QUAND?
Alors que le temps presse pour l'union douanière
Turquie-UE et le delai de deux mois imposé par le Conseil de l'Europe,
le gouvernement d'Ankara est toujours loin d'avoir tenu ses promesses
de démocratisation.
1) Les violations des droits de l'homme restent ce
qu'elles étaient.
2) Les organisations des droits de l'homme révèlent
chaque jour des nouveaux cas de torture et de mauvais traitements.
3) Les charges déposées par le procureur contre les
députés et les leaders du Parti de la Démocratie (DEP) sont toujours en
vigueur et bon nombre d'entre eux sont encore en prison ou en exil.
4) Rien n'a été fait pour que les Kurdes privés de
leur statut de député puissent reprendre leurs fonctions au Parlement.
5) 166 prisonniers d'opinion sont toujours privés de
liberté et des centaines d'autres risquent de lourdes peines de prison.
6) Rien n'est entrepris pour modifier la
Constitution et la législation de façon à empêcher la fermeture de
partis politiques et l'arrestation d'individus pour leurs opinions.
7) L'autonomie culturelle des Kurdes est toujours un
sujet tabou.
8) Au lieu de chercher une solution politique au
problème kurde, le gouvernement mise toujours sur une solution
militaire et les chefs de l'armée continuent de massacrer la population
kurde, de brûler et de détruire leurs villages dans le Sud-est et de
poursuivre tous ceux qui, à travers le pays, demandent une solution
politique.
•
La Turquie et l'Union européenne, comme on s'y
attendait, signaient le 6 mars dernier à Bruxelles l'accord d'union
douanière, mais la résolution du Parlement européen de ne pas ratifier
cet accord tant que les droits de l'homme ne seront pas respectés
demeure un obstacle majeur car depuis lors aucune mesure concrète de
démocratisation n'a été prise.
Bien que de nature économique, des deux côtés on
s'attendait à ce que la conclusion de cette union douanière ait de
nombreuses ramifications politiques et sociales.
A la fin de la réunion du Conseil d'association
UE-Turquie à Bruxelles, le président en fonctions de l'UE Alain Juppé a
rappelé les réserves exprimées par le Parlement européen à propos des
droits de l'homme et la volonté du Conseil des ministres de l'UE
d'établir des négociations pour l'adhésion de Chypre dans la première
moitié de 1996, après les décision adoptées lors de la conférence
intergouvernementale de 1996.
Le ministre des Affaires étrangères turc,
Karayalcin, pour obtenir la signature de l'union douanière, n'a pas
abordé le problème de l'adhésion de Chypre, bien que la Turquie ait
toujours été contre. A propos des droits de l'homme, il a simplement
dit que le gouvernement turc essayait de surmonter les obstacles à la
démocratisation.
La Premier ministre Ciller pour sa part, s'adressant
aux ministres des Affaires étrangères lors du dîner de travail qui a
suivi le Conseil d'association auquel a participé le président de la
Commission européenne Jacques Santer, a dit que cet accord "lèverait
non seulement les barrières douanières mais ouvrirait la voie à une
intégration politique et financière à l'Europe". Elle a également fait
aux ministres de l'UE de multiples promesses de démocratisation et de
respect des droits de l'homme.
Cependant, deux mois après avoir fait ces promesses,
fin avril 1995, il régnait un sentiment de frustration croissant parmi
les ambassadeurs des pays de l'Union européenne à Ankara après que les
réformes démocratiques et les mesures promises aient été retardées par
Ciller.
Au lieu de tenir ses promesses, le gouvernement de
Ciller a premièrement élevé la tension entre l'Union européenne et son
régime en lançant une opération militaire en territoire irakien.
De nombreux intellectuels kurdes ou de gauche sont
toujours en prison, de nouvelles actions en justice sont introduites
contre de grands écrivains et artistes pour leurs déclarations sur les
droits de l'homme, le massacre d'Alévis à Istanbul a donné lieu à de
violentes protestations contre le gouvernement de Ciller partout dans
le monde.
La décision du Parlement européen et de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe constituent les dernier
avertissements au Gouvernement turc et placent la Turquie sous la
menace d'exclusion du Conseil de l'Europe.
Comme il a été mis en évidence dans un rapport
révélé par le Président Demirel à la fin du mois d'avril, la Turquie
n'a aucune chance de voir l'union douanière entrer en vigueur au début
1996 tant que les conditions suivantes n'auront pas été satisfaites:
1) Il faut mettre fin aux violations des droits de
l'homme.
2) Les tortures et les mauvais traitements doivent
cesser.
3) Les charges légales que le procureur fait peser
sur les députés du Parti de la Démocratie (DEP) doivent être levées.
4) Les Kurdes qui ont été privés de leur statut de
députés doivent le récupérer afin qu'ils puissent reprendre leurs
fonctions au Parlement.
5) Les prisonniers d'opinion doivent être
immédiatement libérés.
6) La constitution et la législation devraient être
modifiées de façon à empêcher la fermeture de partis politiques et
l'arrestation d'invidus pour leur opinion politique.
7) Les Kurdes devraient jouir d'autonomie culturelle.
8) Il faudrait trouver une solution politique au
problème kurde et engager des négociations avec les parties concernées.
Face à ces demandes, la seule chose entreprise par
le gouvernement est la suppression de l'article 8 de la loi
anti-terreur. Celle-ci prévoit des peines de cinq ans pour des délits
d'expression ou de pensée. Selon le projet du gouvernement, les "délits
d'expression ou de pensée" ne seront pas vraiment supprimés, mais
seront ajoutés à l'article 311 du code pénal turc. Quiconque est accusé
de faire de la propagande visant à favoriser les objectifs et activités
des "organisations terroristes qui menacent l'intégrité indivisible de
l'Etat" resteront passibles de peines de prison allant jusqu'à deux
ans. Ceux mis en accusation en vertu de l'article 311 seront jugés, non
par la Cour de la Sûreté de l'Etat, mais par la Haute Cour Criminelle.
Par ce changement, les partenaires de la coalition
se préparent à faire un maximum de propagande sur la libération de deux
prisonniers incarcérés pour des délits d'expression ou de pensée,
Fikret Baskaya et Haluk Gerger, faisant d'eux des symboles du "succès"
du gouvernement dans la libéralisation de l'expression de la pensée.
Baskaya et Gerger purgent actuellement une peine de
prison de 20 ans et, même si ce changement n'est pas adopté, seront
libérés le 14 juin et 24 septembre respectivement.
Même si ces deux prisonniers sont libérés avant
terme, 166 autres prisonniers d'opinion resteront en prison. Ismail
Besikci, véritable symbole de la liberté d'expression, a été condamné à
65 ans de prison, dont 23 ont été ratifiés par la cour de cassation, et
risque de rester en prison.
Par ailleurs, même si l'article 8 est modifié, des
centaines d'intellectuels, tel que les romanciers Yasar Kemal, Orhan
Pamuk et le leader du Parti des Travailleurs (IP), Dogu Perincek,
risquent des peines de prison car, même s'ils ne sont pas jugés par la
CSE, ils peuvent quand même être jugés par des cours pénales.
Même cette minime modification de la loi
anti-terreur, qui ne supprime pas les "délits d'expression ou de
pensée" mais ne fait que réduire la durée des peines, est refusée par
l'aile conservatrice de parti de Ciller, le DYP.
D'autre part, le Président Süleyman Demirel a
déclaré récemment que le gouvernement devrait avoir l'accord des chefs
de l'armée avant d'inclure cette modification dans l'agenda de
l'Assemblée.
L'HYPOCRISIE DU REGIME TURC CONCERNANT
LES DROITS CIVIQUES DES EDITEURS D'INFO-TÜRK
Malgré son engagement auprès de la Commission
européenne des droits
de l'homme en 1993, le Gouvernement turc n'a pas encore reconnu
officiellement les droits civiques de deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan
Özgüden et Inci Tugsavul, privés de la nationalité turque en 1983 par
décision de la junte militaire.
D'autre part, les missions diplomatiques turques ont
lancé une
campagne contre ces deux journalistes en vue de discréditer leur
travail en défense des droits de l'homme en Turquie.
Özgüden (59 ans) et Tugsavul (55 ans), journalistes
depuis 1952 et
1960 respectivement, ont dû quitter la Turquie après le coup-d'Etat
militaire de 1971 car il pesait sur eux plus de 30 poursuites
judiciaires pour leurs publications et plusieurs mandats d'arrêt émis
par des commandants de la loi martiale. Ils risquaient plus de 300 ans
de prison pour leurs opinions.
Bien que plusieurs des actions en justice contre eux
aient été
levées suite à une amnistie générale et qu'ils ont pu visiter leur pays
en 1978, leurs passeports n'ont pas été renouvelés après le coup-d'Etat
militaire de 1980 et tous deux, ainsi que 200 autres opposants au
régime résidant à l'étranger, ont été privés de la nationalité turque.
Par ailleurs, leur entrée ou sortie en Turquie est interdite, leurs
biens ont été confisqués et leurs droits sociaux suspendus par l'Etat.
Mise en application déjà en 1983, cette décision
leur fut
officiellement communiquée par le Consulat turc en 1988 après qu'ils
aient posé au Premier ministre Turgut Özal plusieurs questions sur les
violations des droits de l'homme en Turquie au cours d'une conférence
de presse à Bruxelles.
Les deux journalistes ont alors demandé au Conseil
d'Etat turc
d'annuler cette décision anti-démocratique, mais cette demande a été
rejetée en 1990 sous prétexte que les décisions prises par la junte
militaire ne peuvent faire l'objet d'aucune action en justice en vertu
de la Constitution.
Devant ce refus, Özgüden et Tugsavul portaient cette
même année le
cas devant la Commission européenne des droits de l'homme.
Quant la justice européenne a commencé à étudier le
dossier et a
demandé au gouvernement turc sa réponse à la plainte de deux
journalistes, la loi qui permet de priver quelqu'un de la nationalité
turque pour des raisons politiques a été abrogée à la hâte par
l'Assemblée nationale. En se référant à cette abrogation dans sa
défense envoyée à la Commission en 1992, le Gouvernement turc a affirmé
que cette plainte n'aurait plus de raison d'être.
En 1993, s'appuyant sur cette déclaration, la
Commission européenne
des droits de l'homme a déclaré cette plainte irrecevable. Concernant
les éventuelles pratiques anti-démocratiques dont ils pourraient être
victimes en cas de retour en Turquie, la Commission a rappelé dans sa
décision qu'il appartient tout d'abord aux autorités nationales de
réparer toute violation de la Convention européenne des droits de
l'homme.
Suite à cette décision, Özgüden et Tugsavul, dans
une lettre
recommandée datée du 6 octobre 1993, ont adressé les demandes suivantes
au ministre des Affaires étrangères turc:
1. La confirmation de la restitution de la
nationalité turque,
2. La confirmation que les actions en justice pour
lesquelles ils
avaient été privés de la nationalité turque ont été levées,
3. La confirmation de la levée de l'interdiction de
leur entrée et
sortie de Turquie et la restitution d'un passeport national,
4. La restitution de leurs biens et de leurs droits
sociaux.
Le ministre des Affaires étrangères de l'époque,
Hikmet Cetin,
actuellement vice-premier ministre, n'a pas répondu à cette lettre, ni
aux deux suivantes, datées du 14 février 1994 et du 31 mai 1994,
réitérant ces demandes.
Lorsque Mümtaz Soysal est devenu ministre des
Affaires étrangères,
Özgüden et Tugsavul lui ont adressé une nouvelle et dernière lettre
recommandée, le 5 août 1994, formulant les mêmes demandes. Cette lettre
est également restée sans réponse.
Bien que le 1e septembre 1994 le Consulat turc à
Bruxelles
notifiait aux deux journalistes qu'ils pouvaient récupérer leurs
passeports nationaux, le ministère des Affaires étrangères turc n'a pas
garanti qu'ils ne seraient pas arrêtés, jugés et empêchés de quitter la
Turquie s'ils rentraient au pays. Jamais on ne leur a confirmé que
leurs biens et droits sociaux leur avaient été restitués.
Il est à noter que l'Administration de sécurité
nationale (SSK),
dans une réponse à leur demande datée du 3 octobre 1994, a refusé de
reconnaître leur droit à une pension de retraite bien qu'Özgüden et
Tugsavul aient derrière eux des carrières professionnelles de 43 et 34
ans respectivement. En vertu de la législation sur la sécurité sociale,
un salarié a droit à une pension de retraite après 15 ans de carrière
professionnelle couverte par le système de la sécurité sociale quel que
soit son âge. Dans son refus, le SSK argumente qu'Özgüden et Tugsavul
n'ont pas payé une cotisation de retraite supplémentaire pendant qu'ils
ont été privés de la nationalité turque.
Campagne contre les rédacteurs d'Info-Türk
D'autre part, les missions diplomatiques turques à
Bruxelles n'ont
cessé d'intensifier leur campagne de discrédit à l'encontre du combat
que mènent Özgüden et Tugsavul contre la violation des droits de
l'homme en Turquie et tentent d'inciter les activistes
ultra-nationalistes à l'hostilité envers eux.
Premièrement, dans une réplique à l'article
d'Özgüden sur
l'inopportunité d'Europalia-Turquie 1996 (Le Soir, 23 décembre 1994),
le conseiller de presse de l'Ambassade turque à Bruxelles et un
"journaliste" d'extrême-droite au service de l'Ambassade ont accusé le
rédacteur en chef d'Info-Türk de "veiller avec un soin suspect à ne pas
aborder l'action terroriste du PKK" (Le Soir, 30 décembre 1994) et de
"prétendre défendre les droits des Kurdes, des Arméniens et des
Assyriens pardes idées partielles et incongrues". (Le Soir, 10 janvier
1995).
Récemment, après la suspension du Festival
Europalia-Turquie 1996 à
Bruxelles, un autre journaliste proche de l'Ambassade turque, écrivait
dans un journal de grand tirage turc que les deux rédacteur d'Info-Türk
avaient fort influencé la décision de la Fondation Europalia et les
qualifiait de "couple de réfugiés frénétiques s'étant donné pour
mission de dénoncer leur pays et de souiller leur patrie sous prétexte
de défendre les droits de l'homme et la démocratie". (Hürriyet, 29 mars
1995).
Par cette attitude envers deux journalistes de
Turquie engagés
depuis près d'un demi-siècle dans la défense des droits de
l'homme,
les missions diplomatiques turques en Belgique et leurs collaborateurs
donnent une nouvelle preuve du véritable visage que le régime d'Ankara
dissimule derrière un voile de déclarations de bonne volonté.
DES DOCUMENTS CONTRAIGNANTS SUR L'UNION DOUANIERE UE-TURQUIE
Le premier document approuvé par la Turquie et
l'Union européenne le 6 mars 1995 concerne la décision de conclure une
union douanière et précise l'étendue de cette union. Certaines des
conditions stipulées dans les 52 pages du document prévoient
l'élimination totale des taxes douanières des deux côtés mais
subsistent des réserves dans le cas des textiles, l'industrie de
l'automobile et l'agriculture qui doivent encore être surmontées.
L'adoption de normes standard entre la Turquie et
l'Union européenne, la libre circulation de la plupart des produits non
agricoles et l'harmonisation de la législation turque sur le commerce
extérieur avec celle de l'UE, sont encore d'autres conditions.
Il est également prévu l'harmonisation de la
législation turque sur la propriété intellectuelle et les brevets avec
celle de l'UE, ainsi qu'une coopération au niveau de l'industrie, des
transports, des communications, de la comptabilité statistique et des
contacts culturels.
Le deuxième document explique l'aspect financier de
l'union douanière et estime à 3,2 milliards d'Ecus l'argent que recevra
la Turquie des divers fonds de l'UE, et du FMI sur une période de 5 ans.
Le troisième document est une résolution qui, aux
dires des fonctionnaires, est un document progressiste qui d'une part
énumère les obstacles à surmonter et d'autre part met en avant la
volonté des deux parties de favoriser le dialogue politique.
La Résolution du Conseil d'Association
CE-Turquie "Considérant l'accord
politique intervenu à ce jour sur la substance d'une décision, fixant
les règles de fonctionnement de la phase définitive de l'Union
douanière; Considérant qu'il est de particulière
importance de compléter les accords intervenus dans le cadre de cette
Décision par la mise en application d'autres volets de
l'Association;iConsidérant également que le Conseil européen a, à de
multiples reprises, souligné que le rôle important de la Turquie dans
la situation politique actuelle et a demandé d'intensifier la
coopération et de développer les relations avec la Turquie et
d'instaurer un dialogue politique au plus haut niveau, conformément à
la perspective définie dans l'Accord d'association;aADOPTE LA PRÉSENTE
RÉSOLUTION: 1. PRODUITS CECAPLe Conseil d'Association
se félicite de la tenue de négociations en vue de réaliser de la libre
circulation pour les produits CECA dans un délai aussi proche que
possible de l'entrée en vigueur de l'Union douanière. Il souhaite que
ces négociations s'achèvent au cours de l'année 1995.t2. PRODUITS
AGRICOLES Le Conseil d'Association considère
nécessaire d'ouvrir en 1995, en vue de les terminer avant l'entrée en
vigueur de la Décision sur l'Union douanière, des négociations
concernant un échange de concessions réciproques sur les produits
agricoles.d3. DIALOGUE MACRO-ÉCONOMIQUE Le Conseil
d'Association estime nécessaire qu'un dialogue approprié s'institue
entre les deux parties sur la conduite de la politique macro-économique
en vue d'assurer le meilleur environnement macro-économique possible au
fonctionnement de l'Union douanière .l4. ELARGISSEMENT DE LA
COOPÉRATIONLLe Conseil d'Association estime indispensable d'élargir les
domaines de coopération entre l'Union Européenne et la Turquie et
souhaite que des initiatives soient prises dans les domaines énumérés
ci-dessous:'- Coopération industrielle: cette coopération devrait
étendre à la Turquie les instruments de la Communauté pour créer des
contacts entre entreprises, de faire participer des firmes turques aux
manifestations d'euro-partenariat en Europe, de stimuler la création de
joint ventures euro-turques, y compris le développement des PME et la
formation professionnelle, de créer, dans les secteurs industriels où
le besoin s'en fait particulièrement sentir, des groupes de contact
permettant de se consulter sur la situation et les perspectives des
secteurs en question.s- Réseaux transeuropéens: la Commission engagera
avec la Turquie un dialogue sur les projets européens d'infrastructure
dans les domaines tels que l'énergie, les transports et les
télécommunications en vue d'examiner l'intérêt mutuel que pourrait
revêtir une participation de la Turquie à ces projets.C- Coopération
dans le domaine de l'énergie: cette coopération devra s'inscrire dans
le cadre des principes de la Charte européenne de l'énergie et portera
sur la formulation et la programmation de politiques énergétiques. Il
conviendra de poursuivre et d'intensifier la coopération et les
échanges de vues sectoriels compte tenu notamment du rôle important que
joue la Turquie en tant que producteur hydroélectrique et pays de
transit pour le transport de pétrole vers l'Europe. - Coopération dans
le domaine des transports: il conviendrait d'entamer ou d'intensifier
cette coopération qui pourrait notamment prévoir l'échange de vues
régulier sur les développements respectifs dans le secteur des
transports, en ayant pour objectif d'améliorer les liens entre les deux
parties dans les domaines suivants: * I'exploration des possibilités
d'assistance technique en faveur des autorités des chemins de fer et
des ponts en vue d'augmenter la qualité et la productivité des services
et d'harmoniser autant que possible les normes techniques;t* la
promotion des transports combinés; * I'examen des
moyens de participer à l'extension et à l'amélioration des relations de
transport. Il conviendrait, par ailleurs, de conclure avec la Turquie
des accords dans des domaines tels que le transit et l'accès au marché
résultant de la mise en place par la Communauté de sa politique commune
de transport ou de son extension à de nouveaux domaines (transports
aériens et maritimes); - Coopération dans le domaine
des télécommunications: cette coopération visera la modernisation du
réseau turc et son intégration aux réseaux européens, la normalisation
et la gestion des télécoms, I'harmonisation des aspects juridiques et
complémentaires en constituera un élément essentiel; I'harmonisation
des législations sera recherché activement en vue de promouvoir
l'interconnexion des réseaux, I'accélération du développement de la
Turquie et l'apport des entreprises européennes à ce développement.u-
Coopération dans le domaine agricole: des consultations régulières se
tiendront entre les deux parties sur les politiques agricoles menées de
part et d'autre afin de réaliser un maximum de convergence,
conformément aux dispositions contractuelles en vigueur. La Commission
examinera la possibilité de fournir une aide technique à la Turquie
pour permettre à celle-ci de mieux harmoniser ses politiques avec la
PAC, en tenant compte des conditions particulières de l'agriculture
turque.d- Coopération dans le domaine de l'environnement: cette
coopération visera à développer et renforcer la lutte contre la
dégradation de l'environnement: échange d'information et d'experts,
formation, rapprochement des législations. Il sera également nécessaire
d'examiner les modalités de la participation de la Turquie à l'Agence
Européenne de l'Environnement. - Coopération scientifique: elle visera
la recherche et le développement technologique: échanges d'information
sur la politique scientifique et technique, information, participation
éventuelle aux activités du quatrième programme-cadre de RD de la
Communauté européenne suivant la décision du Conseil du 21 novembre
1994 (94/763/CE), renforcement des efforts visant à créer des réseaux
de coopération scientifique entre les universités et centres de
recherche turcs et leurs homologues communautaires.s- Coopération
statistique: une coopération dans le cadre du Protocole signé entre
l'Institut d'Etat des Statistiques de Turquie et Eurostat le 21
septembre 1993 aura pour objectif la mise en place d'un système
statistique qui fournira des statistiques fiables en visant notamment à
assurer une harmonisation avec les méthodes, normes et classifications
communautaires et internationales.a- Questions relevant de la justice
et des affaires intérieures: Un dialogue plus étroit de l'UE avec la
Turquie en ce qui concerne certaines questions relevant de la justice
et des affaires intérieures pourrait être envisagé. Ce dialogue sera
mis en oeuvre en particulier au travers d'échanges d'informations. -
Protection du consommateur: la coopération visera à assurer une
compatibilité entre les systèmes de protection du consommateur en
Turquie et dans la Communauté. A cette fin et en vue des intérêts
communs des deux parties, une harmonisation des législations et
l'alignement de la protection du consommateur en Turquie sur celle de
la Communauté seront recherchés.i- Coopération culturelle: dans le but
de renforcer les liens entre la Turquie et l'UE et d'améliorer la
compréhension réciproque, les parties définiront d'un commun accord les
domaines précis de cette coopération. Des efforts particuliers
devraient être réalisés pour renforcer la connaissance du patrimoine
culturel de chacun des partenaires.a- Information et communication: des
mesures appropriées seront prises par la Communauté et la Turquie pour
stimuler l'échange mutuel d'informations. Une priorité sera accordée à
des programmes prévoyant des informations de base sur la Communauté
pour le grand public et des informations spécialisées pour les milieux
professionnels en Turquie, y compris l'accès dans la mesure du possible
aux bases de données communautaires. A cet égard, une coopération dans
le domaine audiovisuel, notamment par un appui technique de l'UE aux
réseaux turcs de radio et de télévision, sur les banques d'images
etc... sera envisagée.l5. COOPÉRATION DANS LE DOMAINE
SOCIAL Un dialogue régulier sera instauré concernant
la situation des travailleurs turcs ayant un emploi régulier dans la
Communauté et vice-versa. Les deux parties exploreront toutes les
possibilités éventuelles visant une meilleure intégration de ces
travailleurs.d6. DIALOGUE POLITIQUE Le Conseil
d'Association estime nécessaire que le dialogue politique sur tous les
sujets d'intérêt commun entre l'Union européenne et la Turquie soit
approfondi:C- en principe, le Président du Conseil Européen et le
Président de la Commission se réunissent avec le Chef d'Etat ou le Chef
du Gouvernement turc une fois par an;p- les Ministres des Affaires
Etrangères se réunissent deux fois par an, une fois dans le cadre du
Conseil d'Association et une fois en formation de troïka;d- les Hauts
Fonctionnaires (y compris les directeurs politiques) se réunissent en
formation de troïka deux fois par an;c- des consultations entre les
experts turcs et de l'UE seront organisées au niveau de certains
groupes de travail de la PESC;e- la Turquie sera régulièrement informée
des résultats des réunions des Conseils Européens, des Conseils et des
Comités politiques par la Présidence ou par le Secrétariat du
Conseil;T- la Turquie recevra sur une base ad hoc des documents de
caractère fondamental concernant la Politique Etrangère et de Sécurité
Commune.r7. COOPÉRATION INSTITUTIONNELLEILe Conseil d'association
appelle au renforcement du cadre institutionnel de l'Association par
l'organisation de relations consultatives entre la Turquie et les
institutions de l'Union européenne en priorité sur des sujets de
dimension transeuropéenne. Le Conseil d'Association examinera à sa
prochaine session les voies et moyens pour assurer une coopération
accrue dans ce domaine.d8. Le Conseil d'Association invite le Comité
d'association à lui présenter, en vue de sa prochaine réunion, au plus
tard au mois de septembre 1995, des propositions permettant la
réalisation des objectifs ci-dessus énumérés concernant le
développement de l'Association.NLE CONSEIL DE L'EUROPE DONNE DEUX MOIS
A LA TURQUIE
Voici quelques manchettes des quotidiens turcs du 27
avril 1995, "Les Turcs héroïques en Europe", "Une autre victoire", "Les
Turcs font trembler l'Europe", "Les victoires ne devraient pas cesser"
et "Turquie, tu est grande". Cette victoire en Europe qu'ils
célébraient n'était pas de nature politique. Les manchettes faisaient
allusion à la victoire de l'équipe nationale turque de football sur
celle de la Suisse.
Assoiffés de violence, les médias turques ont mis le
drapeau turc au premier rang des célébrations de la victoire au cours
desquelles pas moins de cinq personnes ont été tuées et beaucoup
d'autres blessées. Dans chaque image publiée par la presse ou diffusée
par la télévision on pouvait voir de personnes faisant le signe des
"loups", le symbole utilisé par le parti néo-fasciste MHP des Loups
Gris.
Le même jour, les quotidiens turcs abordaient un
autre événement -discrètement et dans les pages internes dans la
plupart des cas- qui se déroulait à Strasbourg et dont le point central
était la décision de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à
l'encontre de la Turquie et qui suppose une autre défaite politique en
Europe pour ce pays.
L'Assemblée, lors de sa réunion du 26 avril, a lancé
un ultimatum de deux mois à la Turquie pour satisfaire certaines
conditions. Si pour le mois de juin ces conditions ne sont pas
remplies, la Turquie, membre depuis un demi siècle de cette
organisation aux 34 membres, pourrait être suspendue.
La recommandation adressée aux ministres du Conseil
de l'Europe est que l'organe exécutif du Conseil pourrait considérer la
suspension de la Turquie si en l'espace de deux mois elle ne parvient
pas à démontrer que le respect des droits de l'homme dans ce pays a
atteint un niveau acceptable ou si elle n'a pas retiré ses troupes du
nord de l'Irak.
Les parlementaires européens, dans leur
recommandation, condamnent les interventions militaires turques dans le
nord de l'Irak qui selon eux violent le droit international et ont
exprimé leur inquiétude pour la sécurité de la population civile dans
la région.
A propos des droits de l'homme, la Turquie est
accusée de ne pas avoir apporté les modifications légales (et
constitutionnelles) qui ajusteraient son système à celui du Conseil de
l'Europe.
L'Assemblée parlementaire a également demandé à la
Turquie de résoudre le problème kurde par des moyens pacifiques.
La recommandation, adoptée par 112 votes contre 29,
a provoqué une réaction furieuse de la délégation et des autorités
turques.
Les 12 membres de la délégation turque ont quitté le
meeting et décidé de boycotter les sessions futures. Ils ont déclaré :
"Nous ne reviendrons pas au forum du Conseil de l'Europe à moins que le
Comité des ministres adopte une posture respectueuse envers la Turquie
et la structure de son Etat.
Le lendemain, le gouvernement turc faisait une
déclaration qualifiant cette décision d'inacceptable et injuste.
"Aucune institution ne peut imposer un ultimatum au parlement turc pour
qu'il accomplisse son processus de démocratisation", a précisé le
porte-parole du gouvernement.
Le porte-parole de l'Assemblée nationale turque,
Hüsamettin Cindoruk, a accusé l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe de "se prendre pour un organe législatif impérial qui envoie
des directives à l'organe législatif turc comme s'il s'agissait d'une
organisation provinciale".
LE PARLEMENT EUROPEEN PRESSE LA TURQUIE
Le 6 avril 1995, le Parlement européen sommait la
Turquie de mettre fin à ses opération militaires dans le nord de l'Irak
et demandait aux Etats membres de suivre l'exemple de l'Allemagne et de
conditionner l'aide militaire à la Turquie au retrait de ses troupes du
nord de l'Irak.
L'Assemblée a également demandé au Conseil de
l'Europe et à la Commission de rédiger des règles strictes sur
l'exportation d'armes pour empêcher que des armes produites dans l'UE
ne soient utilisées pour régler des conflits similaires.
Le 28 mars, le parlement allemand avait gelé 150
millions de marks de crédits promis à Ankara pour l'achat de deux
frégates de construction allemande. Auparavant, le gouvernement
allemand avait déjà interrompu l'envoi de matériel pour une valeur de
153 millions de marks, dont des véhicules blindés pour le corps
d'ingénierie, la pose de ponts et autre équipement logistique, un
bateau cargo, des radios et des pièces de rechange.
La résolution critique également le terrorisme du
PKK, mais ajoute que les opérations turques dans le nord de l'Irak
n'apporteront aucune solution au problème kurde.
Faisant allusion aux résolution précédentes, qui
établissent un lien entre l'union douanière et l'amélioration de la
situation des droits de l'homme en Turquie, la résolution dit ceci:
"L'actuelle situation des droits de l'homme en Turquie est trop grave
pour permettre l'instauration d'une union douanière".
Auparavant, la Troika de l'Union européenne,
composée du dernier, de l'actuel et du futur président l'Union
(Allemagne, France et Espagne), ont demandé à la Turquie de se retirer
de l'Irak "le plus tôt possible".
LA CEDH JUGE LA TURQUIE SUR SON PROPRE TERRITOIRE
Devant la multiplication des plaintes déposées
contre le régime turc, la Commission européenne des droits de l'homme
(CEDH) à Strasbourg, a décidé d'ouvrir une enquête et de prendre
déclaration aux gens sur le territoire même de la Turquie.
Dans un premier temps, trois membres de la
Commission se sont rendus le 13 mars dernier à Diyarbakir et ont
recueilli des preuves orales concernant trois cas de violations des
droits de l'homme dénoncés par des Kurdes contre la Turquie en vertu de
la Convention européenne. La délégation a recueilli les déclarations de
certains des plaignants ainsi que de villageois, d'avocats, de
médecins, d'un maire et d'un procureur public.
Un membre de la Commission, Hans Danelius, a déclaré
: "Les plaintes sont formulées contre l'Etat, mais les autorités nient
les faits. Pour prendre une décision juste, nous devons entendre les
plaignants".
Les trois cas comprennent des plaintes de torture,
d'homicide et de destruction de logements.
- Dans le cas d'Akdivar, les plaignants soutiennent
que leurs maisons ont été brûlées et qu'ils ont été contraints de
quitter leur village.
- Dans le cas d'Aksoy, les plaignants dénoncent des
mauvais traitements pendant qu'ils étaient en détention ou en
prévention.
- Dans le cas de Cagirge, les plaignants affirment
que plusieurs membres de leurs familles ont été tués et leurs maisons
détruites par des engins explosifs lancés par les forces de sécurité
turques.
Ultérieurement, le 12 avril, une deuxième délégation
de 12 juristes a tenu une audience secrète au Palais de justice
d'Ankara et enquête sur lesdites plaintes ainsi que sur d'autres.
Fin avril 1995, 29 plaintes introduites par 50
plaignants étaient étudiées par la Commission européenne.
Dans sept cas comprennent on se plaignait de
destruction de villages, d'exécutions extrajudiciaires, d'assassinats
arbitraires, de disparitions et de privation de liberté d'expression.
Les plaignants individuels ont été assisté dans
leurs démarches à Strasbourg par l'Association des droits de l'homme de
Turquie (IHD) et le Projet des droits de l'homme au Kurdistan (KHRP) à
Londres.
Le KHRP a aidé 250 plaignants à porter leurs
plaintes devant la Commission.
[Pour une information détaillée: KHRP - Bureau 236,
Linen Hall, 162-168 Regent Street - London W1R 5TB, Tél/Fax 0171-287
2772 ou 4927]
LA CONQUÊTE DE "SCHWARZKOPF" HASAN PACHA
"La culpabilité de Dreyfus, ou bien l'infamie de
l'état-major: voilà dans quel dilemme imbécile on a enfermé ces
officiers."
Remplacez "Dreyfus" par "les Kurdes", vous pouvez
attribuer commodément ce fameux jugement de l'écrivain français Roger
Martin du Gard non seulement aux officiers turcs mais également aux
dirigeants du gouvernement actuel d'Ankara.
La dernière chasse aux Kurdes déclenchée par
l'Etat-major turc en Irak du Nord a d'ores et déjà mis les dirigeants
d'Ankara devant un dilemme sans précédent.
Tant les déclarations contradictoires des hauts
dirigeants politiques et militaires du pays que l'interview récent du
délégué permanent adjoint de Turquie auprès de l'Union européenne (Le
Soir du 31 mars 1995) en sont la preuve irréfutable.
Au début, quand l'offensive s'était déclenchée le 20
mars 1995, la première ministre Ciller, en vue de calmer la réaction
occidentale, justifiait cette action comme "une opération militaire
ponctuelle dans le nord de l'Irak afin de neutraliser les camps du PKK
dans cette région frontalière, et donc protéger les populations
innocentes contre les raid du PKK à partir des camps situés en
territoire irakien."
Quelques jours plus tard, le N°1 du régime, le
président de la République Süleyman Demirel a déclaré que l'opération
n'allait pas s'achever dans quelques jours ni dans quelques semaines,
mais elle ne devrait pas prendre plus d'un an.
Entre-temps, les officiers turcs juraient de
poursuivre l'opération jusqu'à l'anéantissement de tous les combattants
du PKK. Notamment, le commandant en chef de l'offensive, le général
Hasan Kundakci, surnommé "Schwarzkopf Hasan Pacha" par des journaux,
s'écriait, "Je ne resterai pas en paix dans ma tombe si je meurs avant
l'éradication du PKK!" (Milliyet, le 22 mars 1995)
Quant aux médias turcs, la quasi-totalité de
journaux et de TV, dans une frénésie goebbelsienne, s'est engagée à une
djihad orchestrée par l'état-major non seulement contre les Kurdes,
mais également contre les défenseurs turcs ou européens d'une solution
politique à la question kurde.
Or, cette armée la plus puissante de la région,
depuis 1984, annonçait chaque printemps qu'elle allait venir à bout des
combattants kurdes avant la fin de l'année. Parallèle à l'opération
militaire, la répression contre les paysans kurdes soupçonnés de
soutenir le PKK et contre les partisans d'une solution politique et
pacifique à la question Kurde se renforçait. Le parti légal DEP des
Kurdes a été interdit, ses députés échoués de leur immunité
parlementaire et condamnés à des peines de prison scandaleuse. Même le
romancier de réputation mondiale Yasar Kemal a été inculpé pour avoir
critiqué les pratiques répressives contre la population kurde.
Malgré cela, l'Etat turc n'est jamais parvenu à
"éradiquer" la guérilla kurde. Au contraire, la destruction des
villages, la déportation des paysans kurdes, les assassinats par les
escadrons de la mort, les arrestations en masse, les disparitions et la
torture exaspèrent la population kurde de sorte que les jeunes kurdes
se rallient sans hésitation aux rangs de la guérilla.
Les militaires parlent de la présence de plus de
2.500 combattants du PKK à l'Irak du Nord. Bien que 35.000 soldats
turcs participent à l'opération, selon un récent bilan officiel, n'ont
trouvé la mort que quelque 200 combattants kurdes au cours des deux
semaines de combats. Parce qu'ils peuvent facilement trouver des
refuges dans des montagnes inaccessibles à la machine de guerre
classique.
Se pose alors une question? Est-ce possible
d'anéantir la guérilla kurde par l'occupation de 8.800 km2 à l'Irak du
Nord alors que le soutien à celui-là provenait d'au sein de la
population kurde implantée soit en Turquie et en Irak soit en
Europe? Pour assécher la source humaine et logistique de la
guérilla, l'armée turque s'apprête-t-elle également à conquérir les
villes européennes et turques de forte densité kurde et à reconquérir
le Kurdistan turc qui est déjà sous l'occupation?
N'est-il pas plus sage, pour éviter le désordre
aussi bien en Turquie qu'à l'Irak et bien entendu dans les pays
européens hébergeant les immigrés et réfugiés kurdes, d'opter une
solution politique et pacifique au lieu de cette aventure militaire
désastreuse qui coûte à l'économie turque plus de 10 milliards $ par an?
Le dilemme d'Ankara est si colossal que les membres
du gouvernement se contredisent chaque jour par des déclarations
diamétralement opposées.
Alors que la première ministre Mme Ciller parle de
retirer l'essentiel de troupes turques tout en laissant sur place une
force résiduelle dans le cadre d'une présence multinationale à laquelle
participeraient les Etats-Unis, le nouveau ministre des Affaires
étrangères M. Erdal Inönü se déclare contre cette idée et parle d'une
solution en complicité avec Saddam Hussein.
Quant aux militaires, ils s'opposent toujours à un
retrait immédiat des troupes turques. Dans les milieux
d'extrême-droite, fort influents dans l'armée turque, on réclame même
l'anchluss de l'Irak du Nord pour en finir avec l'espoir kurde
d'autonomie non seulement en Turquie mais aussi en Irak d'une part, et
d'autre part, pour réaliser le rêve de mainmise sur le pétrole de
Kirkouk et Mousoul.
Personne ne parle de la reconnaissance de la
revendication légitime de cette dernière nation sans état du monde de
jouir des droits égaux dans les pays où ils existent depuis des
milliers d'années. On ne parle plus de dialogue ni de solution
politique.
Le délégué permanent adjoint de Turquie auprès de
l'UE M. Nihat Akyol accuse les Kurdes d'avoir refusé le dialogue et
affirme qu'on ne peut, au sein du Parlement, générer une solution de
dialogue avec les milieux qui préfèrent la lutte au dialogue.
Alors que les députés kurdes souffrent toujours dans
la prison, ce diplomate turc présenté par Le Soir comme "artisan de
l'accord d'union douanière avec la EU" peut avoir l'audace de parler du
dialogue au sein du Parlement. Quel dialogue? Un dialogue des sourds ou
simplement un monologue?
Pour le respect des droits de l'homme, la condition
sine qua non de l'aval du Parlement européen à l'accord d'union
douanière, il affirme que l'objectif sera atteint si le
gouvernement pouvait réaliser plus que la moitié de ce qu'elle a promis
dans ce contexte, "Elle [Mme Ciller] essaye pour l'instant de réunir
une majorité à la fois au Parlement et dans l'opinion publique pour
aller de l'avant. Ce sera une approche pas à pas, non une approche de
tout ou rien," dit-il.
Le gouvernement turc se moque-t-il de tout le monde?
Mme Ciller et MM Süleyman Demirel, Erdal Inönü et Hikmet Cetin, ne
sont-ils pas ceux qui sont au pouvoir avec une majorité absolue depuis
1991? Quelle majorité essaient-ils de réunir? Avec leur majorité
pourquoi n'ont-ils pas fait un seul pas en avant depuis trois ans en
matière de droits de l'homme? Que veut dire "une approche pas à pas"?
Les droits de l'homme sont-ils un tapis oriental à marchander au grand
bazar d'Istanbul?
"LES KURDES TRAITES PIRE QUE DES ANIMAUX"
Le 26 mars 1995, le ministre allemand du Travail,
Nobert Bluem, accusait les autorités turques d'infliger aux Kurdes un
traitement pire qu'aux animaux et a ajouté que l'OTAN ne pouvait rester
passive pendant que les droits des Kurdes sont piétinés.
Dans un article publié par l'hebdomadaire allemand
Bild am Sonntag, Bluem souligne que l'image positive de la Turquie
s'était fracassé en avril 1991 lorsqu'il avait visité le camps de
réfugiés kurdes dans la frontière irakienne et avait assisté à la
souffrance des enfants et des vieillards.
"Tous n'étaient pas des terroristes, mais des
personnes qui avaient fui pour sauver leurs vies. Je me suis dit alors
qu'on ne peut infliger aux animaux le traitement que les Turcs
infligent aux Kurdes", écrivait-il.
LES ONG ACCUSEES D'ACTIVITES SUBVERSIVES
Mises en colère par la réaction européenne aux
opérations de l'armée en Irak, les autorités et la presse turques ont
déclenché une campagne sans précédents contre les institutions
politiques et des droits de l'homme occidentales.
Le 11 avril, le quotidien Hürriyet, faisant allusion
aux "découvertes" des services de renseignement turcs dans la zone
occupée du nord de l'Irak, dans un article intitulé "Le nord de l'Irak
pullule d'agents", soutenait que de nombreux membres des missions des
ONG dans la zone étaient en fait des agents provocateurs incitant les
Kurdes à se soulever contre les Turcs.
Dans la même édition, Hürriyet publiait une liste
d'organisations non gouvernementales ayant envoyé des missions au nord
de l'Irak et mettait en doute la nature de leurs activités. Voici la
liste des ONG suspectes:
UN Iraq Relief Coordination Unit, UNICEF, FAO, UN
Guard Contingent in Iraq, A Community Oriented Rehabilitation, Aide
Médicale Internationale, UN World Food Programme, UN High Commissioner
for Refugees, UN World Health Organization, Association for Development
of Cooperation, Association for Participation in Development,
Broederlijk Delen, Arbeiter Samariter Bund, CARE, Concern for Kurds,
Care for the Kurds, Centro Internazionale di Cooperazione alle
Sviluppo, Children's Relief Association, Dutch Consortium, Diakonia,
European Community Humanitarian Office, EquiLibre, English Resource
Centre, the Foundation for Human Rights in Asia, France Libertés,
Global Partners, Humanitarian Aid and Development Organization,
Handicap International, Horizont International, International Catholic
Migration Commission, Impact Teams International, Mines Advisory Group,
Medico International, Médecine du Monde, Middle East Development
Services, Northwest Medical Teams International, US Office of Foreign
Disaster Assistance, Operation Mercy, OXFAM, Pharmaciens sans
Frontières, OUANDIL, 4Rs (Response, Relief, Resettlement;
Rehabilitation, Shelter Now International, Third World Development
Organization, WADI, World in Need, Wells of Life.
LA COLERE ALEVITE QUI A SECOUÉ LA TURQUIE
Quatre jours d'émeutes et de répression déclenchés
par une fusillade du dimanche 12 mars 1995 contre des
établissements alévis à Istanbul ont démontré de façon
irréfutable la politique désastreuse du gouvernement actuel qui conduit
le pays une polarisation catastrophiques sur les plans social, ethnique
et philosophique.
Les forces obscures bien tolérées et protégées par
l'Armée et les forces de sécurité, en s'attaquant cette fois aux
Alévis, communauté islamique modérée, dans le quartier de Gazi à
Istanbul, ont exploité un terrain propice et déclenché des troubles qui
dépassent finalement les limites de cette communauté.
La plupart de quelque trente victimes des émeutes
ont été tuées par les forces de l'ordre qui ont tiré à balles réelles
sur les manifestants.
La majorité de la population, choqués et perplexes
devant les scènes de violence qu'ils suivent sur leur petit écran, ne
comprennent pas comment la situation a pu si rapidement dégénérer au
moment où leur pays semblait enfin avoir fait un pas en avant avec la
signature de l'accord d'union douanière avec l'Europe.
Les images de policiers, armés de bâtons,
brutalisant les manifestants n'ont fait que confirmer le manque de
confiance du public à l'égard des forces de l'ordre.
Les émeutes ont tout de suite pris de l'ampleur pour
devenir l'expression du mécontentement général de la population. La
situation économique, le conflit kurde et l'attitude répressive des
autorités sont autant de facteurs qui contribuent à créer une situation
explosive.
La communauté alévite, forte de quelque 20 millions
de personnes, sur 60 millions d'habitants, pratique une religion bien
éloignée du rite sunnite majoritaire. Considérés comme égaux, les
hommes et les femmes prient ensemble, non dans les mosquées mais dans
leurs propres maisons communautaires (cemevi), le pèlerinage à la
Mecque n'existe pas et la période de jeûne ne correspond pas à celle du
Ramadan. En raison de l'égalité entre les femmes et les hommes, les
intégristes sunnites accusent toujours les Alévis de se livrer "à
l'inceste", une calomnie dont l'utilisation récente par une chaîne de
télévision a suscité une grande colère dans la communauté alévite et à
de nombreuses manifestations de protestation dans les grandes villes
Politiquement proches de la gauche, les Alévis
représentent incontestablement l'un des freins à l'expansion islamiste
en Turquie. C'est la raison pour laquelle, ils ont, comme les Kurdes et
les minorités chrétiennes, été toujours un des cibles prioritaires de
la violence intégriste et ultra-nationaliste.
En 1978, des centaines d'Alévis ont péri pendant les
attaques sanglantes des Loups Gris à Kahramanmaras et Corum.
En 1993, pendant la commémoration de Pir Sultan
Abdal, une des figures historiques des Alévis, les intégristes ont
attaqué un hôtel où étaient hébergés les invités et ont brûlé à mort 37
intellectuels alévis ou solidaires avec les Alévis.
Après la récente fusillade d'Istanbul, la solidarité
avec la communauté alévite s'est organisée également en Europe. C'est
ainsi que, venues de toutes les villes d'Allemagne, quelque 50.000
personnes ont défilé dans le calme à Cologne pour dénoncer l'attentat
du 12 mars et les manifestations pareilles se poursuivent dans d'autres
grandes villes européennes.
Ainsi, une semaine après la signature de l'accord
d'union douanière avec les Quinze, la Turquie s'est trouvée soudain
plongée dans des conflits graves qui menacent sa stabilité et peuvent
remettre, une nouvelle fois, en cause son rapprochement avec l'Europe.
Le Monde du 17 mars 1995, se demandait à juste titre:
"Et si, parmi les victimes, on trouve des militants
de la cause kurde, n'est-ce pas, aussi, une conséquence logique de la
répression féroce qui s'abat sur les populations du sud-est du pays?
Les 'forces obscures' se trouvent aussi à l'intérieur de l'Etat, parmi
ceux qui se sont assigné comme priorité l'éradication par la force du
problème kurde et voient d'un mauvais œil les Occidentaux leur faire
reproche de ces méthodes.
"Les émeutes de cette semaine ont aussi mis en
exergue le décalage entre la classe politique du pays et une population
qui subit de plein fouet les effets d'une grave crise sociale. Ce n'est
pas un hasard si les violences ont eu lieu dans les quartiers pauvres
des grandes villes, là même où sont concentrés tous les
laissés-pour-compte d'une forte croissance.
"Ces affrontements ont, enfin, montré à quel points
étaient fortes les fractures d'un société — entre Kurdes et Turcs,
entre alévis et sunnites, entre laïcs et musulmans — longtemps niées
mais qui s'expriment aujourd'hui au grand'jour.
"Une fois encore, la Turquie est devant un choix
crucial. Les anciennes structures, celles d'un Etat tout à a fois
paternaliste et violent, ne sont ni acceptables moralement ni aptes à
répondre aux défis, économiques notamment, du vingt et unième siècle.
Mais la charpente d'une Turquie démocratique semble bien difficile à
bâtir. Le soutien de l'Europe est, certes, important pour aider Ankara
dans cette phase difficile. Il ne sera jamais suffisant, tant il
appartient aux Turcs eux-mêmes d'exorciser leurs vieux démons."
BANNISSEMENT RIDICULE DES BANANES
Le 25 février, le maire d'Izmir, Burhanettin
Özfatura, associant la marque de bananes "Dole" au sénateur américain
Robert Dole, déclarait que le produit du sénateur "anti-turc" ne serait
pas vendu dans les supermarchés de la municipalité.
Le sénateur Dole est considéré comme anti-turc pour
l'appui qu'il a donné à une "Note sur le génocide arménien" à propos du
massacre d'un million et demi d'Arméniens par ordre des dirigeants
ottomans en 1915, et pour les liens étroits qu'il maintient avec le
lobby arménien aux Etats-Unis.
Un porte-parole de Dole Food Co., en Californie, a
réagi aux déclarations du maire turc, en précisant que leur compagnie
n'avait aucun lien avec le leader de la majorité au Sénat. Le fondateur
de la compagnie, James Dole, mort en 1972, n'avait aucun lien de
parenté avec le sénateur Robert Dole, a-t-il ajouté.
L'ambassade américaine à Ankara confirmait le 26
février qu'elle n'avait pas connaissance d'aucun quelconque entre le
sénateur et la marque de bananes.
CONTROVERSE AUTOUR DU NOUVEAU RANCH DE CILLER
Le 27 février dernier le quotidien Hürriyet
rapportait que la premier ministre s'était fait construire une "seconde
résidence" style Dallas dans un terrain de 45 hectares près de la zone
touristique de Kusadasi, dans la Mer Egée. Celle-ci dispose de trois
antennes paraboliques et d'un générateur d'électricité privé.
L'époux de la Premier ministre Ciller, Özer Ciller,
a précisé qu'il s'agissait d'une "fermette de 90 mètres carrés" et
qu'elle n'avait aucun lien avec la famille Ciller mais appartenait à la
secrétaire de son épouse, Suna Pelister, amie très proche de la famille
Ciller.
Cependant, certaines questions restent sans réponse:
- Où Suna Pelister a-t-elle trouvé l'argent pour
acheter un complexe de 3 milliards de TL avec un ranch et une villa
décorée de pièces d'antiquité?
- Si effectivement il appartient à Suna Pelister,
pourquoi est-ce que le grand ami d'Özer Ciller, Orhan Özbas, a laissé
de côté toutes ses activités pour s'occuper personnellement de la
construction de la "fermette"?
- Comment expliquer que la route qui unit le ranch à
une autoroute proche de l'endroit ait été construite en toute hâte par
le service rural du ministère de l'Agriculture?
La Premier ministre a fait l'objet de sévères
critiques pour l'origine douteuse de la fortune qu'elle possède aussi
bien en Turquie qu'aux Etats-Unis. Celle-ci est estimée à plus de 60
millions de dollars.
Au cours de sa récente visite aux Etats-Unis,
pendant une conférence de presse au Ritz Carlton Hotel, un journaliste
turc lui a demandé le montant des taxes qu'elle payait pour ses
possessions réelles aux Etats-Unis.
La question la mit tellement en colère que d'un
geste brusque elle cassa son stylo. L'agence de presse Anatolie filma
la scène mais le film ne fut jamais distribué à ses souscripteurs parce
que l'entourage de Ciller lui en a donné l'ordre.
TERRORISME D'ETAT EN DEUX MOIS
Le 1.3, on rapporte que le bureau de l'IHD de
Diyarbakir a subi une descente de police le 27 février dernier. Quatre
représentatns de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), les avocats
Sinan Tanrikulu et Firat Alni (également président provincial de
l'HADEP), Serif Atmaca, Hanefi Isik et l'employé de l'IHD Servet Ayhan
ont été arrêtés.
Le 1.3, les maisons du président de l'IHD
d'Istanbul, Ercan Kanar, et un autre administrateur, Mercan Güclü, sont
également fouillées par la police à Istanbul.
Le 1.3, l'imam Hasan Hüseyin Kiymis est condamné par
une cour pénale d'Istanbul à un an de prison pour avoir insulté le
fondateur de la République Atatürk.
Le 1.3, la section féminine de la prison de Buca, à
Izmir, subit une descente des gardiens et des gendarmes sous prétextes
que plusieurs prisonnières ont refusé de se rendre au tribunal. Quelque
20 prisonnières ont été gravement blessées. Ce même jour d'autres
détenues sont battues dans la prison après leur retour de la salle
d'audience.
Le 3.3, à Adana, Nebil Polat, de 18 ans, est
retrouvé assassiné.
Le 4.3, à Adana, Resit Simsek et Hüseyin Kurt sont
abattus par des inconnus.
Le 5.3, la détenue Latife Ereren est retrouvée
assassiné à la prison de Bayrampasa à Istanbul.
Le 6.3, au cours d'une opération de deux jours à
Ankara, la police arrête 15 jeunes pour avoir pris part à des activités
illégales.
Le 7.3, quarante mille enseignants d'école font
l'objet de mesures disciplinaires pour avoir participé à un acte de
protestation le 29 décembre 1994.
Le 7.3, on rapporte que les tribunaux spéciaux pour
enfants auraient jugé 5.843 mineurs au cours de l'année 1994. La moitié
des sentences auraient donné lieu à des condamnations. Parmi elles,
67,7% seraient des peines de prison ou des amendes. 75% des enfants ont
été accusés de vol, 7% d'homicide ou occasionnement de blessures et 4%
d'harcèlement sexuel.
Le 7.3, à Gebze, des militants néo-fascistes du MHP
provoquent un conflit entre Turcs et Kurdes au cours duquel quatre
personnes sont poignardées.
Le 9.3, le député de Sirnak Mahmut Alniak est arrêté
à l'aéroport d'Ankara alors qu'il monte dans un avion pour se rendre à
un meeting du Parti des Verts en Allemagne. La police confisque
également son passeport diplomatique.
Le 9.3, à Ankara, la police arrête plus de vingt
personnes au cours d'une opération d'une semaine pour avoir participé
aux activités d'organisations illégales.
Le 11.3, le président de Tarsus du Parti des
Travailleurs (IP), Hüseyin Parlatici, est abattu par des tireurs
inconnus.
Le 12.3, à Istanbul, cinq membres du Parti du
Pouvoir Socialiste (SIP), Hüseyin Topaloglu, Esma Kocabasoglu, Levent
Baltaci, Cigdem Özen et Ahmet Hamdi Samancilar, affirment avoir été
torturés après avoir été arrêtés alors qu'ils distribuaient des tracts
de protestation contre les attaques visant les étudiants universitaires.
Le 12.3, à Batman, l'ancien président de l'HADEP,
Ihsan Calar, et douze autres personnes sont arrêtés suite à des
opérations policières menées en février.
Le 12.3, à Batman, Selim Müjdeci, blessé par balles
le 1e mars par des inconnus, meurt à l'hôpital.
Le 13.3, le chauffeur de taxi Tahsin Kaplan est
assassiné à la hache par des assaillants inconnus.
Le 14.3, à Siverek, des inconnus abattent Ihsan
Özbay et blessent sa soeur, Meryem Özbay. Le même jour, à Diyarbakir,
Aslan Kabaaltinda est victime d'un assassinat politique.
Le 15.3, à Ankara, plus de 60 personnes,
principalement des étudiants universitaires, sont arrêtées au cours
d'une série d'opérations policières.
Le 16.3, à Istanbul, la police arrête neuf personnes
pour avoir pris part aux activités du Dev-Sol.
Le 18.3, à Balikesir, le jeune de 17 ans E.E. se
plaint d'avoir été torturé suite à son arrestation par la police le 15
mars. Les traces de torture sont certifiées par un rapport médical qui
le déclare incapable de toute activité pendant 10 jours.
Le 19.3, Gülistan Sevimlikurt, blessée par un
cocktail molotov le 14 mars à Istanbul, meurt à l'hôpital.
Le 21.3, à Diyarbakir, une patrouille militaire abat
un chauffeur, Haci Polat, pour avoir refusé d'arrêter sa voiture malgré
les injonctions.
Le 22.3, la CSE de Malatya condamne six personnes à
la prison à vie pour avoir participé aux activités de l'Armée de
Libération des Paysans-Travailleurs de Turquie (TIKKO).
Le 23.3, à Bursa, huit militants présumés du Parti
Communiste Marxiste Léniniste de Libération (MLKP-K) sont arrêtés.
Le 23.6, à Adana, Semsettin Cengiz, Asiye Karahan et
Fatma Karahan affirment avoir été torturés au poste de police et
exigent un traitement au Centre de réhabilitation TIHV.
Le 26.3, la section de l'IHD d'Ankara rapporte
l'arrestation dans la capitale de plus de 200 personnes en mars.
Certains des détenus se plaignent d'avoir été torturés au cours de
l'interrogatoire.
Le 26.3, à Istanbul, sept étudiants de
l'enseignement supérieur sont arrêtés par la police pour avoir
distribué des brochures sans permission préalable.
Le 26.3, des inconnus ouvrent le feu contre le
bureau de Kirsehir de l'Association des Droits de l'Homme (IHD).
Le 27.3, à Cizre, six Allemands, Ute Rotermund,
Marco Mayenschen, Helmut Klaas Sem, Thorsten Müller, Albrecht Müller et
Olivier Kontany, ainsi qu'un Belge, Koem Raad Opgeuhaffen, sont arrêtés
par la police et expulsés de la ville.
Le 28.3, à Ankara, Haydar Uzun et Songül Yarar,
arrêtés par la police, se plaignent d'avoir été torturés.
Le 28.3, à Istanbul, l'avocat Atilla Tanman est
torturé au poste de police de Beyoglu après avoir été arrêté au cours
d'une bagarre avec deux autres personnes.
Le 28.3, à Izmir, 17 personnes sont placées en
détention pour avoir pris part aux activités du Parti-Front de
Libération Révolutionnaire du Peuple (DHKP-C).
Le 29.3, à Ankara, le commerçant Mustafa Gölhan et
l'étudiant universitaire Sükrü Keser auraient été torturés pendant leur
détention policière.
Le 29.3, le procureur de la CSE d'Istanbul ouvre un
procès contre trois militants présumés du PKK. Accusés d'avoir perpétré
des actes armés, chacun d'eux risque la peine capitale.
Le 29.3, un fonctionnaire de l'IHD, l'avocat Sait
Kiran, est inculpé par le procureur de la CSE d'Ankara pour un discours
prononcé lors d'un meeting. Accusé de propagande séparatiste, il risque
une peine de prison de cinq ans.
Le 30.3, le jeune Hakan Cabuk, blessé par la police
au cours d'une manifestation convoquée le 15 mars pour protester contre
les incidents de Gaziosmanpasa, meurt à l'hôpital.
Le 30.3, à Samandag, l'ancien président de l'HADEP,
Mehmet Latifeci, est abattu par des tireurs inconnus. Au cours de
l'attaque, quatre autres personnes sont gravement blessées.
Le 31.3, à Yüregir, des assaillants inconnus ouvrent
le feu contre un café, tuent Ercan Agver et blessent trois autres
personnes.
Le 2.4, on rapporte qu'au cours d'une récente
opération policière à Tunceli, le président local de l'IHD, Ali Ekber
Kaya, et plusieurs des membres de sa famille, Cigdem Kaya, Sabriye
Ural, Kamer Ural, Besi Demir et Kamer Demir, sont arrêtés.
Le 3.4, les forces de sécurité arrêtent 13 membres
supposés du Parti Communiste de Libération Marxiste Léniniste (MLKP-K)
à Istanbul et neuf membres présumés du PKK à Adana.
Le 4.4, à Adana, le commerçant Mustafa Gül affirme
avoir été torturé suite à son arrestation le 24 mars. Du rapport de la
médecine légale ressortent 15 jours d'incapacité en raison de la
torture.
Le 4.4, à Diyarbakir, une femme, Zehra Kilicaslan,
est victime d'une attaque armée par des inconnus. Ce même jour, dans la
même ville, Hüsamettin Özkumus est assassiné par des assaillants armés
de haches.
Le 5.4, à Gaziantep, la police fait une descente
dans une maison et abat deux membres présumés du Dev-Sol.
Le 5.4, les forces de sécurité arrêtent dix
étudiants de l'enseignement secondaire à Izmir et quatre autres à
Istanbul.
Le 6.4, Erdogan Ocak affirme que son fils Hasan Ocak
a disparu depuis son arrestation le 21 mars dernier.
Le 6.4, à Mardin, 26 personnes sont arrêtées pour
avoir pris part à un certain nombre d'actions armées de l'Hezbollah.
Le 7.4, à Tunceli, le maire du district de Nazmiye,
Kemal Tekin, est abattu par deux tireurs inconnus. L'assassinat est
revendiqué par le PKK.
Le 7.4, le président de l'IHD de Tunceli, Ali Ekber,
et trois autres personnes sont placés en détention par une décision
judiciaire.
Le 7.4, à Tatvan, deux frères, Emin et Veysi Erim,
sont tués par l'explosion d'une grenade qu'ils venaient de trouver. Le
même jour, Kamil Öke et Mahmut Aric sont victimes de l'explosion de
mines placées par les forces de sécurité.
Le 10.4, à Istanbul, neuf étudiants universitaires
sont arrêtés alors qu'ils distribuent des dépliants pour protester
contre l'examen d'accès à l'université.
Le 11.4, le président de l'IHD, Akin Birdal, et
trois autres activistes des droits de l'homme, l'ancien député Hüsnü
Okcuoglu, l'avocat Ali Yildrim et le médecin Alparslan Berktay, sont
acquittés à la CSE d'Ankara où ils étaient jugés pour des discours
prononcés pendant la semaine des droits de l'homme en 1992.
Le 11.4, les forces de sécurité annoncent
l'arrestation de 14 membres présumés du PKK à Istanbul.
Le 12.4, à Ankara, le jeune de 14 ans, Halil Can
Dogan, se plaint d'avoir été torturé par la police suite à son
arrestation au cours d'une manifestation non autorisée.
Le 12.4, à Ankara, la police fait une descente dans
une maison et tue trois membres présumés du DHKP-C, Mustafa Selcuk,
Sirin Erol et Seyhan Akyildiz. Les témoins accusent la police de les
avoir délibérément exécutés au lieu de les arrêter.
Le 12.4, à Izmir, 28 travailleurs de cargo qui
menaient un acte de protestation sont arrêtés par la police.
Le 12.4, des inconnus abattent le membre de l'HADEP
Rüstem Akan à Yüregir.
Le 13.4, Atilla Baris, kidnappé deux semaines
auparavant à Mus par des inconnus, est retrouvé assassiné.
Le 13.4, à Dogubeyazit, deux filles, Filiz Gültekin
et Ipek Gültekin, meurent en manipulant une grenade qu'elles avaient
trouvée.
Le 16.4, à Diyarbakir, Memduh Özgen est assassiné à
la hache par des inconnus. Le même jour, Abdullah Karaca est abattu
dans cette même ville.
Le 16.4, un groupe d'activistes allemands des droits
de l'homme sont arrêtés à Diyarbakir alors qu'ils mènent une enquête
sur la situation dans la région soumise à l'état d'urgence. Peter
Senger, Johanna Stockner, Friedrich Clemens, Heidi Clemens, Adelheid
Sendik, Maria Seipel, Klaus Schceev, Beste Rudolph, Daniel Rosenthal,
Claus Shickova et Beatrice Obrger ont été expulsés de la Turquie après
un interrogatoire par la CSE.
Le 17.4, Emine Ocak et Gülsen Birsen Gülünay,
respectivement mère et femme de deux personnes disparues, sont
condamnées par la CSE d'Ankara à un mois de prison chacune pour avoir
insulté le tribunal.
Le 17.4, à Kiziltepe, Selahattin Yilmaz meurt suite
à l'explosion d'une mine posée par les forces de sécurité. Trois autres
personnes sont gravement blessées.
Le 18.4, à Tarsus, Hüseyin Tinic se plaint d'avoir
été torturé pendant 24 heures suite à son arrestation le 14 avril au
cours d'une descente policière chez lui.
Le 19.4, à Istanbul, 21 personnes sont arrêtées et
accusées d'avoir pris part aux actions de DHKP-C.
Le 19.4, la CSE d'Izmir condamne huit inculpés du
PKK à des peines de prison allant jusqu'à douze ans.
Le 21.4, à Kagizman, Kamil Yilmaz, de 14 ans, meurt
suite à l'explosion d'une grenade qu'il avait trouvée. Trois autres
enfants sont gravement blessés.
Le 25.4, la cour de cassation ratifie les sentences
prononcées contre 15 activistes des droits de l'homme à Diyarbakir. En
raison d'un communiqué de presse publié au nom de la Plate-forme
Démocratie, chacun d'eux a été condamné par la CSE de Diyarbakir à 20
mois de prison et à payer une amende de 208 millions de TL. Parmi eux
figurent des journalistes, des syndicalistes et des présidents
d'associations.
Le 25.4, les forces de sécurité arrêtent plus de 20
personnes à Ankara et huit autres à Adana pour avoir participé aux
activités d'organisations illégales.
Le 26.4, à Ankara, Mustafa Ugur Akkaya et Baris
Alparslan, arrêtés le 25 avril alors qu'ils distribuaient des dépliants
pour le 1er mai, se plaignent une fois en liberté d'avoir été torturés
par la police.
Le 26.4, le vice-président de HADEP, Sahabettin
Özarslaner, et dix autres membres du parti sont arrêtés et accusés de
maintenir des relations avec le PKK.
Le 27.4, un fonctionnaire public, Ferhan Eser,
kidnappé par des inconnus le 13 avril dernier à Diyarbakir, est
retrouvé mort dans le district de Pirinclik. Précédemment il avait été
arrêté par la police pour avoir aidé le PKK et remis en liberté.
Le 27.4, à Ankara, Mürsel Mutlu se plaint d'avoir
été torturé au poste de police d'Anafartalar.
FONDATION DU PARLEMENT KURDE EN EXIL
Malgré les tentatives d'obstruction du gouvernement
turc, le parlement kurde en exil a célébré sa première session le 12
mars 1995 à La Haye.
Pendant qu'ondulaient plus de 2.000 drapeaux aux
couleurs jaune, rouge et vert, considérées comme les couleurs
traditionnelles kurdes, 65 membres du parlement ont prêté serment dans
le principal centre de conférence de La Haye.
A la cérémonie d'ouverture ont également assisté des
centaines de personnalités européennes et kurdes.
Le porte-parole du parlement kurde a affirmé que des
siècles d'oppression ont forcé presque la moitié de leur peuple à vivre
loin de leur patrie, dans les rives du Tigre supérieur et de l'Euphrate
et à aux frontières de la Turquie, l'Iran, la Syrie et l'Irak.
L'écrivain kurde Ismet Serif Vanli a ouvert le
meeting en déclarant que le parlement constituait la première étape
vers un Congrès national kurde qui, avec le parlement des provinces du
Kurdistan, luttera pour la libération nationale. Son but avoué est
d'établir des relations diplomatiques et politiques avec la communauté
internationale et a demandé la libération inconditionnelle de tous les
prisonniers politiques, la reconnaissance des Kurdes en tant que peuple
distinct et le statut d'observateur pour le parlement aux Nation unies
au Conseil de l'Europe et à l'OSCE.
Une résolution adoptée lors de la première session
du parlement précise: "Le parlement soutient une solution pacifique,
par voie démocratique, des problèmes en cours".
Le Parlement kurde a élu comme président l'ancien
président du DEP, Yasar Kaya, et a fondé le Conseil exécutif.
Le Conseil compte parmi ses 15 membres l'ancien
député du DEP Zübeyir Aydar, comme président, l'ancien député du DEP
Remzi Kartal, comme secrétaire, et Ali Sapan, représentant du Front de
Libération Nationale du Kurdistan (ERNK), comme porte-parole.
Dans les 35 articles qui composent son programme, le
Conseil exécutif...
Furieux contre les autorités hollandaises qui ont
permis la constitution de ce parlement à La Haye, le ministre des
Affaires étrangères, Erdal Inönü, a déclaré qu'il n'était pas possible
de qualifier d'amicale la position du gouvernement hollandais. Dans un
autre acte de protestation, la Turquie a rappelé son ambassadeur.
Par la suite, les missions diplomatiques turques en
Europe ont mobilisé les organisations turques pro-gouvernementales et
d'extrême-droite pour qu'elles convoquent, le 23 avril, une
manifestation de protestation à La Haye. Plus de 100.000 travailleurs
immigrés turcs ont pris part à ce rassemblement et manifesté contre le
"soutien hollandais au séparatisme".
LE NOUVEAU QUOTIDIEN YENI POLITIKA SOUS LA PRESSION
Après qu'Özgür Gündem et Özgür Ülke, deux quotidiens
réduits au silence qui ont courageusement défendu les droits du peuple
kurde et dénoncé les atrocités des forces de sécurité de l'Etat dans le
Kurdistan turc (voir Info-Türk, janv.-fév. 1994), un nouveau quotidien
vient d'être lancé par un groupe de militants des droits de l'homme.
Cependant, ce nouveau quotidien a immédiatement subi
la répression des autorités turques.
Avant même sa publication, le 7 avril, les locaux de
Yeni Politika à Istanbul ont été fouillés par la police.
Après sa publication, la quasi totalité des éditions
de Yeni Politika ont été confisquées par la CSE d'Istanbul pour
propagande séparatiste en vertu des articles 6 et 8 de la loi
anti-terreur. L'opération de confiscation, en accord avec une décision
du Conseil de sécurité nationale, s'effectue souvent à l'imprimerie,
avant la distribution, sous prétexte que plusieurs articles du journal
enfreignent la LAT. Si l'édition est réimprimée en laissant des blancs
à la place des articles originaux, les forces de sécurité y voient un
nouveau délit et le confisquent à nouveau.
Soumis à la même pression, l'hebdomadaire Newroz
avait interrompu ses publications le 25 avril en raison des difficultés
financières. Selon les éditeurs, 54 des 57 éditions publiées ont été
confisquées soit à l'imprimerie soit pendant la distribution.
NOUVELLES CONDAMNATIONS CONTRE BESIKCI
Le 18 mars dernier la cour de cassation ratifiait
une peine de prison de neuf mois contre le sociologue Ismail Besikci.
Besikci avait été condamné par une cour pénale
d'Ankara à neuf mois de prison pour son livre Le cas d'Ismail Besikci
du point de vue de l'autonomie universitaire et des principes d'une
société démocratique.
Avec la ratification de cette sentence, les peines
de prison ratifiées par les cours supérieures contre Ismail Besikci
totalisent 23 ans et 3 mois de prison. Le montant des amendes ratifiées
contre lui s'élève à 1 milliard 850 millions de TL (44.047 $).
Etant donné que Besikci, qui a passé de nombreuses
années en prison, n'a pas les moyens financiers de payer ces amendes,
celles-ci seront commuées en peines de prison.
Le 30 mars, dans un de ses procès en suspens,
Besikci était condamné par la CSE d'Ankara à deux ans de prison et à
payer une amende de 250 millions de TL pour avoir fait de la propagande
séparatiste dans un article rédigé en 1983 pour le Bulletin des Droits
de l'Homme de l'IHD.
Lors du même procès, le secrétaire général de l'IHD,
Hüsnü Öndül a également été condamné à six mois de prison et à payer
une amende de 56 millions de TL pour avoir publié l'article.
UN EDITEUR JETE EN PRISON
L'ancienne directrice de la maison d'édition
Evrensel, Mme Semra Caralan, est incarcérée à la prison Bayrampasa
d'Istanbul pour y purger une peine de réclusion de cinq mois.
Elle avait été condamnée par la CSE d'Istanbul à la
prison et à payer une amende de 42 millions de TL pour avoir publié un
livre intitulé Documents de Conférence. Les peines ont été ratifiées
par la cour de cassation.
Le 6 avril, le directeur de la maison d'édition
Yurt, Ünsal Öztürk, était condamné par une cour pénale d'Ankara à 9
mois de prison pour avoir publié le livre de Besikci L'Affaire Ismail
Besikci 5. La peine de prison était ultérieurement commuée en une
amende de 1.350.000 TL. Il est accusé d'avoir insulté le système
judiciaire et les tribunaux.
DES ECRIVAINS A LA COUR DE LA SURETE
Le 17 avril dernier la Cour de la Sûreté de l'Etat
commençait à prendre déclaration aux soi-disant collaborateurs du livre
Liberté de pensée et la Turquie. Ce livre est constitué d'une série de
11 articles de plusieurs auteurs, dont Yasar Kemal. L'article de Kemal,
publié auparavant dans le magazine allemand Der Spiegel, accusait le
gouvernement d'exterminer les Kurdes dans le sud-est de la Turquie.
Kemal est accusé de promouvoir le séparatisme kurde.
1080 intellectuels kurdes, parmi lesquels figurent
des artistes, des écrivains, des journalistes et des syndicalistes, se
sont également déclarés éditeurs du livre et donc responsables de sa
publication, en soutien de Yasar Kemal et Erdal Öz, véritable éditeur
du livre.
50.000 autres intellectuels ont signé des pétitions
de soutien.
Par l'intermédiaire de 50 intellectuels qui se sont
rendus à la CSE d'Istanbul, ils ont dit, "Soit la pensée sort de
prison, soit nous allons en prison", soulignant que la liberté
d'opinion n'existe toujours pas en Turquie.
PERSECUTION DES MEDIAS EN DEUX MOIS
Le 1.3, on rapporte que le correspondant du journal
Grec Adosmaftos Typos, Ionnis Kokkidis, et son traducteur, Mikail
Gunis, ont été arrêtés par la police le 27 février dernier alors
qu'elle faisait une descente dans l'hôtel où ils logeaient à Diyarbakir.
Le 3.3, le journaliste grec Kokkidis et sont
traducteur sont renvoyés en Grèce après avoir été détenus pendant 5
jours.
Le 5.3, deux périodiques, Sosyalist Kadin et
Realite, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour incitation à
l'hostilité et propagande séparatiste dans leurs publications.
Le 8.3, le procureur public introduit des actions en
justice contre trois journalistes du quotidien Sabah, le rédacteur
responsable Battal Yörükoglu, le rédacteur Güngör Mengi et le
correspondant Okan Müderrisoglu, pour avoir insulté le ministre de la
Défense Nationale, Mehmet Gölhan. Chacun d'eux risque une peine de
prison d'un an.
Le 9.3, la publication de l'hebdomadaire Denge Azadi
est interdite par décision d'une cour pénale d'Istanbul. Cette décision
a été prise sous prétexte que Denge Azadi est une continuation de
l'hebdomadaire disparu Azadi, dont les publications avaient également
été interdites. Les 42 éditions de Denge Azadi publiées depuis le 20
mai 1994 ont été confisquées par décision de la CSE d'Istanbul.
Le 12.3, trois périodiques, le N˚ 22 d'Atilim, le N˚
5 d'Özgür Genclik et le N˚ 1 d'Emekcinin Alinteri, sont confisqués par
la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et apologie de diverses
organisations illégales.
Le 14.3, cinq radios locales d'Ankara, Mozaik,
Cagdas, Imaj, Arkadas et Cankaya, auraient été menacées par la police
pour avoir diffusé des informations non censurées sur les incidents de
Gaziosmanpasa. Les directeurs des trois premières radios,
respectivement, Deran Ata, Erdinc Özatan et Cumhur Buyurun, ont été
emmenés au poste de police.
Le 14.3, le Conseil de la Radio-Télévision lance un
avertissement aux chaînes Kanal D et HBB TV ainsi qu'à plusieurs radios
locales pour leurs commentaires sur les incidents de Gaziosmanpasa.
Le 18.3, deux livres publiés par la Maison d'Edition
Deng sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
La Question Kurde, Paix et Démocratie d'Ali Dicleli et Les Kurdes -
Leur lutte pour la vie et les droits culturels de Zuhdi El Dahoodi.
Le 20.3, une foire du livre programmée du 27 au 30
mars à Kusadasi est interdite par un gouverneur de district.
Le 21.3, le journaliste-romancier Dursun Akcam,
résidant en Allemagne, est arrêté à l'aéroport d'Ankara alors qu'il
visitait son pays, mais fut remis en liberté après avoir subi un
interrogatoire au poste de police. Il avait fui la Turquie après le
coup-d'Etat de 1980.
Le 23.3, le Conseil supérieur de la Radio-Télévision
décide d'interdire pendant un jour la diffusion de Sky TV à Izmir et
d'adresser des avertissements à trois autres chaînes de télévision à
Istanbul, Show TV, ATV et Interstar ainsi qu'aux radios locales,
Yenisehir Yörem FM à Bursa et Gözde FM à Sinop.
Le 26.3, un correspondant du quotidien disparu Özgür
Ülke, Aslan Sarac, se plaint d'avoir été torturé pendant les deux jours
d'arrestation qu'il a passé à Adana.
Le 27.3, la dernière édition de l'hebdomadaire
Aydinlik est confisqué sous prétexte que la date sur les pages
intérieures ne correspond pas avec celle figurant sur la couverture.
Le 28.3, un correspondant du périodique Atilim,
Veysel Ceylan, est arrêté alors qu'il couvrait une intervention
policière dans un meeting de travailleurs.
Le 31.3, des militants du PKK kidnappent le
correspondant de Reuters, Fatih Saribas, et le correspondant de
l'agence France Presse, Kadir Gürsel, entre Cizre et Nusaybin.
Le 2.4, à Konya, la librairie Ilkezgi est détruite
par inconnus armées de pierres et bâtons.
Le 5.4, deux journalistes finlandais, Leana Reikko
et Iletom Kankonen, sont arrêtés à Diyarbakir et envoyés à Istanbul
pour y être expulsés de Turquie. Tous leurs biens ont été confisqués.
Le 7.4, l'acteur Ilyas Salman et l'artiste Cem Özer
sont jugés par une cour pénale d'Istanbul pour un programme diffusé par
Interstar TV en 1992. Accusés d'avoir insulté l'Armée et le système
judiciaire, chacun d'eux risque une peine de prison de cinq ans.
Le 18.4, le livre Yilmaz Güney, un humain, un
militant et un artiste, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour
incitation à l'hostilité régionale et raciale. Le livre contient des
mémoires d'un célèbre directeur cinématographique mort en exile.
Le 19.4, à Izmir, le reporter de Yeni Asir, Ramazan
Akin, est harcelé par la police, celle-ci détruit sa caméra.
Le 21.4, le directeur de la maison d'édition
Pencere, Muzaffer Erdogdu, est condamné par la CSE d'Istanbul à six
mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour avoir
fait de la propagande séparatiste dans un livre intitulé Jours d'exil.
Le 22.4, à Ardahan, l'éditeur du journal local Yeni
Dogu Anadolu, Erol Erel, est battu par le gouverneur du district
d'Hanak, Levent Tuncsiper, et son garde du corps.
Le 23.4, le périodique Hedef est confisqué par la
CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 24.4, les périodiques Ekspres et Söz sont
confisqués par la CSE d'Istanbul pour avoir réimprimé un article
intitulé "Atatürk", écrit par Ahmet Altan dans la quotidien Milliyet.
Le 25.4, deux journalistes de l'hebdomadaire kurde
Welate Me, le rédacteur Aynur Bozkurt et le rédacteur en chef Mehmet
Gemisiz, sont jugés par la CSE d'Istanbul. Accusés en vertu des
articles 6 et 7 de la loi anti-terreur, les défendeurs refusent de
répondre en turc aux questions posées par le juge dans la salle
d'audience et le font en kurde. La cour pour sa part refuse de faire
traduire les réponses et affirme que le jugement sera prononcé sans
tenir compte des réponses des inculpés.
Le 2.4, le N˚ 29 du périodique Atilim est confisqué
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et instigation au
crime.
Le 28.4, le rédacteur responsable de Direnis, Ayla
Tuncdemir, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à
payer une amende de 75 millions de TL. La cour a également décidé de
d'interrompre les publications du périodique pendant un mois.
Le 30.4, les dernières éditions des périodiques
Özgür Genclik, Odak, Tavir, Gencligin Sesi, Jiyana Nû, Devrimci
Mücadele et Hedef sont confisquées par la CSE d'Istanbul pour avoir
enfreint la loi anti-terreur et l'article 312 du Code pénal.
INTERDICTION D'UN AUTRE LIVRE SUR LE GENOCIDE
Alors que le gouvernement turc prétend respecter les
droits des minorités en Turquie, la Cour de la Sûreté de l'Etat a
récemment interdit la vente et distribution d'un ouvrage académique
intitulé Génocide, question pour le droit national et international -
L'événement arménien de 1915 et ses conséquences.
Cet ouvrage a été rédigé par le professeur de
l'Université de l'Etat de New-York, Vahakn N. Dadrian, et fut publié
pour la première fois dans le Journal de droit international de Yale
(Volume 14, N˚2, 1989).
La traduction turque du livre était publiée par la
maison d'édition Belge. La directrice de cette maison d'édition, Mme
Ayse Zarakolu, risque des poursuites judiciaires pour propagande
séparatiste.
Mme Ayse Zarakolu avait déjà été condamnée à deux
ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour avoir
publié l'ouvrage d'Yves Ternon Tabou arménien (voir Info-Türk,
janv.-fév. 95).
La CSE d'Istanbul donnait comme justification à
cette décision qu'elle doutait de l'existence d'une personne s'appelant
Yves Ternon. Pourtant Yves Ternon est une autorité internationalement
reconnue dans l'étude du génocide arménien et son livre a été publié
pour la première fois en français aux éditions Seuil sous le titre Les
Arméniens, histoire d'un génocide, en 1977, à Paris.
Outre Mme Zarakolu, la cour a également décidé
d'intenter des poursuites judiciaires contre Abdülkadir Konuk,
traducteur du livre, et le journaliste Ragip Zarakolu, qui a écrit une
préface pour le livre.
La maison d'édition Belge, dans un communiqué de
presse, a accusé le gouvernement présidé par le professeur
universitaire Tansu Ciller d'interdire les ouvrages académiques de
professeurs universitaires étrangers en Turquie.
Elle rappelle également que la version originale du
livre du professeur Dadrian avait été publié par l'université de Yale,
où la premier ministre Ciller avait reçu une partie de son éducation
académique.
D'autre part, le 20 mars, Mme Ayse Zarakolu était
condamnée par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une
amende de 50 millions de TL pour avoir publié le livre d'Hasan
Bildirici Bekaa sur la guérilla kurde.
Dans une campagne pour marquer ja journée de la
femme, le 8 mars 1995, les membres de PEN International du monde entier
ont mis l'accent sur le cas de M. Aysenur Zarakoly ainsi que sur ceux
de deux intellectuelles, l'écrivain Daw San San Nwe, de Birmanie, qui
purge une longue peine de prison et l'écrivain du Guatemala Alaide
Foppa de Solorzano, disparue en 1980.
SUSPENSION D'EUROPALIA TURQUIE 1996
Sous la pression d'organisations démocratiques de
Belgique et de Turquie, le controversé Festival Europalia-Turquie 1996
était finalement suspendu par la Fondation Europalia le 23 mars dernier.
Cependant, le conseil d'administration de la
Fondation justifie cette suspension par des difficultés financières
plutôt que par la déplorable situation des droits de l'homme en Turquie.
En fait, considérant les critiques émanant des
organisation de défense des droits de l'homme, la communauté flamande
de Belgique avait déjà annoncé qu'elle n'apporterait aucune
contribution financière à l'organisation du festival. La communauté
francophone de Belgique réservait sa décision sur le sujet. Le
gouvernement fédéral, pour sa part, avait promis 80 millions de FB
provenant du budget de la loterie, mais par la suite il conditionnait
cette aide à un respect de la diversité culturelle de la Turquie,
principalement la culture kurde. Etant donné que le gouvernement turc
refuse catégoriquement cette condition, la fondation n'a pu obtenir la
contribution des autorités belges.
Suite à la décision de suspendre le festival, les
autorités et les médias turques ont déclenché une furieuse campagne
contre les opposants à l'Europalia-Turquie, les qualifiant de "ennemis
de la Turquie".
Les organisateurs turcs de l'Europalia se sont
précipités vers Bruxelles pour essayer de faire changer d'avis la
Fondation Europalia. Dans cette optique, ils ont promis que la Turquie
apporterait les fonds bloqués par les autorités belges.
Dans une interview publiée par le quotidien flamand
De Standaard le 31 mars dernier, le commissaire turc d'Europalia
Turquie, Bülent Eczacibasi, eut recours à toute la démagogie possible
pour faire croire que le gouvernement turc n'était intervenu en rien
dans l'organisation du festival et que le programme avait été préparé
de façon à ce que la diversité culturelle de Turquie soit bien
représentée.
"Europalia-Turquie n'est pas un projet
gouvernemental. Les événements culturels choisis exclusivement sous ma
compétence sont appréciables. J'ai une totale autonomie dans le choix
de mon effectif et de mes conseillers, ceux-ci sont issus de différents
groupes ethniques", a-t-il déclaré.
Mais aux yeux des dirigeants turcs, Europalia est un
projet totalement gouvernemental. L'idée d'Europalia-Turquie avait été
lancée il y a trois ans par le président Turgut Özal. Avant même la
signature de l'accord, le ministre des Affaires étrangères, Hikmet
Cetin, actuellement vice-premier ministre, avait maintenu une série de
réunions avec les hommes d'affaires turcs pour les convaincre de
contribuer au maximum au financement du festival dans le but de
conquérir l'Europe par le biais de ce festival.
Les journaux pro-gouvernementaux avaient annoncé la
signature de l'accord en janvier 1994 avec les titres suivants: "C'est
la Belgique qui nous fera reconnaître en Europe!" "Une occasion
historique!" "Des drapeaux turcs à Bruxelles!" "Une chance européenne
pour la Turquie!"
En vertu de la loi adoptée par l'Assemblée nationale
turque le 22 septembre 1994, l'organisation d'Europalia 96 est
considérée comme une opération de l'appareil de propagande de l'Etat
turc.
La loi décrit Europalia comme un "festival
comprenant des événements à caractère politique, économique,
commercial, culturel, social et touristique".
L'organisation du festival est dirigée par le
Conseil national Europalia de Turquie, présidé par le secrétaire d'Etat
et composé de représentants des ministères des Affaires étrangères, des
Finances, de la Culture et du Tourisme.
Le nomination commissaire turc d'Europalia, M.
Eczacibasi, fut une décision politique du gouvernement turc. Il dépend
du Conseil national Europalia de Turquie. La loi ne fait mention nulle
part d'une "totale autonomie" du commissaire.
"Depuis le début, nous avons veillé de près à ce que
le programme soit équilibré et traite tous les aspects de la culture
turque ainsi que de la musique, des danses et des artisanats kurdes,
des compositeurs arméniens contemporains, de la musique bulgare,
byzantine et de l'art juif...", a-t-il affirmé.
Tout d'abord, par cette déclaration, le commissaire
turc admet que les autres cultures de l'Anatolie sont considérées comme
"des aspects différents de la culture turque". Il n'accorde pas un
caractère d'indépendance aux cultures des autres peuples.
Deuxièmement, pour une présentation équitable de
toutes les cultures anatoliennes, les représentants de ces communautés
devraient être présents dans tous les organes du festival Europalia, à
savoir le Conseil national, le Comité exécutif et les sous-comités
ainsi que parmi les conseillers techniques et artistiques.
Pourtant, dans les organes administratifs il n'y a
pas un seul représentant de ces communautés. Pour ce qui est des
conseillers, parmi le personnel constitué par Eczacibasi lui-même ne
figurent que deux hommes d'affaires issus des minorités. Constamment en
rapports d'intérêt avec le gouvernement turc, ces deux hommes
d'affaires ont été acceptés parmi le personnel pour tirer parti de
leurs compétences dans le domaine de la publicité et de la collecte de
fonds.
"Nous travaillons en parfaite harmonie avec le
Patriarche orthodoxe à Istanbul", a déclaré Eczacibasi.
Sans la présence d'un représentant de la communauté
grecque dans ces organes, comment peuvent-ils travailler en parfaite
harmonie?
D'autre part, n'est-ce pas le ministre de
l'Intérieur du gouvernement actuel qui a accusé le Patriarche orthodoxe
grec, Bartelemos, d'avoir mené des activités contre la Turquie à
l'étranger? (Info-Türk, nov.-déc. 1994)
N'est-ce pas le même gouvernement qui a empêché la
participation d'une délégation de la communauté arménienne de Turquie à
l'élection du nouveau chef spirituel arménien en Arménie? (Info-Türk,
janv.-fév. 1995)
N'est-ce pas le ministre de l'Education du même
gouvernement qui a exercé de nouvelles pressions sur les écoles
arméniennes de Turquie? (Info-Türk, janv.-fév. 1995)
A une question concernant le refus de la Turquie à
une exposition séparée sur la culture kurde, le commissaire turc a
répondu:
"Quiconque reconnaît la Turquie sait qu'il est
impossible d'en dégager un composant et de lui consacrer un événement
indépendant. Notre philosophie est claire: La culture turque est un
ensemble avec de multiples facettes."
Ici se manifeste une fois de plus la mentalité
turque qui nie l'autonomie de chaque culture. Au lieu de respecter la
diversité de toutes les cultures, le régime turc s'entête à assimiler
la richesse ce ces cultures à la culture de l'Etat-nation.
Ces déclarations de M. Eczacibasi sont un aveu du
chauvinisme du régime turc.
Une telle philosophie est rejetée par les Kurdes et
les autres minorités. Comment Europalia 1996 peut-elle représenter la
splendeur de cultures millénaires?
Interpellé sur la répugnance que la politique du
gouvernement turc envers les minorités soulève en Europe occidentale,
Eczacibasi répond:
"Cette critique est juste. Mais si vous voulez punir
notre pays, la solution ne réside pas dans la suspension d'Europalia.
Par cette décision vous punissez le côté progressif de la société
turque".
Si M. Eczacibasi, malgré sa philosophie
d'assimilation, admet que la politique menée contre les minorités est
répugnante, pourquoi considère-t-il la suspension d'Europalia comme une
punition contre son pays? La Turquie n'appartient pas uniquement aux
Turcs mais à des milliers de peuples millénaires. Cette suspension est
donc un geste destiné à sauver l'honneur du pays plutôt que pour le
punir.
Pour ce qui est du côté progressif de la société
turque, des centaines d'intellectuels turcs souffrent encore dans les
prisons pour avoir crié que le pays n'appartient pas uniquement aux
Turcs, mais également aux Kurdes et aux autres minorités.
Il suffit de consulter les listes chronologiques de
persécutions d'intellectuels publiées par Info-Türk. Le côté
progressiste de la société est constamment puni non pas par les
Européens mais par le gouvernement turc que M. Eczacibasi sert
loyalement.
"Notre travail ne consiste pas à essayer de faire
admettre les politiques officielles. Critiquer un pays est une chose,
maltraiter sa culture en est une autre".
Par cette affirmation M. Eczacibasi adopte un ton
radical. Comme il a été expliqué précédemment il a été nommé
commissaire par une force politique dont le seul objectif est
d'exploiter l'Europalia comme instrument de propagande du régime.
Les critiques adressées à Europalia-Turquie ne
visent pas les cultures de l'Anatolie, mais veulent que ces cultures
soient représentées de manière honorable sans l'interférence d'un
pouvoir politique qui a toujours choisi de maltraiter l'homme et la
femme de culture.
"Même pendant les jours sombres du communisme en
URSS, l'Europe n'a pas eu un tel comportement envers les artistes et
les cultures de ce pays", a-t-il souligné.
Déplorable démagogie qui prouve l'ignorance de M. le
commissaire. Ni l'Union Soviétique, pas plus qu'aucun autre pays
européen soumis à une dictature n'a été choisi pour l'Europalia.
L'Espagne, le Portugal et la Grèce n'ont pu constituer le thème de
l'Europalia qu'un fois libérés du régime fasciste.
Il ne faudrait pas oublier qu'avant l'Europalia,
l'Allemagne nazi n'a jamais été choisie comme sujet d'un tel événement
culturel international.
N'était-ce pas des pays aux cultures aussi riches et
splendides que la Turquie?
Les arguments du commissaire turc sont loin de
justifier une Europalia-Turquie et ce sera ainsi tant que la Turquie ne
respectera pas les droits de ses minorités et les libertés de ses
intellectuels et artistes.
Est-ce que ces arguments ridicules ont convaincu les
administrateurs belges de la Fondation Europalia? Est-ce qu'ils vont
changer d'avis et relancer les préparatifs de l'Europalia-Turquie pour
la récompense financière que leur promettent leurs homologues turcs?
Cette récompense financière de quelques millions de
dollars serait une corruption bien peu coûteuse pour un gouvernement
belliciste qui dépense chaque année plus de 10 milliards de dollars
dans la sale guerre qu'ils mènent dans le Kurdistan turc.
Les forces démocratiques de Belgique et de Turquie
espèrent que la Fondation Europalia suspendra définitivement
l'Europalia-Turquie pour éviter que celle-ci n'entre dans l'histoire
comme le festival de la honte.
RAPPORT ACCABLANT SUR LES MINORITES EN TURQUIE
Le 22 mars 1995, au cours d'une conférence de presse
au Parlement belge, un groupe d'activistes des droits de l'homme
appartenant à différents groupes ethniques de Turquie a présenté un
rapport accablant sur la situation des minorités en Turquie et a
demandé à toutes les institutions internationales qu'elles prennent
l'initiative pour mettre fin à l'oppression qui règne en Turquie.
Le Rapport de 44 pages La Turquie face à ses
minorités, publié par Droits de l'Homme Sans Frontières est composé
d'une série d'articles écrits par Willy Kuijpers, sénateur belge; Dogan
Özgüden, rédacteur d'Info-Türk; Pervine Jamil, présidente de l'Institut
kurde de Bruxelles; Claude Selis, orientaliste dominicain; Panayote
Elias Dimitras, porte-parole de Greek Helsinki Monitor à Athènes et
Christine Flamand, juriste belge.
Au cours de la conférence de presse présidée par le
Sénateur Kuijpers, l'éditeur de Droits de l'Homme Sans Frontières,
Willy Fautré, après avoir fait un exposé détaillé sur la violation des
droits des minorités, a déclaré: "Si la Turquie veut conserver sa place
dans la communauté des nations européennes et donner quelque fondement
à ses espoirs d'adhésion future à l'Union Européenne, elle est condamné
à signer la Convention-cadre pour la Protection des Minorités
Nationales et à respecter les droits des personnes appartenant à ses
minorités ethniques et religieuses. La suspension d'Europalia Turquie,
les difficultés accumulées sur le chemin de ses accords douaniers avec
l'Union Européenne, la demande de son exclusion du Conseil de l'Europe,
présentée par le groupe socialiste de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, constituent autant de signaux d'alarme pour un
pays régulièrement cloué au pilori en raison de ses mauvais bilans en
matière de droits de l'homme."
Le rapport fait état pour 1994 de milliers de morts
et de blessés dans la guerre qui sévit dans le sud-est de la Turquie;
de nombreux cas de disparition, d'enlèvement, de tortures, de
mutilations par des mines et d'assassinats de personnes appartenants à
des minorités; de milliers de familles kurdes, assyriennes et
arméniennes en quête d'asile dans un pays de l'Union Européenne; de
centaines de sites et monuments appartenant au patrimoine historique,
architectural et artistique des minorités religieuses menacés de
disparition.
Droits de l'Homme sans Frontières plaide pour que
des bilans réguliers en matière de respect des droits individuels
fondamentaux, en particulier des personnes appartenant à des minorités
ethniques et religieuses, soient régulièrement portés à la connaissance
du Parlement européen, du Conseil de l'Europe, de la Cour européenne...
et qu'ils conditionnent le développement des relations entre l'Union
européenne et la Turquie. Pour l'organisation, l'intégration
progressive de ce pays dans l'Union Européenne exige en effet "qu'elle
conforme ses législations et comportements n matière de droits de
l'homme et de liberté religieuse à la Convention européenne."
En guise de conclusion, Droits de l'Homme Sans
Frontières adresse un certain nombre de recommandations aux autorités
turques dans les domaines des libertés et des droits fondamentaux, de
la culture et de l'éducation, des droits linguistiques et de la liberté
religieuse. L'organisation leur demande notamment de reconnaître aux
membres des minorités religieuses "le droit de professer et de
pratiquer leur propre religion, d'entretenir, de restaurer et
d'agrandir librement, sans ingérence ni discrimination quelconque, leur
édifices religieux."
[Le rapport La Turquie face à ses minorités peut
être commandé à Droits de l'Homme Sans Frontières - B.P.1 - 7090
Braine-le-Comte, Belgique. Tél: 067-33 39 95, Fax: 067-33 63 45]