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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


222

19e année - N°222
Septembre-Octobre 1995
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 



INADMISSIBLE

    Le Parlement européen va-t-il légitimer un régime militariste au sein de la famille européenne en ratifiant l'union douanière?

    Après avoir mené la Turquie au désastre suite à quatre ans de gouvernement, ces deux derniers mois, la coalition DYP-CHP a entrepris une série de manœuvres destinées à tromper aussi bien la population de Turquie que l'opinion mondiale. Des modifications cosmétiques dans la législation et la décision de tenir des élections anticipées le 24 décembre prochain ont été présentées comme des pas importants vers la démocratisation.
    Bien qu'aucune des conditions posées par le Parlement européen pour ratifier l'Union douanière entre la Turquie et l'Europe n'ait été satisfaite, le premier ministre Tansu Ciller et son nouveau partenaire, le vice-premier ministre Deniz Baykal, espèrent que les parlementaires européens, grâce à leurs manoeuvres, voteront en faveur de la ratification de l'accord le 14 décembre prochain à Strasbourg.
    Dans un dernier effort, les ministres turcs, les missions diplomatiques, les médias pro-gouvernementaux et les organisations de lobby au service de l'Etat turc, se sont mobilisés pour essayer de convaincre les parlementaires européens qui ne semblent pas disposés à ratifier l'union douanière ou veulent remettre le vote à une date ultérieure aux élections.
    La dernière phase de l'opération "duperie" a débuté avec la démission du gouvernement de Ciller le 20 septembre dernier. On savait qu'il y avait quelques frictions au sein de la coalition entre le DYP, de droite, et le CHP, social-démocrate (ancien SHP). Mais pendant quatre ans ces deux partis étaient parfaitement d'accord sur l'application des directives données par le Conseil de sécurité nationale (MGK), dominé par les militaires, et sur la violation des droits de l'homme. Les dirigeants du CHP étaient conscients que cette complicité érodait la crédibilité du parti aux yeux de l'électorat. Pour donner l'illusion qu'ils défendaient les droits de l'homme, les ministres du CHP provoquaient de temps en temps des mini-crises, mais elles s'apaisaient toujours par des concessions minimes des deux côtés.
    Lorsque Deniz Baykal a remplacé Hikmet Cetin en tant que président du parti le 10 septembre dernier, il a promis aux délégués de travailler pour regagner la confiance populaire en son parti. Pour ce faire, lors de son premier entretien avec le premier ministre Ciller afin d'établir les modalités d'une nouvelle coopération, Baykal a remis à Ciller un dossier avec une série de propositions. Entre autres, il a demandé à Ciller de trouver une solution aux conflits des travailleurs et de renvoyer le chef de police d'Istanbul Necdet Menzir, qui avait accusé le CHP de donner refuge aux terroristes. Dans le dossier de Baykal il y avait également des documents qui prouvent que des figures néo-fascistes occupent des posts clés dans l'appareil de l'Etat, surtout dans les services de sécurité et d'éducation.
    Ciller, qui n'a pas abordé tous les thèmes que contenait le dossier, s'est farouchement opposée à l'élimination de ces éléments extrémistes en poste au sein de l'Etat et a refusé de gouverner sous ces conditions. En ce qui concerne les conflits des travailleurs, elle a également refusé les hausses salariales sous prétexte qu'elles ne sont pas compatibles avec les mesures draconiennes imposées par le FMI.
    A ce moment-là la Turquie était secouée par des grèves en chaîne et des manifestations de plus de 300.000 travailleurs des secteurs publics.
    Après une réunion de trois heures, Baykal abandonnait le bureau de Ciller sur ces mots, "la coalition est belle et bien finie".
    Ciller ripostait en présentant la démission de son gouvernement au président Demirel et se présentait devant les caméras de télévision où elle déclarait: "Baykal veut qu'on renvoie Menzir. Nous ne céderons pas. Nous ne baserons pas notre politique sur le corps de gens comme Menzir..."
    Baykal a répondu: "Le premier ministre ne dit pas la vérité. J'ai senti qu'elle n'était pas prête à changer la manière de diriger la coalition". Il a par ailleurs accusé Ciller de ne pas être un vrai premier ministre, mais d'agir au nom de forces obscures.
    De plus, le secrétaire général du CHP, Adnan Keskin, déclarait le 22 septembre dernier que Ciller est une personne inconstante et l'a qualifiée d'escroc et de clown. Il a ajouté qu'elle devrait d'abord expliquer comment elle a amassé sa fortune en Turquie et aux Etats-Unis. "Elle n'a su fournir une seule source légale pour sa fortune... Elle est dans la magouille jusqu'au cou", a-t-il dit.
    Même avant d'entrer en conflit avec le CHP, Ciller cherchait un moyen de changer la coalition avec ce parti par un gouvernement d'extrême-droite avec des ultra-nationalistes de son propre parti et ceux du MHP et de l'ANAP. Elle rêvait d'appliquer sa politique militariste et anti-populaire jusqu'aux élections de novembre 1996.
    Suite à des contacts formels avec les leaders d'autres partis, elle a décidé de former un gouvernement DYP minoritaire avec le soutien du néo-fasciste MHP et des députés extrémistes d'autres partis de droite comme l'ANAP, le YP, le BBP et le MP. Pour s'assurer le soutien du MHP, elle a promis à Türkes des nommer les membres principaux de ce parti aux postes clés de l'appareil de l'Etat.
    Pour avoir le soutien des petits partis de droite comme le MP, le YP et le BBP, elle n'a pas hésité à faire de fausses déclarations sur les relations entre la Turquie et l'Europe.
    Quelques heures avant le vote au Parlement, Ciller et le ministre des Affaires étrangères, Coskun Kirca, ont fait une déclaration conjointe qui a choqué la communauté diplomatique ainsi que le personnel du ministère des Affaires étrangères. Cette déclaration disait que la Turquie exigerait l'inclusion de changements dans l'accord d'union douanière concernant les Chypriotes turcs.
    Alors que cette déclaration était rendue publique, les missions étrangères étaient contactées par le cabinet de Ciller et on faisait savoir aux diplomates de ne pas y prêter attention car ces déclarations étaient destinées à la vie politique interne.
    Ce scandale allait déclencher des attaques furieuses contre Ciller des médias turcs. Le Turkish Daily News rapportait le 21 octobre: "Il s'avère ici que Ciller, dans sa dernière heure de désespoir, n'a pas hésité à compromettre l'entrée de la Turquie dans l'union douanière pour une poignée de votes. Ces choses peuvent arriver dans les républiques bananières mais jamais elles ne devraient se produire dans un pays européen".
    Au grand étonnement des milieux de gauche, elle a également réussi à obtenir la promesse de soutien du leader du DSP, Ecevit, si en échange elle satisfaisait les demandes de hausses salariales des travailleurs en grève.
    Le 5 octobre Ciller formait un gouvernement minoritaire DYP, dans lequel elle incluait des éléments d'extrême-droite de son parti tel que le ministre des Affaires étrangères Coskun Kirca. Cependant, son alliance avec le MHP et son hypocrisie à propos des demandes des travailleurs l'a conduite à une spectaculaire défaite au Parlement.
    Le 15 octobre, des milliers de travailleurs sont sortis dans les rues d'Ankara pour demander un vote "Non", après que Ciller ait rejeté leurs dernières demandes salariales. Ecevit dut donc retirer le soutien de son parti au gouvernement minoritaire. Par ailleurs, 13 députés du DYP, dont l'ancien président du Parlement, Hüsamettin Cindoruk, ont soit voté "Non" ou se sont abstenus. Finalement, le bloc d'opposition renvoyait Ciller avec un vote de 230 votes "non" contre 191.
    Suite à sa défaite, le président du principal parti d'opposition Parti de la Mère Patrie (ANAP), Mesut Yilmaz, déclarait que ce vote mettait légalement fin aux fonctions de Ciller comme premier ministre et qu'il fallait désigner un nouveau leader du gouvernement pour qu'il tente sa chance dans les 20 jours restant avant la dissolution du Parlement et la convocation d'élections suite à l'expiration des 45 jours de limite constitutionnelle de crise gouvernementale.
    Alors que tous les observateurs prédisaient la fin de la carrière politique de Ciller, une nouvelle fois le CHP social-démocrate la sauvait de la catastrophe politique et Baykal, oubliant toutes les déclaration faites un mois auparavant, lui proposait une nouvelle coalition CHP-DYP.
    Aucun changement n'est intervenu dans la position politique de Ciller. Elle conserve la même hypocrisie dans ses déclarations, elle reste l'ennemie de toutes les forces démocratiques, la championne des solutions militaires dans la question kurde et, par dessus tout, elle reste "dans la magouille jusqu'au cou" comme le disait le secrétaire général du CHP lui-même, Keskin, un mois auparavant. Pour ouvrir la voie à une nouvelle coalition avec le CHP, elle n'a pas hésité à sacrifier le chef de police d'Istanbul, Necdet Menzir, à propos duquel elle avait dit un mois avant, "Nous ne baserons pas notre politique sur les corps de gens comme Menzir..." Depuis qu'elle n'a pas d'autre issue, elle s'est même déclarée prête à convoquer des élections anticipées en décembre 1995 et à concéder certaines hausses salariales aux travailleurs.
    Sûre d'un nouveau soutien du CHP, Ciller a expulsé du parti les 13 députés contestataires du DYP, réduisant le nombre de sièges au Parlement à 164 sur les 450.
    Pour démontrer son attachement au régime et regagner la confiance de Ciller et des militaires, le leader du CHP, Baykal, s'est immédiatement précipité à Bruxelles et, le 19 octobre, demandait un soutien inconditionnel du groupe socialiste du Parlement européen à l'union douanière entre la Turquie et l'Union européenne. "Nous sommes en train de former un gouvernement électoral pour deux mois. N'attendez pas beaucoup de nous et prêtez-nous un soutien inconditionnel pour l'union douanière", a-t-il déclaré.
    Avant la formation de la nouvelle coalition de gouvernement, la majorité DYP-CHP adoptait au Parlement une nouvelle loi électorale pour convoquer des élections le 24 décembre prochain et une autre loi pour "maquiller" quelque peu l'article 8 de la loi anti-terreur.
    Finalement, le 30 octobre, la nouvelle coalition DYP-CHP de Ciller était formée et le leader du CHP, Baykal, recevait les portefeuilles de vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Il ne s'est même pas opposé à la nomination d'Ayvaz Gökdemir comme ministre d'Etat bien qu'il avait traité de "prostituées" les présidentes de trois groupes politiques du Parlement européen. Pour ce qui est du secrétaire général du CHP, Keskin, qui avait dit de Ciller "elle est dans la magouille jusqu'au cou", il fait partie de son cabinet comme ministre du Logement.
    Il s'agit d'un gouvernement de transition jusqu'aux élections du 24 décembre.
    Ils ont adopté une loi électorale avec une telle quantité d'articles inconstitutionnels que le Tribunal constitutionnel peut l'annuler à tout moment et la convocation d'élections générales peut être remise à une date ultérieure. Elle peut être annulée parce que l'exercice du droit de vote reconnu par la Constitution aux immigrants turcs à l'étranger et aux citoyens de plus de 18 ans n'est pas garanti par la nouvelle loi. En d'autres termes, si les élections ont lieu le 24 décembre, plus de 2 millions d'immigrants et plus de 5 millions de jeunes ne pourront pas voter. On peut se demander si le tandem Ciller-Baykal n'a pas élaboré une loi à ce point inconstitutionnelle qu'elle soit condamnée à l'annulation et ce pour rester plus longtemps au pouvoir en donnant l'impression de favoriser la convocation d'élections anticipées.
    Quelle que soit la date des élections, le DYP et le CHP semblent rester complices pour maintenir en vigueur une législation anti-démocratique et pour rejeter toute solution pacifique et politique à la question kurde aussi longtemps qu'ils restent au pouvoir.
    Le CHP, avec son image ternie aux yeux de son électorat traditionnel de centre-gauche, est déjà condamné à un échec électoral, voila pourquoi Baykal et son équipe font tant d'efforts pour rester au pouvoir le plus longtemps possible avant que ne se produise une telle catastrophe.
    Ciller, faisant fi de toutes les valeurs morales, se prépare à former un gouvernement d'extrême-droite après les élections. Elle s'est déjà mise d'accord avec le MHP qu'elle inscrirait Türkes et tous les autres leaders néo-fascistes sur les listes de son parti. Par ailleurs, tous les personnages symboliques du terrorisme d'Etat, le super-gouverneur de la région kurde, les gouverneurs des grandes villes, les généraux à la retraite et les tristement célèbres chefs de police ont déjà quitté leurs postes pour s'inscrire sur les listes électorales de Ciller. Le premier ministre espère donc obtenir la majorité nécessaire pour gouverner la Turquie avec un gouvernement d'extrême-droite, tentative qui a déjà échoué en octobre 1995.

L'EUROPE VA-T-ELLE ACCUEILLIR UN TEL REGIME ?

    Pour s'assurer la victoire aux élections, Ciller compte surtout sur la ratification par le Parlement européen de l'union douanière entre la Turquie et l'Union européenne le 14 décembre prochain. Si les parlementaires européens votent en faveur de l'union, Ciller y verra une victoire personnelle et s'en servira amplement dans sa campagne électorale.
    La Commission des Affaires étrangères du Parlement européen ne pouvait donc rien décider lors de sa réunion du 31 octobre à Bruxelles et attendra jusqu'au 22 novembre pour estimer s'il convient de ratifier ou non l'accord d'union douanière.
    Peu convaincus par les mesures de démocratisation prises en Turquie, bon nombre de parlementaires européens semblent déjà être d'avis qu'il faut remettre la ratification complète du processus à l'année prochaine.
    S'adressant à la commission, le rapporteur Carlos Carnero Gonzales à qualifié les récentes mesures prises en Turquie de "positives mais insuffisantes". Il a souligné que la décision de la Cour de cassation de maintenir les lourdes peines de prison de quatre députés kurdes était décevante même si elle avait ordonné la mise en liberté de quatre autres députés.
    Carnero a également précisé qu'il ne considérait pas une consolation que les anciens députés du DEP incarcérés puissent porter leurs cas devant la Commission européenne des droits de l'homme.
    Il juge aussi "insuffisants" les récentes changements de l'article 8 de la loi anti-terreur. "Ces demi-mesures ne satisfont pas le Parlement européen. Considérer suffisantes les petits pas parcourus par la Turquie dans le chemin vers la démocratisation serait stupide", a-t-il précisé.
    Le rapporteur a finalement insisté sur les six conditions suivantes pour étendre les relations, y compris économiques, avec la Turquie:
    1.    La réforme de la Constitution de 1982.
    2.    La mise en liberté de tous les parlementaires du DEP d'origine kurde.
    3.    La suppression ou profonde modification de l'article 8.
    4.    Le renforcement de la protection des droits de l'homme.
    5.    Une nouvelle approche, non militaire, de la question kurde.
    6.    L'acceptation des résolutions des Nations Unies sur Chypre.
    Carnero, qui considère qu'il faut maintenir encore la pression sur Ankara pour la démocratisation et le respect des droits de l'homme, a précisé qu'à son avis il serait préférable de prendre une décision finale sur la Turquie après les prochaines élections générales.
    Le 22 novembre et le 14 décembre prochains, le Parlement européen, conscience de la population européenne, se trouvera donc devant un choix important qui donnera une idée de son degré d'engagement dans la défense des droits de l'homme.
    Si le Parlement européen ratifie l'Union douanière, les dirigeants militaristes de la Turquie oublieront immédiatement toutes leurs promesses de "démocratisation", et l'Union européenne deviendra complice des incessantes violations des droits de l'homme dans le flanc sud-est du continent.

IHD: LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME RESTE SOMBRE

    Dans un rapport publié le 30 octobre dernier, l'Association pour les droits de l'homme (IHD) maintenait que la violation des droits de l'homme s'accentuait encore en Turquie malgré les promesses faites au Parlement européen.
    Le président de l'IHD, Akin Birdal, a souligné qu'on n'appréciait aucune diminution du nombre de procès pour des "délits de pensée" et qu'aucune mesure n'avait été prise pour tenter de résoudre la question kurde.
    Birdal a également dit que la nouvelle loi électorale était une violation des droits de l'homme et des principes démocratiques. "Ce système est contraire à la Déclaration universelle sur les droits de l'homme, à la Convention européenne sur les droits de l'homme, à la Charte de Paris et à la Conférence de Vienne. Les principes, en vertu desquels chacun a le droit de participer à l'administration du pays n'ont pas été honorés", a déclaré Birdal.
    Il a ajouté que les changements introduits par la Turquie dans l'espoir d'obtenir l'union douanière sont loin d'être satisfaisants pour le Parlement européen.
    "Si toutefois le Parlement européen ratifie l'accord d'union douanière avec la Turquie, ce sera plutôt parce que l'Europe le veut", a-t-il précisé. Birdal, qui maintient que la Turquie est devenue un pays où "les prisons sont surpeuplées", a également fait allusion au récent verdict de la cour de cassation sur les peines de prison des députés du DEP. Selon lui, l'incarcération de ces anciens députés prouve qu'aujourd'hui la liberté d'expression n'existe même pas au Parlement turc.
    "S'il y a un réel désire de paix sociale en Turquie, le seul chemin pour y accéder est le respect des droits de l'homme et une vraie démocratie. Le premier pas serait une amnistie générale non discriminatoire. En revanche, ceci n'est possible qu'avec un Parlement qui aime la Turquie et en fait un pays démocratique et multiculturel par dessus tout, une assemblée libérée des pressions et menaces des autorités militaires", a déclaré Birdal.
    Voici une évaluation de l'IHD sur la violation des droits de l'homme en août et septembre 1995:

Personnes détenues    2.037
Personnes arrêtées    328
Décès en détention ou sous la torture    18
Civils tués    55
Civils blessés    68
Plaintes de torture    39
Disparitions de personnes arrêtées    18
Villages évacués ou incendiés    45
Morts au cours d'affrontements    629
Nombre total de détenus politiques    8.789
Prisonniers d'opinion    174
Lieux bombardés    28
Associations et bureaux des médias perquisitionnés illégalement    20
Associations ou médias fermés    33
Journalistes arrêtés    45
Publications confisquées    26

LES MILITAIRES MENACENT LES PAYS ETRANGERS

    Les militaires turcs ont récemment annoncé leur hostilité vis-à-vis des défenseurs des droits de l'Homme, aussi bien en Turquie qu'à l'étranger, lors d'une cérémonie pour honorer les familles de cinq soldats tués pendant les opérations contre la guérilla kurde.
    Le commandant de la 15e corps-d'armée, le général Nahit Senogul, au cours de la cérémonie tenue le 28 octobre 1995, au Cercle militaire à Izmit, disait: "Nous sommes en colère. Notre colère est contre le PKK criminel ainsi que ses collaborateurs ici et à l'étranger. Ces collaborateurs se prétendent les défenseurs des droits de l'homme et de la démocratie. Certains pays étrangers n'hésitent même pas d'honorer les terroristes. Il s'agit d'une attitude à l'encontre de toutes les conventions universelles. Si nos ennemies continuent ainsi, la nation turque sera furieuse et les fera payer le prix de tout ce qu'ils ont fait. Il n'est pas une solution d'amener la question à des forums internationaux.Même s'ils amènent la question à des forums interplanétaires, nous ne nous en soucierons jamais. Même si nous resterons entièrement isolés, nous continuerons à notre mère-patrie, notre nation et notre drapeau jusqu'à la dernière goutte de notre sang."

PROLONGEMENT DE L'ETAT D'URGENCE

    Le 28 octobre 1994, sous l'influence du Conseil de sécurité nationale  (MGK), dominé par les militaires, le Parlement turc prolongeait de 4 mois l'état d'urgence dans le sud-est de la Turquie.
    Les parlementaires se sont prononcés -pour la 25e fois- à 215 voix contre 74 pour un prolongement de l'état d'urgence qui donne d'énormes pouvoirs aux autorités locales dans 10 provinces kurdes du Sud-est et de l'Est.
    Sous l'état d'urgence, le super-gouverneur de la région et les gouverneurs des 10 provinces ont un pouvoir équivalent à celui des autorités de la loi martiale. Toutes les violations des droits de l'homme, telles que les arrestations, les tortures, les interdictions, les déportations et les incendies de villages kurdes ont lieu sous la responsabilité de ces gouverneurs. En fait, ces gouverneurs obéissent aux directives des commandants militaires.
    Bien que le Parti républicain du peuple (CHP) lorsqu'il se trouvait dans l'opposition préconisait une levée de l'état d'urgence, depuis que le parti est arrivé au pouvoir en tant que membre de la coalition, la majorité des députés du CHP ont toujours voté en faveur d'un prolongement de ce régime anti-démocratique.

QUATRE DEPUTES KURDES RESTENT EN PRISON

    Le 26 octobre 1995, la cour de cassation révisait les peines de huit hommes politiques pro-kurdes, ratifiant les sentences de six d'entre eux et ordonnant la reprise du procès des deux autres.
    La cour a ratifié les sentences de Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak, tout condamnée à 15 ans de prison par la cour de la sûreté de l'Etat (DGM) en décembre dernier.
    La sentence de la CSE contre Ahmet Türk et Sedat Yurttas a été ratifiée mais la cour a ordonné leur mise en liberté car ils avaient purgé le minimum exigé de leurs peines. Toutefois, la cour d'appel a demandé qu'ils soient jugés à nouveau en vertu de la loi anti-terreur.
    La cour de cassation a également estimé que les amendes de 70 millions de TL imposées à Sirri Sakik et Mahmut Alniak, tous deux condamnés à trois ans et demi de prison, étaient trop légères.
    Les anciens députés Zana, Dogan, Dicle et Sadak étaient accusés, en vertu de la loi anti-terreur, d'appartenir à une organisation armée illégale mais après leur condamnation ils sont allés en appel.
    De vives réactions ont succédé la décision de la cour de cassation. En réponse aux questions qu'on lui posait après l'audience, Alniak a fait un parallèle entre ce verdict et celui prononcé contre Adnan Menderes, le premier ministre de la période de 1950-60) et ses collègues, pendus sur l'île de Yassiada. "Tout le monde connaît le cas de Deniz Gezmis et de ses amis en Turquie. Ils ont été injustement condamnés à mort", a précisé Alniak.
    Alniak a ajouté que le verdict portait atteinte au pouvoir des électeurs et équivalait à une sentence prononcée contre le public. Personne, pas même le premier ministre Tansu Ciller, l'ancien chef d'état-major Dogan Güres ou le président Süleyman Demirel, ne peut défendre la décision de la cour de cassation, a-t-il précisé.
    A ce propos, Sakik a précisé qu'il s'agissait d'une décision politique car l'ancien chef d'état-major Dogan Güres avait exprimé le désir qu'on juge les députés. Selon Sakik cette décision ne favorise pas la paix, pas plus que la société kurde ou turque.
    Les avocats des défendeurs ont déclaré qu'ils ne s'attendaient pas à une peine aussi sévère. Yusuf Alatas, l'un d'entre eux, a souligné qu'au départ il était optimiste car il avait confiance en la cour de cassation.
    Le lendemain, deux députés kurdes qui venaient de quitter la prison d'Ankara ont durement critique la cour de cassation qui venait de les libérer. Türk et Yurttas ont accusé la cour d'essayer de favoriser la Turquie dans sa candidature à une lucrative union douanière avec l'Union européenne.
    "La décision ne nous a pas du tout satisfaits", a déclaré l'ancien député de Mardin, Ahmet Türk, tandis que ses enfants et ses petits-enfants le serraient dans leurs bras. "Nous le disons aujourd'hui et nous le dirons demain, à qui profite cette situation où des représentants élus par le peuple sont expulsés du Parlement?" Ainsi s'exprimait Türk, d'aspect pâle et mince après 20 mois passés en prison, pour l'agence Reuters.

ARTICLE 8: MAINTIEN DU "DELIT D'OPINION"

    Le 27 octobre, le Parlement turc acceptait quelques changements "cosmétiques" à la loi anti-terreur, de sorte que les intellectuels, les artistes, les journalistes, les avocats et les hommes politiques risquent toujours des peines de prison et de lourdes amendes s'ils osent demander publiquement le respect des droits de plus de 10 millions de Kurdes.
    L'amendement qui maintient le "délit d'opinion", réduit la peine de prison maximale de 5 à 3 ans, admet la possibilité de commuer des peines de prison en amendes et exige aux procureurs qu'ils prouvent que les remarques des défendeurs étaient destinées à miner l'unité de l'Etat turc.
    Un article provisoire inclus dans le projet de loi permet aux tribunaux qui ont déjà condamné des inculpés pour avoir violé la loi anti-terreur de reprendre le procès et de commuer les peines en amendes ou de les annuler.
    Le amendements concernant l'article 8, considéré comme le principal obstacle à l'entrée de la Turquie dans l'union douanière, furent immédiatement mis dans l'agenda du Parlement et modifiés en conséquence.
    Le Parti de la juste voie (DYP) a donné le feu vert à l'amendement de cet article suite à une négociation sur la formation du nouveau gouvernement. Il n'est cependant pas d'accord sur les changements. Selon le DYP, même une petite modification de la loi revient à faire des concessions au terrorisme. Le parti a toutefois gardé le silence.
    Bien que le Parti républicain du peuple (CHP) était conscient que les modifications ne satisferaient pas leur propre base, il a dû approuver la nouvelle version de l'article en vue d'en bénéficier comme outil de propagande pour pouvoir accéder à l'union douanière.
    Le Parti de la Mère Patrie (ANAP) n'a jamais voulu une modification de cet article 8 qu'il a inventé. Pour ses membres les changements ont été une sorte d'amnistie.

De nombreux prisonniers d'opinion restent en prison

    Les juristes ont critiqué la nouvelle version de l'article 8 de la loi anti-terreur car pour eux il ne diffère pas beaucoup de l'ancien. Ils considèrent que les changements n'affecteront pas le statut de la plupart des personnes en prison. Seuls les condamnés pour un seul délit seront mis en liberté après avoir purgé une courte peine de prison.
    Actuellement, le nombre de personnes emprisonnées pour avoir violé cet article serait de 152. Mais le nombre de condamnés dont la sentence n'a pas été revue par la cour de cassation est de 2.600. Plus de 5.000 cas restent en suspens classés selon les accusations.
    L'opinion générale des juristes qui s'opposent aux modifications est que les condamnés qui devront rester en prison pendant des années ne bénéficieront de la loi sous aucune condition. Ismail Besikci, par exemple, a écopé d'une peine de prison définitive de 65 ans. Les peines prononcées contre lui supposent 200 ans de prison. Avec les modifications, les peines de prison définitives ne totaliseront plus que 35 ans et celles qui ne sont pas définitives s'élèvent à 100 ans. Isik Yurtcu, rédacteur du quotidien Özgür Gündem, risque de se retrouver dans la même situation.

LE PRESIDENT D'UN PARTI KURDE EMPRISONNE

    Le président du Parti pour la Démocratie et le Changement (DDP), Ibrahim Aksoy a été arrêté le 14 octobre 1995 à son arrivée d'Allemagne à l'aéroport d'Ankara.
    Aksoy avait été condamnée à une peine de prison de trois ans pour un discours qu'il avait donné lors d'une manifestation du HEP à Konya en 1991.
    Quand sa condamnation était ratifiée par la Cour de cassation, Aksoy se trouvait en Europe. Il purgera sa peine de prison dans la prison centrale d'Ankara.
    Une autre peine de prison de deux ans contre Aksoy se trouve actuellement à l'ordre du jour de la Cour de cassation.
    Le congrès national du DDP, réuni pendant que Aksoy était arrêté le 14 octobre, l'a désigné le président honoraire du parti.
    Comme d'autres partis politiques kurdes, le DDP est considéré par l'Etat comme une organisation séparatiste, et le procureur de la République a déjà ouvert une action judiciaire à la Cour constitutionnelle pour la fermeture du DDP.

LA BRUTALITE ET LES GREVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS

    Une opération brurale dans la prison de Buca à Izmir aboutissant à la mort de trois détenus et à la blessure de plus de 50 personnes le 21 septembre 1995, a provoqué une série de grèves de la faim dans toutes les prison du pays hébérgeant des prisonniers politiques.
    Le malaise dans les prisons a commencé quand il a été annoncé que certains prisonniers politiques dans la prison de Buca allaient être transférés à une autre prison à Aydin. Quand les prisonniers contestent cette décision, les gardiens et gendarmes sont intervenus brutalement. Au cours du confrontement, trois détenus politiques ont été tués par les forces de sécurité. D'ailleurs, y sont blessés 45 prisonniers and 15 gendarmes. D'autres personnes ont également été blessées quand les forces de sécurité attaquaient un groupe de membres de l'IHD, de juristes et de parents de prisonniers rassemblés devant la prison après l'incident.
     En protestation contre cette opération répressive, plus de 1.200 prisonniers politiques dans 23 prisons ont déclenché une grève de la faim. A la fin du mois d'octobre, la vie de plus de 50 prisonniers était en danger.
    D'après la presse, en septembre, il y avait 8.789 prisonniers politiques dans les prisons, dpnt 8,445 sont de gauche et seulement 344 de droite. Les prisons les plus peuplées étaient Diyarbakir (1.062), Bayrampasa-Istanbul (745), Buca-Izmir (493), Konya (424), Mardin (320), Bursa (306), Mus (288) et Batman (243).

LES FORCES TURQUES ONT PENETRE EN IRAK

    Des troupes turques ont pénétré, le 8 octobre dernier, dans le nord de l'Irak pour s'attaquer aux guérillas kurdes qui combattent le gouvernement d'Ankara.
    "Nous y sommes allés et nous leur avons mis un bon coup", déclarait à la presse Ünal Erkan, super-gouverneur des 10 provinces kurdes du Sud-est soumises à l'état d'urgence. D'après ses déclarations, 32 militants du PKK ont été tués dans les 24 heures qui ont suivi le 8 octobre.
    Cette année, à deux reprises la Turquie a envoyé des troupes dans le nord de l'Irak pour combattre les militants du PKK, qui ont fait de cette zone leur camp d'où ils lancent leurs attaques dans une guerre qui depuis 11 ans secoue le sud-est de la Turquie.
    Le PKK a également fait face aux mouvements kurdes dans le nord de l'Irak qui, sous la pression d'Ankara, tentent d'expulser les militants du PKK hors des territoires qu'ils contrôlent.
    Des sources kurdes irakiennes dans le sud-est de la Turquie affirment que les affrontements entre le Parti démocratique du Kurdistan (KDP) et le PKK, déclenchés en août, se poursuivent encore maintenant.
    L'Irak a émis une plainte officielle contre la Turquie pour avoir violé tout récemment sa frontière dans le nord.
    Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a déclaré que les troupes turques, soutenues par des hélicoptères, avaient pénétré d'environ cinq kilomètres dans le nord de l'Irak à la poursuite des militants du PKK, causant de lourdes pertes et dommages à la population kurde.
    "Le gouvernement irakien refuse catégoriquement les prétextes turcs pour justifier ses opérations militaires en territoire de l'Irak et les considère comme des violations de sa souveraineté, des principes de la loi internationale et de la charte et des principes de bon voisinage des NU", a fait savoir le ministère des Affaires étrangères irakien.
    D'autre part, le parlement turc, se soumettant aux directives du Conseil de sécurité nationale (MGK) prolongeait le 28 octobre dernier, le mandat des forces aériennes des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et de la France basées à Incirlik, dans le sud de la Turquie, et qui patrouillent dans une zone d'exclusion aérienne au nord du 36e parallèle pour protéger les Kurdes irakiens contre les forces de Saddam Hussein.
    Mais l'Opération "provide comfort", nom officiel de l'opération de protection aérienne, a été prolongée de trois mois au lieu des six habituels. Après des débats acharnés, 168 votes contre 111 décidaient le maintien des forces occidentales.
    Cette décision coïncide avec la visite du ministre irakien suppléant des affaires étrangères, Saad Abdel-Majid al-Faisal, qui a rencontré le ministre des Affaires étrangères Coskun Kirca. L'Irak veut que soit mis fin au mandat des forces aériennes alliées.
    Les opposants au prolongement du mandat des avions étrangers considèrent l'opération préjudiciable pour les intérêts de la Turquie, car d'après eux la protection militaire favorise la formation graduelle d'un Etat kurde indépendant dans le nord de l'Irak qui ne manquerait pas de provoquer des tendances séparatistes parmi la population kurde de la Turquie.
    Cependant, le PKK accuse souvent l'Opération "provide comfort" d'apporter des renseignements et un soutien logistique aux forces armées turques qui combattent la guérilla kurde dans le nord de l'Irak.

COOPERATION ENTRE ANKARA ET TEHERAN CONTRE LES KURDES

    Le 12 octobre dernier, la Turquie et l'Iran sont arrivés à un accord pour mener des opérations conjointes contre les "terroristes" aux frontières communes entre les deux pays.
    Les deux pays ont décidé d'autoriser deux hauts fonctionnaires à former un comité militaire et à conduire conjointement des opérations le long de la frontière.
    Précédemment, le 8 septembre 1995, la Turquie, l'Iran et la Syrie avaient fait savoir que le PKK, qui a récemment intensifié ses opérations dans le nord de l'Irak, ne devrait pas être autorisé à agir dans cette région.
    Les ministres des Affaires étrangères, Erdal Inönü, pour la Turquie, Ali Akbar Velayeti pour l'Iran et Farouk al-Shara pour la Syrie ont discuté récemment des événements dans le nord de l'Irak dans le cadre d'un mécanisme de consultation instauré par les trois pays au lendemain de la guerre du Golfe.
    Les trois puissances de la région, qui toutes comptent une importante population kurde, sont préoccupées par la possible création d'un Etat kurde et agissent conjointement pour l'empêcher. Les trois ministres ont une fois de plus insisté sur l'intention de leurs pays de préserver l'intégrité territoriale de l'Irak.
    La rencontre de Téhéran fut suivie de trois événements significatifs concernant l'Irak: les attaques du PKK contre le KDP; une rencontre en Irlande entre le KDP et un groupe rival kurde irakien, l'Union patriotique du Kurdistan (PUK), sous les auspices des Etats-Unis, destinée à mettre fin aux hostilités entre les factions kurdes rivales; et la fuite vers la Jordanie d'un haut fonctionnaire irakien.
    La Syrie et surtout l'Iran se sont intéressés de près à la rencontre en Irlande - à laquelle a également assisté un fonctionnaire turc - considérée comme faisant partie des efforts déployés par les Etats-Unis pour l'établissement d'une "entité kurde" dans le nord de l'Irak sans en informer Téhéran et Damas. Ceci a donné lieu à des tensions entre la Turquie et l'Iran.

CHIFFRES OFFICIELS DE LA GUERRE CONTRE LE PKK

    Des représentants du gouvernement turc rapportaient le 4 septembre 1995 que les forces de sécurité avaient mis hors d'état de nuire 13.487 séparatistes depuis que le PKK avait lancé son offensive en 1984, tuant plus de 10.020 et capturant 1.916.
    Ils ont également précisé que 1.328 "terroristes" s'étaient rendus aux forces de sécurité au cours de la même période. Pour encourager les défections, le gouvernement lançait un appel général aux séparatistes en juin dernier. Ceux qui se rendraient seraient pardonnés en vertu d'une loi spéciale de "repentir". Outre ces militants, un total de 60.000 partisans de l'organisation auraient été arrêtés au cours des 11 dernières années.
    Trois nouvelles cours ont été ouvertes à Diyarbakir, ville du sud-est de la Turquie, pour faire face à tous ces cas.
    Les forces gouvernementales ont également subi de lourdes pertes, mais c'est la population civile qui a souffert le plus.
    En réponse aux questions posées par les législateurs, le ministre de la Défense, Mehmet Gölhan, affirmait au cours d'une conférence de presse que 2.762 soldats et gardiens de village (kurdes armés par le gouvernement) ont été tués par les militants du PKK depuis 1984. Les fonctionnaires affirment qu'en juin dernier 4.727 civils ont été tués au cours des affrontements.
    La possibilité des guérillas de fuir facilement vers l'Iran, l'Irak et la Syrie complique la tâche des forces de sécurité. La Turquie a lancé à la fin du printemps et au début de l'été deux importantes opérations au-delà des ses frontières contre les camps du PKK et les sanctuaires dans le territoire contrôlé par les Kurdes dans le nord de l'Irak.
    Le 3 septembre, les forces armées turques lançaient à Tunceli une nouvelle opération contre le PKK. Plus de 10.000 soldats spécialement entraînés ont participé à une opération destinée à détruire les camps du PKK dans la région de Tunceli.

NOUVEAUX EMPRISONNEMENTS POUR BESIKCI

    Le sociologue Ismail Besikci a été condamné le 6 septembre dernier par la CSE d'Istanbul à trois ans et quatre mois de prison et à payer une amende de 666 millions de TL pour deux de ses livres, Les valeurs salies et La justice illégale. Le directeur de la maison d'Edition Yurt, Ünsal Öztürk, a également écopé de dix mois de prison et d'une amende pour avoir publié ces livres.
    Besikci et Öztürk auraient été insultés et battus le 15 octobre dernier alors qu'ils étaient emmenés de la prison au tribunal pour un autre procès.
    Besikci était une nouvelle fois condamné par la CSE d'Istanbul le 18 octobre dernier à deux ans de prison et à payer une amende de 291 millions de TL pour deux articles publiés par le quotidien disparu Özgür Gündem en 1993.
    Le même jour, dans un autre procès, la CSE imposait à Besikci deux ans de prison et une amende de 100 millions de TL pour le prologue qu'il avait écrit pour le livre d'Edip Polat Le Kurdistan en langage scientifique. L'éditeur du livre, Vedat Yeniceri, était condamné par la même cour à six mois de prison et à payer 50 millions de TL d'amende.
    A cette date, Besikci a été condamné à 70 ans de prison et 27 de ses 31 livres sont interdits. 41 ans de prison et une amende totale de 3 milliards 576 millions de TL ont déjà été ratifiés par la cour de cassation. Besikci purge actuellement sa peine à la prison centrale d'Ankara. Etant donné que Besikci n'a pas les moyens financiers de payer ses amendes, il écopera d'une peine de prison additionnelle. Le total pourrait se chiffrer en des centaines d'années.
    Le 27 septembre dernier, l'Union des auteurs norvégiens avait décerné à Besikci le prix de la liberté d'expression 1995 Cet organisme a fait savoir que Besikci n'avait pu se déplacer à Stavanger (Norvège) pour recevoir le prix et y donner une conférence sur la liberté d'expression.
    Le prix, 100.000 couronnes norvégiennes et une collection de 21 oeuvres d'art, fut recueilli par le président de l'IHD, Akin Birdal.

LE JOURNALISTE AHMET ALTAN CONDAMNE A 20 MOIS DE PRISON

    Un grand journaliste turc, Ahmet Altan, a écopé d'une peine de prison de 20 mois le 18 octobre dernier, pour une satire sur le problème kurde.
    La cour de la sûreté de l'Etat avait suspendu la sentence contre le journaliste Ahmet Altan pendant cinq ans "pensant qu'il ne récidiverait pas en raison de sa place dans la société".
    La satire d'Altan, publiée dans le journal Milliyet, était intitulée "Atakürd" (Père des Kurdes) et imaginait que la Turquie serait telle qu'elle est aujourd'hui si le fondateur du pays Kemal Atatürk avait été kurde.
    Altan a quitté Milliyet suite à une dispute autour de l'article et écrit maintenant pour un autre journal.
    Son avocat a nié, en vertu de l'article 312 du code pénal, que son client ait provoqué l"'inimitié et la haine en incitant au racisme et au régionalisme".
    L'article 312 fait partie des lois que la Turquie utilise pour emprisonner les journalistes et autres individus qui osent critiquer le traitement infligé par le gouvernement au mouvement national kurde.

NOUVELLES CONDAMNATIONS DE L'EDITRICE ZARAKOLU

    Au cours des deux derniers mois, la directrice de la maison d'édition Belge, Mme Ayse Zarakolu, avait été condamnée à de nouvelles peines de prison et certaines de ses anciennes condamnations ont été ratifiées par la cour de cassation.
    Zarakolu a déjà passé trois mois et vingt-deux jours en prison pour une autre publication. Elle devrait retourner en prison dans les prochaines semaines.
    Le 28 septembre, elle était condamnée par la CSE d'Istanbul à cinq mois de prison et à payer une amende de 42 millions de TL pour la publication du livre de Faysal Dagli Birakuji: Bataille entre frères.
    Ce même jour la cour de cassation ratifiait une peine de prison de 6 mois et une amende de 60 millions de TL contre Zarakolu pour le livre de Yasar Kaya Les articles de Gündem.
    Le lendemain, la cour de cassation ratifiait une autre condamnation contre Zarakolu, six mois de prison et une amende de 50 millions de TL, pour le livre du journaliste Hasan Bildirici Bekaa.
    Le 3 octobre, elle était condamnée une nouvelle fois par la CSE d'Istanbul à 6 mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour le livre de Rahmi Batur The Zargos.
    Une autre sentence de deux ans de prison et 250 millions de TL d'amende pour le livre d'Yves Ternon Le Tabou arménien était renvoyée à la CSE d'Istanbul  par la cour de cassation le 18 octobre dernier. Zarakolu sera rejugée par la CSE et risque toujours une autre condemnation..
    Quatre autres procès contre Zarakolu sont actuellement en cours à la CSE.
    Récemment, le procureur de la CSE d'Istanbul inculpait Zarakolu pour avoir publié un livre de Lénine, Les mouvements de libération nationale à l'Est.
    Ce livre avait été publié en Turquie il y a 25 ans avec un avant-propos de la maison d'édition Ant. Zarakolu a republié le livre sans changer l'avant-propos. Bien qu'on n'y fasse aucune allusion au mouvement kurde, le procureur affirme que le livre était publié dans l'intention de faire de la propagande contre l'unité indivisible de la Turquie.

UNE JOURNALISTE DE REUTER RISQUE LA PRISON

    Une cour de la sûreté de l'Etat d'Istanbul a commencé à juger le 12 octobre dernier une correspondante américaine de l'agence de presse Reuters parce qu'elle aurait suscité la "haine raciale" au travers d'un article sur les évacuations forcées de villages kurdes paru dans un journal kurde d'Istanbul.
    Aliza Marcus, une américaine de 33 ans qui parle le turc et était à Istanbul depuis New York en avril 1994. L'accusation, qui implique une peine maximale de trois ans de prison, concerne une histoire remontant au 25 novembre 1994, à propos de l'évacuation forcée de villages kurdes dans le cadre d'une longue bataille militaire contre les séparatistes kurdes.
    Walter Cronkite, président du Comité pour la protection des journalistes, a rencontré récemment le premier ministre Tansu Ciller afin de dénoncer les accusations versées contre la correspondante Aliza Marcus, qu'il a décrite comme la "première victime Américaine de la déplorable campagne de censure et d'intimidation du gouvernement turc à l'encontre des journalistes qui couvrent le mouvement séparatiste kurde".
    L'Association de presse anglo-américaine de Paris a également exigé à la Turquie qu'elle abandonne son dessein de poursuivre Marcus. Le groupe a demandé au premier ministre turc, Tansu Ciller, d'intervenir personnellement et avec la plus grande détermination dans cette affaire, et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire lever le plus tôt possible les charges qui pèsent sur Marcus.

VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN 1994

    La Fondation des Droits de l'homme de Turquie (TIHV) a publié récemment un rapport détaillé sur le bilan des droits de l'homme en Turquie pendant l'année 1994.
    La version anglaise du Rapport sur les droits de l'homme-1994 est disponible à l'adresse suivante: TIHV - Menekse 2 Sokak 16/6-7 Kizilay, 06440 Ankara/Turquie, Tél: (90-312) 417 71 80, Fax: (90-312) 424 45 52.
    Voici une résumé du rapport:
    En 1994 la Turquie est restée dans la zone rouge en ce qui concerne les droits de l'homme. Les droits de l'homme et les libertés, y compris le droit fondamental à la vie, ont été constamment violés au cours de cette année. Les exécutions extra-judiciaires et les meurtres par des inconnus ont continué avec intensité. La torture a été infligée systématiquement dans les postes de police et particulièrement dans les centres où sont détenus les prisonniers politiques. Les plaintes de torture n'ont pas été écoutées. Le problème kurde n'a pas été résolu et a même gagné en complexité. Au lieu de chercher une solution pacifique et politique au problème kurde, le gouvernement a préféré intensifier les mesures militaires appliquées depuis des années.
    Les affrontements dans la région soumise à l'état d'urgence se sont intensifiés. Les attentats du PKK contre des civils désarmés et sans défense, les véhicules de transport de personnes et les installations destinées aux touristes se sont poursuivis à un rythme accéléré. La dimension de la violence a augmenté par rapport aux années précédentes. Un total de 4.041 personnes ont perdu la vie suite à des affrontements, des exécutions extra-judiciaires, des tortures, des attentats et des meurtres perpétrés par des inconnus (le nombre de personnes assassinées était de 2.933 en 1992, et de 3.492 en 1993).
    Des livres, des journaux et des quotidiens ont été confisqués et détruits. Des personnes qui ont écrit et se sont exprimées ont été réduites au silence et jetées en prison. Des attentats contre des installations de presse et des journalistes ont continué. Le public n'avait qu'une source d'information et les faits ont fait l'objet de distorsions. Les pressions et les attaques contre les partis politiques, les syndicats et les organisations démocratiques n'ont cessé de s'intensifier. L'activité de ces organisations a été entravée et empêchée. Leurs membres et leaders ont subi des détentions et arrestations fréquentes.
    Bon nombre de manifestations, meetings et concerts n'ont pas été autorisés. Des manifestants ont été battus et même abattus par des représentants de l'ordre. Le DEP a été fermé, les immunités de députés ont été levées, des parlementaires ont été arrêtés et condamnés. Les attentats contre les administrateurs de partis politiques n'ont pu être empêchés. Les espérances professionnelles ont été frustrées. Les amendements aux lois concernant les droits des travailleurs et les droits syndicaux, promulguées par le régime issu du coup d'Etat du 12 septembre, n'ont pas été programmés. Les licenciements se sont poursuivis de manière intensive. Les syndicats des fonctionnaires ne jouissent pas d'un statut légal.
    La Turquie a également vécu des jours agités en marge des droits de l'homme en 1994. Elle a vécu d'importants développements et souffert des revers économiques. Elle a vécu des jours pénibles en politique étrangère. La plupart des droits et des libertés revendiqués dans les documents internationaux sur les droits de l'homme ont été qualifiés de "luxueux". Pendant cette année au lieu de protéger les droits de l'homme on a protégé ceux qui les violaient.
    Les défenseurs des droits de l'homme sont devenus des cibles et ont été accusés d'être le prolongement, le soutien et les membres d'organisations armées. Le nombre de personnes mortes, torturées et de journalistes condamnés s'est multiplié par rapport à l'année précédente. Même les quelques mesures positives adoptées au cours des années précédentes ont été mises en suspens. La durée du service militaire, par exemple, a été prolongé, et des études ont été menées en vue de prolonger l'âge de la retraite. La coalition gouvernementale DYP-SHP n'a pas fait de pas important en vue de protéger les droits de l'homme et de les mettre en pratique. Cette coalition, qui a fait des promesses de "démocratisation" et de respect des droits de l'homme, ne les a pas tenues, mais a plutôt fait preuve d'une conduite contradictoire.
    Le sombre panorama décrit ci-dessus s'est produit alors que la coalition DYP-SHP était au pouvoir et s'était engagée à renforcer le respect des droits de l'homme et à démocratiser le pays.
    Le "paquet de mesures de démocratisation" révélé par le premier ministre Tansu Ciller et le vice-premier ministre Murat Karayalcin le 18 mai comprenait une liste de 62 articles à modifier dans la Constitution et les lois. Mais cette réforme n'a jamais été sérieusement entreprise sauf en ce qui concerne l'autorisation de récupérer leur poste aux personnes licenciées suite à des enquêtes de sécurité et la ratification de la Convention sur les droits des enfants.
    En raison des violations des droits de l'homme, la Turquie s'est fréquemment vu condamner dans les forums internationaux en 1994, notamment dans les rapports de nombreuses organisations des droits de l'homme, dont Amnesty International et Helsinki Watch. Les critiques ont été particulièrement sévères en ce qui concerne le problème kurde, les cas de torture, les exécutions extra-judiciaires et la privation de liberté de pensée. Les critiques se sont accrues avec l'arrestation du leader du Parti pro-kurde de la Démocratie (DEP), la fermeture du parti et la condamnation des députés. Le problème des violations des droits de l'homme a fréquemment été soulevé pendant les négociations avec l'UE en vue d'établir une union douanière, créant de nombreux problèmes à Ankara. Le Parlement européen a demandé la suspension des négociations pour l'union douanière et la remise de la réunion du Conseil d'association prévu pour le 19 décembre. En 1994 la Turquie s'est également vue confrontée avec les plaintes de personnes devant la Commission européenne des droits de l'homme. Un haut fonctionnaire du ministère de la Justice annonçait en juillet que 300 cas avaient été enregistrés à la Commission européenne des droits de l'homme contre la Turquie. Celle-ci risque de devoir payer d'importantes sommes compensatoires.

Le Problème Kurde

En 1994, le problème essentiel du pays restait la question kurde. Celle-ci a gagné en complexité car les gouvernements ont continué de favoriser la solution militaire au détriment des moyens pacifiques et démocratiques. Le Conseil de sécurité nationale et l'état-major se sont vu confier la solution du problème. Les appels à la modération et aux solutions pacifiques n'ont pu s'imposer à ceux qui demandent une politique intransigeante. Les dissidents ont été lourdement pénalisés. Des journalistes et écrivains ont été arrêtés et condamnés, des partis politiques ont été fermés, les pressions sur les organisations démocratiques et les défenseurs des droits de l'homme se sont intensifiées. Les députés dont les immunités ont été levées ont été arrêtés, détenus, poursuivis et condamnés. Les événements qui se produisent dans la région soumise à l'état d'urgence (sud-est de la Turquie) ont été cachés au public ou ont subi des distorsions.
    L'état d'urgence, en vigueur depuis 1987 et le système des gardiens de village ont non seulement été maintenus, mais renforcés malgré les promesses de la coalition du gouvernement.
    Au cours des opérations menées contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), des attaques terrestres et aériennes de grande envergure ont été menées contre les rebelles en Turquie et au-delà des frontières. Au cours de la campagne, des centaines de villages ont été évacués et brûlés. Des villes et des districts ont été endommagés. Des milliers de personnes ont abandonné des endroits où ils vivaient depuis des années et ont émigré vers d'autres lieux parfois même à l'étranger. Le PKK a intensifié ses attaques, contre les civils, des groupes sans défense et les touristes. Ces attaques ont surtout eu lieu dans les grandes villes comme Istanbul, Izmir et Adana. Des bus, des centres commerciaux, des restaurants et des hôtels ont subi des attentats. Les incendies de forêts se sont intensifiés. Les affrontements et les victimes ont augmenté la polarisation, favorisée également par les médias.
    Le problème kurde a également posé de graves dommages àl'économie turque. En raison de la violence, la charge financière qui pèse sur la Turquie s'est alourdie et se chiffre en billions de TL. Ce sont surtout les travailleurs, les fonctionnaires et la population avec un revenu bas qui ont payé l'addition.
    A cause de la lutte continuelle entre les dirigeants qui insistent sur une solution militaire, et le PKK, qui poursuit ses attentats, le problème kurde s'est retrouvé dans une spirale de violence, de pressions et d'assassinats et est devenu quasiment insoluble. En 1994, un total de 137 militants ou de personnes armées sont mortes au cours des affrontements et des attentats, y compris les raids contre les centres militaires et les unités dans la région en état d'urgence. Le nombre total de fonctionnaires de la sécurité ou de personnes morts au cours des affrontements, accidentellement ou intentionnellement, s'élève à 1077. Au cours de cette année, des événements similaires à ceux qui se sont produits à Sirnak en 1992, et à Lice en 1993, se sont multipliés dans plusieurs villes de la région soumise à l'état d'urgence. Par ailleurs, les évacuations de villages et hameaux et leur destruction par le feu n'ont cessé de s'intensifier. Des agglomérations ont été détruites au cours des opérations ou simplement par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu au hasard ou sous prétexte de déloger des tireurs embusqués du PKK. Ceci a causé 51 morts en 1994, 41 en 1992 et 43 en 1993. Au cours de l'année 1994, plus de 1000 villages et hameaux ont été évacués. Les évacuations visaient des agglomérations abritant des personnes ayant refusé de servir en tant que gardiens de village.
    Les évacuations de village et les destructions par le feu, qui ont causé de nombreux problèmes sociaux, ont également endommagé l'économie, aussi bien de la région que de la Turquie. Dans une étude menée par l'Association des agriculteurs de Turquie (TZD), on précise que les pertes économiques causées par les évacuations de villages et les incendies de forêts étaient de quelque 13 billions de lires. Entre deux et trois millions de personnes ont dû quitter les maisons où ils vivaient depuis des années. Suite au processus de migration, la population de Mersin, qui était de 422.000 personnes lors du recensement de 1990, a atteint le million, celle de Tarsus, qui était de 17.000, a atteint les 350.000, celle d'Adana, est passée de 927.000 à deux millions et celle de Diyarbakir de 600.000 à un million. Les migrations ne se sont pas limitées à la Turquie. Des milliers de personnes obligées de quitter leurs maisons se sont dirigées vers le nord de l'Irak dans les premiers mois de  1994. Leur nombre était de 20.000 fin 1994.
    Après un long effort, les immigrants ont été installés dans des camps sous contrôle des Nations unies. La plupart des personnes se sont vu accorder le statut de réfugiés politiques. Les attentats et autres formes de violence dirigées contre les civils et personnes sans défense n'ont pas cessé en 1994. Des villages et hameaux qui soutenaient l'Etat, les maisons et les familles des gardiens de village, les agglomérations qui abritaient des personnes qui refusaient de devenir des gardiens de village, les régions touristiques, les centres urbains, les bus, les lieux bondés, les cinémas et les restaurants ont été la cible des attaques, surtout à Adana et Istanbul. Au cours de 134 attaques (*) perpétrées partout en Turquie, 197 personnes, dont 37 enfants, sont mortes. En 1992, le nombre était de 189 et 406 en 1993. Ces attentats ont soulevé la colère de la population et ont servi de prétexte à l'adoption de mesures anti-démocratiques. Les activistes des droits de l'homme ont fait l'objet d'accusations sans fondement. Les déclarations du PKK et de son leader, Abdullah Öcalan, justifiant les attentats contre les centres urbains et les lieux touristiques ont soulevé un sentiment de rejet vis-à-vis des Kurdes dans l'ouest de la Turquie. Les Attentats et les assassinats prenant pour cible les fonctionnaires publics, les soldats, les travailleurs d'entreprises publiques, les membres de partis politiques, les gardiens de village repentis et les "agents de police" suspects n'ont pas cessé. La plupart de ces attentats ont été perpétrés par des militants du PKK (193) dans la région soumise à l'état d'urgence. Les attentats qui se sont produits hors de cette région ont beaucoup diminué par rapport à 1992 et 1993.
    Les attentats et affrontements qui se produisent depuis des années dans le sud-est et l'est de la Turquie ont également des effets négatifs sur l'éducation et la formation dans la région. Les écoles ont été fermées et le nombre d'enseignants travaillant dans cette partie de la Turquie a fortement diminué.
    Un total de 1.157 écoles primaires et secondaires ont été fermées pour des raisons diverses en 1992 et 1993. Le nombre de centres fermés en 1994 a fortement augmenté. Dans un communiqué publié en octobre, le ministre de l'Education nationale, Nevzat Ayaz, a précisé que les écoles étaient fermées principalement pour des raisons de sécurité et il a ajouté, "Nos gouverneurs n'ouvriront pas des écoles qui ne jouissent pas d'une sécurité suffisante". Dans un autre communiqué publié en décembre, Nevzat Ayaz précisait que le nombre d'écoles fermées dans la région en état d'urgence s'élevait à 2.000 (*). Trente-trois enseignants ont été assassinés et pas moins de dix ont été blessés.
    Les attentats des militants du PKK contre les enseignants se sont également poursuivis en 1994 tout comme dans les années précédentes. Vingt-deux des professeurs ont été tués par le PKK. Mais les attentats contre les professeurs par les militants de cette organisation ont cessé depuis le début de 1995.

Meurtres Restes Sans Solution

    Les meurtres par des assaillants inconnus ont continué à une grande cadence en 1994, particulièrement dans la région en état d'urgence. Un total de 423 personnes de toutes les sphères de la société ont été victimes de ce qu'on qualifie déjà de meurtres sans solution, particulièrement fréquents à Diyarbakir, Batman, Nusaybin, Silvan et Midyat. Les commerçants qui ont fermé leurs magasins à l'appel du PKK, les Assyriens chrétiens vivant dans la région en état d'urgence, les défenseurs des droits de l'homme ou des personnes fréquemment détenues ou arrêtées en raison de leurs relations avec le PKK et relâchées par manque de preuves concrètes, les personnes dont des membres de la famille ont rejoint le PKK, les hommes d'affaires kurdes, et des Kurdes connus ont été assassinés les uns après les autres. Parmi ces victimes figurent des personnes qui ont été témoins ou prétendent l'avoir été d'autres meurtres commis par des inconnus. L'apathie publique et officielle s'est maintenue à l'égard de ces meurtres restés sans solution tandis que les autorités se limitent à dire que le PKK ou le Hezbollah sont derrière ces assassinats.
    Un total de 1.294 meurtres ont été commis par des assaillants inconnus entre le début de 1989 et la fin de 1994, selon les rapports de la Fondation des droits de l'homme.

Exécutions extra-judiciaires

    Les exécutions extra-judiciaires se sont accrues en 1994, coûtant la vie à 129 personnes au cours de descentes de police dans des maisons ou des magasins, abattant des personnes qui n'obéissent pas à leurs injonctions, ou simplement tirant au hasard, exécutant des personnes capturées vivantes, ou simplement au cours de raids aériens avec des avions ou des hélicoptères. De nombreuses personnes tuées ont été présentées au public comme des "membres d'organisations illégales et séparatistes" qui ont fait face aux forces de sécurité ou des "délinquants qui tentaient d'échapper aux forces de sécurité". Les exécutions extrajudiciaires ont eu lieu surtout à Istanbul, Adana et dans la région en état d'urgence. Dans cette région, un total de 131 personnes ont perdu la vie en marchant sur des mines posées sur les routes et les terrains ou en manipulant des obus ou des bombes.

Peine capitale

    Aucune peine de mort n'a été exécutée en Turquie en 1994. Le débat a été soulevé sur la "suppression de la peine capitale" et l'"application des peines de mort déjà prononcées". Parfois, les demandes d'exécution immédiate des peines de mort, notamment celles correspondant à des cas politiques, ont gagné en publicité mais n'ont jamais donné lieu à des campagnes comme celles de 1993. La peine capitale fut demandée pour quelque 400 personnes dans les différents procès qui ont eu lieu pendant l'année.

Torture

    La torture, appliquée systématiquement pendant des années comme méthode d'interrogation, a continué de s'étendre en 1994. Le nombre de décès en détention, de personnes disparues après avoir été arrêtées, ou qui souffrent d'un handicap suite aux tortures, et le nombre de cas de torture et de viols en détention a augmenté considérablement par rapport l'année précédente. Malgré les déclarations officielles et les explications, les tortures n'ont pu être évitées et on n'a apprécié aucun effort pour diminuer le nombre de cas. Les tortionnaires ont été protégés, encouragés et même récompensés. Les enquêtes sur les cas de torture ont été insignifiantes. La manière de remettre les procès et les sentences dérisoires ont joué un rôle significatif dans l'augmentation des cas de torture.
    L'approche des autorités à l'égard des cas de torture ne l'a pas empêchée mais au contraire l'a encouragée. Dans la plupart des cas les accusations de torture ont été niées.
    Lorsque les cas étaient irréfutables, les fonctionnaires ont admis l'existence de cas isolés mais ont nié que la torture soit une pratique courante. Le nombre de tortionnaires condamnés n'a toutefois pas dépassé vingt ou trente. Le 12 décembre, le Directeur général de la police, Mehmet Agar, a souligné que la controverse sur la torture a été soulevée par des cercles qui veulent entraver le succès de la police dans la lutte contre le terrorisme. Mehmet Agar a affirmé que ceux qui protègent et soutiennent les droits de l'homme sont en réalité les agents de police.
    Les amendements au Code des procédures criminelles, appelé récemment CMUK, ont occupé le public en 1992 et 1993 et ont été remis dans l'agenda de 1994.
    Le CMUK, qui n'est d'aucune utilité dans la lutte contre la torture, n'est qu'un "indicateur du respect des droits de l'homme" auquel recourent les autorités lorsqu'elles sont soumises à une grande pression. De nombreux exemples relevés au cours de l'année montrent une fois de plus que le CMUK, qui entra en vigueur le 1er décembre 1992, n'a pas empêché la torture, n'a apporté aucun changement significatif au système judiciaire et n'est qu'une tentative de tromper l'opinion publique (surtout àl'étranger). Les incidents vécus en 1994 confirment les critiques versées contre le CMUK et son échec.
    L'échec du CMUK ne se limite pas aux cas politiques sous la juridiction des CSE et à la région en état d'urgence. Les amendements apportés au CMUK sont pour la plupart ignorés dans les enquêtes judiciaires ordinaires. Les clauses en faveur du défendeur, particulièrement celles qui autorisent les avocats à être présents pendant les interrogatoires, ont été violées par les agents de sécurité. Les avocats inscrits à l'Association du barreau d'Istanbul ont révélé 12 cas de torture dans les enquêtes judiciaires en août, et ont déposé des plaintes officielles auprès du bureau des poursuites. Des clauses spéciales prévues pour les enquêtes sur les jeunes de moins de 18 ans (par exemple, interrogatoires en présence d'un avocat, information aux familles indépendamment de leurs demandes) n'ont pas été observées. Même les avocats qui ont insisté sur l'application des clauses du CMUK se sont exposés à la violence et aux insultes des agents de sécurité.
    Malgré toutes ces déficiences et échecs dans le prévention de la torture, le CMUK s'est attiré les foudres des forces de sécurité et de certains cercles.
    Une nouvelle fois, les cas de tortures et les plaintes n'ont pas fait l'objet d'une enquête sérieuse en 1994. Celles-ci ont gardé un caractère dérisoire. La plupart des plaintes ont été classées, et dans les cas où une enquête était ouverte les raisons pour ne pas poursuive les accusés étaient sans fondement. Ouvrir des procès aux tortionnaires demandait un grand effort. Dans les procès ouverts, les tortionnaires ont été acquittés ou ont écopé de peines dérisoires. Les agents de l'ordre condamnés ont bénéficié de clauses de prescription ont n'ont pas été mis prison étant donné que les procès duraient trop longtemps. Cette situation a joué en faveur d'une augmentation des cas de torture et a encouragé les tortionnaires. En 1994, un total de 34 personnes sont mortes dans les lieux de détention (32) ou dans les prisons (2) sous les effets de la torture ou dans des circonstances suspectes. Vingt-sept des décès se sont produits dans la région soumise à l'état d'urgence, 3 à Istanbul et les autres à Dogubeyazit (Agri), Bünyan (Kayseri), Adana et Adapazari. Le nombre de personnes mortes en détention et dans les prisons a augmenté en 1994 en comparaison avec les années précédentes (Selon les relevés du TIHV, un total de 9 personnes sont mortes en détention ou en prison en 1990, 19 en 1991, 17 en 1992, et 29 en 1993).
    Outre les morts suite aux tortures subies en prison ou en détention, les disparitions ont continué en 1994. Pendant cette année, 49 personnes dont des témoins oculaires ou des preuves sérieuses ont démontré leur arrestation par les forces de sécurité, ont disparu.
    La Fondation des droits de l'homme de Turquie a établi que 1.128 personnes, dont 261 femmes et 24 enfants, avaient été torturées dans des centres de détention ou en prison. Parmi elles, 46 ont prouvé qu'elles avaient été torturées grâce à des rapports médicaux. 36 des femmes torturées ont déclaré qu'elles avaient été violées ou avaient subi des abus sexuels pendant leur détention.  Au cours de l'année, un total de 252 personnes se plaignant d'avoir été torturées ont été soignées dans les centres du TIHV, 93 à Ankara, 6 à Istanbul et 83 à Izmir. (Ces chiffres ne comprennent pas les 220 personnes relâchées récemment des prisons ou celles qui se sont adressées au TIHV en 1994 même si elles avaient été torturées précédemment).
    Les problèmes et les oppressions ont continué dans les prisons. Les matraquages, les mauvais traitements, les abus et les punitions étaient monnaie courante. Les autorités ont refusé les droits obtenus par les détenus suite à des grèves de la faim.
    Ces grèves de la faim ont détérioré la santé des prisonniers et causé des maladies permanentes.
    Les arrestations politiques ou les détentions ont augmenté considérablement par rapport à l'année précédente. Alors qu'en 1993 on en dénombrait 4.389, pour la première moitié de 1994 on en comptait 6.379. Parmi ces derniers cas, 6.152  étaient de gauche ou étaient accusés de séparatisme. Seuls 12 étaient de droite ou des radicaux musulmans.
    Le nombre de personnes arrêtées et condamnées pour des raisons politiques a dépassé les 8.000 à la fin de 1994 et ce nombre dépassait 10.000 lors de la première moitié de 1995. On n'en dénombrait que 90 lorsque la coalition entre le Parti de la vraie voie (DYP) et le (maintenant disparu) Parti social démocrate du peuple (SHP) est arrivée au pouvoir en novembre 1991. Le nombre total de ceux arrêtés ou condamnés était de 32.088 en novembre 1993 et atteignait les 40.93 en septembre 1994.

Liberté de pensée et d'opinion

    1994 n'a pas été une bonne année pour la liberté de la presse, de pensée et de conscience.
    Un certain nombre de lois, notamment la loi anti-terrorisme ont été déterminantes pour la restriction de ces libertés.
    Les attentats par des inconnus contre les distributeurs de journaux ont continué.
    Les attaques idéologiques constituent une autre dimension importante des attaques contre la presse et les journalistes. Des journaux et périodiques "ennemis", ainsi que des journalistes "ennemis" ont été créés, comme au cours des années précédentes. En particulier, les publications adoptant des approches contraires à l'idéologie et au discours officiels sur des sujets considérés tabous tels que le problème kurde, le service militaire obligatoire, l'armée et la religion, et celles qui expriment des opinions sur ces sujets, ont été victimes de violents attentats. On ne tolère pas différentes approches concernant un thème considéré tabou. Des journalistes et des écrivains célèbres, des administrateurs de l'IHD et du TIHV, des députés, des syndicalistes, des leaders d'organisations démocratiques ont été jugés, condamnés et emprisonnés en raison de leurs discours ou de leurs écrits.
    Parmi les procès célébrés dans les cours de la sûreté de l'Etat, ceux concernant la liberté de pensée et de presse occupent une place prépondérante. Selon les statistiques du ministère de la Justice publiées le 25 novembre, 6.091 des cas jugés dans ces cours l'ont été en vertu de l'article 6 (239 cas) et 8 (1.190 cas) de la "loi pour combattre le terrorisme", un des grands obstacles à la liberté de la presse et de pensée. Le nombre de personnes poursuivies en vertu de l'article 6 de cette loi était de 388 et de 4.234 en vertu de l'article 8.
    La coalition gouvernementale n'a pas honoré sa promesse d'éliminer les obstacles à la liberté de la presse et de modifier la loi anti-terrorisme.
    Les meurtres de journalistes ont continué. Les journalistes Erol Akgün et Ersin Yildiz ont été assassinés. Pendant ce temps des attentats terroristes contre des civils visaient 2 journalistes (Rubican Tul et Onat Kutlar), ces derniers ont perdu la vie. Un journaliste qui avait été enlevé par des inconnus est porté disparu. Des attentats à la bombe contre des marchands de journaux dans la région en état d'urgence ont continué bien qu'avec moins d'intensité. Un marchand de journaux a été tué et quatre autres blessés.
    Aucun effort sérieux n'a été fait en 1994 pour retrouver les assassins des 22 journalistes tués au cours des dernières années.
    En 1994, les institutions et les organisations de presse, les journalistes et les écrivains ont souvent été victimes d'attentats. La plupart étaient perpétrés par la police. Selon les chiffres élaborés par le TIHV, un total de 76 journalistes ont été insultés ou battus dans 34 incidents différents.
    Le nombre de personnes emprisonnées pour avoir exprimé leur pensée a fortement augmenté en 1994. Ceux qui ont été emprisonnés en raison de livres ou d'articles qu'ils avaient écrits, de discours qu'ils avaient prononcés ou de leurs activités politiques ont dépassé la centaine au cours de l'année. Le nombre de personnes jetées en prison à cause de leurs opinions est de 172.
    Des 172 défendeurs pour des délits de conscience, 97, dont six députés et quatre leaders de partis, étaient encore en prison le 1er janvier 1995. La plupart de ces personnes sont des journalistes et des écrivains.
    La somme des peines de prison imposées aux journalistes et écrivains atteint 448 ans, 6 mois et 25 jours, tandis que le total des amendes s'élève à 71.614.935.000 (environ 2.400.000 $). Malgré les promesses officielles de mettre fin à ces pratiques, les confiscations de journaux, périodiques et livres n'ont pas diminué. Un total de 961 journaux et périodiques et 37 livres ont été confisqués pendant l'année, la plupart parce qu'ils violaient les articles 6 et 8 de la loi anti-terreur, ou les articles 155 et 312 du code pénal.

Liberté d'organisation

    L'année 1994 n'était pas très différente des années précédentes en ce qui concerne la liberté d'organisation, la revendication des droits, le droit d'organiser des meetings ou des manifestations et les droits syndicaux. Les organisations démocratiques et certaines organisations de partis politiques ont continué à faire face aux poursuites et aux attentats. Les articles de la constitution et les lois anti-démocratiques qui datent du coup d'Etat militaire de 1980-83 restent en vigueur. Des organisations et des partis fondés et fonctionnant légalement ont été dissous, leurs leaders et certains membres du Parlement ont été arrêtés, jugés et condamnés. Les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants et de nombreuses manifestations ont été dissoutes par la force. Les attentats contre les bâtiments des organisations démocratiques et des partis politiques et les meurtres de leurs leaders n'ont pas cessé.
    Les membres de l'Association des droits de l'homme (IHD) et les défenseurs des droits de l'homme ont également dû faire fréquemment face aux persécutions et aux attentats en 1994.
    En 1994, de nombreuses organisations ont été victimes d'attentats et poursuites similaires à ceux imposés au IHD. Des activités planifiées ont été interdites ou empêchées de force par les forces de sécurité. Des coups de feu ont été tirés contre les manifestants, faisant des morts et des blessés. Des leaders et des membres d'organisations démocratiques ont été attaqués, détenus, arrêtés et poursuivis.

Partis politiques

    L'année 1994 a également été mauvaise pour les partis et les activités politiques. La pression exercée sur les partis et les groupes d'opposition a continué. Les faits les plus marquants survenus en 1994 en ce qui concerne les activités politiques ont été de manière chronologique, la levée de l'immunité parlementaire de huit députés et la détention et harcèlement de certains d'entre eux, l'arrestation de six députés, la fermeture du DEP, la perte de leur siège de 13 députés et la condamnation de huit députés à différentes peines de prison et amendes.
    Les pressions sur les partis politiques ne se sont pas limitées à la fermeture du DEP et aux mesures prises contre ses députés. Le Parti des travailleurs (IP), le Parti des verts (YP), le Parti de l'union socialiste/Parti socialiste uni (SBP/BSP) et le Parti du pouvoir socialiste (SIP), ainsi que leurs membres ont subi diverses pressions et attaques.
    Le Tribunal constitutionnel a interdit le Parti des verts le 10 février. Un procès a été intenté le 29 décembre 1993 contre le Parti de l'union socialiste (SBP) où on demandait sa fermeture. Le SBP a été fermé par le Tribunal constitutionnel le 19 juillet 1995.
    En 1994, les attentats contre les bâtiments des partis, les rassemblements, les leaders des partis, les membres et candidats, ont augmenté considérablement. Les attentats visaient principalement les membres des partis pro-kurdes, le HEP, le DEP et l'HADEP. Les assaillants n'ont pas été identifiés.
    Des attaques ont également été perpétrées par les militants du PKK contre les leaders et les membres des partis, les rassemblements et les bâtiments. Un total de 26 personnes ont été tuées suite à ces attaques ou affrontements.
    Plusieurs leaders et membres de partis et plusieurs maires ont été arrêtés, détenus, torturés et condamnés.
    Les pressions et les attaques contre le DEP et l'HADEP, successeur du DEP, se sont intensifiées. Les bâtiments, les leaders et les membres de ces deux partis ont dû faire face à de nombreux attentats. L'un d'entre eux était même dirigé contre le quartier du DEP à Ankara.
    Une autre bombe a explosé le 18 février dans un bâtiment abritant les locaux du DEP tuant une personne et blessant 16 autres. Les immunités parlementaires des 13 députés du DEP ont été immédiatement levées et les hommes politiques ont donc été expulsés. Beaucoup d'entre eux ont quitté la Turquie.
    Les membres du DEP arrêtés ont été condamnés le 8 décembre à de lourdes peines de prison suite à un long procès.
    Hatip Dicle, Ahmet Türk, Orhan Dogan, Leyla Zana et Selim Sadik ont été condamnés à 15 ans de prison. Sedat Yurttas a écopé de sept ans et six mois, Selim Sakik et Mahmut Alniak de trois ans et six mois. Sakik et Alniak ont été mis en liberté sous surveillance.

LE TREMBLEMENT DE TERRE DE DINAR CAUSE DE LOURDES PERTES

    Le tremblement de terre qui a secoué la ville turque de Dinar le 1er octobre 1995 a causé la mort à plus de 90 personnes.
    Dans le centre de la ville, d'une population de quelque 40.000 personnes, s'amoncelaient les décombres des blocs d'appartements et des bâtiments publics après un tremblement d'une intensité 6.0 sur l'échelle de Richter.
    Selon les résidents les pertes humaines auraient été beaucoup plus lourdes si les gens n'avaient pas fui leurs maisons la semaine précédente après que des petites secousses aient annoncé un tremblement plus intense.
    Un parti de droite a demandé une enquête sur l'absence de précautions contre les tremblements de terre et rapporte que les bâtiments publics ont été les premiers à s'effondrer à Dinar.

L'HYSTERIE ANTI-KURDE ATTEINT LE MONDE DES AFFAIRES

    L'hystérie anti-kurde de l'Etat turc a atteint une nouvelle dimension avec l'enquête ouverte sur l'un des plus grands hommes d'affaires turcs et un professeur d'université qui ont élaboré un rapport sur les Kurdes pour l'Union de l'industrie et des chambres de commerce (TOBB).
    Le 2 octobre, Bekir Selcuk, procureur chef de la cour de la sûreté de l'Etat de Diyarbakir, a fait savoir que son cabinet était en train d'étudier un discours du magnat Sakip Sabanci prononcé lors d'une réunion d'homme d'affaires célébrée dans la ville.
    Sabanci, un magnat sorti de la misère, possède le deuxième plus grand holding de Turquie, et a des intérêts dans l'hôtellerie, l'industrie automobile, la banque et le secteur textile.
    Il a expliqué aux hommes d'affaires du sud-est de la Turquie que la question kurde était un problème ethnique, contrairement à la position du gouvernement, selon laquelle une campagne de guérilla kurde de 11 ans n'est qu'un problème de "terrorisme".
    "Nous enquêtons mais il est trop tôt pour savoir s'il va être inculpé. Sabanci peut être accusé de séparatisme en vertu de l'article 8 de la loi anti-terreur ou, moins grave, d'avoir provoqué de l'inimitié ou de la haine", a dit le procureur. "Nous ne visons pas seulement Sabanci et les hommes d'affaires. Nous analysons tous types de meetings. Si nous ne le faisions pas nous faillirions à notre devoir", a-t-il ajouté.
    Quelques semaines plus tard, le 23 octobre 1995, le procureur principal, Nusret Demiral, déclarait que la cour de la sûreté de l'Etat chercherait une déclaration du professeur d'université Dogu Ergil concernant un rapport qu'il avait élaboré en août sur le Sud-est.
    Le rapport (voir Info-Türk, juillet-août 95), sollicité par un influent groupe d'affaires turc, l'Union de l'industrie et les chambres de commerce (TOBB), comprenait un sondage de plus de 1.200 Kurdes, dont la plupart ont déclaré qu'ils choisiraient l'autonomie ou une fédération s'ils pouvaient changer la structure politique de la Turquie.
    A propos des actions judiciaires contre Ergil, le New York Times publiait le 29 octobre 1995 ces critiques de Celestine Bohlen:
    "L'été dernier un professeur de sciences politiques d'Ankara publiait un sondage basé sur l'interview de plus de 1.200 Kurdes dont les vies avaient été entraînées dans la guerre qui depuis 11 ans fait rage entre les forces gouvernementales et les rebelles kurdes dans le sud-est de la Turquie. Les conclusions du rapport n'étaient ni surprenantes ni particulièrement menaçantes. Seule une petite minorité soutenait l'idée d'un Etat kurde indépendant, et ceux qui étaient en faveur d'une fédération ne voyaient pas clairement ce que cela signifiait; certains, constata-t-il, pensaient que fédération signifiait `paix et pain'.
    "Mais ce qui se dégage clairement des interviews conduites par le professeur Dogu Ergil est que maintenant plus que jamais ils se considèrent kurdes, un groupe ethnique distinct qui n'a pas encore été reconnu par l'Etat turc. `C'était la première fois qu'on demandait aux Kurdes de Turquie, qui êtes-vous et que voulez-vous?', a commenté Ergil, qui dirige le département de conduite politique à l'université d'Ankara. `Une majorité écrasante a déclaré qu'elle voulait faire partie de la Turquie mais en tant que Kurdes'.
    "Dans de nombreux pays où la population est ethniquement divisée, une telle conclusion serait évidente. Mais en Turquie, où depuis 72 ans le gouvernement se bat pour forger une seule nation, le rapport d'Ergil fut rapidement envoyé devant une cour de la sûreté de l'Etat où il est examiné pour voir s'il correspond à la définition de `propagande séparatiste' en vertu de l'article 8 d'une loi anti-terrorisme de 1991.
    "Mais Ergil, contrairement à beaucoup d'autres qui ont osé écrire ou parler de la question kurde en Turquie, n'a pas encore été jugé ou jeté en prison. Et les sponsors de son rapport, une association qui représente 700.000 patrons de petites entreprises, n'ont pas désavoué l'auteur ou ses conclusions, malgré les critiques dans la presse conformiste.
    "Alors que la situation des droits de l'homme en Turquie est examinée de près, particulièrement en Europe, la réaction au rapport d'Ergil reflète les difficultés continuelles qu'éprouve la Turquie à faire face à la guerre qui secoue le Sud-est depuis 1984 et qui a fauché 18.000 vies, déplacé des centaines de milliers de personnes et coûte à l'Etat 7 milliards de dollars par an.
    "Les Kurdes de Turquie, 12 millions sur une population totale de 65 millions, peuvent à présent parler et écrire librement dans leur propre langue et écouter leur propre musique, droits accordés à contre-coeur dans les années 80. Mais ils ne peuvent former des associations ethniques, utiliser leur langue dans les écoles, à la radio ou à la télévision, actes qualifiés de `propagande séparatiste'.
    "Le Sud-est a été déclaré zone en état d'urgence; des centaines de villages kurdes ont été évacués de force et parfois brûlés; les partis politiques pro-kurdes ont été réduits au silence; les prisonniers sont torturés et les défenseurs des droits de l'homme sont jetés en prison.
    "Mais la censure a excédé le cadre des provinces du Sud-est où vivent encore la majorité des Kurdes de Turquie. A Istanbul et Ankara, les journaux kurdes sont fréquemment censurés et périodiquement fermés; les écrivains, les journalistes et les intellectuels qui ont défendu des droits plus larges pour la minorité kurde ont été traduits en justice et parfois emprisonnés.
    "Les critiques, à l'instar d'Ergil, insistent depuis longtemps qu'en supprimant le débat sur la question kurde, la Turquie pousse de nombreux Kurdes vers le Parti des travailleurs du Kurdistan. `Nous observons un soutien considérable à cette organisation terroriste non pas parce que ces personnes admettent la violence ou y voient leur salut mais parce qu'ils y voient un moyen d'exprimer leur mécontentement', a-t-il expliqué."

LA TERREUR D'ETAT EN DEUX MOIS

    Le 24.8, à Midyat, les forces spéciales de sécurité, au cours d'un raid sur le village de Budakli, abattent le chauffeur de minibus Nezir Akinci.
    Le 26.8, une personne handicapée, Hikmet Ercisli est soumise à la torture après avoir été arrêtée par des soldats à Kagizman.
    Le 29.8, trois dirigeants de l'Association contre la Guerre,  Arif Hikmet Iyidogan, Gökhan Demirkiran et Mehmet Sefa Fersal sont condamnés par la cour militaire de l'Etat-major respectivement à une prison de six mois et une amende de 780.000 de LT , quatre mois et 520.000 de LT, et deux mois et 260.000 de LT pour la propaganda anti-militariste..
    Le 30.8, des Loups Gris du MHP abattent Eral Yildirim au cours de leur attaque à un groupe de gauche à Ankara.
    Le 31.8, à Istanbul, le procurer de la République réclame la peine capitale pour Ayfer Ercan, une militante du Parti communiste du travail de Turquie/Léniniste (TKEP/L).
    Le 31.8, à Midyat, une unité de force spéciale, abat le chauffeur de minibus Osman Acar au cours d'un raid sur le village de Budakli.
    Le 31.8, à Izmir, les forces de sécurité arrêtent 20 personnes au cours d'un raid sur un bureau.
    Le 3.9, à Ankara, le procureur inculpe 26 étudiants d'université pour avoir appréhendé un agent de l'Unité de renseignements de la Gendarmerie (JITEM), Ülkü Yalazi, à l'Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ). Chacun risque l'emprisonnement jusque 15 ans.
    Le 3.9, à Istanbul, des inconnus armés abattent Kayhan Ileri au cours d'une rafle sur un café. A Diyarbakir, l'imam Ahmet Peke est assassiné par des inconnus.
    Le 4.9, à Ankara, les présidents provinciaux du parti de la démocratie du peuple (HADEP) et du parti socialiste unifié (BSP), Nurettin Sönmez et Ilhan Kamil Turan sont arrêtés par la police pour avoir organisé une démonstration à l'occasion de la Journée de la Paix.
    Le 5.9, la CSE d'Istanbul condamne Kemal Gömi, membre du Parti/front révolutionnaire de Libération du peuple (DHKP/C), à la peine capitale.
    Le 5.9, quatre membres de l'Armée ouvrière-paysante de Libération de Turquie (TIKKO) sont condamnés par la CSE de Kayseri à la prison à perpétuité.
    Le 5.9, un groupe armé, au cours d'une rafle sur le village de Seldiren à Hatay, abat huit ouvrier de charbonnage.
    Le 8.9, à Tokat, les forces de sécurité arrêtent onze paysans au cours d'un raid sur les village de Kinik et Kapici.     Le 10.9, à Diyarbakir, l'ouvrier Abdullah Önemli est abattu par des inconnus.
    Le 11.9, à Istanbul, neuf personnes sont inculpées par le procureur de la CSE d'Istanbul pour avoir occupé la Tour de Galata au cours d'une action de protestation. Chacun risque un emprisonnement de jusque 30 ans en vertu des articles différents du Code pénal.
    Le 11.9, à Van, le village de Köklü est dépeuplé par les forces de sécurité pour avoir refusé d'adhérer aux protecteurs de village pro-gouvernementaux.
    Le 13.9, à Gebze, 97 ouvriers sont arrêtés par des gendarmes pour avoir mené une action de protestation devant la compagnie de transport britannique Inchcape Retrans.
    Le 13.9, la CSE d'Ankara condamne trois membres du PKK à différentes peines de prison allant jusque quinze ans.
    Le 13.9, un groupe de Loups Gris blesse deux enseignants au cours d'une rafle sur l'Ecole professionnelle d'Alibeyköy à Istanbul.
    Le 17.9, le gouverneur d'Istanbul interdit l'Association d'Entraide des parents de prisonniers (TIYAD) pour des activités non compatible avec ses objectives.
    Le 17.9, le procureur de la CSE d'Ankara inculpe quinze personnes pour avoir participé aux activités Hizbullah. Chacun risque des peines de prison de cinq ans.
    Le 17.9, à Istanbul, le gardien de prison Saban Erkol qui avait été arrêté la semaine passée pour avoir introduit des stupéfiants dans la prison est retrouvé mort au poste de police.
    Le 18.9, à Ankara, deux lycéens sont battus par un groupe de Loups gris.
    Le 19.9, le CSE de Kayseri condamne cinq membres de Dev-Sol membres à la prison à perpétuité et un autre à 12 ans et six mois de prison.
    Le 20.9, à Izmir, le locale de du HADEP est détruit par l'explosion d'une bombe placée par des inconnus.
    Le 22.9, le procès de trois femmes, Ayse Utanc, Hatice Yavuz et Ümmügülsüm Özyilmaz, accusée d'avoir incendié le siège local du MHP commence à la CSE de Konya. Les inculpées déclarent avoir été soumises à la torture et au harcèlement sexuel pendant leur interrogatoire par la police.
    Le 25.9, une manifestation organisée à Ankara par la Fondation de la Génération 68 au sujet du coup d'état de 1980 est interdite par le gouverneur d'Ankara.
    Le 26.9, à Diyarbakir, l'enseignant Necati Cicek est assassiné par des inconnus.
    Le 28.9, la CSE d'Izmir condamne neuf membres du Parti révolutionnaire du peuple de Turquie(TDHP) à peines de prison jusque 31 ans.
    Le 28.9, un ancien ministre des travaux publics, Serafettin Elci est condamné par la CSE d'Istanbul à une peine de prison de 20 mois et une amende de 42 million de LT pour un discours qu'il a prononcé le 19 décembre 1992 à Istanbul.
    Le 28.9, à Istanbul, une jeune femme nommée Aynur Demir déclare qu'elle a été soumise à la torture et aux harcèlements sexuels lors de sa détention suivant une perquisition chez elle. Le même jour, deux étudiantes d'université, Gülcan Öztürk et Nurgül Dogan, affirment avoir été torturées pendant leur interrogatoire.
    Le 29.9, la CSE d'Ankara condamne cinq membres du PKK à des peines de prison allant jusque 22 ans et 6 mois.
    Le 2.10, les forces de sécurité arrêtent dix personnes à Adana pour des activités de PKK.
    Le 3.10, la CSE d'Ankara arrête 12 personnes pour avoir participé aux activités du DHKP/C.
    Le 5.10, la CSE d'Ankara condamne deux membres du TKEP-L à la prison à perpétuité et cinq autres à des peines de prison allant jusque 12 ans et 6 mois.
     Le 9.10, à Edirne, les forces de sécurité arrêtent sept personnes pour activités illégales.
    Le 9.10, à Istanbul, la section de Kartal de l'Association des Travailleuses (EKBD) est fermée par la police et une des membres, Fecriye Aydin, arrêtée.
    Le 10.10, à Diyarbakir, Ali Ihsan Dagli est déclaré disparu depuis son arrestation par les forces de sécurité le 14 avril 1995.
    Le 11.10, le procureur de la CSE d'Ankara ouvre une action judiciaire contre l'ancien député Hatip Dicle, également l'ancien président du DEP, pour avoir envoyé un message aux détenus politiques dans la prison de Cankiri. Bien que Dicle soit toujours en prison pour quinze ans dans le cadre du procès du DEP, la CSE délivre un nouveau mandat d'arrêt contre lui en relation avec ce nouveau procès.
    Le 11.10, à Istanbul, l'ouvrier Ali Kaya Esen déclare avoir été torturé pendant son interrogatoire par la police.
    Le 11.10, la CSE d'Izmir condamne deux personnes à la prison à perpétuité et 12 autres à des peines de prison jusque 18 ans pour les activités du PKK.
    Le 12.10, la CSE d'Ankara condamne un membre de Dev-Sol, Erol Özbolat, à la peine capitale et deux autres à des peines de prison jusque 15 ans.
    Le 12.10, à Diyarbakir, Bekir Tüylü et Ramazan Katar sont poignardés à mort par des agresseurs inconnus.
    Le 16.10, un nouveau procès commence contre l'ancien ministre des travaux publics Serafettin Elci à la CSE d'Ankara. Accusé de la propagande séparatiste dans un discours prononcé en 1994, Elci risque l'emprisonnement pour cinq ans et une amende de 50 million de LT.
    Le 17.10, la CSE d'Izmir condamne deux membres du PKK à la prison à perpétuité et dix autres à des peines de prison jusque 12 ans et 6 mois.
    Le 22.10, le siège de HADEP à Malatya est incendié par des inconnus.
    Le 22.10, à Sivas, les anciens de six villages sont arrêtés pour avoir aidé et hébergé des militants de PKK.
    Le 23.10, à Izmir, l'étudiant Muharrem Sönmez déclare avoir été kidnappé et menacé par des policiers en civil pour pouvoir obtenir des renseignements concernant certains associations. Le même jour, une femme nommée Dudu Kirgül affirme avoir été torturée après sa détention.
    Le 24.10, à Mus, des inconnus armés abattent Ercan Aydemir et sa femme Kezban Aydemir.
    Le 24.10, à Diyarbakir, Hamza Haran âgé de 60 ans qui avait disparu après sa détention le 23 février 1995 est retrouvé assassiné.
    Le 26.10, les forces de sécurité arrêtent douze personnes pour avoir participé aux activités illégales.
    Le 27.10, à Diyarbakir, l'étudiant Mürsel Polat est abattu par des inconnus.
    Le 30.10, le président de l'Association étudiante de la Faculté du Droit de l'Université d'Ankara, Erkut Direkci, est arrêté par la CSE d'Ankara pour être membre d'une organisation clandestine.
    Le 31.10, le procureur de la CSE d'Ankara ouvre une action en justice contre l'ancien député Fehmi Isiklar pour la résolution finale, adopté à l'unanimité du Congrès du CHP le 10 septembre 1995. Isiklar est accusé d'avoir fait la lecture de la résolution aux délégués. D'ailleurs, le procureur annonce qu'il allait demander la Cour constitutionnelle la fermeture du CHP, partenaire mineur du gouvernement de coalition.
    Le 31.10, à Tarsus, le local of de la Maison du Peuple est perquisitionné par la police, et le président  Kemal Aslanoglu ainsi que 15 autres membres de l'association sont arrêtés.

LA PERSECUTION DES MEDIAS EN DEUX MOIS

    Le 30.8, le quotidien Evrensel est confisqué par la CSE d'Istanbul pour l'incitation au désordre et la propagande des organisations illégales.
    Le 30.8, un correspondent du Yeni Politika, Sayfettin Tepe, arrêté à Batman le 22 août, est retrouvé assassiné au poste de police. Son oncle, le juriste Talat Tepe accuse la police d'avoir torturé Tepe à mort.
    Le 30.8, un livre intitulé Le Tremblement de DEP dans la Politique Turque, édité par le journaliste Ali Osman Sönmez, est confisqué par la CSE d'Ankara pour la propagande séparatiste.
    Le 30.8, le maire de Seydisehir, Muammer Orhan (MHP) harcèle deux journalistes, Hamdi Celikbas (Konya TV) et Göksel Öker (Merhaba) alors qu'ils lui posaient des questions sur les rumeurs de certaines irrégularites dans la gestion de la municipalité.
    Le 31.8, un correspondent du périodique Kizil Bayrak, Ahmet Turan est soumis à la torture après avoir été détenu pendant une visite aux travailleurs en grève à Gebze.
    Le 3.9, l'office d'Adana du quotidien disparu Yeni Politika est perquisitionné par les forces de sécurité et le représentant du  journal, Mahmut Dogan, est arrêté. Après sa mise en liberté le lendemain, Dogan affirme avoir été torturé par la police.
    Le 4.9, le périodique Ronahi, N°16 est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste.
    Le 5.9, l'éditeur responsable du périodique Atilim, Eylem Semint est arrêté par la CSE d'Istanbul pour certains articles qu'il a publiés.
    Le 6.9, le quotidien Evrensel, N°91 est confisqué par la CSE d'Istanbul pour un article à propos de la Journée de la Paix.
    Le 7.9, le procureur d'Ankara ouvert une action en justice contre trois activistes des droits de l'homme pour un livre dédié au feu Emil Galip Sandalci, un des anciens président de l'IHD. Le président de l'IHD Akin Birdal, le président de la TIHV Yavuz Önen et le juriste Turgut Inal risquent des peines de prison jusque six ans pour avoir insulté les forces de sécurité dans le livre.
    Le 7.9, le périodique Partizanin Sesi N°24 est confisqué par les décisions de deux tribunaux différents. La CSE d'Istanbul décide la confiscation pour avoir fait l'éloge aux organisations illégales, et un tribunal pénal d'Istanbul pour avoir insulté les forces de sécurité dans le même numéro.
    Le 9.9, les périodiques Alinteri N°54 et Direnis N°29 sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste et l'incitation au désordre.
    Le 9.9, à Istanbul, un bâtiment où se trouvent les offices locaux des quotidiens Milliyet et Hürriyet est détruit par l'explosion d'une bombe placée par des inconnus.
    Le 12.9, la CSE d'Ankara juge le directeur du bulletin d'information Gündem, Nezih Tavlas, pour avoir publié des informations interdites par des autorités. L'action en justice est déclenchée suivant la demande de l'Etat-major..
    Le 12.9, le périodique Kizil Bayrak N°29 est confisqué par les décisions de deux tribunaux différents. La CSE d'Istanbul décide la confiscation pour la propagande séparatiste, et un tribunal pénal d'Istanbul pour avoir insulté les forces de sécurité dans le même numéro.
    Le 13.9, la CSE d'Istanbul confisque le N°3 du Bulletin, publié par la Plate-forme pour les Droits démocratique.
    Le 14.9, le conseiller financier de la TIHV,  Ali Riza Yurtsever est inculpé par la CSE d'Istanbul pour son article L'impasse de l'économie colonialiste, publié le 2 novembre 1994 par le quotidien Özgür Ülke.
    Le 14.9, le procureur de la CSE d'Istanbul ouvre une nouvelle procédure judiciaire contre le romancier Yasar Kemal pour son article publié par le quotidien Yeni Politika le 20 mai 1995. Accusé de la propagande séparatiste, Kemal risque une peine de prison jusque cinq ans.
    Le 18.9, un correspondant du quotidien Evrensel, Ahmet Birgül est battu par des Loups Gris du MHP à Osmaniye lors qu'il mène une enquête.
    Le 19.9, le correspondent d'Ankara du périodique Odak, Sevda Öztekin est condamnée par la Cour militaire de l'Etat-Major à une peine de prison de six mois et une amende de 480,000 de LT pour la propagande contre le service militaire.
    Le 19.9, à Izmir, un correspondant du périodique kurde Welate Me, Ferec Cobanoglu est kidnappé par des agresseurs inconnus.
    Le 20.9, un tribunal pénal d'Ankara condamne Murtaza Demir, président de l'Association de Pir Sultan Abdal, et Metin Kuzugüdenlioglu, rédacteur du périodique de l'association, à un mois de prison et une amende de 420,000 de LT pour un article critiquant le déroulement du procès des inculpés du pogrome de Sivas.
    Le 20.9, le périodique Alinteri N°55 est confisqué par la CSE d'Istanbul  pour avoir fait l'éloge aux organisations clandestines.
    Le 21.9, Fatos Güney, la veuve du feu cinéaste Yilmaz Güney, est jugé par la CSE d'Istanbul  pour avoir publié un livre intitulé  Yilmaz Güney: Humain, Militan et Artiste. Accusée d'avoir reproduit certains articles de Yilmaz Güney dans le livre, Fatos Güney risque une peine de prison jusque deux ans en vertu de l'Article 312 du Code pénal.
    Le 21.9, un numéro spécial du Bulletin de l'IHD, publié à l'occasion de la Journée de la Paix, est confisqué par la CSE d'Ankara.
    Le 26.9, l'écrivain Mustafa Pala est arrêté à Ankara pour purger sa peine de prison de deux ans pour son livre intitulé Entretiens et Réponses et dédié à l'écrivain Musa Anter, victime d'un assassinat politique. Pala est également condamné à une amende de 250 million de LT. L'éditeur du livre, Aydin Dogan était déjà détenu le 28 juin pour purger sa peine de prison de 6 mois.
    Le 26.9, le périodique Ronahi N°19 est confisqué par la CSE d'Istanbul  pour la propagande séparatiste. Le même jour, le périodique Odak est également confisqué par la décision d'un tribunal pénal.
    Le 4.10, le procureur de la République inculpe le président de l'IHD Akin Birdal pour une affiche placée devant le siège de l'association. Birdal risque une peine de prison jusque quatre mois.
    Le 6.10, bien qu'il attend sa mise en liberté dans la prison de Haymana, le journaliste-écrivain Haluk Gerger est condamné par la CSE d'Istanbul à une peine de prison de 20 mois et une amende de 208 million de LT pour un de ses articles publié par le quotidien Özgür Gündem en 1993. Egalement, l'éditeur responsable du journal Server Durmaz est condamné pour le même article à une peine de cinq mois et une amende de 44 million de LT.
    Le 7.10, la police arrête sept membre du comité de rédaction du périodique Atilim à Istanbul, dont Bayram Namaz, Metin Yesil et Sevil Yesil sont plus tard placé sous mandat d'arrêt par la CSE d'Istanbul.
    Le 9.10, le procureur d'Ankara ouvre une action en justice contre le juriste Yusuf Alatas pour avoir critiqué le procès du DEP. Il risque une peine de six mois. L'éditeur responsable du périodique Yanki, Can Cevik risque également la même peine pour avoir publié l'article d'Alatas.
    Le 12.10, l'éditeur responsable du périodique Kizil Bayrak, Güray Ülkü est condamné à une peine de six mois et une amende de 50 million de LT pour certains articles qu'il a publiés. Le tribunal décide également la fermeture de la revue pour un mois.
    Le 12.10, l'éditeur responsable de trois périodiques, Özgür Gelecek, Yeni Demokrat Genclik et Partizan, Murat Ancak est placé sous mandat d'arrêt par la CSE d'Istanbul  pour certains articles qu'il a publiés dans ces revues.
    Le 15.12, le périodique Roj N°19 est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste.
    Le 20.10, l'office du périodique Atilim à Ankara est perquisitionné par la police et le représentant Ali Toprak est détenu avec deux autres journalistes et un visiteur.
    Le 21.10, le numéro 3 du périodique pro-kurde Özgür Yasam est confisqué par la CSE d'Istanbul.
    Le 23.10, une tribunal pénal d'Istanbul condamne quatre membres du group musical Yorum, Kemal Sahir Gürel, Ufuk Lüker, Irsat Aydin et Özcan Sanvar, à une peine de prison de trois mois pour avoir organisé une manifestation sans autorisation au Centre culturel d'Ortaköy. Le tribunal condamne également quatre employés du centre à la même peine.
    Le 23.10, le président du Syndicat des Travailleurs de la Santé (Tüm-Saglik-Sen), Fevzi Gercek est mis dans la prison à Istanbul pour purger sa peine de deux ans. Gercek a été condamné par la CSE d'Istanbul pour une de ses articles publié par le périodique Direnis en 1993.
    Le 23.10, les périodiques Roj N°20 et Ronahi N°23 sont confisqués par la CSE d'Istanbul  pour la propagande séparatiste.
    Le 23.10, l'acteur de théâtre Haldun Aciksözlü est condamné par la CSE d'Ankara à la peine de prison de deux ans et une amende de 550 million de LT pour un article intitulé "L'Etat, la Religion et la Politique" qu'il a écrit au périodique Bahadin. L'éditeur responsable de la revue, Naifi Akbas est également condamné à une peine de six mois et une amende de 50 million de LT.
    Le 25.10, le périodique Direnis, N°30 est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste.
    Le 28.10, la CSE d'Istanbul confisque les périodiques Alinteri N°58, Atilim N°54 et Söz N°37 pour la propagande séparatiste et l'éloge aux organisations illégales.
    Le 30.10, treize journalistes et employés du périodique Kurtulus sont arrêtés par la police lorsqu'ils vont à l'imprimerie et toutes les copies de la revue imprimée sont confisquées. En protestation contre cette pression, les autres journalistes et employés du Kurtulus commencent une grève de la faim.
    Le 30.10, le correspondent d'Ankara du quotidien Evrensel, Ali Bayaslan est arrêté pendant qu'il est en visite à une ami.

LES TEMPS SERONT DURS POUR LA TURQUIE APRES LES ELECTIONS

    Selon un rapport de Reuters, les économistes turcs s'attendent à ce que le prochain gouvernement mette en place un paquet de sévères mesures de stabilisation après les élections parlementaires prévues pour la fin du mois de décembre. Mais tous les efforts pour guérir les maux endémiques de l'économie turque seront entravés par le dernier grand règlement du paiement des travailleurs du secteur public, qui devrait coûter 1,3 milliards de dollars rien qu'en 1995.
    "La Turquie doit adopter un paquet de mesures de stabilisation qu'à mon avis elle aurait déjà dû introduire. Il a été retardé pour des raisons politiques", expliquait à Reuters Izzettin Önder, professeur d'économie à l'université d'Istanbul. Outre l'inflation et les grands déficits, les maux de l'économie peuvent s'étendre au-delà des élections en raison de l'augmentation des subsides agricoles et des nouveaux accords salariaux qui ont mis fin à une grève de cinq semaines. Les économistes et analystes ont vu dans ces mesures des manoeuvres pré-électorales du premier ministre Tansu Ciller en vue de gagner des votes.
    "Les hausses salariales vont encourager la demande interne, augmenter l'inflation et les besoins d'emprunt public. Les effets seront ressentis sur l'inflation au cours des quatre prochains mois" a déclaré un fonctionnaire chargé de planification.
    Les hommes d'affaires et les économistes soutiennent que la Turquie doit stabiliser son économie en 1996, année où elle espère faire partie d'une union douanière avec l'Europe. Ils craignent que certains producteurs turcs ne puissent concurrencer leurs rivaux après l'entrée en vigueur de l'accord, a moins que les taux d'intérêt et l'inflation soient ramenés aux niveaux européens.
    L'inflation est maintenant de l'ordre de 80% et les taux d'intérêt sur les bons du trésor sont à 130%.  Le nouveau gouvernement devra concentrer ses efforts sur la réduction de l'inflation, des déficits budgétaires et commerciaux, des énormes dettes et sur l'accélération du processus de privatisation.
    Le dernier programme de stabilisation de la Turquie fut lancé en avril 1994 lorsque le pays traversait une crise financière. Ces mesures, appuyées par le Fonds monétaire international (FMI) au travers d'un prêt de secours, avaient calmé les marchés, ramené une inflation galopante à 80% et aidé la récupération de l'économie après une récession en 1994 de 6,1%. Mais depuis la mi-septembre, suite à la tourmente politique qui a frappé la Turquie et l'effondrement de la coalition de gauche-droite de Ciller et la grève de quelque 350.000 travailleurs pour une dispute salariale, l'état de l'économie se détériore.
    "Le nouveau gouvernement peut également chercher à prolonger la durée de l'accord avec le FMI", a souligné Fettullah Acil, directeur général adjoint de la Tekstil Bank. L'accord prendra fin en février. Le professeur Önder pense que le gouvernement peut également soutenir le paquet de mesures avec une "dévaluation raisonnablement dosée" pour mettre fin à la surévaluation de la lire et encourager la compétitivité des exportations turques dans les marchés occidentaux.
    Ergun Özen, directeur général assistant de la Garanti Bankasi, a souligné que la dévaluation de la lire devrait être légère et on devrait éviter de procéder à une forte dévaluation en une fois pour éviter une hausse de l'inflation et une déstabilisation des marchés.
    Sous le nouveau plan, la Turquie retardera probablement la hausse des prix dans le secteur public et ralentira les augmentations salariales. La banque centrale limitera probablement l'expansion monétaire qui selon les économistes a fait obstacle aux efforts de la Turquie pour freiner l'inflation.
    Selon les banquiers la Turquie adoptera une politique monétaire austère avec des taux d'intérêt élevés.

TROISIEME CONVENTION DES ETATS TURCS

    La `Troisième Convention sur l'amitié, la fraternité et la coopération des Etats et Communautés turcs', qui s'est déroulée pendant trois jours dans la ville touristique d'Izmir à Cesme, s'est clôturée le 1er octobre avec une déclaration finale.
    Le premier jour de la convention, le président Süleyman Demirel et d'autres hauts représentants de l'Etat turc ont prononcé des discours d'ouverture. Etaient présents le président de la République turque du nord de Chypre (KKTC), Rauf Denktas, et les vice-premiers ministres d'Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan ainsi que 25 autres représentants de républiques turques autonomes ou de communautés turques.
    Dans la déclaration finale, les participants se sont tout déclarés fidèles à la convention internationale sur les droits de l'homme et qu'ils en adoptaient les principes essentiels.
    Soulignant que toutes les communautés et Etats turcs étaient égaux et respectaient mutuellement leur indépendance, la déclaration précisait qu'aucun Etat turc n'était favorisé par rapport aux autres. "Dans ce contexte nous entendons coopérer dans toutes les facettes de la vie et renforcer nos relations", concluait la déclaration.
    Elle précisait également que cette coopération entre Etats turcs ne devait subir d'effets négatifs d'autres pays et que dans ce cas ce serait considéré comme une intrusion dans les affaires internes d'un Etat indépendant, et ajoutait: "Cependant, nous considérerons qu'il s'agit d'un acte humanitaire si un pays membre de la Communauté des Etats indépendants (CEI) veut nous prêter assistance".
    La déclaration affirme qu'ils vont coopérer contre toutes formes de terrorisme, particulièrement contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan ou PKK, qui constitue une menace importante pour la communauté turque. "Nous pensons que la coopération, l'amitié et la fraternité entre les Etats turcs contribuera grandement au maintien de la paix dans la région et dans le monde", conclut la déclaration.

L'EXPORTATION DE PETROLE D'AZERIS DONNE ESPOIR A LA TURQUIE

    Le consortium international formé pour exploiter les gisements pétroliers d'Azéris dans la mer Caspienne a annoncé le 9 octobre dernier que le premier pétrole azéri serait pompé simultanément par deux pipelines rivaux, l'un à travers le sud de la Russie pour atteindre le port de Novorossiysk dans la mer Noire et l'autre à travers la Géorgie vers Soupsa sur la rive de la mer Noire.
    Le "premier pétrole" est une expression qui désigne la petite quantité d'environ cinq millions de tonnes annuels qui seront extraits des gisements d'Azéri dans la mer Caspienne et qui seront exportés jusqu'en 2002. La Turquie avait fermement défendu la route géorgienne pour acheminer le "premier pétrole", espérant que cette décision faciliterait la construction d'un grand pipeline pour acheminer le pétrole lucratif à long terme.     Pour étayer son soutien à l'option géorgienne, Ankara s'est engagée à financer la construction et réhabilitation du pipeline Baku-Soupsa, dont le coût estimé sera de près de 150 millions de dollars, et à acheter la totalité de la production de pétrole si le consortium choisit l'option géorgienne.
    Récemment la Turquie a fait savoir qu'elle construirait une raffinerie près du port de Trabzon dans la mer Noire pour le premier pétrole si l'option géorgienne est choisie.
    La décision du consortium a été un soulagement pour la Turquie, plongée dans une crise gouvernementale depuis des semaines. Le premier ministre Tansu Ciller a qualifié la décision d'événement historique. "Nous avons là des possibilités commerciales immédiates pour notre pays qui peuvent se chiffrer en milliards de dollars".
    Suite à la décision du consortium la Russie n'a pas réagi immédiatement. Cependant, les analystes politiques pensent que Moscou pourrait intensifier ses menaces contre les projets pétroliers dans la mer Caspienne qu'elle n'approuve pas. Ce pays a fait savoir qu'aucun projet pétrolier ne pouvait voir le jour dans la mer Caspienne avant que le statut de cette mer ne soit redéfini suite à l'effondrement de l'Union Soviétique. Le dernier accord sur la mer Caspienne était signé entre l'Union Soviétique et l'Iran en 1946. Cependant, les Etats-Unis, la plus grande puissance pétrolière du monde est favorable à la thèse turque, a essayé récemment de mettre fin au monopole russe sur les ressources énergétiques de la région transcaucasienne et d'Asie centrale.
    Le président américain Bill Clinton, dans une conversation téléphonique qu'il a maintenue avec le président azéri Haydar Aliyev avant la réunion du consortium, a déclaré que Washington soutenait l'option de plus d'un pipeline pour le premier pétrole azéri.
    Le consortium pétrolier, dirigé par British Petroleum et Amoco (installé aux Etats-Unis) et dans lequel Turkish Petroleum a une participation de 6,75%, a signé l'année dernière un accord pour une valeur de 8 milliards de dollars avec le gouvernement azéri pour exploiter les gisements d'Azéri, Chirag et Gunesli, dans la mer Caspienne.
    La production normale prévue de 25 millions de tonnes de pétrole azéri devrait commencer au début des années 2000.

CONDAMNATION DES MEURTRIERS DE CINQ TURCS EN ALLEMAGNE

    Le 13 octobre 1995 étaient condamnés quatre extrémistes de droite auteurs de l'attentat le plus sanglant qui se soit produit en Allemagne contre des étrangers depuis l'ère nazie, dans lequel avaient péri par le feu cinq femmes et enfants turcs.
    Le défendeur le plus âgé, Markus Gartmann, de 25 ans, risquait la prison à vie mais la cour l'a condamné à 15 ans de réclusion. Koehnen, de 18 ans fut jugé en qualité de mineur ainsi que Christin Buchholz, 22 ans, et Christian Reher, 19 ans. Tous les trois ont écopé de la peine maximale de 10 ans de prison. Les avocats de la défense ont annoncé qu'ils iraient en appel. Le juge principal, Wolfgang Steffen, a déclaré que la cour était convaincue que ces "quatre jeunes gens, qui portaient le racisme en eux, avaient mis le feu à la maison de la famille turque et tué les cinq personnes". Mais Steffen pense qu'ils n'ont pas l'étoffe néo-nazie, les définissant comme "des jeunes gens immatures que rien n'a préservé des influences radicales de droite".
    Le 29 mai 1993, l'attentat de Solingen avait causé une intense introspection des Allemands à propos de leurs relations avec les étrangers. Les Turcs ont défilé pendant des jours à Solingen. Les Allemands ont organisé des marches dans diverses villes du pays pour exprimer leur désarroi. Le Verdicts de culpabilité ne semblent pas avoir clarifié la situation. Après la lecture des sentences, le défendeur Felix Koehnen a crié aux cinq juges, "Bande de salauds, je suis innocent" et a menacé de se suicider. Le père d'un autre défendeur a donné un coup de pied sur la chaise d'un gardien et a quitté la salle.
    Pas loin de là, des Turcs protestaient parce que la cour avait été trop bénigne et n'avait pas condamné les accusés à la prison à vie. Mais le gouvernement turc et le Conseil des citoyens turcs en Allemagne, un groupe de protection, ont tous deux exprimé leur satisfaction avec les verdicts.
    "Ce verdict nous renforce dans notre sentiment que la justice allemande est un instrument stable et fiable pour combattre le racisme", a déclaré le Conseil dans un communiqué.

INDEXE DE LA 19e ANNEE DES BULLETINS INFO-TÜRK

Novembre-Décembre 94, N° 217

• Verdict honteux • Perincek condamné à trois ans de prison • Nouvelles sentences contre Besikci • Editeurs et journalistes emprisonnés • Journalistes condamnés par les militaires • Procès contre l'IHD et le TIHV • La résolution du PE concernant la Turquie • Honte pour la Turquie à Budapest • The Economist accuse la Turquie • Mise en suspens de l'accord sur l'Union douaniere • Villages collectifs dans le Sud-est • L'état d'urgence prolongée une fois de plus • Conseil d'évaluation de la sécurite • Augmentation de la durée du service militaire • la CSCE recommande un cessez-le-feu • La demande de cessez-le-feu du PKK • Attaque contre la maison d'un député kurde • Un avocat kurde assassiné • Un médecin assyrien assassiné • Le patriarche grec mis en accusation • Des citoyens britanniques sur la liste noire • Des membres de Greenpeace arrêtés • Grèves de la faim dans les prisons • Augmentation du budget de l'armée • La bombe "Cluster" sera-t-elle vendue a la Turquie? • "Provide Comfort" prolonge à nouveau • Les bévues de Ciller dans le Moyen-Orient • Taux d'inflation annuel: 150% • Terrorisme d'etat en deux mois • Colère croissante de la classe ouvrière • Violations des droits de l'homme • Des sentences ridicules pour les incendiaires de Sivas • Attentat à la bombe par les islamistes • Manifestation islamiste au mausolée d'Atatürk • Ciller flirte avec les fondamentalistes • Soutien de l'état aux islamistes • Un nouveau parti politique en Turquie • Nouvelle crise dans la démocratie sociale • Le HADEP veut devenir membre de l'Internationale socialiste • Sabotages contre Özgür Ülke suivant les directives secrètes de Ciller • Persécution des médias en deux mois • Les droits des minorités en Turquie • Droits limités pour les enfants

Janvier-Février 95, N° 218

• 1994: Encore une mauvaise année pour les droits de l'homme • Europalia alla turca • Critiques au Conseil de l'Europe • Conditions du Parlement européen pour l'Union douanière • • Rapport sur la Turquie d'Amnesty International • Les irrégularités du premier ministre • Le rapport des Etats-Unis accuse le gouvernement turc • L'Union douanière: Victoire ou capitulation? • Le journal Özgür Ülke réduit au silence par des procédés illégaux • "Un nuage noir plane sur la Turquie", par Yasar Kemal • Yasar Kemal: cible du terrorisme d'Etat • Résolution du Parlement européen sur Yasar Kemal • Onat Kutlar, victime des Islamistes • Attaques islamistes pendant le Ramadan • Condamnation de l'éditeur du "Tabou Arménien" • Interdiction pour les Arménies d'élire un chef religieux • Nouvelles pressions sur les écoles arméniennes • La politique réelle de Ter-Petrosian • Le parlement du Kurdistan en exil • La lettre de Zana à Mitterrand • L'Union de eux partis sociaux-démocrates • Guerre entre parrains turcs • Deux mois de terrorisme d'état • Le test de virginité dans les écoles • Deux mois de persécutions des médias • Ratification de la condamnation de Besikci • Protestations contre les interdictions de publication

Mars-Avril 95, N° 219

Quand seront tenues les promesses? • L'hypocrisie du régime turc concernant les droits civiques des éditeurs d'Info-Türk • Campagne contre les rédacteurs d'Info-Türk • Des documents contraignants sur l'Union douanière UE-Turquie • Le Conseil de l'Europe donne deux mois à la Turquie • Le parlement européen presse la Turquie • La CEDH juge la Turquie sur son propre territoire • Banissement ridicule des bananes • Controversée autour du nouveau ranch de Ciller • La conquête de "Schwarzkopf" Hasan Pacha • Les ONG accusées d'activités subversives • "Les Kurdes traités pire que des animaux" • La colère alévite qui a secoué la Turquie • Terrorisme d'état en deux mois • Fondation du parlement kurd en exil • Le nouveau quotidien Yeni Politika sous la pression • Nouvelles condamnations contre Besikci • Un éditeur jeté en prison • Des écrivains à la Cour de la Sûreté • Persécution des médias en deux mois • Interdiction d'un autre livre sur le génocide • Suspension d'Europalia-Turquie 1996 • Rapport accablant sur les minorités en Turquie

Mai-Juin 95, N°220

• Demirel accuse l'Europe de "la conspiration" • Trois femmes députés européens traitées de "prostituées" par un ministre turc • L'hypocrisie d'Ankara à propos des droits civiques de Nazim Hikmet • Les rapports sur la Turquie se succèdent • Atakürt contre Atatürk • Les rapports de l'OSCE et l"UEO • Le Parlement européen avertit une nouvelle fois la Turquie • La Turquie sanctionnée à Strasbourg • Déportation d'un fonctionnaire d'Amnesty • Une loi de citoyenneté pour créer un lobby turc • 188.764 personnes empêchées de quitter la Turquie • Le leader du PKK appelle à une cessez-le-feu • Des hélicoptères américains utilisés contre les Kurdes • Un rapport américain confirmle l'utilisation d'armes américaines • La Turquie place l'Afrique du Sud dans la liste rouge • Liens entre la Famille Ciller et la Mafia • Sombres célébrations des mesures économiques du 5 avril • Objecteurs de conscience turcs en procès • Des contrats turcs à l'étranger pour une valeur de 15 milliards $ • Deux militants disparus retrouvés morts sous la torture • Une délégatiçon turque dans la Foire de la Torture • Pressions sur les villages chrétiens • Deux mois de terrorisme d'état • Commerce turc dans le domaine de l'armément • Un leader syndicaliste en prison • 99 intellectuels risquent la prison • Journée d'action sur la Turquie • Une TV kurde malgré les protestations d'Ankara • Deux mois de pression sur les médias • L'interdiction du kurde aggrave les problèmes sanitaires • Tension avec la Grèce à propos des eaux territoriales • Acte de protestation de Greenpeace en Turquie • Ciller: Ennemie de la presse • Le dernier tango de l'interminable tension à propos de Chypre

Juillet-Août 95, N° 221

• Moquerie de Ciller • Est-ce qu'Europalia se laissera tromper par le gouvernement turc? • La constitution répressive des militaires est toujours en vigueur • IHD: Pas d'amélioration des droits de l'homme • Le bilan catastrophique du gouvernement de Ciller • Le chef de l'Armée menace les défenseurs des droits de l'homme • Vives protestations de la veuve d'un colonel de l'Armée • Extension de l'état d'urgence • Les militaires s'opposent à la suppression de l'Article 8 • Est-ce que Tunceli s'est transformée en Bosnie • Une nouvelle incursion turque en Irak: Opération Dragon •La CIA équippe le service de renseignement national turc • 242 détenus au procès du HADEP • L'écrivain kurde Marasli maintenu en prison malgré sa maladie • Le parti d'union socialiste interdit • Grèves de la faim des prisonniers politiques • Terrorisme d'état en deux mois • Ferméture du quotidien Yeni Politika • Célébration absurde de la Journée de la Presse • Nouvelle condamnation d'Ismail Besikci • Le nouveau salaire minimum insuffisant • La campagne de promotion honteuse des médias turcs • Procès contre 99 intellectuels distingués • Un rapport controversé sur la Question kurde • L'éditrice Zarakolu risque de retourner en prison • La soumission de la Turquie au fondamentalisme saoudien • Mort du grand humoriste Aziz Nesin • Protestation des travailleurs contre le gouvernement • Deux mois de la pression sur les médias • Le président du Barreau est tué par des fondamentalistes • La montée de l'anti-sémitisme en Turquie •

Septembre-Octobre 95, N°222

• Inadmissible • L'Europe va-t-elle accueillir un tel régime? • IHD: la situation des droits de l'homme reste sombre • Les militaires menacent les pays étrangers • Prolongement de l'état d'urgence • Quatre députes kurdes restent en prison • Article 8: Maintien du "délit d'opinion" • Le président d'un parti kurde emprisonné • La brutalité et les grèves de la faim dans les prisons • Les forces turques ont pénétré en Irak • Coopération entre Ankara et Téhéran contre les Kurdes • Chiffres officiels de la guerre contre le PKK • Violations des droits de l'homme en 1994 • Nouveaux emprisonnements pour Besikci • Le journaliste Ahmet Altan condamné à 20 mois de prison • Nouvelles condamnations de l'éditrice Zarakolu • Une journaliste de Reuter risque la prison • L'hystérie anti-kurde atteint le monde des affaires • Le tremblement de terre de Dinar cause de lourdes pertes • La terreur d'état en deux mois • La persécution des médias en deux mois • Les temps seront durs pour la Turquie après les élections • Troisième convention des états turcs • L'exportation de pétrole d'Azéris donne espoir à la Turquie • Condamnation des meurtriers de cinq Turcs en Allemagne