouvernement Ciller.
    Quant à son rival, Gürkan, il a été élu président du groupe parlementaire du SHP. 
    Malgré l'existence d'un protocole de coalition garantissant une totale démocratisation du pays, le gouvernement Ciller-Karayalcin maintient le terrorisme d'Etat et les mesures à l'encontre des travailleurs.

ECHEC DE LA TURQUIE DANS LES TERRITOIRES "TURCS" DE L'EX-UNION SOVIETIQUE

    Après l'effondrement de l'Union Soviétique et l'indépendance des républiques d'Asie Centrale d'origine turque et de l'Azerbaïdjan, le gouvernement d'Ankara a profité de l'occasion et a donné de la Turquie l'image d'un "grand frère". Puisque la Turquie partage la même culture avec ces républiques, les Etats-Unis et de nombreux partenaires européens sont convaincus qu'Ankara pourrait jouer un rôle important dans l'évolution des républiques "turques" de l'ex U.R.S.S. vers une démocratie à l'occidentale et une économie de marché, et ce en dépit des constantes violations des droits de l'homme et de la déplorable situation économique du pays.
    Vers la fin 1991, lors de l'arrivée au pouvoir de la coalition DYP-SHP, de nombreuses délégations turques ont commencé à visiter ces républiques en tenant des promesses de coopération économique irréalisables. Le Président Demirel et le Premier Ministre Ciller ont aussitôt déclaré que, dorénavant, le monde turc s'étendrait des côtes de l'Adriatique à la Grande Muraille de Chine.
    Encouragés par le gouvernement, le mouvement néo-fasciste Loups Gris, a interféré ouvertement dans la vie politique interne de ces pays en vue de les réunir sous la drapeau de l'Empire Turc, situé à la croisée de trois continents: le Turan. De nombreux Loups Gris et d'anciens officiers de l'armée occupent maintenant des postes dans les administrations de l'Azerbaïdjan, du Turkménistan, de l'Ouzbékistan et du Kirghizistan. Le leader des Loups Gris, Alparslan Türkes, a personnellement pris part à la campagne électorale de l'ancien président azéri, Elcibey, alors que Demirel était en visite dans le pays.
    La Turquie a accueilli une série de cérémonies consacrées à la naissance d'une union turque de la Mer Adriatique à la Grande Muraille de Chine. Celles-ci ont pu compter sur la présence de leaders et représentants des pays concernés.
    Mais alors que le gouvernement turc s'affairait à créer un mythe, celui-ci ne faisait pas beaucoup d'efforts pour la consolidation d'une démocratie et une bonne infrastructure économique, qui font sérieusement défaut dans ces pays. Ce grand rêve d'union des républiques de langue turque s'est estompé au bout de deux ans et l'ensemble de ces pays sont rapidement revenus dans la sphère d'influence de la Russie.
    La chute du président azéri, Elcibey, fervent partisan de cette grande union, et l'adhésion de l'Azerbaïdjan à la CEI ont porté le coup de grâce au mythe de ce grand Empire Turc.
    Les cercles ultra-nationalistes et expansionniste de Turquie se vengent actuellement de cet échec en mobilisant toutes leurs forces et ressources pour écraser le mouvement national kurde dans le pays, et pour renforcer leur présence dans le Kurdistan turc, ce qu'ils n'ont pas pu faire dans les républiques de langue turque.

TERRORISME D'ETAT EN AOUT                                         

    Le 1.8, deux agresseurs inconnus attaquent une maison dans le village de Kara Hasan à Maras et tuent Ayse Rani (35), Elif (7) et Gözde (4) à coups de hache.
    Le 1.8, dans le village de Seyhcoban à Diyarbakir, deux frères, Abdülkadir Ates et Nedim Ates sont abattus par deux inconnus.
    Le 2.8, à Haro (Diyarbakir), Yücel Dolan, âgé de 25 ans et fils du maire, est transporté d'urgence du commissariat de police à l'hôpital où il meurt peu après.  Bien que la police prétende que le jeune-homme est mort d'un arrêt cardiaque, les parents de Dolan accusent celle-ci de l'avoir torturé à mort.  Le père de Dolan, Resul Dolan, maire de Haro, déclare avoir vu des traces de coups et de décharges électriques sur le corps de son fils.
30 autres personnes, arrêtées en même temps que Dolan, ont fait l'objet de tortures lors de leur interrogatoire.
    Le 3.8, le Ministère des Finances intente une action administrative contre le chef des représentants du Syndicat des Fonctionnaires des Finances (Tüm Maliye Sen) pour avoir organisé des actions en vue d'obtenir des droits syndicaux.  En outre, 7 représentants syndicaux ont perdu leur poste au Ministère des Finances.
    Le 3.8, lors d'une cérémonie de mariage à Gümüscay (Canakkale), une personne d'origine kurde, Hasan Cetin, est contraint de quitter la salle.  Après une dispute entre Turcs et Kurdes, un groupe de 300 personnes attaquent et détruisent les maisons et les magasins kurdes dans la ville. 
    Le 5.8, Ekrem Afsin (52) et Sehmuz Ekrem (23) sont abattus par deux inconnus à Batman et Nurettin Tangüler, à Diyarbakir.
    Le 5.8, à Istanbul,la police arrête 17 personnes lors d'une série d'attaques dans les quartiers d'Ikitelli, Parseller et Güngören.
    Le 6.8, à Diyarbakir, des inconnus abattent Murat Karacobanoglu et Ömer Tegmen.
    Le 7.8, à Nusaybin, les forces de sécurité abattent deux personnes lors d'une descente dans une maison.
    Le 7.8, des inconnus tuent Hasan Okur et Osman Göcer à Diyarbakir, et Muhyettin Tastekin à Mus.
    Le 8.8, à Nizip (Gaziantep), Selahattin Dörtbudak, suspecté de vol, est trouvé mort dans la gendarmerie de la ville.  Bien que les autorités militaires attribuent sa mort à un arrêt cardiaque, la mère de Dörtbudak accuse les gendarmes d'avoir torturé son fils à mort après lui avoir confisqué un million de livres turques.  Elle déclare avoir vu des traces de torture et des tâches de sang sur le corps de son fils.
    Le 8.8, à Mersin, le docteur Sabri Soysal prétend avoir été torturé pendant onze jours au poste de police après son arrestation le 21 juillet.  Le Dr. Soysal dit avoir trois côtes cassées et demande un examen médical par le Syndicat des Médecins de Turquie (TTB).
    Le 8.8, les forces de sécurité arrêtent une quarantaine de personnes, dont certains sont membres du DEP, dans une de leurs opérations menées à Izmir et Manisa.                           
       Le 9.8, à Diyarbakir, deux commerçants, Siddik Adiyaman et Süleyman Ayverdi, sont assassinés par des inconnus.  Les deux victimes auraient participé à une action de protestation contre les opérations de répression menées par l'Etat.  Une organisation paramilitaire appelée Brigade de Vengeance Turque (TIT), a récemment menacé les commerçants prenant part à de telles actions.  Le nombre de commerçants assassinés à Diyarbakir au cours des dix derniers jours s'élèvent déjà à six.
    Le 10.8, à Istanbul, Osman Akcikek, un détenu de 22 ans, est hospitalisé suite aux coups reçus lors de son interrogatoire au poste de police d'Eminönü.
    Le 13.8, à Istanbul, lors d'une descente dans une cafétéria du Perpa Business Center, le propriétaire, Nebi Akyürek(32), et le caissier, Selma Citlak (22), ainsi que trois clients, tous suspectés d'être des militants du Dev-Sol, sont abattus par la police.  Les parents des victimes accusent la police d'exécution extrajudiciaire.
    Le 13.8, le Bureau du Procureur entame des poursuites visant à fermer la succursale d'Istanbul de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) sous le prétexte que lors d'une réunion organisée par l'IHD le 6 décembre 1992, certains orateurs ont fait de la propagande séparatiste et l'éloge du PKK.
    Le 13.8, à Gaziantep, Ahmet Elinc (27) est assassiné par des inconnus.
    Le 14.8, à Ergani, un agriculteur, Halil Keser, est abattu par des inconnus.
    Le 14.8, un festival musical et culturel organisé à la mémoire des 37 victimes du Massacre de Sivas est interdit par le gouverneur d'Ankara.
    Le 16.8, à Ordu, des équipes spéciales de sécurité abattent deux militants de l'Armée de Libération des Paysans de Turquie (TIKKO).
    Le 17.8, dans deux affaires différentes en rapport avec le PKK, la CSE d'Istanbul condamne 7 accusés à différentes peines de prison allant jusqu'à 22 ans et 6 mois.
    Le 17.8, deux inconnus abattent Hayrettin Celik et Vasfettin Celik à Batman.
    Le 18.8, à Ankara, Ihsan Ertas et Gaffar Karaman déclarent avoir été torturé au Quartier Général de la Police Politique lors de leurs interrogatoires en juillet.
    Le 18.8, des inconnus abattent Mehmet Sevim, postier, à Batman, et Celal Konat, ouvrier, à Diyarbakir.
    Le 19.8, à Diyarbakir, l'explosion d'une bombe tue un enfant âgé de 2 ans et blesse huit autres personnes.
    Le 19.8, deux membres locaux du DEP, Mehmet Yesil à Batman et Musa Ak à Diyarbakir, sont abattus par des inconnus.
    Le 20.8, à Izmir, une réunion organisé par le DEP sur l'amitié des peuples est interdite par le Gouverneur.
    Le 20.8, les forces de sécurité arrêtent six militants présumés du PKK à Manavgat.
    Le 20.8, la CSE d'Istanbul condamne six membres du Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP) à 15 ans d'emprisonnement chacun.
    Le 21.8, à Söke (Aydin), Baki Erdogan, âgé de 27 ans, meurt sous la torture lors de son interrogatoire au poste de police. Erdogan avait été arrêté le 10 août avec 11 autres personnes après avoir été suspecté de participer à des activités du Dev-Sol.                                                          
    Le 23.8, à Istanbul, Mustafa Akdag est sauvagement battu et menacé de mort par une équipe de police.  La victime a porté plainte contre les policiers auprès du Bureau Procureur.
    Le 24.8, à Adana, le chef du Quartier Daglioglu, Naci Gültekin, est hospitalisé suite aux tortures subies au poste de police.  En outre, une jeune femme de 18 ans, Rurer Seker, déclare avoir été l'objet de torture et d'harcèlement sexuel durant ses cinq jours de détention par la police.
    Le 24.8, des inconnus abattent Mehmet Celik et Ebedin Günes à Diyarbakir et Mahmut Dogan à Tunceli.
    Le 25.8, le Festival de la Paix organisé par l'association des droits de l'homme à Batman et prévu pour le 27, 28 et 29 août est interdit par le Gouverneur sous prétexte que ce festival pourrait être utilisé comme propagande pour le PKK.
    Le 26.8, à Silvan, des inconnus abattent Vahit Demir et Yusuf Karaüzüm, et blessent trois autres personnes.  Karaüzüm était distributeur du quotidien Özgür Gündem à Silvan.  Lors des funérailles des victimes, des inconnus ouvrent le feu sur un groupe de femmes et tuent Menaf Günes.  Dans une autre tentative le même jour, Ilhami Solmaz, électricien, perd la vie.
    Le 27.8, à Batman, Celal Acil, chauffeur de camion, est assassiné par des inconnus.
    Le 27.8, à Istanbul, Mehmet Dolmaci déclare avoir été battu et blessé par un policier à cause d'une affaire personnelle.
    Le 28.8, le procès de 16 membres présumés du PKK commence à la SSC d'Istanbul.  Au cours de l'audience, deux des accusés, Mahmut Baran et Ali Besenk, déclarent avoir été torturé pendant deux semaines lors de leur interrogatoire par la police.
    Le 28.8, une réunion pour la paix organisée à Urfa par le DEP est reportée pour deux mois sur ordre du Gouverneur.  Le même jour, une autre réunion du DEP à Adana, prévue pour le 1er septembre, est interdite par le Gouverneur.
    Le 28.8, des inconnus abattent Ibrahim Hakki Baykara, électricien, à Diyarbakir, et Hasan Yilmaz, commerçant, à Batman.
    Le 29.8, à Kiziltepe (Mardin), un épicier, Übeydullah Eren, et ses deux enfants, Yilmaz et Ferhat, sont tués dans l'explosion d'une bombe dans leur maison.
    Le 30.8, à Yerköy (Yozgat), Osman Sarac, âgé de 39 ans, déclare avoir été torturé pendant 24 heures après son arrestation par le police.  Les traces de torture ont été confirmées par un rapport médical.
    Le 30.8, à Diyarbakir, un festival pour la paix et la fraternité organisé par des associations des droits de l'homme, prévu pour le 3 et 4 septembre, est interdit par le Gouverneur sous prétexte qu'un tel festival pourrait susciter une propagande séparatiste.
    Le 31.8, la CSE d'Ankara condamne un membre du Dev-Sol, Erol Özpolat, à la peine capitale ainsi que deux autres accusés à 15 ans de prison.

PERSECUTION DES MEDIA EN AOUT

    Le 2.8, un inconnu blesse par balle deux correspondants à Istanbul de la revue Mücadele, Savas Karakurum et Zeynep Arikan Gülbag.
    Le 2.8, un représentant Tatvan de l'hebdomadaire Azadi est mis en garde à vue par la police.
    Le 3.8, le n°16 de l'hebdomadaire Gercek et le n°21 du mensuel Hedef sont confisqués par la CSE en vertu de la Loi Anti-Terroriste.                                                   
    Le 3.8, le procureur de la CSE d'Istanbul intente un procès contre deux journalistes du quotidien Aydinlik et demande un mois d'interdiction de publication pour le journal.  Le rédacteur en chef, Hale Soysü, risque jusqu'à six mois de prison, tandis que l'éditeur, Mehmet Sabuncu, peut se voir imposer une amende pour avoir publié des informations sur le PKK.
    Le 5.8, une exposition de photos sur le Massacre de Sivas est interdite par le gouverneur.
    Le 8.8, la CSE d'Istanbul confisque le n°65 de l'hebdomadaire Azadi et le n°96 du bimensuel Emegin Bayragi en vertu de la Loi Anti-Terroriste.
    Le 9.8, le correspondent à Bitlis du quotidien Özgür Gündem, Ferhat Tepe, qui avait été kidnappé par des inconnus le 28 juillet, est retrouvé mort à Sivrice (Elazig).  Des experts médicaux confirment des traces de torture et de coups sur le corps de Tepe.  Le nombre des journalistes assassinés au cours des deux dernières années s'élèvent déjà à 17.  Plus de 2.000 personnes ont assisté aux funérailles de Tepe à Bitlis, alors que les commerçants de la ville ont décidé de fermer leurs magasins pour protester contre cet assassinat.
    Le 10.8, la CSE d'Istanbul confisque le n°14 du mensuel Iscinin Yolu pour propagande séparatiste.
    Le 11.8, à Adana, une manifestation de protestation contre l'assassinat du journaliste Ferhat Tepe est empêchée par la police, qui procède à l'arrestation de sept journalistes, Haci Cetinkaya, Asiye Sürücü, Halil Isik, Arslan Saric, Söngül Genc, Bülent Türkmen et Cagatay Yödek, alors que ceux-ci tentaient de placer une couronne noire devant le bureau du Gouverneur.  Des mouvements de protestation similaires se déroulent également à Ankara, Izmir, Istanbul et Diyarbakir.
    Le 12.8, le propriétaire de la maison d'édition Honca, Haydar Uc, est condamné par la CSE d'Istanbul à 20 mois de prison et 166.000 TL d'amende pour la publication, l'année dernière, d'un livre intitulé La logique de la Révolution et la Question du Pouvoir.  Le livre a déjà été confisqué par cette même cour.
    Le 12.8, à Kusadasi (Aydin), 21 personnes sont mises en état d'arrestation par un tribunal pour avoir scandé des slogans politiques lors d'un festival musical.
    Le 13.8, la CSE d'Istanbul confisque un livre intitulé Différences Majeures entre le Syndicalisme Bourgeois et le Syndicalisme de Classes, écrit par Ünal Erdem.  La cour a également ordonné la confiscation des machines de l'Imprimerie Gül qui a imprimé le livre.  Quant au propriétaire de la Maison d'Edition Varyos, qui a publié le livre, il risque une peine de prison allant jusqu'à 5 ans en vertu de l'Article 8 de la loi Anti-Terroriste.
    Le 16.8, la CSE d'Istanbul condamne le professeur Fikret Baskaya à 20 mois de prison et 41.666.000 de TL (4.167$) d'amende pour son livre intitulé Faillite du Paradigme - Introduction à la Critique de l'Idéologie Officielle.  Le propriétaire de la Maison d'Edition Doz, Selim Okcuoglu, a été condamné à 5 mois de prison et à une amende de 41.000.000 de TL.                   
    Le 17.8, deux correspondants à Urfa du quotidien Özgür Gündem, Kemal Avci et Ercan Aslan, sont mis en garde à vue à Adiyaman, où ils effectuaient un reportage.
    Le 18.8, Ahmet Icge, correspondant à Dogubeyazit pour le journal Özgür Gündem, est arrêté en même temps que le président local du DEP, Halit Kasimoglu, et huit autres personnes.
    Le 19.8, Salih Tekin, correspondant à Cizre pour Özgür Gündem, est arrêté par la police qui, depuis trois jours, l'obligeait à quitter la ville.
    Le 22.8, la CSE d'Istanbul confisque le n°34 du mensuel Özgür Halk et le n°58 de l'hebdomadaire Mücadele pour propagande séparatiste et soutien à une organisation illégale.
    Le 22.8, à Bursa, le bureau local de l'Association des Journalistes Contemporains (CGD) est détruite dans l'explosion d'une bombe déposée par des inconnus.
    Le 22.8, à Hatay, un concert organisé pour lever des fonds de soutien au quotidien Aydinlik est interdit par le Gouverneur.
    Le 24.8, le journaliste Yalcin Kücük est jugé par la CSE d'Ankara pour son récent livre intitulé Entretiens dans un Jardin Kurde, qui contient ses interviews du leader du PKK, Abdullah Öcalan.  Le procureur requiert une peine d'emprisonnement de 5 ans pour Kücük, ainsi que pour l'éditeur du livre, Hikmet Kocak.
    Le 27.8, la revue mensuelle de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), Revue des Droits de l'Homme, est confisquée par la CSE d'Ankara pour la publication d'un article rédigé par Ismail Besikci et intitulé "Valeurs Humaines Morales".  En outre, le Procureur de la CSE entame une action en justice contre Hüsnü Öndül, Secrétaire Général de l'IHD, et Besikci, en vertu de l'article 8 de la Loi Anti-Terroriste.
    Le 30.8, l'ancien rédacteur en chef du mensuel Emek, Tuncay Atmaca est incarcéré à Izmir pour purger sa peine.  Atmaca a été condamné par la CSE d'Istanbul à 30 mois de prison et à une amende de 83.000.000 de livres turques (8.300$) pour des articles publiés dans sa revue.
    Le 30.8, le n°21 du mensuel Direnis et la dernière publication du bimensuel Media-Cat sont confisqués par les tribunaux.  Le premier pour propagande séparatiste, et le second pour publication obscène.
    Le 30.8, une série de manifestations culturelles intitulée Démocratie et Humour et organisée par la Municipalité de Torbali à Izmir est interdite par le Gouverneur à cause de la présence parmi les écrivains invités d'Aziz Nesin.
    Le 31.8, l'ancien rédacteur en chef du mensuel Hedef, Elanur Kaya est incarcéré à Istanbul pour purger sa peine.  Le journaliste a été condamné par la CSE d'Istanbul à 5 mois de prison et à une amende de 44.000.000 de livres turques (4.400$) en vertu de la Loi Anti-Terroriste.
    Le 31.8, la CSE d'Ankara condamne Asli Yalcinoglu, éditeur et rédacteur en chef de la revue Berhem, à deux ans de prison et à 200.000 livres turques d'amende pour la publication de certains articles et d'un livre intitulé Les Balades de Dersim.  Cette condamnation a été commuée en une amende de 3.850.000 livres turques (385$).  Berhem sera prochainement jugé par ce même tribunal sous une autre inculpation, qui pourrait lui coûter 5 ans de prison.                                                
    Le 31.8, la CSE d'Istanbul confisque le n°12 du Newroz Atesi et le n°6 du Devrimci Cözüm pour propagande séparatiste et soutien à une organisation illégale.