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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


219

19e année - N°219
Mars-Avril 1995
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 



QUAND?

    Alors que le temps presse pour l'union douanière Turquie-UE et le delai de deux mois imposé par le Conseil de l'Europe, le gouvernement d'Ankara est toujours loin d'avoir tenu ses promesses de démocratisation.
    1) Les violations des droits de l'homme restent ce qu'elles étaient.
    2) Les organisations des droits de l'homme révèlent chaque jour des nouveaux cas de torture et de mauvais traitements.
    3) Les charges déposées par le procureur contre les députés et les leaders du Parti de la Démocratie (DEP) sont toujours en vigueur et bon nombre d'entre eux sont encore en prison ou en exil.
    4) Rien n'a été fait pour que les Kurdes privés de leur statut de député puissent reprendre leurs fonctions au Parlement.
    5) 166 prisonniers d'opinion sont toujours privés de liberté et des centaines d'autres risquent de lourdes peines de prison.
    6) Rien n'est entrepris pour modifier la Constitution et la législation de façon à empêcher la fermeture de partis politiques et l'arrestation d'individus pour leurs opinions.
    7) L'autonomie culturelle des Kurdes est toujours un sujet tabou.
    8) Au lieu de chercher une solution politique au problème kurde, le gouvernement mise toujours sur une solution militaire et les chefs de l'armée continuent de massacrer la population kurde, de brûler et de détruire leurs villages dans le Sud-est et de poursuivre tous ceux qui, à travers le pays, demandent une solution politique.

    La Turquie et l'Union européenne, comme on s'y attendait, signaient le 6 mars dernier à Bruxelles l'accord d'union douanière, mais la résolution du Parlement européen de ne pas ratifier cet accord tant que les droits de l'homme ne seront pas respectés demeure un obstacle majeur car depuis lors aucune mesure concrète de démocratisation n'a été prise.
    Bien que de nature économique, des deux côtés on s'attendait à ce que la conclusion de cette union douanière ait de nombreuses ramifications politiques et sociales.
    A la fin de la réunion du Conseil d'association UE-Turquie à Bruxelles, le président en fonctions de l'UE Alain Juppé a rappelé les réserves exprimées par le Parlement européen à propos des droits de l'homme et la volonté du Conseil des ministres de l'UE d'établir des négociations pour l'adhésion de Chypre dans la première moitié de 1996, après les décision adoptées lors de la conférence intergouvernementale de 1996.
    Le ministre des Affaires étrangères turc, Karayalcin, pour obtenir la signature de l'union douanière, n'a pas abordé le problème de l'adhésion de Chypre, bien que la Turquie ait toujours été contre. A propos des droits de l'homme, il a simplement dit que le gouvernement turc essayait de surmonter les obstacles à la démocratisation.
    La Premier ministre Ciller pour sa part, s'adressant aux ministres des Affaires étrangères lors du dîner de travail qui a suivi le Conseil d'association auquel a participé le président de la Commission européenne Jacques Santer, a dit que cet accord "lèverait non seulement les barrières douanières mais ouvrirait la voie à une intégration politique et financière à l'Europe". Elle a également fait aux ministres de l'UE de multiples promesses de démocratisation et de respect des droits de l'homme.
    Cependant, deux mois après avoir fait ces promesses, fin avril 1995, il régnait un sentiment de frustration croissant parmi les ambassadeurs des pays de l'Union européenne à Ankara après que les réformes démocratiques et les mesures promises aient été retardées par Ciller.
    Au lieu de tenir ses promesses, le gouvernement de Ciller a premièrement élevé la tension entre l'Union européenne et son régime en lançant une opération militaire en territoire irakien.
    De nombreux intellectuels kurdes ou de gauche sont toujours en prison, de nouvelles actions en justice sont introduites contre de grands écrivains et artistes pour leurs déclarations sur les droits de l'homme, le massacre d'Alévis à Istanbul a donné lieu à de violentes protestations contre le gouvernement de Ciller partout dans le monde.
    La décision du Parlement européen et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe constituent les dernier avertissements au Gouvernement turc et placent la Turquie sous la menace d'exclusion du Conseil de l'Europe.
    Comme il a été mis en évidence dans un rapport révélé par le Président Demirel à la fin du mois d'avril, la Turquie n'a aucune chance de voir l'union douanière entrer en vigueur au début 1996 tant que les conditions suivantes n'auront pas été satisfaites:
    1) Il faut mettre fin aux violations des droits de l'homme.
    2) Les tortures et les mauvais traitements doivent cesser.
    3) Les charges légales que le procureur fait peser sur les députés du Parti de la Démocratie (DEP) doivent être levées.
    4) Les Kurdes qui ont été privés de leur statut de députés doivent le récupérer afin qu'ils puissent reprendre leurs fonctions au Parlement.
    5) Les prisonniers d'opinion doivent être immédiatement libérés.
    6) La constitution et la législation devraient être modifiées de façon à empêcher la fermeture de partis politiques et l'arrestation d'invidus pour leur opinion politique.
    7) Les Kurdes devraient jouir d'autonomie culturelle.
    8) Il faudrait trouver une solution politique au problème kurde et engager des négociations avec les parties concernées.
    Face à ces demandes, la seule chose entreprise par le gouvernement est la suppression de l'article 8 de la loi anti-terreur. Celle-ci prévoit des peines de cinq ans pour des délits d'expression ou de pensée. Selon le projet du gouvernement, les "délits d'expression ou de pensée" ne seront pas vraiment supprimés, mais seront ajoutés à l'article 311 du code pénal turc. Quiconque est accusé de faire de la propagande visant à favoriser les objectifs et activités des "organisations terroristes qui menacent l'intégrité indivisible de l'Etat" resteront passibles de peines de prison allant jusqu'à deux ans. Ceux mis en accusation en vertu de l'article 311 seront jugés, non par la Cour de la Sûreté de l'Etat, mais par la Haute Cour Criminelle.
    Par ce changement, les partenaires de la coalition se préparent à faire un maximum de propagande sur la libération de deux prisonniers incarcérés pour des délits d'expression ou de pensée, Fikret Baskaya et Haluk Gerger, faisant d'eux des symboles du "succès" du gouvernement dans la libéralisation de l'expression de la pensée.
    Baskaya et Gerger purgent actuellement une peine de prison de 20 ans et, même si ce changement n'est pas adopté, seront libérés le 14 juin et 24 septembre respectivement.
    Même si ces deux prisonniers sont libérés avant terme, 166 autres prisonniers d'opinion resteront en prison. Ismail Besikci, véritable symbole de la liberté d'expression, a été condamné à 65 ans de prison, dont 23 ont été ratifiés par la cour de cassation, et risque de rester en prison.
    Par ailleurs, même si l'article 8 est modifié, des centaines d'intellectuels, tel que les romanciers Yasar Kemal, Orhan Pamuk et le leader du Parti des Travailleurs (IP), Dogu Perincek, risquent des peines de prison car, même s'ils ne sont pas jugés par la CSE, ils peuvent quand même être jugés par des cours pénales.
    Même cette minime modification de la loi anti-terreur, qui ne supprime pas les "délits d'expression ou de pensée" mais ne fait que réduire la durée des peines, est refusée par l'aile conservatrice de parti de Ciller, le DYP.
    D'autre part, le Président Süleyman Demirel a déclaré récemment que le gouvernement devrait avoir l'accord des chefs de l'armée avant d'inclure cette modification dans l'agenda de l'Assemblée.

L'HYPOCRISIE DU REGIME TURC CONCERNANT LES DROITS CIVIQUES DES EDITEURS D'INFO-TÜRK

    Malgré son engagement auprès de la Commission européenne des droits de l'homme en 1993, le Gouvernement turc n'a pas encore reconnu officiellement les droits civiques de deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, privés de la nationalité turque en 1983 par décision de la junte militaire.
    D'autre part, les missions diplomatiques turques ont lancé une campagne contre ces deux journalistes en vue de discréditer leur travail en défense des droits de l'homme en Turquie.
    Özgüden (59 ans) et Tugsavul (55 ans), journalistes depuis 1952 et 1960 respectivement, ont dû quitter la Turquie après le coup-d'Etat militaire de 1971 car il pesait sur eux plus de 30 poursuites judiciaires pour leurs publications et plusieurs mandats d'arrêt émis par des commandants de la loi martiale. Ils risquaient plus de 300 ans de prison pour leurs opinions.
    Bien que plusieurs des actions en justice contre eux aient été levées suite à une amnistie générale et qu'ils ont pu visiter leur pays en 1978, leurs passeports n'ont pas été renouvelés après le coup-d'Etat militaire de 1980 et tous deux, ainsi que 200 autres opposants au régime résidant à l'étranger, ont été privés de la nationalité turque. Par ailleurs, leur entrée ou sortie en Turquie est interdite, leurs biens ont été confisqués et leurs droits sociaux suspendus par l'Etat.
    Mise en application déjà en 1983, cette décision leur fut officiellement communiquée par le Consulat turc en 1988 après qu'ils aient posé au Premier ministre Turgut Özal plusieurs questions sur les violations des droits de l'homme en Turquie au cours d'une conférence de presse à Bruxelles.
    Les deux journalistes ont alors demandé au Conseil d'Etat turc d'annuler cette décision anti-démocratique, mais cette demande a été rejetée en 1990 sous prétexte que les décisions prises par la junte militaire ne peuvent faire l'objet d'aucune action en justice en vertu de la Constitution.
    Devant ce refus, Özgüden et Tugsavul portaient cette même année le cas devant la Commission européenne des droits de l'homme.
    Quant la justice européenne a commencé à étudier le dossier et a demandé au gouvernement turc sa réponse à la plainte de deux journalistes, la loi qui permet de priver quelqu'un de la nationalité turque pour des raisons politiques a été abrogée à la hâte  par l'Assemblée nationale. En se référant à cette abrogation dans sa défense envoyée à la Commission en 1992, le Gouvernement turc a affirmé que cette plainte n'aurait plus de raison d'être.
    En 1993, s'appuyant sur cette déclaration, la Commission européenne des droits de l'homme a déclaré cette plainte irrecevable. Concernant les éventuelles pratiques anti-démocratiques dont ils pourraient être victimes en cas de retour en Turquie, la Commission a rappelé dans sa décision qu'il appartient tout d'abord aux autorités nationales de réparer toute violation de la Convention européenne des droits de l'homme.
    Suite à cette décision, Özgüden et Tugsavul, dans une lettre recommandée datée du 6 octobre 1993, ont adressé les demandes suivantes au ministre des Affaires étrangères turc:
    1. La confirmation de la restitution de la nationalité turque,
    2. La confirmation que les actions en justice pour lesquelles ils avaient été privés de la nationalité turque ont été levées,
    3. La confirmation de la levée de l'interdiction de leur entrée et sortie de Turquie et la restitution d'un passeport national,
    4. La restitution de leurs biens et de leurs droits sociaux.
    Le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Hikmet Cetin, actuellement vice-premier ministre, n'a pas répondu à cette lettre, ni aux deux suivantes, datées du 14 février 1994 et du 31 mai 1994, réitérant ces demandes.
    Lorsque Mümtaz Soysal est devenu ministre des Affaires étrangères, Özgüden et Tugsavul lui ont adressé une nouvelle et dernière lettre recommandée, le 5 août 1994, formulant les mêmes demandes. Cette lettre est également restée sans réponse.
    Bien que le 1e septembre 1994 le Consulat turc à Bruxelles notifiait aux deux journalistes qu'ils pouvaient récupérer leurs passeports nationaux, le ministère des Affaires étrangères turc n'a pas garanti qu'ils ne seraient pas arrêtés, jugés et empêchés de quitter la Turquie s'ils rentraient au pays. Jamais on ne leur a confirmé que leurs biens et droits sociaux leur avaient été restitués.
    Il est à noter que l'Administration de sécurité nationale (SSK), dans une réponse à leur demande datée du 3 octobre 1994, a refusé de reconnaître leur droit à une pension de retraite bien qu'Özgüden et Tugsavul aient derrière eux des carrières professionnelles de 43 et 34 ans respectivement. En vertu de la législation sur la sécurité sociale, un salarié a droit à une pension de retraite après 15 ans de carrière professionnelle couverte par le système de la sécurité sociale quel que soit son âge. Dans son refus, le SSK argumente qu'Özgüden et Tugsavul n'ont pas payé une cotisation de retraite supplémentaire pendant qu'ils ont été privés de la nationalité turque.
   
    Campagne contre les rédacteurs d'Info-Türk

    D'autre part, les missions diplomatiques turques à Bruxelles n'ont cessé d'intensifier leur campagne de discrédit à l'encontre du combat que mènent Özgüden et Tugsavul contre la violation des droits de l'homme en Turquie et tentent d'inciter les activistes ultra-nationalistes à l'hostilité envers eux.
    Premièrement, dans une réplique à l'article d'Özgüden sur l'inopportunité d'Europalia-Turquie 1996 (Le Soir, 23 décembre 1994), le conseiller de presse de l'Ambassade turque à Bruxelles et un "journaliste" d'extrême-droite au service de l'Ambassade ont accusé le rédacteur en chef d'Info-Türk de "veiller avec un soin suspect à ne pas aborder l'action terroriste du PKK" (Le Soir, 30 décembre 1994) et de "prétendre défendre les droits des Kurdes, des Arméniens et des Assyriens pardes idées partielles et incongrues". (Le Soir, 10 janvier 1995).
    Récemment, après la suspension du Festival Europalia-Turquie 1996 à Bruxelles, un autre journaliste proche de l'Ambassade turque, écrivait dans un journal de grand tirage turc que les deux rédacteur d'Info-Türk avaient fort influencé la décision de la Fondation Europalia et les qualifiait de "couple de réfugiés frénétiques s'étant donné pour mission de dénoncer leur pays et de souiller leur patrie sous prétexte de défendre les droits de l'homme et la démocratie". (Hürriyet, 29 mars 1995).
    Par cette attitude envers deux journalistes de Turquie engagés depuis près d'un demi-siècle  dans la défense des droits de l'homme, les missions diplomatiques turques en Belgique et leurs collaborateurs donnent une nouvelle preuve du véritable visage que le régime d'Ankara dissimule derrière un voile de déclarations de bonne volonté.

DES DOCUMENTS CONTRAIGNANTS SUR L'UNION DOUANIERE UE-TURQUIE

    Le premier document approuvé par la Turquie et l'Union européenne le 6 mars 1995 concerne la décision de conclure une union douanière et précise l'étendue de cette union. Certaines des conditions stipulées dans les 52 pages du document prévoient l'élimination totale des taxes douanières des deux côtés mais subsistent des réserves dans le cas des textiles, l'industrie de l'automobile et l'agriculture qui doivent encore être surmontées.
    L'adoption de normes standard entre la Turquie et l'Union européenne, la libre circulation de la plupart des produits non agricoles et l'harmonisation de la législation turque sur le commerce extérieur avec celle de l'UE, sont encore d'autres conditions.
    Il est également prévu l'harmonisation de la législation turque sur la propriété intellectuelle et les brevets avec celle de l'UE, ainsi qu'une coopération au niveau de l'industrie, des transports, des communications, de la comptabilité statistique et des contacts culturels.
    Le deuxième document explique l'aspect financier de l'union douanière et estime à 3,2 milliards d'Ecus l'argent que recevra la Turquie des divers fonds de l'UE, et du FMI sur une période de 5 ans.
    Le troisième document est une résolution qui, aux dires des fonctionnaires, est un document progressiste qui d'une part énumère les obstacles à surmonter et d'autre part met en avant la volonté des deux parties de favoriser le dialogue politique.

    La Résolution du Conseil d'Association CE-Turquie        "Considérant l'accord politique intervenu à ce jour sur la substance d'une décision, fixant les règles de fonctionnement de la phase définitive de l'Union douanière;    Considérant qu'il est de particulière importance de compléter les accords intervenus dans le cadre de cette Décision par la mise en application d'autres volets de l'Association;iConsidérant également que le Conseil européen a, à de multiples reprises, souligné que le rôle important de la Turquie dans la situation politique actuelle et a demandé d'intensifier la coopération et de développer les relations avec la Turquie et d'instaurer un dialogue politique au plus haut niveau, conformément à la perspective définie dans l'Accord d'association;aADOPTE LA PRÉSENTE RÉSOLUTION:    1. PRODUITS CECAPLe Conseil d'Association se félicite de la tenue de négociations en vue de réaliser de la libre circulation pour les produits CECA dans un délai aussi proche que possible de l'entrée en vigueur de l'Union douanière. Il souhaite que ces négociations s'achèvent au cours de l'année 1995.t2. PRODUITS AGRICOLES    Le Conseil d'Association considère nécessaire d'ouvrir en 1995, en vue de les terminer avant l'entrée en vigueur de la Décision sur l'Union douanière, des négociations concernant un échange de concessions réciproques sur les produits agricoles.d3. DIALOGUE MACRO-ÉCONOMIQUE    Le Conseil d'Association estime nécessaire qu'un dialogue approprié s'institue entre les deux parties sur la conduite de la politique macro-économique en vue d'assurer le meilleur environnement macro-économique possible au fonctionnement de l'Union douanière .l4. ELARGISSEMENT DE LA COOPÉRATIONLLe Conseil d'Association estime indispensable d'élargir les domaines de coopération entre l'Union Européenne et la Turquie et souhaite que des initiatives soient prises dans les domaines énumérés ci-dessous:'- Coopération industrielle: cette coopération devrait étendre à la Turquie les instruments de la Communauté pour créer des contacts entre entreprises, de faire participer des firmes turques aux manifestations d'euro-partenariat en Europe, de stimuler la création de joint ventures euro-turques, y compris le développement des PME et la formation professionnelle, de créer, dans les secteurs industriels où le besoin s'en fait particulièrement sentir, des groupes de contact permettant de se consulter sur la situation et les perspectives des secteurs en question.s- Réseaux transeuropéens: la Commission engagera avec la Turquie un dialogue sur les projets européens d'infrastructure dans les domaines tels que l'énergie, les transports et les télécommunications en vue d'examiner l'intérêt mutuel que pourrait revêtir une participation de la Turquie à ces projets.C- Coopération dans le domaine de l'énergie: cette coopération devra s'inscrire dans le cadre des principes de la Charte européenne de l'énergie et portera sur la formulation et la programmation de politiques énergétiques. Il conviendra de poursuivre et d'intensifier la coopération et les échanges de vues sectoriels compte tenu notamment du rôle important que joue la Turquie en tant que producteur hydroélectrique et pays de transit pour le transport de pétrole vers l'Europe. - Coopération dans le domaine des transports: il conviendrait d'entamer ou d'intensifier cette coopération qui pourrait notamment prévoir l'échange de vues régulier sur les développements respectifs dans le secteur des transports, en ayant pour objectif d'améliorer les liens entre les deux parties dans les domaines suivants: * I'exploration des possibilités d'assistance technique en faveur des autorités des chemins de fer et des ponts en vue d'augmenter la qualité et la productivité des services et d'harmoniser autant que possible les normes techniques;t* la promotion des transports combinés;    * I'examen des moyens de participer à l'extension et à l'amélioration des relations de transport. Il conviendrait, par ailleurs, de conclure avec la Turquie des accords dans des domaines tels que le transit et l'accès au marché résultant de la mise en place par la Communauté de sa politique commune de transport ou de son extension à de nouveaux domaines (transports aériens et maritimes);    - Coopération dans le domaine des télécommunications: cette coopération visera la modernisation du réseau turc et son intégration aux réseaux européens, la normalisation et la gestion des télécoms, I'harmonisation des aspects juridiques et complémentaires en constituera un élément essentiel; I'harmonisation des législations sera recherché activement en vue de promouvoir l'interconnexion des réseaux, I'accélération du développement de la Turquie et l'apport des entreprises européennes à ce développement.u- Coopération dans le domaine agricole: des consultations régulières se tiendront entre les deux parties sur les politiques agricoles menées de part et d'autre afin de réaliser un maximum de convergence, conformément aux dispositions contractuelles en vigueur. La Commission examinera la possibilité de fournir une aide technique à la Turquie pour permettre à celle-ci de mieux harmoniser ses politiques avec la PAC, en tenant compte des conditions particulières de l'agriculture turque.d- Coopération dans le domaine de l'environnement: cette coopération visera à développer et renforcer la lutte contre la dégradation de l'environnement: échange d'information et d'experts, formation, rapprochement des législations. Il sera également nécessaire d'examiner les modalités de la participation de la Turquie à l'Agence Européenne de l'Environnement. - Coopération scientifique: elle visera la recherche et le développement technologique: échanges d'information sur la politique scientifique et technique, information, participation éventuelle aux activités du quatrième programme-cadre de RD de la Communauté européenne suivant la décision du Conseil du 21 novembre 1994 (94/763/CE), renforcement des efforts visant à créer des réseaux de coopération scientifique entre les universités et centres de recherche turcs et leurs homologues communautaires.s- Coopération statistique: une coopération dans le cadre du Protocole signé entre l'Institut d'Etat des Statistiques de Turquie et Eurostat le 21 septembre 1993 aura pour objectif la mise en place d'un système statistique qui fournira des statistiques fiables en visant notamment à assurer une harmonisation avec les méthodes, normes et classifications communautaires et internationales.a- Questions relevant de la justice et des affaires intérieures: Un dialogue plus étroit de l'UE avec la Turquie en ce qui concerne certaines questions relevant de la justice et des affaires intérieures pourrait être envisagé. Ce dialogue sera mis en oeuvre en particulier au travers d'échanges d'informations. - Protection du consommateur: la coopération visera à assurer une compatibilité entre les systèmes de protection du consommateur en Turquie et dans la Communauté. A cette fin et en vue des intérêts communs des deux parties, une harmonisation des législations et l'alignement de la protection du consommateur en Turquie sur celle de la Communauté seront recherchés.i- Coopération culturelle: dans le but de renforcer les liens entre la Turquie et l'UE et d'améliorer la compréhension réciproque, les parties définiront d'un commun accord les domaines précis de cette coopération. Des efforts particuliers devraient être réalisés pour renforcer la connaissance du patrimoine culturel de chacun des partenaires.a- Information et communication: des mesures appropriées seront prises par la Communauté et la Turquie pour stimuler l'échange mutuel d'informations. Une priorité sera accordée à des programmes prévoyant des informations de base sur la Communauté pour le grand public et des informations spécialisées pour les milieux professionnels en Turquie, y compris l'accès dans la mesure du possible aux bases de données communautaires. A cet égard, une coopération dans le domaine audiovisuel, notamment par un appui technique de l'UE aux réseaux turcs de radio et de télévision, sur les banques d'images etc... sera envisagée.l5. COOPÉRATION DANS LE DOMAINE SOCIAL    Un dialogue régulier sera instauré concernant la situation des travailleurs turcs ayant un emploi régulier dans la Communauté et vice-versa. Les deux parties exploreront toutes les possibilités éventuelles visant une meilleure intégration de ces travailleurs.d6. DIALOGUE POLITIQUE    Le Conseil d'Association estime nécessaire que le dialogue politique sur tous les sujets d'intérêt commun entre l'Union européenne et la Turquie soit approfondi:C- en principe, le Président du Conseil Européen et le Président de la Commission se réunissent avec le Chef d'Etat ou le Chef du Gouvernement turc une fois par an;p- les Ministres des Affaires Etrangères se réunissent deux fois par an, une fois dans le cadre du Conseil d'Association et une fois en formation de troïka;d- les Hauts Fonctionnaires (y compris les directeurs politiques) se réunissent en formation de troïka deux fois par an;c- des consultations entre les experts turcs et de l'UE seront organisées au niveau de certains groupes de travail de la PESC;e- la Turquie sera régulièrement informée des résultats des réunions des Conseils Européens, des Conseils et des Comités politiques par la Présidence ou par le Secrétariat du Conseil;T- la Turquie recevra sur une base ad hoc des documents de caractère fondamental concernant la Politique Etrangère et de Sécurité Commune.r7. COOPÉRATION INSTITUTIONNELLEILe Conseil d'association appelle au renforcement du cadre institutionnel de l'Association par l'organisation de relations consultatives entre la Turquie et les institutions de l'Union européenne en priorité sur des sujets de dimension transeuropéenne. Le Conseil d'Association examinera à sa prochaine session les voies et moyens pour assurer une coopération accrue dans ce domaine.d8. Le Conseil d'Association invite le Comité d'association à lui présenter, en vue de sa prochaine réunion, au plus tard au mois de septembre 1995, des propositions permettant la réalisation des objectifs ci-dessus énumérés concernant le développement de l'Association.NLE CONSEIL DE L'EUROPE DONNE DEUX MOIS A LA TURQUIE

    Voici quelques manchettes des quotidiens turcs du 27 avril 1995, "Les Turcs héroïques en Europe", "Une autre victoire", "Les Turcs font trembler l'Europe", "Les victoires ne devraient pas cesser" et "Turquie, tu est grande". Cette victoire en Europe qu'ils célébraient n'était pas de nature politique. Les manchettes faisaient allusion à la victoire de l'équipe nationale turque de football sur celle de la Suisse.
    Assoiffés de violence, les médias turques ont mis le drapeau turc au premier rang des célébrations de la victoire au cours desquelles pas moins de cinq personnes ont été tuées et beaucoup d'autres blessées. Dans chaque image publiée par la presse ou diffusée par la télévision on pouvait voir de personnes faisant le signe des "loups", le symbole utilisé par le parti néo-fasciste MHP des Loups Gris.
    Le même jour, les quotidiens turcs abordaient un autre événement -discrètement et dans les pages internes dans la plupart des cas- qui se déroulait à Strasbourg et dont le point central était la décision de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à l'encontre de la Turquie et qui suppose une autre défaite politique en Europe pour ce pays.
    L'Assemblée, lors de sa réunion du 26 avril, a lancé un ultimatum de deux mois à la Turquie pour satisfaire certaines conditions. Si pour le mois de juin ces conditions ne sont pas remplies, la Turquie, membre depuis un demi siècle de cette organisation aux 34 membres, pourrait être suspendue.
    La recommandation adressée aux ministres du Conseil de l'Europe est que l'organe exécutif du Conseil pourrait considérer la suspension de la Turquie si en l'espace de deux mois elle ne parvient pas à démontrer que le respect des droits de l'homme dans ce pays a atteint un niveau acceptable ou si elle n'a pas retiré ses troupes du nord de l'Irak.
    Les parlementaires européens, dans leur recommandation, condamnent les interventions militaires turques dans le nord de l'Irak qui selon eux violent le droit international et ont exprimé leur inquiétude pour la sécurité de la population civile dans la région.
    A propos des droits de l'homme, la Turquie est accusée de ne pas avoir apporté les modifications légales (et constitutionnelles) qui ajusteraient son système à celui du Conseil de l'Europe.
    L'Assemblée parlementaire a également demandé à la Turquie de résoudre le problème kurde par des moyens pacifiques.
    La recommandation, adoptée par 112 votes contre 29, a provoqué une réaction furieuse de la délégation et des autorités turques.
    Les 12 membres de la délégation turque ont quitté le meeting et décidé de boycotter les sessions futures. Ils ont déclaré : "Nous ne reviendrons pas au forum du Conseil de l'Europe à moins que le Comité des ministres adopte une posture respectueuse envers la Turquie et la structure de son Etat.
    Le lendemain, le gouvernement turc faisait une déclaration qualifiant cette décision d'inacceptable et injuste. "Aucune institution ne peut imposer un ultimatum au parlement turc pour qu'il accomplisse son processus de démocratisation", a précisé le porte-parole du gouvernement.
    Le porte-parole de l'Assemblée nationale turque, Hüsamettin Cindoruk, a accusé l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe de "se prendre pour un organe législatif impérial qui envoie des directives à l'organe législatif turc comme s'il s'agissait d'une organisation provinciale".

LE PARLEMENT EUROPEEN PRESSE LA TURQUIE

    Le 6 avril 1995, le Parlement européen sommait la Turquie de mettre fin à ses opération militaires dans le nord de l'Irak et demandait aux Etats membres de suivre l'exemple de l'Allemagne et de conditionner l'aide militaire à la Turquie au retrait de ses troupes du nord de l'Irak.
    L'Assemblée a également demandé au Conseil de l'Europe et à la Commission de rédiger des règles strictes sur l'exportation d'armes pour empêcher que des armes produites dans l'UE ne soient utilisées pour régler des conflits similaires.
    Le 28 mars, le parlement allemand avait gelé 150 millions de marks de crédits promis à Ankara pour l'achat de deux frégates de construction allemande. Auparavant, le gouvernement allemand avait déjà interrompu l'envoi de matériel pour une valeur de 153 millions de marks, dont des véhicules blindés pour le corps d'ingénierie, la pose de ponts et autre équipement logistique, un bateau cargo, des radios et des pièces de rechange.
    La résolution critique également le terrorisme du PKK, mais ajoute que les opérations turques dans le nord de l'Irak n'apporteront aucune solution au problème kurde.
    Faisant allusion aux résolution précédentes, qui établissent un lien entre l'union douanière et l'amélioration de la situation des droits de l'homme en Turquie, la résolution dit ceci: "L'actuelle situation des droits de l'homme en Turquie est trop grave pour permettre l'instauration d'une union douanière".
    Auparavant, la Troika de l'Union européenne, composée du dernier, de l'actuel et du futur président l'Union (Allemagne, France et Espagne), ont demandé à la Turquie de se retirer de l'Irak "le plus tôt possible".

LA CEDH JUGE LA TURQUIE SUR SON PROPRE TERRITOIRE

    Devant la multiplication des plaintes déposées contre le régime turc, la Commission européenne des droits de l'homme (CEDH) à Strasbourg, a décidé d'ouvrir une enquête et de prendre déclaration aux gens sur le territoire même de la Turquie.
    Dans un premier temps, trois membres de la Commission se sont rendus le 13 mars dernier à Diyarbakir et ont recueilli des preuves orales concernant trois cas de violations des droits de l'homme dénoncés par des Kurdes contre la Turquie en vertu de la Convention européenne. La délégation a recueilli les déclarations de certains des plaignants ainsi que de villageois, d'avocats, de médecins, d'un maire et d'un procureur public.
    Un membre de la Commission, Hans Danelius, a déclaré : "Les plaintes sont formulées contre l'Etat, mais les autorités nient les faits. Pour prendre une décision juste, nous devons entendre les plaignants".
    Les trois cas comprennent des plaintes de torture, d'homicide et de destruction de logements.
    - Dans le cas d'Akdivar, les plaignants soutiennent que leurs maisons ont été brûlées et qu'ils ont été contraints de quitter leur village.
    - Dans le cas d'Aksoy, les plaignants dénoncent des mauvais traitements pendant qu'ils étaient en détention ou en prévention.
    - Dans le cas de Cagirge, les plaignants affirment que plusieurs membres de leurs familles ont été tués et leurs maisons détruites par des engins explosifs lancés par les forces de sécurité turques.
    Ultérieurement, le 12 avril, une deuxième délégation de 12 juristes a tenu une audience secrète au Palais de justice d'Ankara et enquête sur lesdites plaintes ainsi que sur d'autres.
    Fin avril 1995, 29 plaintes introduites par 50 plaignants étaient étudiées par la Commission européenne.
    Dans sept cas comprennent on se plaignait de destruction de villages, d'exécutions extrajudiciaires, d'assassinats arbitraires, de disparitions et de privation de liberté d'expression.
    Les plaignants individuels ont été assisté dans leurs démarches à Strasbourg par l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) et le Projet des droits de l'homme au Kurdistan (KHRP) à Londres.
    Le KHRP a aidé 250 plaignants à porter leurs plaintes devant la Commission.
    [Pour une information détaillée: KHRP - Bureau 236, Linen Hall, 162-168 Regent Street - London W1R 5TB, Tél/Fax 0171-287 2772 ou 4927]

LA CONQUÊTE DE "SCHWARZKOPF" HASAN PACHA

    "La culpabilité de Dreyfus, ou bien l'infamie de l'état-major: voilà dans quel dilemme imbécile on a enfermé ces officiers."
    Remplacez "Dreyfus" par "les Kurdes", vous pouvez attribuer commodément ce fameux jugement de l'écrivain français Roger Martin du Gard non seulement aux officiers turcs mais également aux dirigeants du gouvernement actuel d'Ankara.
    La dernière chasse aux Kurdes déclenchée par l'Etat-major turc en Irak du Nord a d'ores et déjà mis les dirigeants d'Ankara devant un dilemme sans précédent.
    Tant les déclarations contradictoires des hauts dirigeants politiques et militaires du pays que l'interview récent du délégué permanent adjoint de Turquie auprès de l'Union européenne (Le Soir du 31 mars 1995) en sont la preuve irréfutable.
    Au début, quand l'offensive s'était déclenchée le 20 mars 1995, la première ministre Ciller, en vue de calmer la réaction occidentale, justifiait cette action comme "une opération militaire ponctuelle dans le nord de l'Irak afin de neutraliser les camps du PKK dans cette région frontalière, et donc protéger les populations innocentes contre les raid du PKK à partir des camps situés en territoire irakien."
    Quelques jours plus tard, le N°1 du régime, le président de la République Süleyman Demirel a déclaré que l'opération n'allait pas s'achever dans quelques jours ni dans quelques semaines, mais elle ne devrait pas prendre plus d'un an.
    Entre-temps, les officiers turcs juraient de poursuivre l'opération jusqu'à l'anéantissement de tous les combattants du PKK. Notamment, le commandant en chef de l'offensive, le général Hasan Kundakci, surnommé "Schwarzkopf Hasan Pacha" par des journaux, s'écriait, "Je ne resterai pas en paix dans ma tombe si je meurs avant l'éradication du PKK!" (Milliyet, le 22 mars 1995)
    Quant aux médias turcs, la quasi-totalité de journaux et de TV, dans une frénésie goebbelsienne, s'est engagée à une djihad orchestrée par l'état-major non seulement contre les Kurdes, mais également contre les défenseurs turcs ou européens d'une solution politique à la question kurde.
    Or, cette armée la plus puissante de la région, depuis 1984, annonçait chaque printemps qu'elle allait venir à bout des combattants kurdes avant la fin de l'année. Parallèle à l'opération militaire, la répression contre les paysans kurdes soupçonnés de soutenir le PKK et contre les partisans d'une solution politique et pacifique à la question Kurde se renforçait. Le parti légal DEP des Kurdes a été interdit, ses députés échoués de leur immunité parlementaire et condamnés à des peines de prison scandaleuse. Même le romancier de réputation mondiale Yasar Kemal a été inculpé pour avoir critiqué les pratiques répressives contre la population kurde.
    Malgré cela, l'Etat turc n'est jamais parvenu à "éradiquer" la guérilla kurde. Au contraire, la destruction des villages, la déportation des paysans kurdes, les assassinats par les escadrons de la mort, les arrestations en masse, les disparitions et la torture exaspèrent la population kurde de sorte que les jeunes kurdes se rallient sans hésitation aux rangs de la guérilla.
    Les militaires parlent de la présence de plus de 2.500 combattants du PKK à l'Irak du Nord. Bien que 35.000 soldats turcs participent à l'opération, selon un récent bilan officiel, n'ont trouvé la mort que quelque 200 combattants kurdes au cours des deux semaines de combats. Parce qu'ils peuvent facilement trouver des refuges dans des montagnes inaccessibles à la machine de guerre classique.
    Se pose alors une question? Est-ce possible d'anéantir la guérilla kurde par l'occupation de 8.800 km2 à l'Irak du Nord alors que le soutien à celui-là provenait d'au sein de la population kurde implantée soit en Turquie et en Irak soit en Europe?  Pour assécher la source humaine et logistique de la guérilla, l'armée turque s'apprête-t-elle également à conquérir les villes européennes et turques de forte densité kurde et à reconquérir le Kurdistan turc qui est déjà sous l'occupation?
    N'est-il pas plus sage, pour éviter le désordre aussi bien en Turquie qu'à l'Irak et bien entendu dans les pays européens hébergeant les immigrés et réfugiés kurdes, d'opter une solution politique et pacifique au lieu de cette aventure militaire désastreuse qui coûte à l'économie turque plus de 10 milliards $ par an?
    Le dilemme d'Ankara est si colossal que les membres du gouvernement se contredisent chaque jour par des déclarations diamétralement opposées.
    Alors que la première ministre Mme Ciller parle de retirer l'essentiel de troupes turques tout en laissant sur place une force résiduelle dans le cadre d'une présence multinationale à laquelle participeraient les Etats-Unis, le nouveau ministre des Affaires étrangères M. Erdal Inönü se déclare contre cette idée et parle d'une solution en complicité avec Saddam Hussein.
    Quant aux militaires, ils s'opposent toujours à un retrait immédiat des troupes turques. Dans les milieux d'extrême-droite, fort influents dans l'armée turque, on réclame même l'anchluss de l'Irak du Nord pour en finir avec l'espoir kurde d'autonomie non seulement en Turquie mais aussi en Irak d'une part, et d'autre part, pour réaliser le rêve de mainmise sur le pétrole de Kirkouk et Mousoul.
    Personne ne parle de la reconnaissance de la revendication légitime de cette dernière nation sans état du monde de jouir des droits égaux dans les pays où ils existent depuis des milliers d'années. On ne parle plus de dialogue ni de solution politique.
    Le délégué permanent adjoint de Turquie auprès de l'UE M. Nihat Akyol accuse les Kurdes d'avoir refusé le dialogue et affirme qu'on ne peut, au sein du Parlement, générer une solution de dialogue avec les milieux qui préfèrent la lutte au dialogue.
    Alors que les députés kurdes souffrent toujours dans la prison, ce diplomate turc présenté par Le Soir comme "artisan de l'accord d'union douanière avec la EU" peut avoir l'audace de parler du dialogue au sein du Parlement. Quel dialogue? Un dialogue des sourds ou simplement un monologue?
    Pour le respect des droits de l'homme, la condition sine qua non de l'aval du Parlement européen à l'accord d'union douanière, il affirme que l'objectif sera atteint  si le gouvernement pouvait réaliser plus que la moitié de ce qu'elle a promis dans ce contexte, "Elle [Mme Ciller] essaye pour l'instant de réunir une majorité à la fois au Parlement et dans l'opinion publique pour aller de l'avant. Ce sera une approche pas à pas, non une approche de tout ou rien," dit-il.
    Le gouvernement turc se moque-t-il de tout le monde? Mme Ciller et MM Süleyman Demirel, Erdal Inönü et Hikmet Cetin, ne sont-ils pas ceux qui sont au pouvoir avec une majorité absolue depuis 1991? Quelle majorité essaient-ils de réunir? Avec leur majorité pourquoi n'ont-ils pas fait un seul pas en avant depuis trois ans en matière de droits de l'homme? Que veut dire "une approche pas à pas"? Les droits de l'homme sont-ils un tapis oriental à marchander au grand bazar d'Istanbul?

"LES KURDES TRAITES PIRE QUE DES ANIMAUX"

    Le 26 mars 1995, le ministre allemand du Travail, Nobert Bluem, accusait les autorités turques d'infliger aux Kurdes un traitement pire qu'aux animaux et a ajouté que l'OTAN ne pouvait rester passive pendant que les droits des Kurdes sont piétinés.
    Dans un article publié par l'hebdomadaire allemand Bild am Sonntag, Bluem souligne que l'image positive de la Turquie s'était fracassé en avril 1991 lorsqu'il avait visité le camps de réfugiés kurdes dans la frontière irakienne et avait assisté à la souffrance des enfants et des vieillards.
    "Tous n'étaient pas des terroristes, mais des personnes qui avaient fui pour sauver leurs vies. Je me suis dit alors qu'on ne peut infliger aux animaux le traitement que les Turcs infligent aux Kurdes", écrivait-il.

LES ONG ACCUSEES D'ACTIVITES SUBVERSIVES

    Mises en colère par la réaction européenne aux opérations de l'armée en Irak, les autorités et la presse turques ont déclenché une campagne sans précédents contre les institutions politiques et des droits de l'homme occidentales.
    Le 11 avril, le quotidien Hürriyet, faisant allusion aux "découvertes" des services de renseignement turcs dans la zone occupée du nord de l'Irak, dans un article intitulé "Le nord de l'Irak pullule d'agents", soutenait que de nombreux membres des missions des ONG dans la zone étaient en fait des agents provocateurs incitant les Kurdes à se soulever contre les Turcs.
    Dans la même édition, Hürriyet publiait une liste d'organisations non gouvernementales ayant envoyé des missions au nord de l'Irak et mettait en doute la nature de leurs activités. Voici la liste des ONG suspectes:
    UN Iraq Relief Coordination Unit, UNICEF, FAO, UN Guard Contingent in Iraq, A Community Oriented Rehabilitation, Aide Médicale Internationale, UN World Food Programme, UN High Commissioner for Refugees, UN World Health Organization, Association for Development of Cooperation, Association for Participation in Development, Broederlijk Delen, Arbeiter Samariter Bund, CARE, Concern for Kurds, Care for the Kurds, Centro Internazionale di Cooperazione alle Sviluppo, Children's Relief Association, Dutch Consortium, Diakonia, European Community Humanitarian Office, EquiLibre, English Resource Centre, the Foundation for Human Rights in Asia, France Libertés, Global Partners, Humanitarian Aid and Development Organization, Handicap International, Horizont International, International Catholic Migration Commission, Impact Teams International, Mines Advisory Group, Medico International, Médecine du Monde, Middle East Development Services, Northwest Medical Teams International, US Office of Foreign Disaster Assistance, Operation Mercy, OXFAM, Pharmaciens sans Frontières, OUANDIL, 4Rs (Response, Relief, Resettlement; Rehabilitation, Shelter Now International, Third World Development Organization, WADI, World in Need, Wells of Life.


LA COLERE ALEVITE QUI A SECOUÉ LA TURQUIE

    Quatre jours d'émeutes et de répression déclenchés par une fusillade du dimanche 12 mars 1995 contre des établissements  alévis à Istanbul ont démontré de façon irréfutable la politique désastreuse du gouvernement actuel qui conduit le pays une polarisation catastrophiques sur les plans social, ethnique et philosophique.
    Les forces obscures bien tolérées et protégées par l'Armée et les forces de sécurité, en s'attaquant cette fois aux Alévis, communauté islamique modérée, dans le quartier de Gazi à Istanbul, ont exploité un terrain propice et déclenché des troubles qui dépassent finalement les limites de cette communauté.
    La plupart de quelque trente victimes des émeutes ont été tuées par les forces de l'ordre qui ont tiré à balles réelles sur les manifestants.
    La majorité de la population, choqués et perplexes devant les scènes de violence qu'ils suivent sur leur petit écran, ne comprennent pas comment la situation a pu si rapidement dégénérer au moment où leur pays semblait enfin avoir fait un pas en avant avec la signature de l'accord d'union douanière avec l'Europe.
    Les images de policiers, armés de bâtons, brutalisant les manifestants n'ont fait que confirmer le manque de confiance du public à l'égard des forces de l'ordre.
    Les émeutes ont tout de suite pris de l'ampleur pour devenir l'expression du mécontentement général de la population. La situation économique, le conflit kurde et l'attitude répressive des autorités sont autant de facteurs qui contribuent à créer une situation explosive.
    La communauté alévite, forte de quelque 20 millions de personnes, sur 60 millions d'habitants, pratique une religion bien éloignée du rite sunnite majoritaire. Considérés comme égaux, les hommes et les femmes prient ensemble, non dans les mosquées mais dans leurs propres maisons communautaires (cemevi), le pèlerinage à la Mecque n'existe pas et la période de jeûne ne correspond pas à celle du Ramadan. En raison de l'égalité entre les femmes et les hommes, les intégristes sunnites accusent toujours les Alévis de se livrer "à l'inceste", une calomnie dont l'utilisation récente par une chaîne de télévision a suscité une grande colère dans la communauté alévite et à de nombreuses manifestations de protestation dans les grandes villes
    Politiquement proches de la gauche, les Alévis représentent incontestablement l'un des freins à l'expansion islamiste en Turquie. C'est la raison pour laquelle, ils ont, comme les Kurdes et les minorités chrétiennes, été toujours un des cibles prioritaires de la violence intégriste et ultra-nationaliste.
    En 1978, des centaines d'Alévis ont péri pendant les attaques sanglantes des Loups Gris à Kahramanmaras et Corum.
    En 1993, pendant la commémoration de Pir Sultan Abdal, une des figures historiques des Alévis, les intégristes ont attaqué un hôtel où étaient hébergés les invités et ont brûlé à mort 37 intellectuels alévis ou solidaires avec les Alévis.
    Après la récente fusillade d'Istanbul, la solidarité avec la communauté alévite s'est organisée également en Europe. C'est ainsi que, venues de toutes les villes d'Allemagne, quelque 50.000 personnes ont défilé dans le calme à Cologne pour dénoncer l'attentat du 12 mars et les manifestations pareilles se poursuivent dans d'autres grandes villes européennes.
    Ainsi, une semaine après la signature de l'accord d'union douanière avec les Quinze, la Turquie s'est trouvée soudain plongée dans des conflits graves qui menacent sa stabilité et peuvent remettre, une nouvelle fois, en cause son rapprochement avec l'Europe.
    Le Monde du 17 mars 1995, se demandait à juste titre:
    "Et si, parmi les victimes, on trouve des militants de la cause kurde, n'est-ce pas, aussi, une conséquence logique de la répression féroce qui s'abat sur les populations du sud-est du pays? Les 'forces obscures' se trouvent aussi à l'intérieur de l'Etat, parmi ceux qui se sont assigné comme priorité l'éradication par la force du problème kurde et voient d'un mauvais œil les Occidentaux leur faire reproche de ces méthodes.
    "Les émeutes de cette semaine ont aussi mis en exergue le décalage entre la classe politique du pays et une population qui subit de plein fouet les effets d'une grave crise sociale. Ce n'est pas un hasard si les violences ont eu lieu dans les quartiers pauvres des grandes villes, là même où sont concentrés tous les laissés-pour-compte d'une forte croissance.
    "Ces affrontements ont, enfin, montré à quel points étaient fortes les fractures d'un société — entre Kurdes et Turcs, entre alévis et sunnites, entre laïcs et musulmans — longtemps niées mais qui s'expriment aujourd'hui au grand'jour.
    "Une fois encore, la Turquie est devant un choix crucial. Les anciennes structures, celles d'un Etat tout à a fois paternaliste et violent, ne sont ni acceptables moralement ni aptes à répondre aux défis, économiques notamment, du vingt et unième siècle. Mais la charpente d'une Turquie démocratique semble bien difficile à bâtir. Le soutien de l'Europe est, certes, important pour aider Ankara dans cette phase difficile. Il ne sera jamais suffisant, tant il appartient aux Turcs eux-mêmes d'exorciser leurs vieux démons."

BANNISSEMENT RIDICULE DES BANANES

    Le 25 février, le maire d'Izmir, Burhanettin Özfatura, associant la marque de bananes "Dole" au sénateur américain Robert Dole, déclarait que le produit du sénateur "anti-turc" ne serait pas vendu dans les supermarchés de la municipalité.
    Le sénateur Dole est considéré comme anti-turc pour l'appui qu'il a donné à une "Note sur le génocide arménien" à propos du massacre d'un million et demi d'Arméniens par ordre des dirigeants ottomans en 1915, et pour les liens étroits qu'il maintient avec le lobby arménien aux Etats-Unis.
    Un porte-parole de Dole Food Co., en Californie, a réagi aux déclarations du maire turc, en précisant que leur compagnie n'avait aucun lien avec le leader de la majorité au Sénat. Le fondateur de la compagnie, James Dole, mort en 1972, n'avait aucun lien de parenté avec le sénateur Robert Dole, a-t-il ajouté.
    L'ambassade américaine à Ankara confirmait le 26 février qu'elle n'avait pas connaissance d'aucun quelconque entre le sénateur et la marque de bananes.

CONTROVERSE AUTOUR DU NOUVEAU RANCH DE CILLER

    Le 27 février dernier le quotidien Hürriyet rapportait que la premier ministre s'était fait construire une "seconde résidence" style Dallas dans un terrain de 45 hectares près de la zone touristique de Kusadasi, dans la Mer Egée. Celle-ci dispose de trois antennes paraboliques et d'un générateur d'électricité privé.
    L'époux de la Premier ministre Ciller, Özer Ciller, a précisé qu'il s'agissait d'une "fermette de 90 mètres carrés" et qu'elle n'avait aucun lien avec la famille Ciller mais appartenait à la secrétaire de son épouse, Suna Pelister, amie très proche de la famille Ciller.
    Cependant, certaines questions restent sans réponse:
    - Où Suna Pelister a-t-elle trouvé l'argent pour acheter un complexe de 3 milliards de TL avec un ranch et une villa décorée de pièces d'antiquité?
    - Si effectivement il appartient à Suna Pelister, pourquoi est-ce que le grand ami d'Özer Ciller, Orhan Özbas, a laissé de côté toutes ses activités pour s'occuper personnellement de la construction de la "fermette"?
    - Comment expliquer que la route qui unit le ranch à une autoroute proche de l'endroit ait été construite en toute hâte par le service rural du ministère de l'Agriculture?
    La Premier ministre a fait l'objet de sévères critiques pour l'origine douteuse de la fortune qu'elle possède aussi bien en Turquie qu'aux Etats-Unis. Celle-ci est estimée à plus de 60 millions de dollars.
    Au cours de sa récente visite aux Etats-Unis, pendant une conférence de presse au Ritz Carlton Hotel, un journaliste turc lui a demandé le montant des taxes qu'elle payait pour ses possessions réelles aux Etats-Unis.
    La question la mit tellement en colère que d'un geste brusque elle cassa son stylo. L'agence de presse Anatolie filma la scène mais le film ne fut jamais distribué à ses souscripteurs parce que l'entourage de Ciller lui en a donné l'ordre.

TERRORISME D'ETAT EN DEUX MOIS

    Le 1.3, on rapporte que le bureau de l'IHD de Diyarbakir a subi une descente de police le 27 février dernier. Quatre représentatns de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), les avocats Sinan Tanrikulu et Firat Alni (également président provincial de l'HADEP), Serif Atmaca, Hanefi Isik et l'employé de l'IHD Servet Ayhan ont été arrêtés.
    Le 1.3, les maisons du président de l'IHD d'Istanbul, Ercan Kanar, et un autre administrateur, Mercan Güclü, sont également fouillées par la police à Istanbul.
    Le 1.3, l'imam Hasan Hüseyin Kiymis est condamné par une cour pénale d'Istanbul à un an de prison pour avoir insulté le fondateur de la République Atatürk.
    Le 1.3, la section féminine de la prison de Buca, à Izmir, subit une descente des gardiens et des gendarmes sous prétextes que plusieurs prisonnières ont refusé de se rendre au tribunal. Quelque 20 prisonnières ont été gravement blessées. Ce même jour d'autres détenues sont battues dans la prison après leur retour de la salle d'audience.
    Le 3.3, à Adana, Nebil Polat, de 18 ans, est retrouvé assassiné.
    Le 4.3, à Adana, Resit Simsek et Hüseyin Kurt sont abattus par des inconnus.
    Le 5.3, la détenue Latife Ereren est retrouvée assassiné à la prison de Bayrampasa à Istanbul.
    Le 6.3, au cours d'une opération de deux jours à Ankara, la police arrête 15 jeunes pour avoir pris part à des activités illégales.
    Le 7.3, quarante mille enseignants d'école font l'objet de mesures disciplinaires pour avoir participé à un acte de protestation le 29 décembre 1994.
    Le 7.3, on rapporte que les tribunaux spéciaux pour enfants auraient jugé 5.843 mineurs au cours de l'année 1994. La moitié des sentences auraient donné lieu à des condamnations. Parmi elles, 67,7% seraient des peines de prison ou des amendes. 75% des enfants ont été accusés de vol, 7% d'homicide ou occasionnement de blessures et 4% d'harcèlement sexuel.
    Le 7.3, à Gebze, des militants néo-fascistes du MHP provoquent un conflit entre Turcs et Kurdes au cours duquel quatre personnes sont poignardées.
    Le 9.3, le député de Sirnak Mahmut Alniak est arrêté à l'aéroport d'Ankara alors qu'il monte dans un avion pour se rendre à un meeting du Parti des Verts en Allemagne. La police confisque également son passeport diplomatique.
    Le 9.3, à Ankara, la police arrête plus de vingt personnes au cours d'une opération d'une semaine pour avoir participé aux activités d'organisations illégales.
    Le 11.3, le président de Tarsus du Parti des Travailleurs (IP), Hüseyin Parlatici, est abattu par des tireurs inconnus.
    Le 12.3, à Istanbul, cinq membres du Parti du Pouvoir Socialiste (SIP), Hüseyin Topaloglu, Esma Kocabasoglu, Levent Baltaci, Cigdem Özen et Ahmet Hamdi Samancilar, affirment avoir été torturés après avoir été arrêtés alors qu'ils distribuaient des tracts de protestation contre les attaques visant les étudiants universitaires.
    Le 12.3, à Batman, l'ancien président de l'HADEP, Ihsan Calar, et douze autres personnes sont arrêtés suite à des opérations policières menées en février.
    Le 12.3, à Batman, Selim Müjdeci, blessé par balles le 1e mars par des inconnus, meurt à l'hôpital.
    Le 13.3, le chauffeur de taxi Tahsin Kaplan est assassiné à la hache par des assaillants inconnus.
    Le 14.3, à Siverek, des inconnus abattent Ihsan Özbay et blessent sa soeur, Meryem Özbay. Le même jour, à Diyarbakir, Aslan Kabaaltinda est victime d'un assassinat politique.
    Le 15.3, à Ankara, plus de 60 personnes, principalement des étudiants universitaires, sont arrêtées au cours d'une série d'opérations policières.
    Le 16.3, à Istanbul, la police arrête neuf personnes pour avoir pris part aux activités du Dev-Sol.
    Le 18.3, à Balikesir, le jeune de 17 ans E.E. se plaint d'avoir été torturé suite à son arrestation par la police le 15 mars. Les traces de torture sont certifiées par un rapport médical qui le déclare incapable de toute activité pendant 10 jours.
    Le 19.3, Gülistan Sevimlikurt, blessée par un cocktail molotov le 14 mars à Istanbul, meurt à l'hôpital.
    Le 21.3, à Diyarbakir, une patrouille militaire abat un chauffeur, Haci Polat, pour avoir refusé d'arrêter sa voiture malgré les injonctions.
    Le 22.3, la CSE de Malatya condamne six personnes à la prison à vie pour avoir participé aux activités de l'Armée de Libération des Paysans-Travailleurs de Turquie (TIKKO).
    Le 23.3, à Bursa, huit militants présumés du Parti Communiste Marxiste Léniniste de Libération (MLKP-K) sont arrêtés.
    Le 23.6, à Adana, Semsettin Cengiz, Asiye Karahan et Fatma Karahan affirment avoir été torturés au poste de police et exigent un traitement au Centre de réhabilitation TIHV.
    Le 26.3, la section de l'IHD d'Ankara rapporte l'arrestation dans la capitale de plus de 200 personnes en mars. Certains des détenus se plaignent d'avoir été torturés au cours de l'interrogatoire.
    Le 26.3, à Istanbul, sept étudiants de l'enseignement supérieur sont arrêtés par la police pour avoir distribué des brochures sans permission préalable.
    Le 26.3, des inconnus ouvrent le feu contre le bureau de Kirsehir de l'Association des Droits de l'Homme (IHD).
    Le 27.3, à Cizre, six Allemands, Ute Rotermund, Marco Mayenschen, Helmut Klaas Sem, Thorsten Müller, Albrecht Müller et Olivier Kontany, ainsi qu'un Belge, Koem Raad Opgeuhaffen, sont arrêtés par la police et expulsés de la ville.
    Le 28.3, à Ankara, Haydar Uzun et Songül Yarar, arrêtés par la police, se plaignent d'avoir été torturés.
    Le 28.3, à Istanbul, l'avocat Atilla Tanman est torturé au poste de police de Beyoglu après avoir été arrêté au cours d'une bagarre avec deux autres personnes.
    Le 28.3, à Izmir, 17 personnes sont placées en détention pour avoir pris part aux activités du Parti-Front de Libération Révolutionnaire du Peuple (DHKP-C).
    Le 29.3, à Ankara, le commerçant Mustafa Gölhan et l'étudiant universitaire Sükrü Keser auraient été torturés pendant leur détention policière.
    Le 29.3, le procureur de la CSE d'Istanbul ouvre un procès contre trois militants présumés du PKK. Accusés d'avoir perpétré des actes armés, chacun d'eux risque la peine capitale.
    Le 29.3, un fonctionnaire de l'IHD, l'avocat Sait Kiran, est inculpé par le procureur de la CSE d'Ankara pour un discours prononcé lors d'un meeting. Accusé de propagande séparatiste, il risque une peine de prison de cinq ans.
    Le 30.3, le jeune Hakan Cabuk, blessé par la police au cours d'une manifestation convoquée le 15 mars pour protester contre les incidents de Gaziosmanpasa, meurt à l'hôpital.
    Le 30.3, à Samandag, l'ancien président de l'HADEP, Mehmet Latifeci, est abattu par des tireurs inconnus. Au cours de l'attaque, quatre autres personnes sont gravement blessées.
    Le 31.3, à Yüregir, des assaillants inconnus ouvrent le feu contre un café, tuent Ercan Agver et blessent trois autres personnes.
    Le 2.4, on rapporte qu'au cours d'une récente opération policière à Tunceli, le président local de l'IHD, Ali Ekber Kaya, et plusieurs des membres de sa famille, Cigdem Kaya, Sabriye Ural, Kamer Ural, Besi Demir et Kamer Demir, sont arrêtés.
    Le 3.4, les forces de sécurité arrêtent 13 membres supposés du Parti Communiste de Libération Marxiste Léniniste (MLKP-K) à Istanbul et neuf membres présumés du PKK à Adana.
    Le 4.4, à Adana, le commerçant Mustafa Gül affirme avoir été torturé suite à son arrestation le 24 mars. Du rapport de la médecine légale ressortent 15 jours d'incapacité en raison de la torture.
    Le 4.4, à Diyarbakir, une femme, Zehra Kilicaslan, est victime d'une attaque armée par des inconnus. Ce même jour, dans la même ville, Hüsamettin Özkumus est assassiné par des assaillants armés de haches.
    Le 5.4, à Gaziantep, la police fait une descente dans une maison et abat deux membres présumés du Dev-Sol.
    Le 5.4, les forces de sécurité arrêtent dix étudiants de l'enseignement secondaire à Izmir et quatre autres à Istanbul.
    Le 6.4, Erdogan Ocak affirme que son fils Hasan Ocak a disparu depuis son arrestation le 21 mars dernier.
    Le 6.4, à Mardin, 26 personnes sont arrêtées pour avoir pris part à un certain nombre d'actions armées de l'Hezbollah.
    Le 7.4, à Tunceli, le maire du district de Nazmiye, Kemal Tekin, est abattu par deux tireurs inconnus. L'assassinat est revendiqué par le PKK.
    Le 7.4, le président de l'IHD de Tunceli, Ali Ekber, et trois autres personnes sont placés en détention par une décision judiciaire.
    Le 7.4, à Tatvan, deux frères, Emin et Veysi Erim, sont tués par l'explosion d'une grenade qu'ils venaient de trouver. Le même jour, Kamil Öke et Mahmut Aric sont victimes de l'explosion de mines placées par les forces de sécurité.
    Le 10.4, à Istanbul, neuf étudiants universitaires sont arrêtés alors qu'ils distribuent des dépliants pour protester contre l'examen d'accès à l'université.
    Le 11.4, le président de l'IHD, Akin Birdal, et trois autres activistes des droits de l'homme, l'ancien député Hüsnü Okcuoglu, l'avocat Ali Yildrim et le médecin Alparslan Berktay, sont acquittés à la CSE d'Ankara où ils étaient jugés pour des discours prononcés pendant la semaine des droits de l'homme en 1992.
    Le 11.4, les forces de sécurité annoncent l'arrestation de 14 membres présumés du PKK à Istanbul.
    Le 12.4, à Ankara, le jeune de 14 ans, Halil Can Dogan, se plaint d'avoir été torturé par la police suite à son arrestation au cours d'une manifestation non autorisée.
    Le 12.4, à Ankara, la police fait une descente dans une maison et tue trois membres présumés du DHKP-C, Mustafa Selcuk, Sirin Erol et Seyhan Akyildiz. Les témoins accusent la police de les avoir délibérément exécutés au lieu de les arrêter.
    Le 12.4, à Izmir, 28 travailleurs de cargo qui menaient un acte de protestation sont arrêtés par la police.
    Le 12.4, des inconnus abattent le membre de l'HADEP Rüstem Akan à Yüregir.
    Le 13.4, Atilla Baris, kidnappé deux semaines auparavant à Mus par des inconnus, est retrouvé assassiné.
    Le 13.4, à Dogubeyazit, deux filles, Filiz Gültekin et Ipek Gültekin, meurent en manipulant une grenade qu'elles avaient trouvée.
    Le 16.4, à Diyarbakir, Memduh Özgen est assassiné à la hache par des inconnus. Le même jour, Abdullah Karaca est abattu dans cette même ville.
    Le 16.4, un groupe d'activistes allemands des droits de l'homme sont arrêtés à Diyarbakir alors qu'ils mènent une enquête sur la situation dans la région soumise à l'état d'urgence. Peter Senger, Johanna Stockner, Friedrich Clemens, Heidi Clemens, Adelheid Sendik, Maria Seipel, Klaus Schceev, Beste Rudolph, Daniel Rosenthal, Claus Shickova et Beatrice Obrger ont été expulsés de la Turquie après un interrogatoire par la CSE.
    Le 17.4, Emine Ocak et Gülsen Birsen Gülünay, respectivement mère et femme de deux personnes disparues, sont condamnées par la CSE d'Ankara à un mois de prison chacune pour avoir insulté le tribunal.
    Le 17.4, à Kiziltepe, Selahattin Yilmaz meurt suite à l'explosion d'une mine posée par les forces de sécurité. Trois autres personnes sont gravement blessées.
    Le 18.4, à Tarsus, Hüseyin Tinic se plaint d'avoir été torturé pendant 24 heures suite à son arrestation le 14 avril au cours d'une descente policière chez lui.
    Le 19.4, à Istanbul, 21 personnes sont arrêtées et accusées d'avoir pris part aux actions de DHKP-C.
    Le 19.4, la CSE d'Izmir condamne huit inculpés du PKK à des peines de prison allant jusqu'à douze ans.
    Le 21.4, à Kagizman, Kamil Yilmaz, de 14 ans, meurt suite à l'explosion d'une grenade qu'il avait trouvée. Trois autres enfants sont gravement blessés.
    Le 25.4, la cour de cassation ratifie les sentences prononcées contre 15 activistes des droits de l'homme à Diyarbakir. En raison d'un communiqué de presse publié au nom de la Plate-forme Démocratie, chacun d'eux a été condamné par la CSE de Diyarbakir à 20 mois de prison et à payer une amende de 208 millions de TL. Parmi eux figurent des journalistes, des syndicalistes et des présidents d'associations.
    Le 25.4, les forces de sécurité arrêtent plus de 20 personnes à Ankara et huit autres à Adana pour avoir participé aux activités d'organisations illégales.
    Le 26.4, à Ankara, Mustafa Ugur Akkaya et Baris Alparslan, arrêtés le 25 avril alors qu'ils distribuaient des dépliants pour le 1er mai, se plaignent une fois en liberté d'avoir été torturés par la police.
    Le 26.4, le vice-président de HADEP, Sahabettin Özarslaner, et dix autres membres du parti sont arrêtés et accusés de maintenir des relations avec le PKK.
    Le 27.4, un fonctionnaire public, Ferhan Eser, kidnappé par des inconnus le 13 avril dernier à Diyarbakir, est retrouvé mort dans le district de Pirinclik. Précédemment il avait été arrêté par la police pour avoir aidé le PKK et remis en liberté.
    Le 27.4, à Ankara, Mürsel Mutlu se plaint d'avoir été torturé au poste de police d'Anafartalar.

FONDATION DU PARLEMENT KURDE EN EXIL

    Malgré les tentatives d'obstruction du gouvernement turc, le parlement kurde en exil a célébré sa première session le 12 mars 1995 à La Haye.
    Pendant qu'ondulaient plus de 2.000 drapeaux aux couleurs jaune, rouge et vert, considérées comme les couleurs traditionnelles kurdes, 65 membres du parlement ont prêté serment dans le principal centre de conférence de La Haye.
    A la cérémonie d'ouverture ont également assisté des centaines de personnalités européennes et kurdes.
    Le porte-parole du parlement kurde a affirmé que des siècles d'oppression ont forcé presque la moitié de leur peuple à vivre loin de leur patrie, dans les rives du Tigre supérieur et de l'Euphrate et à aux frontières de la Turquie, l'Iran, la Syrie et l'Irak.
    L'écrivain kurde Ismet Serif Vanli a ouvert le meeting en déclarant que le parlement constituait la première étape vers un Congrès national kurde qui, avec le parlement des provinces du Kurdistan, luttera pour la libération nationale. Son but avoué est d'établir des relations diplomatiques et politiques avec la communauté internationale et a demandé la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, la reconnaissance des Kurdes en tant que peuple distinct et le statut d'observateur pour le parlement aux Nation unies au Conseil de l'Europe et à l'OSCE.
    Une résolution adoptée lors de la première session du parlement précise: "Le parlement soutient une solution pacifique, par voie démocratique, des problèmes en cours".
    Le Parlement kurde a élu comme président l'ancien président du DEP, Yasar Kaya, et a fondé le Conseil exécutif.
    Le Conseil compte parmi ses 15 membres l'ancien député du DEP Zübeyir Aydar, comme président, l'ancien député du DEP Remzi Kartal, comme secrétaire, et Ali Sapan, représentant du Front de Libération Nationale du Kurdistan (ERNK), comme porte-parole.
    Dans les 35 articles qui composent son programme, le Conseil exécutif...
    Furieux contre les autorités hollandaises qui ont permis la constitution de ce parlement à La Haye, le ministre des Affaires étrangères, Erdal Inönü, a déclaré qu'il n'était pas possible de qualifier d'amicale la position du gouvernement hollandais. Dans un autre acte de protestation, la Turquie a rappelé son ambassadeur.
    Par la suite, les missions diplomatiques turques en Europe ont mobilisé les organisations turques pro-gouvernementales et d'extrême-droite pour qu'elles convoquent, le 23 avril, une manifestation de protestation à La Haye. Plus de 100.000 travailleurs immigrés turcs ont pris part à ce rassemblement et manifesté contre le "soutien hollandais au séparatisme".

LE NOUVEAU QUOTIDIEN YENI POLITIKA SOUS LA PRESSION

    Après qu'Özgür Gündem et Özgür Ülke, deux quotidiens réduits au silence qui ont courageusement défendu les droits du peuple kurde et dénoncé les atrocités des forces de sécurité de l'Etat dans le Kurdistan turc (voir Info-Türk, janv.-fév. 1994), un nouveau quotidien vient d'être lancé par un groupe de militants des droits de l'homme.
    Cependant, ce nouveau quotidien a immédiatement subi la répression des autorités turques.
    Avant même sa publication, le 7 avril, les locaux de Yeni Politika à Istanbul ont été fouillés par la police.
    Après sa publication, la quasi totalité des éditions de Yeni Politika ont été confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste en vertu des articles 6 et 8 de la loi anti-terreur. L'opération de confiscation, en accord avec une décision du Conseil de sécurité nationale, s'effectue souvent à l'imprimerie, avant la distribution, sous prétexte que plusieurs articles du journal enfreignent la LAT. Si l'édition est réimprimée en laissant des blancs à la place des articles originaux, les forces de sécurité y voient un nouveau délit et le confisquent à nouveau.
    Soumis à la même pression, l'hebdomadaire Newroz avait interrompu ses publications le 25 avril en raison des difficultés financières. Selon les éditeurs, 54 des 57 éditions publiées ont été confisquées soit à l'imprimerie soit pendant la distribution.

NOUVELLES CONDAMNATIONS CONTRE BESIKCI

    Le 18 mars dernier la cour de cassation ratifiait une peine de prison de neuf mois contre le sociologue Ismail Besikci.
    Besikci avait été condamné par une cour pénale d'Ankara à neuf mois de prison pour son livre Le cas d'Ismail Besikci du point de vue de l'autonomie universitaire et des principes d'une société démocratique.
    Avec la ratification de cette sentence, les peines de prison ratifiées par les cours supérieures contre Ismail Besikci totalisent 23 ans et 3 mois de prison. Le montant des amendes ratifiées contre lui s'élève à 1 milliard 850 millions de TL (44.047 $).
    Etant donné que Besikci, qui a passé de nombreuses années en prison, n'a pas les moyens financiers de payer ces amendes, celles-ci seront commuées en peines de prison.
    Le 30 mars, dans un de ses procès en suspens, Besikci était condamné par la CSE d'Ankara à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour avoir fait de la propagande séparatiste dans un article rédigé en 1983 pour le Bulletin des Droits de l'Homme de l'IHD.
    Lors du même procès, le secrétaire général de l'IHD, Hüsnü Öndül a également été condamné à six mois de prison et à payer une amende de 56 millions de TL pour avoir publié l'article.

UN EDITEUR JETE EN PRISON

    L'ancienne directrice de la maison d'édition Evrensel, Mme Semra Caralan, est incarcérée à la prison Bayrampasa d'Istanbul pour y purger une peine de réclusion de cinq mois.
    Elle avait été condamnée par la CSE d'Istanbul à la prison et à payer une amende de 42 millions de TL pour avoir publié un livre intitulé Documents de Conférence. Les peines ont été ratifiées par la cour de cassation.
    Le 6 avril, le directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk, était condamné par une cour pénale d'Ankara à 9 mois de prison pour avoir publié le livre de Besikci L'Affaire Ismail Besikci 5. La peine de prison était ultérieurement commuée en une amende de 1.350.000 TL. Il est accusé d'avoir insulté le système judiciaire et les tribunaux.

DES ECRIVAINS A LA COUR DE LA SURETE

    Le 17 avril dernier la Cour de la Sûreté de l'Etat commençait à prendre déclaration aux soi-disant collaborateurs du livre Liberté de pensée et la Turquie. Ce livre est constitué d'une série de 11 articles de plusieurs auteurs, dont Yasar Kemal. L'article de Kemal, publié auparavant dans le magazine allemand Der Spiegel, accusait le gouvernement d'exterminer les Kurdes dans le sud-est de la Turquie. Kemal est accusé de promouvoir le séparatisme kurde.
    1080 intellectuels kurdes, parmi lesquels figurent des artistes, des écrivains, des journalistes et des syndicalistes, se sont également déclarés éditeurs du livre et donc responsables de sa publication, en soutien de Yasar Kemal et Erdal Öz, véritable éditeur du livre.
    50.000 autres intellectuels ont signé des pétitions de soutien.
    Par l'intermédiaire de 50 intellectuels qui se sont rendus à la CSE d'Istanbul, ils ont dit, "Soit la pensée sort de prison, soit nous allons en prison", soulignant que la liberté d'opinion n'existe toujours pas en Turquie.

PERSECUTION DES MEDIAS EN DEUX MOIS

    Le 1.3, on rapporte que le correspondant du journal Grec Adosmaftos Typos, Ionnis Kokkidis, et son traducteur, Mikail Gunis, ont été arrêtés par la police le 27 février dernier alors qu'elle faisait une descente dans l'hôtel où ils logeaient à Diyarbakir.
    Le 3.3, le journaliste grec Kokkidis et sont traducteur sont renvoyés en Grèce après avoir été détenus pendant 5 jours.
    Le 5.3, deux périodiques, Sosyalist Kadin et Realite, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour incitation à l'hostilité et propagande séparatiste dans leurs publications.
    Le 8.3, le procureur public introduit des actions en justice contre trois journalistes du quotidien Sabah, le rédacteur responsable Battal Yörükoglu, le rédacteur Güngör Mengi et le correspondant Okan Müderrisoglu, pour avoir insulté le ministre de la Défense Nationale, Mehmet Gölhan. Chacun d'eux risque une peine de prison d'un an.
    Le 9.3, la publication de l'hebdomadaire Denge Azadi est interdite par décision d'une cour pénale d'Istanbul. Cette décision a été prise sous prétexte que Denge Azadi est une continuation de l'hebdomadaire disparu Azadi, dont les publications avaient également été interdites. Les 42 éditions de Denge Azadi publiées depuis le 20 mai 1994 ont été confisquées par décision de la CSE d'Istanbul.
    Le 12.3, trois périodiques, le N˚ 22 d'Atilim, le N˚ 5 d'Özgür Genclik et le N˚ 1 d'Emekcinin Alinteri, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et apologie de diverses organisations illégales.
    Le 14.3, cinq radios locales d'Ankara, Mozaik, Cagdas, Imaj, Arkadas et Cankaya, auraient été menacées par la police pour avoir diffusé des informations non censurées sur les incidents de Gaziosmanpasa. Les directeurs des trois premières radios, respectivement, Deran Ata, Erdinc Özatan et Cumhur Buyurun, ont été emmenés au poste de police.
    Le 14.3, le Conseil de la Radio-Télévision lance un avertissement aux chaînes Kanal D et HBB TV ainsi qu'à plusieurs radios locales pour leurs commentaires sur les incidents de Gaziosmanpasa.
    Le 18.3, deux livres publiés par la Maison d'Edition Deng sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. La Question Kurde, Paix et Démocratie d'Ali Dicleli et Les Kurdes - Leur lutte pour la vie et les droits culturels de Zuhdi El Dahoodi.
    Le 20.3, une foire du livre programmée du 27 au 30 mars à Kusadasi est interdite par un gouverneur de district.
    Le 21.3, le journaliste-romancier Dursun Akcam, résidant en Allemagne, est arrêté à l'aéroport d'Ankara alors qu'il visitait son pays, mais fut remis en liberté après avoir subi un interrogatoire au poste de police. Il avait fui la Turquie après le coup-d'Etat de 1980.
    Le 23.3, le Conseil supérieur de la Radio-Télévision décide d'interdire pendant un jour la diffusion de Sky TV à Izmir et d'adresser des avertissements à trois autres chaînes de télévision à Istanbul, Show TV, ATV et Interstar ainsi qu'aux radios locales, Yenisehir Yörem FM à Bursa et Gözde FM à Sinop.
    Le 26.3, un correspondant du quotidien disparu Özgür Ülke, Aslan Sarac, se plaint d'avoir été torturé pendant les deux jours d'arrestation qu'il a passé à Adana.
    Le 27.3, la dernière édition de l'hebdomadaire Aydinlik est confisqué sous prétexte que la date sur les pages intérieures ne correspond pas avec celle figurant sur la couverture.
    Le 28.3, un correspondant du périodique Atilim, Veysel Ceylan, est arrêté alors qu'il couvrait une intervention policière dans un meeting de travailleurs.
    Le 31.3, des militants du PKK kidnappent le correspondant de Reuters, Fatih Saribas, et le correspondant de l'agence France Presse, Kadir Gürsel, entre Cizre et Nusaybin.
    Le 2.4, à Konya, la librairie Ilkezgi est détruite par inconnus armées de pierres et bâtons.
    Le 5.4, deux journalistes finlandais, Leana Reikko et Iletom Kankonen, sont arrêtés à Diyarbakir et envoyés à Istanbul pour y être expulsés de Turquie. Tous leurs biens ont été confisqués.
    Le 7.4, l'acteur Ilyas Salman et l'artiste Cem Özer sont jugés par une cour pénale d'Istanbul pour un programme diffusé par Interstar TV en 1992. Accusés d'avoir insulté l'Armée et le système judiciaire, chacun d'eux risque une peine de prison de cinq ans.
    Le 18.4, le livre Yilmaz Güney, un humain, un militant et un artiste, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour incitation à l'hostilité régionale et raciale. Le livre contient des mémoires d'un célèbre directeur cinématographique mort en exile.
    Le 19.4, à Izmir, le reporter de Yeni Asir, Ramazan Akin, est harcelé par la police, celle-ci détruit sa caméra.
    Le 21.4, le directeur de la maison d'édition Pencere, Muzaffer Erdogdu, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour avoir fait de la propagande séparatiste dans un livre intitulé Jours d'exil.
    Le 22.4, à Ardahan, l'éditeur du journal local Yeni Dogu Anadolu, Erol Erel, est battu par le gouverneur du district d'Hanak, Levent Tuncsiper, et son garde du corps.
    Le 23.4, le périodique Hedef est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 24.4, les périodiques Ekspres et Söz sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour avoir réimprimé un article intitulé "Atatürk", écrit par Ahmet Altan dans la quotidien Milliyet.
    Le 25.4, deux journalistes de l'hebdomadaire kurde Welate Me, le rédacteur Aynur Bozkurt et le rédacteur en chef Mehmet Gemisiz, sont jugés par la CSE d'Istanbul. Accusés en vertu des articles 6 et 7 de la loi anti-terreur, les défendeurs refusent de répondre en turc aux questions posées par le juge dans la salle d'audience et le font en kurde. La cour pour sa part refuse de faire traduire les réponses et affirme que le jugement sera prononcé sans tenir compte des réponses des inculpés.
    Le 2.4, le N˚ 29 du périodique Atilim est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et instigation au crime.
    Le 28.4, le rédacteur responsable de Direnis, Ayla Tuncdemir, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 75 millions de TL. La cour a également décidé de d'interrompre les publications du périodique pendant un mois.
    Le 30.4, les dernières éditions des périodiques Özgür Genclik, Odak, Tavir, Gencligin Sesi, Jiyana Nû, Devrimci Mücadele et Hedef sont confisquées par la CSE d'Istanbul pour avoir enfreint la loi anti-terreur et l'article 312 du Code pénal.

INTERDICTION D'UN AUTRE LIVRE SUR LE GENOCIDE

    Alors que le gouvernement turc prétend respecter les droits des minorités en Turquie, la Cour de la Sûreté de l'Etat a récemment interdit la vente et distribution d'un ouvrage académique intitulé Génocide, question pour le droit national et international - L'événement arménien de 1915 et ses conséquences.
    Cet ouvrage a été rédigé par le professeur de l'Université de l'Etat de New-York, Vahakn N. Dadrian, et fut publié pour la première fois dans le Journal de droit international de Yale (Volume 14, N˚2, 1989).
    La traduction turque du livre était publiée par la maison d'édition Belge. La directrice de cette maison d'édition, Mme Ayse Zarakolu, risque des poursuites judiciaires pour propagande séparatiste.
    Mme Ayse Zarakolu avait déjà été condamnée à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour avoir publié l'ouvrage d'Yves Ternon Tabou arménien (voir Info-Türk, janv.-fév. 95).
    La CSE d'Istanbul donnait comme justification à cette décision qu'elle doutait de l'existence d'une personne s'appelant Yves Ternon. Pourtant Yves Ternon est une autorité internationalement reconnue dans l'étude du génocide arménien et son livre a été publié pour la première fois en français aux éditions Seuil sous le titre Les Arméniens, histoire d'un génocide, en 1977, à Paris.
    Outre Mme Zarakolu, la cour a également décidé d'intenter des poursuites judiciaires contre Abdülkadir Konuk, traducteur du livre, et le journaliste Ragip Zarakolu, qui a écrit une préface pour le livre.
    La maison d'édition Belge, dans un communiqué de presse, a accusé le gouvernement présidé par le professeur universitaire Tansu Ciller d'interdire les ouvrages académiques de professeurs universitaires étrangers en Turquie.
    Elle rappelle également que la version originale du livre du professeur Dadrian avait été publié par l'université de Yale, où la premier ministre Ciller avait reçu une partie de son éducation académique.
    D'autre part, le 20 mars, Mme Ayse Zarakolu était condamnée par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour avoir publié le livre d'Hasan Bildirici Bekaa sur la guérilla kurde.
    Dans une campagne pour marquer ja journée de la femme, le 8 mars 1995, les membres de PEN International du monde entier ont mis l'accent sur le cas de M. Aysenur Zarakoly ainsi que sur ceux de deux intellectuelles, l'écrivain Daw San San Nwe, de Birmanie, qui purge une longue peine de prison et l'écrivain du Guatemala Alaide Foppa de Solorzano, disparue en 1980.

SUSPENSION D'EUROPALIA TURQUIE 1996

    Sous la pression d'organisations démocratiques de Belgique et de Turquie, le controversé Festival Europalia-Turquie 1996 était finalement suspendu par la Fondation Europalia le 23 mars dernier.
    Cependant, le conseil d'administration de la Fondation justifie cette suspension par des difficultés financières plutôt que par la déplorable situation des droits de l'homme en Turquie.
    En fait, considérant les critiques émanant des organisation de défense des droits de l'homme, la communauté flamande de Belgique avait déjà annoncé qu'elle n'apporterait aucune contribution financière à l'organisation du festival. La communauté francophone de Belgique réservait sa décision sur le sujet. Le gouvernement fédéral, pour sa part, avait promis 80 millions de FB provenant du budget de la loterie, mais par la suite il conditionnait cette aide à un respect de la diversité culturelle de la Turquie, principalement la culture kurde. Etant donné que le gouvernement turc refuse catégoriquement cette condition, la fondation n'a pu obtenir la contribution des autorités belges.
    Suite à la décision de suspendre le festival, les autorités et les médias turques ont déclenché une furieuse campagne contre les opposants à l'Europalia-Turquie, les qualifiant de "ennemis de la Turquie".
    Les organisateurs turcs de l'Europalia se sont précipités vers Bruxelles pour essayer de faire changer d'avis la Fondation Europalia. Dans cette optique, ils ont promis que la Turquie apporterait les fonds bloqués par les autorités belges.
    Dans une interview publiée par le quotidien flamand De Standaard le 31 mars dernier, le commissaire turc d'Europalia Turquie, Bülent Eczacibasi, eut recours à toute la démagogie possible pour faire croire que le gouvernement turc n'était intervenu en rien dans l'organisation du festival et que le programme avait été préparé de façon à ce que la diversité culturelle de Turquie soit bien représentée.
    "Europalia-Turquie n'est pas un projet gouvernemental. Les événements culturels choisis exclusivement sous ma compétence sont appréciables. J'ai une totale autonomie dans le choix de mon effectif et de mes conseillers, ceux-ci sont issus de différents groupes ethniques", a-t-il déclaré.
    Mais aux yeux des dirigeants turcs, Europalia est un projet totalement gouvernemental. L'idée d'Europalia-Turquie avait été lancée il y a trois ans par le président Turgut Özal. Avant même la signature de l'accord, le ministre des Affaires étrangères, Hikmet Cetin, actuellement vice-premier ministre, avait maintenu une série de réunions avec les hommes d'affaires turcs pour les convaincre de contribuer au maximum au financement du festival dans le but de conquérir l'Europe par le biais de ce festival.
    Les journaux pro-gouvernementaux avaient annoncé la signature de l'accord en janvier 1994 avec les titres suivants: "C'est la Belgique qui nous fera reconnaître en Europe!" "Une occasion historique!" "Des drapeaux turcs à Bruxelles!" "Une chance européenne pour la Turquie!"
    En vertu de la loi adoptée par l'Assemblée nationale turque le 22 septembre 1994, l'organisation d'Europalia 96 est considérée comme une opération de l'appareil de propagande de l'Etat turc.
    La loi décrit Europalia comme un "festival comprenant des événements à caractère politique, économique, commercial, culturel, social et touristique".
    L'organisation du festival est dirigée par le Conseil national Europalia de Turquie, présidé par le secrétaire d'Etat et composé de représentants des ministères des Affaires étrangères, des Finances, de la Culture et du Tourisme.
    Le nomination commissaire turc d'Europalia, M. Eczacibasi, fut une décision politique du gouvernement turc. Il dépend du Conseil national Europalia de Turquie. La loi ne fait mention nulle part d'une "totale autonomie" du commissaire.
    "Depuis le début, nous avons veillé de près à ce que le programme soit équilibré et traite tous les aspects de la culture turque ainsi que de la musique, des danses et des artisanats kurdes, des compositeurs arméniens contemporains, de la musique bulgare, byzantine et de l'art juif...", a-t-il affirmé.
    Tout d'abord, par cette déclaration, le commissaire turc admet que les autres cultures de l'Anatolie sont considérées comme "des aspects différents de la culture turque". Il n'accorde pas un caractère d'indépendance aux cultures des autres peuples.
    Deuxièmement, pour une présentation équitable de toutes les cultures anatoliennes, les représentants de ces communautés devraient être présents dans tous les organes du festival Europalia, à savoir le Conseil national, le Comité exécutif et les sous-comités ainsi que parmi les conseillers techniques et artistiques.
    Pourtant, dans les organes administratifs il n'y a pas un seul représentant de ces communautés. Pour ce qui est des conseillers, parmi le personnel constitué par Eczacibasi lui-même ne figurent que deux hommes d'affaires issus des minorités. Constamment en rapports d'intérêt avec le gouvernement turc, ces deux hommes d'affaires ont été acceptés parmi le personnel pour tirer parti de leurs compétences dans le domaine de la publicité et de la collecte de fonds.
    "Nous travaillons en parfaite harmonie avec le Patriarche orthodoxe à Istanbul", a déclaré Eczacibasi.
    Sans la présence d'un représentant de la communauté grecque dans ces organes, comment peuvent-ils travailler en parfaite harmonie?
    D'autre part, n'est-ce pas le ministre de l'Intérieur du gouvernement actuel qui a accusé le Patriarche orthodoxe grec, Bartelemos, d'avoir mené des activités contre la Turquie à l'étranger? (Info-Türk, nov.-déc. 1994)
    N'est-ce pas le même gouvernement qui a empêché la participation d'une délégation de la communauté arménienne de Turquie à l'élection du nouveau chef spirituel arménien en Arménie? (Info-Türk, janv.-fév. 1995)
    N'est-ce pas le ministre de l'Education du même gouvernement qui a exercé de nouvelles pressions sur les écoles arméniennes de Turquie? (Info-Türk, janv.-fév. 1995)
    A une question concernant le refus de la Turquie à une exposition séparée sur la culture kurde, le commissaire turc a répondu:
    "Quiconque reconnaît la Turquie sait qu'il est impossible d'en dégager un composant et de lui consacrer un événement indépendant. Notre philosophie est claire: La culture turque est un ensemble avec de multiples facettes."
    Ici se manifeste une fois de plus la mentalité turque qui nie l'autonomie de chaque culture. Au lieu de respecter la diversité de toutes les cultures, le régime turc s'entête à assimiler la richesse ce ces cultures à la culture de l'Etat-nation.
    Ces déclarations de M. Eczacibasi sont un aveu du chauvinisme du régime turc.
    Une telle philosophie est rejetée par les Kurdes et les autres minorités. Comment Europalia 1996 peut-elle représenter la splendeur de cultures millénaires?
    Interpellé sur la répugnance que la politique du gouvernement turc envers les minorités soulève en Europe occidentale, Eczacibasi répond:
    "Cette critique est juste. Mais si vous voulez punir notre pays, la solution ne réside pas dans la suspension d'Europalia. Par cette décision vous punissez le côté progressif de la société turque".
    Si M. Eczacibasi, malgré sa philosophie d'assimilation, admet que la politique menée contre les minorités est répugnante, pourquoi considère-t-il la suspension d'Europalia comme une punition contre son pays? La Turquie n'appartient pas uniquement aux Turcs mais à des milliers de peuples millénaires. Cette suspension est donc un geste destiné à sauver l'honneur du pays plutôt que pour le punir.
    Pour ce qui est du côté progressif de la société turque, des centaines d'intellectuels turcs souffrent encore dans les prisons pour avoir crié que le pays n'appartient pas uniquement aux Turcs, mais également aux Kurdes et aux autres minorités.
    Il suffit de consulter les listes chronologiques de persécutions d'intellectuels publiées par Info-Türk. Le côté progressiste de la société est constamment puni non pas par les Européens mais par le gouvernement turc que M. Eczacibasi sert loyalement.
    "Notre travail ne consiste pas à essayer de faire admettre les politiques officielles. Critiquer un pays est une chose, maltraiter sa culture en est une autre".
    Par cette affirmation M. Eczacibasi adopte un ton radical. Comme il a été expliqué précédemment il a été nommé commissaire par une force politique dont le seul objectif est d'exploiter l'Europalia comme instrument de propagande du régime.
    Les critiques adressées à Europalia-Turquie ne visent pas les cultures de l'Anatolie, mais veulent que ces cultures soient représentées de manière honorable sans l'interférence d'un pouvoir politique qui a toujours choisi de maltraiter l'homme et la femme de culture.
    "Même pendant les jours sombres du communisme en URSS, l'Europe n'a pas eu un tel comportement envers les artistes et les cultures de ce pays", a-t-il souligné.
    Déplorable démagogie qui prouve l'ignorance de M. le commissaire. Ni l'Union Soviétique, pas plus qu'aucun autre pays européen soumis à une dictature n'a été choisi pour l'Europalia. L'Espagne, le Portugal et la Grèce n'ont pu constituer le thème de l'Europalia qu'un fois libérés du régime fasciste.
    Il ne faudrait pas oublier qu'avant l'Europalia, l'Allemagne nazi n'a jamais été choisie comme sujet d'un tel événement culturel international.
    N'était-ce pas des pays aux cultures aussi riches et splendides que la Turquie?
    Les arguments du commissaire turc sont loin de justifier une Europalia-Turquie et ce sera ainsi tant que la Turquie ne respectera pas les droits de ses minorités et les libertés de ses intellectuels et artistes.
    Est-ce que ces arguments ridicules ont convaincu les administrateurs belges de la Fondation Europalia? Est-ce qu'ils vont changer d'avis et relancer les préparatifs de l'Europalia-Turquie pour la récompense financière que leur promettent leurs homologues turcs?
    Cette récompense financière de quelques millions de dollars serait une corruption bien peu coûteuse pour un gouvernement belliciste qui dépense chaque année plus de 10 milliards de dollars dans la sale guerre qu'ils mènent dans le Kurdistan turc.
    Les forces démocratiques de Belgique et de Turquie espèrent que la Fondation Europalia suspendra définitivement l'Europalia-Turquie pour éviter que celle-ci n'entre dans l'histoire comme le festival de la honte.

RAPPORT ACCABLANT SUR LES MINORITES EN TURQUIE

    Le 22 mars 1995, au cours d'une conférence de presse au Parlement belge, un groupe d'activistes des droits de l'homme appartenant à différents groupes ethniques de Turquie a présenté un rapport accablant sur la situation des minorités en Turquie et a demandé à toutes les institutions internationales qu'elles prennent l'initiative pour mettre fin à l'oppression qui règne en Turquie.
    Le Rapport de 44 pages La Turquie face à ses minorités, publié par Droits de l'Homme Sans Frontières est composé d'une série d'articles écrits par Willy Kuijpers, sénateur belge; Dogan Özgüden, rédacteur d'Info-Türk; Pervine Jamil, présidente de l'Institut kurde de Bruxelles; Claude Selis, orientaliste dominicain; Panayote Elias Dimitras, porte-parole de Greek Helsinki Monitor à Athènes et Christine Flamand, juriste belge.
    Au cours de la conférence de presse présidée par le Sénateur Kuijpers, l'éditeur de Droits de l'Homme Sans Frontières, Willy Fautré, après avoir fait un exposé détaillé sur la violation des droits des minorités, a déclaré: "Si la Turquie veut conserver sa place dans la communauté des nations européennes et donner quelque fondement à ses espoirs d'adhésion future à l'Union Européenne, elle est condamné à signer la Convention-cadre pour la Protection des Minorités Nationales et à respecter les droits des personnes appartenant à ses minorités ethniques et religieuses. La suspension d'Europalia Turquie, les difficultés accumulées sur le chemin de ses accords douaniers avec l'Union Européenne, la demande de son exclusion du Conseil de l'Europe, présentée par le groupe socialiste de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, constituent autant de signaux d'alarme pour un pays régulièrement cloué au pilori en raison de ses mauvais bilans en matière de droits de l'homme."
    Le rapport fait état pour 1994 de milliers de morts et de blessés dans la guerre qui sévit dans le sud-est de la Turquie; de nombreux cas de disparition, d'enlèvement, de tortures, de mutilations par des mines et d'assassinats de personnes appartenants à des minorités; de milliers de familles kurdes, assyriennes et arméniennes en quête d'asile dans un pays de l'Union Européenne; de centaines de sites et monuments appartenant au patrimoine historique, architectural et artistique des minorités religieuses menacés de disparition.
    Droits de l'Homme sans Frontières plaide pour que des bilans réguliers en matière de respect des droits individuels fondamentaux, en particulier des personnes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, soient régulièrement portés à la connaissance du Parlement européen, du Conseil de l'Europe, de la Cour européenne... et qu'ils conditionnent le développement des relations entre l'Union européenne et la Turquie. Pour l'organisation, l'intégration progressive de ce pays dans l'Union Européenne exige en effet "qu'elle conforme ses législations et comportements n matière de droits de l'homme et de liberté religieuse à la Convention européenne."
    En guise de conclusion, Droits de l'Homme Sans Frontières adresse un certain nombre de recommandations aux autorités turques dans les domaines des libertés et des droits fondamentaux, de la culture et de l'éducation, des droits linguistiques et de la liberté religieuse. L'organisation leur demande notamment de reconnaître aux membres des minorités religieuses "le droit de professer et de pratiquer leur propre religion, d'entretenir, de restaurer et d'agrandir librement, sans ingérence ni discrimination quelconque, leur édifices religieux."
    [Le rapport La Turquie face à ses minorités peut être commandé à Droits de l'Homme Sans Frontières - B.P.1 - 7090 Braine-le-Comte, Belgique. Tél: 067-33 39 95, Fax: 067-33 63 45]