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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


225

20e année - N°225
 Mars-Avril 1996
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 


La corruption scandaleuse de Ciller et l'immédiate soumission de Yilmaz
aux militaires ouvrent toutes les voies du pouvoir aux islamistes du RP


LA VOIE PRINCIPALE COURT-CIRCUITÉE

    La coalition de la Voie Principale, fondée par le Parti de la Juste Voie (DYP) de Ciller et le Parti de la Mère-Patrie (ANAP) pour sauver le pays d'un possible pouvoir intégriste, a court-circuité à cause de la corruption scandaleuse de Ciller et la soumission immédiate de Yilmaz aux militaires. Ainsi toutes les portes du pouvoir ont été ouvertes plus tôt que prévu au Parti de la Prospérité (RP).
    Bien que les deux partis conservateurs rivaux se soient mis d'accord à la fin du mois de février pour enterrer leur amère inimitié pour former une coalition minoritaire avec le soutien passif du Parti Démocratique de Gauche (DSP) d'Ecevit, les anciennes inimitiés ont refait surface peu de temps après des querelles concernant les portefeuilles ministériels et les désignations de bureaucrates à des postes-clés.
    Comme les fissures se faisaient de plus en plus profondes dans le partenariat, le RP a enfoncé le coin avec une série de motions d'enquête à propos des accusations de corruption contre Ciller qui a mené une précédente coalition avec les sociaux-démocrates.
    La campagne du RP a atteint son objectif de forcer l'ANAP de Yilmaz et le DSP d'Ecevit, tous deux engagés à combattre la corruption, à s'abstenir de protéger Ciller par souci de cohérence.
    Les motions d'enquête parlementaire contre Ciller sur les irrégularités commises dans la procédure de privatisation de deux entreprises d'État, TEDAS et TOFAS, ont déjà recueilli la majorité des suffrages à l'Assemblée Nationale.
    En plus d'humilier Ciller, l'enquête — qui sera suivie d'autres, particulièrement sur sa fortune douteuse — a mis en danger le poste de Premier Ministre qu'elle devait reprendre de Yilmaz à la fin de l'année dans le cadre de l'accord de partenariat de cinq ans.
    Furieuse, Ciller tient pour responsable le Premier Ministre Yilmaz du fait qu'une partie des députés de l'ANAP ont voté en faveur des motions. Elle voit l'enquête parlementaire comme conspiration politique à son encontre. Toujours est-il que c'est Ciller elle-même qui fournit tous les prétextes à ses adversaires, particulièrement au RP, pour ébranler l'actuelle coalition.
    En effet, très récemment, la bataille d'accusations de corruption à pris une nouvelle tournure lorsque Ciller a été accusée de détournement au sujet des fonds alloués aux Premiers ministres. Le quotidien Hürriyet a publié un document officiel montrant que Ciller avait retiré le 13 février une somme de 500 milliards LT (6,5 millions $) du fonds secret, un jour après que le ANAP ait décidé d'entamer des négociations avec le RP pour la formation d'un gouvernement de coalition.
    Auparavant, le 19 avril, la presse révélait une autre irrégularité de la famille Ciller. Il a été rapporté que l'ancienne Première Ministre et son mari, Özer Ciller, avaient fait enregistrer à leur nom un ranch de 90 ares que leur confidente Suna Pelister avait acheté près de la station balnéaire de Kusadasi, en 1994. À cette époque, Ciller était ministre et son mari Özer Ciller avait catégoriquement réfuté les déclarations de la presse qui disaient que Pelister était une rentière pensionnée sans fortune personnelle et qu'elle ne devait être qu'un prête-nom pour Ciller. Ainsi, en faisant enregistrer le ranch à leur nom, la famille Ciller a elle-même donné la preuve qu'ils avaient délibérément trompé l'opinion publique.
    Malgré ces faits indéniables, cette plus corrompue Premier Ministre du monde continue à user de démagogies simplistes affirmant que toutes ces accusations contre elle font partie d'une campagne de calomnies lancée parle RP, le PKK et le Dev-Sol avec pour objectif de détruire l'État turc.
    Alors que ceux qui ont le plus systématiquement tenté de détruire l'État turc, en encourageant la montée de l'intégrisme islamique et en menant le pays à la désunion, ne sont autres que les politiciens corrompus et assoiffés de sang comme Ciller.
    Ce sont ces politiciens qui tyrannisent toujours la population kurde et les autres communautés ethniques, cèdent le pouvoir aux généraux de l'Armée, font toutes les concessions possibles aux groupes intégristes, rendent le pauvre plus pauvre et le riche plus riche en suivant une politique économique dans l'intérêt d'une poignée de privilégiés comme eux-mêmes.
    Cette politique de trahison qui a été entamée par Turgut Özal et Süleyman Demirel, Premier Ministres et Présidents de la République, et qui a été poursuivie d'une manière plus dégoûtante par Tansu Ciller et ses complices sociaux-démocrates tels que Erdal Inönü, Yasar Karayalcin, Hikmet Cetin et Deniz Baykal.
    Le Premier Ministre actuel, Mesut Yilmaz, a montré en un seul mois de pouvoir que, malgré ses quelques manifestations de bonne volonté du début, il a opté pour la même politique anti-démocratique, anti-populaire et militaire.
    En fait, quelles que soient ses intentions et ses promesses, un homme politique qui avait choisi Ciller comme partenaire et qui lui avait promis de lui laisser la place dix mois plus tard était condamné dès le départ à suivre la même voie de la trahison.
    Voici quelques caractéristiques de son gouvernement de la Voie Principale:
    - Juste après son investiture, la première chose qu'il a fait, c'était de suivre un briefing de l'État-major et de recevoir les instructions des militaires pour la poursuite des opérations répressives.
    - La loi d'état d'urgence a été à nouveau prolongée pour quatre mois.
    - Dans la deuxième semaine de son mandat, il a donné le feu vert pour l'offensive militaire  appelée "Opération Faucon" au Kurdistan turc et à une série d'opérations trans-frontalières au Kurdistan irakien, alors qu'il ne fait aucun doute que le PKK a cessé ses actions armées depuis le mois de décembre 1995 pour ouvrir la voie à une solution politique et pacifique et que des institutions internationales comme le parlement Européen ont appelé le gouvernement turc à suivre le cessez-le-feu.
    - L'une des plus spectaculaires manœuvres d'assimilation de la République a été mise en pratique dans la troisième semaine du mandat de  Yilmaz. Alors que l'opinion internationale s'attendait à un respect intégral de l'identité nationale et des valeurs du peuple kurde, le gouvernement turc a proclamé que le Newroz, célébré le 21 mars par les Kurdes comme étant leur Nouvel An, n'était plus une fête kurde mais la fête du printemps des Turcs. Tandis que le peuple kurde se voyait encore interdire la célébration de leur Newroz traditionnel, le gouvernement turc a organisé des cérémonies officielles sous le nom de "Nevruz", et Yilmaz s'est personnellement encouru pour participer à une telle cérémonie qui s'est déroulée avec la participation des militaires et des Loups Gris néo-fascistes du MHP.
    Incroyable mais vrai, les couleurs nationales du peuple kurde — jaune, rouge et vert — ont été proclamées par le gouvernement de Yilmaz comme étant celles du peuple turc. Comme l'on s'en souvient, de nombreux Kurdes, et même la députée kurde Leyla Zana, ont été poursuivis pour avoir porté ces couleurs pour montrer leur identité ethnique. Depuis qu'il s'est avéré impossible d'empêcher ce geste totalement innocent, il a été annoncé dans un pamphlet publié sur l'ordre du Premier Ministre que ces trois couleurs n'avaient jamais appartenu aux Kurdes; ils étaient utilisés par les Turcs durant la période seldjoukide et l'Empire ottoman.
    - En ce qui concerne le terrorisme d'État, tous les articles et lois anti-démocratiques, y compris l'article 8, sont toujours conservés dans la législation turque et le nouveau gouvernement n'a fait aucun pas dans le sens de leur abrogation. Au contraire, comme nous le verrons dans les pages qui suivent, les intellectuels et les activistes des droits de l'homme sont continuellement accusés et condamnés sur base de ces lois et articles. Des journaux et des revues sont encore saisis et interdits à la publication.
    Quant aux relations internationales, tandis que la Turquie se retrouve de plus en plus isolée à cause de son irrespect des standards démocratiques et de sa politique expansionniste menaçante à l'égard des pays voisins, le gouvernement de Yilmaz tente de contrebalancer cela en s'assurant le soutien des États-Unis et d'Israël au nom de la coopération dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Récemment, un accord militaire signé avec Israël, permettant aux avions de ce dernier de s'entraîner dans l'espace aérien turc et permettant à ses navires d'accéder aux ports turcs, a été mis en application par le gouvernement de Yilmaz.
    En échange, Israël a promis à la Turquie de l'aider dans sa sale guerre contre les Kurdes et dans son conflit avec la Syrie et l'Iran qu'Ankara accuse d'abriter la guérilla kurde.
    Déjà furieux contre la Turquie à cause de la restriction de l'usage des eaux de l'Euphrate, les pays arabes accusent tous ensemble le gouvernement turc de trahir le monde musulman en collaborant avec Israël.
    Comme souligné par Cengiz Candar, dans le quotidien Sabah du 23 avril, "La Turquie, un grand pays qui a marqué de son empreinte l'histoire et la culture de cette vaste région, qu'elle a gouverné durant des siècles, un pays avec une population majoritairement musulmane, a maintenant été réduit au niveau de 'roue de secours' pour Israël".
    L'intégrisme islamique est déjà devenu la première force politique du pays grâce aux politiques aveugles des militaires et de leurs alliés dans le gouvernement. Les irrégularités honteuses de Ciller et l'incroyable silence des sociaux-démocrates en la matière a donné au RP une chance en or de se présenter comme la seule force politique à se battre contre la corruption. Il peut ainsi gagner plus aisément gagner le soutien des masses qui souffrent dans la misère.
    En outre, la récente coopération militaire et de renseignements avec Israël au détriment des intérêts du monde musulman va certainement accélérer la marche vers le pouvoir des intégristes dans ce pays à prédominance musulmane. Une telle Turquie ne sera jamais la Turquie que l'Europe souhaite voir en son sein.
    C'est le prix que l'Union Européenne doit payer en échange de sa politique à court terme qui consiste à soutenir des politiciens corrompus et répressifs, à l'image de Ciller, et à conclure dans la précipitation une Union douanière avec eux au nom de la préservation de la Turquie laïque contre le fondamentalisme islamique.

L'EXPANSIONNISME DU FASCISME DE TURKES SOUTENU PAR L'ÉTAT

    Bien que le MHP néo-fasciste n'ait pas réussi à recueillir suffisamment de voix pour entrer à l'Assemblée Nationale, le gouvernement turc continue à reconnaître en la personne du chef du MHP, Türkes, la principale autorité dans les relations avec les républiques Turciques du Caucase et d'Asie centrale.
    Dans une vision de rassembler tous les peuples turcophones "de l'Adriatique à la Mer de Chine" et de les garder sous la domination de l'expansionnisme de la Turquie, les représentants de ces républiques étaient invités à la soi-disant "Assemblée des États et des Communautés Turciques", le 24 mars à Ankara.
    À l'ouverture, le Président Demirel a dit, "De l'Adriatique à la Mer de Chine, à travers 11 millions de kilomètre-carrés, il y a 200 millions de Turcs. Le monde turc a émergé comme un arbre qui ne peut plus être mis à part ou négligé."
    Türkes, qui est aussi président de la Fondation de l'Amitié, de la Fraternité et de la Coopération de l'Assemblée des États et des Communauté Turciques (TUDEV), a demandé l'adoption du turc comme langue officielle dans tous les États turciques.
    Il a également offert à Demirel un bâton de marche muni à sa crosse d'une tête de loup gris, symbole du mouvement fasciste turc, qui a été accepté avec enthousiasme par le Président de la République.
    L'ancienne Première Ministre Ciler aussi était présente lors de  cette réunion et, conformément au rituel fasciste, elle a battu le fer en compagnie de Türkes.

L'ARMÉE ATTAQUE LES KURDES MALGRÉ LES APPELS AU CESSEZ-LE-FEU

    Malgré l'appel du Parlement Européen à prendre en considération le cessez-le-feu unilatéral du PKK, le nouveau gouvernement continue à maintenir les opérations militaires au Kurdistan.
    Après la formation du nouveau gouvernement, l'État-major turc a donné, le 19 mars, un briefing au Premier Ministre Mesut Yilmaz et aux ministres qui détiennent des portefeuilles clés à propos des questions de sécurité et des "menaces qui pèsent sur le pays". Avant la réunion, Yilmaz a eu une réunion privée avec le chef d'État-major Ismail Hakki Karadayi.
    Les forces turques ont lancé le 5 avril une offensive dont le nom de code était "Opération Hawk" dans les cantons de Hani et de Lice de la province de Diyarbakir. Les responsables de l'État d'urgence ont annoncé le 11 avril que les forces de sécurité ont abattu 110 militants du PKK et capturé cinq. Les mêmes autorités ont également admis que 33 membres des forces de sécurité avaient été tués au cours de l'opération.
    Le ministre de l'Intérieur Ülkü Güney a dit que l'opération contre le PKK continuerait jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun "terroriste".
    Malgré cette opération sanglante, le PKK a annoncé qu'il ne romprait pas le cessez-le-feu. "Les forces de guérilla continueront à être dans une position de défense active" a déclaré un porte-parole à l'agence pro-kurde DEM en Allemagne.
    Le Turkish Daily News a rapporté le 11 avril que des tuyaux fournis par des services de renseignements étrangers "amis" avaient joué un rôle clé dans les lourdes pertes subies dans les rangs des militants du PKK.
    "Parallèlement à la coopération entre les services de renseignements turcs et occidentaux dans le cadre de l'OTAN, Ankara a récemment approfondi sa 'coopération technique' avec Israël. Dans la dernière opération, la Turquie pouvait avoir accès à 'toutes' les facilités de renseignements offertes", ont dit les sources du TDN.

LA LOI D'ÉTAT D'URGENCE À NOUVEAU RECONDUITE

    Une des premières choses faites par le gouvernement, conformément aux directives des militaires, a été la prolongation de l'état d'urgence dans 10 provinces du Sud-est accordant des pouvoirs étendus  aux autorités locales en matière de restriction des libertés.
    Le 14 mars, le projet de loi prolongeant l'état d'urgence pour une durée de quatre mois à partir du 19 mars était adopté par l'Assemblée Nationale par 227 voix contre 179 et 51 abstentions.

LES INSTRUCTIONS DE L'ÉTAT-MAJOR POUR CACHER LES CRIMES COMMIS PAR L'ARMÉE

    Dans une action pour contrer les accusations concernant les mauvais traitements infligés à la population, l'État-major turc a récemment mis en garde les unités engagées dans le combat contre le PKK contre l'exposition au peuple des corps mutilés des militants tués.
    D'après la presse du 6 mars, les ordres et directives émis à propos de la conduite des relations avec la population civile depuis que les unités de l'armée ont pris en main les fonctions de sécurité interne avaient été compilés dans un recueil intitulé Les Lignes Directrices pour les Relations Publiques et les Voies pour Convaincre la Population.
    Le livre contient les instructions suivantes pour les troupes prenant part aux recherches ou aux opérations contre les militants séparatistes:
    "Lors de la conduite de perquisitions, ne causez pas de tort à la propriété des habitants locaux. Si un quelconque dommage était occasionné par inadvertance, payez le dommage.
    "Ne menez pas les perquisitions avec dureté et des méthodes irrégulières. Agissez avec réserve à l'égard des femmes et des vieillards. Ne fouillez pas les femmes vous-mêmes. Employez des femmes policiers, des sages-femmes, des infirmières, des enseignantes ou des femmes de confiance parmi la population locale.
    "Ne chargez pas les gardes de village de conduire eux-mêmes des fouilles de maisons. Effectuez les perquisitions en coordination avec les autorités locales.
    "À l'issue des perquisitions, assurez-vous d'obtenir des déclarations signées par les villageois certifiant que leurs propriétés n'ont pas subi de dommages, et conservez ces écrits. Ces documents doivent comporter les signatures des chefs ou des anciens des villages.
    "Au cas où un dommage aurait été causé et que son exploitation soit probable, essayez d'en réaliser des photos ou un enregistrement vidéo. Lors de la conduite de perquisitions, soyez vigilants contre les mines-pièges et les interventions actives des terroristes. Ne négligez jamais les mesures de sécurité de manière à ne causer aucun dommage. N'oubliez pas que vous pouvez tomber nez à nez avec un terroriste à tout moment.
    "Dressez soigneusement la liste de tout ce qui est pris sur les terroristes abattus; ne permettez aucun vol. Évitez de contraindre le peuple en exhibant sur les places de villages les corps mutilés de terroristes morts avec l'intention de délivrer message 'voyez ce qui arrive'. De telles attitudes peuvent effectivement effrayer les gens, mais ils ne fourniront pas une image agréable de l'État; au contraire, ils nuisent à sa réputation.
    "Assistez les pauvres, les malades et les nécessiteux dans vos zones de responsabilité en organisant les provisions d'eau et de nourriture, la réparation de leurs maisons et la moisson de leurs récoltes.
    "Si vous voyez des gens marcher sur la route, prenez-les dans votre véhicule si vous avez de la place.
    "Lorsque vous devez vous adresser aux gens, ne les rassemblez pas dans les maisons du chef de village, du cheikh ou des riches, choisissez plutôt des lieux publics comme la place du village, le café du village, la cour de la mosquée ou de l'école. Expliquez           poliment aux notables que cela n'est nullement destiné à les offenser.
    "Les villageois vous feront des présents pour s'assurer que vous agirez avec tolérance à leur égard. Acceptez les présents de ces gens mais avec modération. Offrez-leur en retour des cigarettes, du thé, du sucre ou des rations en boîte.
    "Mettez à profit chaque opportunité de les persuader du fait que vous partagez leurs joies et leurs peines. Aidez-les à enterrer leurs morts, participez aux funérailles, rendez des visites de condoléances. Pour ces gens, d'après les traditions locales, celui qui visite la maison d'un mort ne peut être un ennemi.
    "Participez aux prières de masse à l'occasion de cérémonies religieuses. Donnez des tapes amicales aux enfants. Participez aux cérémonies de mariage et joignez-vous aux danses populaires.
    "Faites réciter des prières à la mémoire de vos soldats morts et invitez les gens de la région à la cérémonie. Pendant le Ramadan, répondez à l'invitation des villageois de rompre le jeûne ensemble. Organisez vous-mêmes les repas de rupture du jeûne et assurez-vous que, à côté des riches, les pauvres du village sont aussi invités.
    "Si vous devez vous approvisionner localement, ne marchandez jamais. Au contraire, payez plus que le prix normal. Faites vos achats de différents magasins au lieu de n'acheter qu'à un seul d'entre eux. Ainsi, vous ne montrerez pas uniquement que vous ne faites pas de discrimination entre les gens, mais en même temps vous gagnerez la reconnaissance des détaillants qui font moins de bonnes affaires.
    "N'oubliez jamais que vous représentez l'État dans les endroits où vous officiez. La confiance et le respect que vous évoquez chez les gens augmentera leur confiance, leur respect et leur loyauté envers l'État".

QUATRE ANCIENS DÉPUTÉS À NOUVEAU CONDAMNÉS

    Le 11 avril, la Cour de la Sûreté d'État d'Ankara a condamné quatre anciens députés du défunt Parti de la Démocratie (DEP) à une peine de deux ans et deux mois et à presque 120 millions LT d'amende pour violation de l'article 8 de la loi anti-terroriste et de l'article 80 du Code pénal turc.
    Ahmet Türk, Sirri Sakik, Sedat Yurttas et Mahmut Alniak avaient auparavant été condamnés à des peines de prison allant jusqu'à sept ans et demi par la même cour en même temps que quatre autres députés du DEP, Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak, qui étaient condamnés à 15 ans de prison.
    Tandis que les verdicts à l'égard de ces derniers étaient ratifiés par la Cour de Cassation, la CSE a été enjointe par la Cour Suprême de rejuger quatre autres accusés.
    Pendant le nouveau procès, Türk, Sakik, Yurttas et Alniak ont accusé l'État de mener une politique de pression et de renier le "Peuple kurde" et ont rejeté l'accusation selon laquelle ils visaient à diviser le pays.

LE DDP PRO-KURDE BANNI, MAIS REMPLACÉ PAR LE DBP

    La Cour Constitutionnelle a décidé le 25 mars d'interdire le Parti de la Démocratie et du Changement (DDP) pro-kurde pour les motifs que son programme contient certaines paragraphes qui violent la Constitution.
    Précédemment à ce verdict, le 11 mars, le président Refik Karakoc et d'autres leaders ont démissionné de ce parti pour échapper à 5 ans d'interdiction de leurs droits politiques et ont fondé un nouveau parti dénommé le Parti de la Démocratie et de la Paix (DBP).
    Karakoc, en qualité de président du nouveau parti, a dit que le DBP aussi ferait des efforts pour que soient franchis le plus rapidement possible les pas en vue de la résolution de la question kurde.
    Ibrahim Aksoy, le premier président du DDP interdit, qui avait été remplacé par Karakoc, se trouve toujours en prison à Ankara.

UN NOUVEAU PARTI SOCIALISTE: LE PARTI DU TRAVAIL (EP)

    Consécutivement à la création du Parti de la Liberté et de la Solidarité (ÖDP), un groupe d'ouvriers et d'activistes de gauche ont mis sur pied un nouveau parti socialiste le 25 mars sous le nom de Parti du Travail (EP). Le président du EP, Abdullah Levent Tüzel, a dit: "Notre parti est composé principalement de travailleurs et d'intellectuels engagés dans la cause de la classe ouvrière. Nous considérons la question kurde comme étant non seulement la cause des ouvriers kurdes mais aussi celui des ouvriers turcs".
    Tüzel a ajouté que le EP était prêt à prendre part à une alliance avec les autres partis de gauche dans les intérêts de la classe ouvrière, de la démocratie et des libertés.
    Les autres partis socialistes sont le Parti de la Liberté et de la Solidarité (ÖDP), le Parti Ouvrier (IP) et le Parti du Pouvoir Socialiste (SIP).

SEIZE LYCÉENS TORTURÉS PAR LA POLICE A MANISA

    Seize lycéens qui avaient été mis en état d'arrestation en décembre 1995, à Manisa, ont été traduits devant la CSE d'Izmir, le 12 mars 1996, pour avoir participé aux actions du Parti/Front  Révolutionnaire de Libération du Peuple (DHKP/C). À l'ouverture du procès, les accusés, parmi lesquels quatre ont moins de 18 ans, ont dit qu'ils avaient été torturés par la police.
    La cour a décidé de les juger en huis clos, sans la présence des journalistes, sous prétexte que certains des détenus sont mineurs d'âge.
    Le procureur de la République a requis jusqu'à 15 ans de prison pour activités illégales.
    Sur les plaintes des lycéens concernant la torture, Amnesty International a demandé aux autorités turques, le 16 avril, de procéder à une nouvelle enquête approfondie et impartiale pour vérifier ces accusations.
    Le communiqué de presse d'AI disait: "Nous sommes alarmés de recevoir un nombre croissant de rapports selon lesquels des enfants auraient été torturés sous garde à vue policière."
    "Pendant leur détention, entre le 26 décembre 1994 et le 5 janvier 1996, dans le quartier général de Manisa, la police aurait bandé les yeux des accusés, les aurait dénudés, les aurait aspergés d'eau froide et leur aurait fait subir des électrochocs y compris au niveau de leurs organes génitaux. Les policiers ont violé les détenus masculins à l'aide de matraques et ont serré leurs testicules. Les détenus féminins ont fait l'objet de tests gynécologiques forcés et ont été menacées de viol, de soumission au test de virginité et de défenestration."
    Il déclarait également que les plaintes de torture étaient étayées par des rapports médicaux provenant des hôpitaux dans lesquels ils avaient été soignés durant leur détention.
    "Une jeune fille de 17 ans a dû être transférée à l'hôpital pour saignement vaginal consécutif à l'application de chocs électriques sur ses parties génitales. Un jeune de 16 ans (qui est toujours en état d'arrestation) a récemment été transféré à l'Hôpital d'État d'Izmir. Les jeunes relâchés reçoivent un traitement médical de l'Association Turque des Droits de l'Homme", disait la déclaration d'AI.
    Le communiqué de presse faisait également référence à Sabri Ergül, un député du CHP, décrivant sa visite surprise au quartier général de la police de Manisa où les enfants auraient été torturés: "J'ai entendu un cri et j'ai ouvert la porte de la pièce suivante pour voir ce qui s'y passait. Les jeunes gens étaient là, leurs yeux étaient bandés et certains d'entre eux étaient nus."
    AI a dit qu'elle surveillait aussi les procès des présumés auteurs des tortures exercés sur des enfants. "Le procès contre des officiers de police qui auraient soumis à des chocs électriques Abdullah Salman, 13 ans, dans les locaux de la police de Sisli à Istanbul, entre le 7 et le 9 novembre 1994, est toujours en cours. Le bras de Halil Ibrahim Okkali, âgé de 12 ans, a été cassé lors de sa détention au commissariat de police de Cinarli le 27 novembre 1995 à Izmir, et un procès a récemment été ouvert", a déclaré AI.

CENTRES DE TRAITEMENT DE LA TORTURE SOUS PRESSION

    Les autorités turques ont lancé une campagne de pression avec pour objet la fermeture des centres de traitement de la torture fondés par la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV).
    Le 22 mars, le Procureur général a demandé à la TIHV les noms et adresses des personnes qui ont déclaré avoir été torturés.
    Dans une autre action, le bureau du Département de la Santé à Adana a demandé au centre de réhabilitation de la ville les noms des médecins qui y travaillent, ainsi que ceux des personnes qui se plaignent de tortures. Par ailleurs, le centre situé à Adana a fait l'objet d'une enquête de la part du Département de la Santé pour savoir si oui ou non il soignait les patients - un acte que le Département dit être illégal.
    Le président de la TIHV, Yavuz Önen, a accusé le Ministère turc des Affaires étrangères d'être derrière ces pressions;
    Önen a dit que la TIHV était une fondation ayant travaillé six ans sous le contrôle de la Direction Générale des Fondations et qu'elle était respectueuse des lois.
    Il a ajouté que l'enquête actuelle était une tactique de terreur, destinée à essayer de réduire le nombre de candidatures émanant de gens ayant été torturés, aussi bien qu'une tentative pour effrayer les médecins qui dispensent bénévolement leurs services.
    La seule réponse apportée par la TIHV à la demande du procureur portant sur les noms et adresses de ceux qui se sont plaints d'avoir été torturés, a été la description de ses activités - aider les victimes de la torture en leur indiquant où elles peuvent obtenir des soins et éventuellement payer le traitement.

HABITAT II À ISTANBUL BOYCOTTÉ PAR LES ORGANISATIONS DES DROITS DE L'HOMME

    Habitat II, la dernière conférence majeure du siècle organisée par l'ONU, qui se tiendra du 3 au 14 juin à Istanbul doit faire face à deux crises qui menacent tout le succès du sommet.
    Le premier dilemme est que de nombreux ONG pourraient boycotter la conférence parce que les ONG turques n'ont pas été autorisées à prendre part au forum.
    Le second dilemme est un conflit entre la Municipalité Métropolitaine d'Istanbul contrôlée par le RP et l'Administration Turque du Logement (TOKI), le corps désigné par le gouvernement pour être l'hôte officiel de la conférence.
    Les organisations non-gouvernementales telles que l'Association des Droits de l'Homme (IHD) et la Fondation des Droits de l'Homme en Turquie (TIHV) de même que nombre d'organisations écologistes ont déclaré qu'elles ne participeraient pas aux forums des ONG en guise de protestation contres les règles qui gouvernent la conférence.
    Elles ont déclaré que la Turquie n'était pas le bon pays pour servir de hôte à une telle conférence à cause de ses nombreuses violations documentées des droits de l'homme.
    Un certain nombre d'ONG, tenant une conférence de presse le 22 avril, ont déclaré qu'elles organiseraient une série d'activités dans le cadre de la Plate-forme Alternative à Habitat.
    Mettant l'accent sur les effets de la guerre civile dans le Kurdistan turc, elles ont dit: "Les villages et les forêts sont brûlés dans le Sud-est, les gens sont évacués de force, 2,5 millions sont forcés de quitter leur maison à cause de cette guerre. Une grande partie de cette population vit dans des installations de fortune ou dans des camps".
    La plate-forme a également critiqué les desseins d'Habitat dans les termes suivants:
    "L'objectif fondamental des Nations-Unies dans ce genre de sommets est de faciliter le développement des marchés des pays du Nord et de déterminer comment elles peuvent abuser du meilleur des ressources des pays du Sud. Les salons de la construction qui se tiendront dans le cadre d'Habitat II sont le meilleur exemple de cette situation. Comme la vie dans notre monde est une structure hiérarchique déterminée par les puissances dominantes, les voix de ceux qui se battent pour la classe ouvrière et les libertés sont supprimées. Les groupes ethniques, les femmes, les enfants, les homosexuels et les personnes handicapées physiques ou mentaux sont dénués de tous droits démocratiques et sont forcés de vivre dans certaines villes, dans certaines rues déterminées et même dans des zones fermées."
    Les organisateurs de la Plate-forme Alternative à Habitat ont également critiqué la manière d'organiser Habitat II:
    "À Istanbul, les chiens et chats des rues sont tués pour donner un masque artificiel à la ville. Istanbul se prépare à Habitat en multipliant par cinq les prix des chambres d'hôtel. Ils font des calculs pour déterminer combien Habitat rapportera à Istanbul en termes d'échanges. Tout ceci figure dans les médias. Le seul point qui est négligé, ce sont les organisations non-gouvernementales…"

ISMAIL BESIKCI À NOUVEAU CONDAMNÉ

    Le sociologue Ismail Besikci a été condamné, le 13 mars 1996, à 16 mois de prison et à une amende de 133 millions LT pour son livre Les Concepts Souillés: Science, Égalité, Justice, publié en 1994. Dans le même procès, le directeur de la Maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk, a également été condamné à six mois d'emprisonnement et à une amende de 100 millions LT.

LE TERRORISME D'ÉTAT EN MARS

    1.3, à Ankara, onze étudiants universitaires sont jugés par une cour pénale pour avoir tenu une manifestation de protestation à l'Assemblée Nationale.
    1.3, à Istanbul, 47 étudiants universitaires sont détenus par la police après une manifestation effectuée en guise de protestation contre la hausse des droits d'inscription à l'université.
    1.3, à Pervari, 27 protecteurs de village auraient été détenus pour avoir abrité des militants du PKK.
    1.3, la CSE d'Ankara condamne dix personnes à diverses peines de prison qui vont jusqu'à 22 ans et six mois pour avoir pris part aux activités du Parti Communiste Marxiste-Léniniste (MLKP).
    2.3, à Izmir, un lycéen, Hikmet Öztan, est abattu par des tireurs non identifiés.
    4.3, à Diyarbakir, l'imam Yakup Veyisoglu est assassiné par les militants d'un groupe intégriste.
    4.3, à Kinik, Abidin Apaydin déclare avoir été torturé dans le quartier général de la police de Manisa après avoir été détenu le 9 février dans le village de Taspinar.
    5.3, à Van, Taceddin Ertas est victime d'une attaque armée.
    5.3, le quotidien Demokrasi rapporte qu'un sexagénaire, Selahaddin Akbulut, détenu l'année dernière par les gendarmes est retrouvé assassiné.
    7.3, à Catak, le président local du HADEP, Nezir Ocek, et cinquante autres personnes sont mis en état d'arrestation.
    7.3, à Tekirdag, deux médecins, Sahin Bal et Zehra Aydin, sont poursuivis pour avoir délivré un certificat médical attestant des traces de torture sur le corps d'une victime de la torture, Mehmet Siddik Dogru. Ils sont accusés d'avoir jeté le discrédit sur l'État turc en rédigeant un rapport médical sans fondements.
    7.3, les forces de sécurité arrêtent douze personnes à Ankara pour activités illégales. Le même jour, à Istanbul, neuf personnes sont mises en état d'arrestation par la police politique.
    7.3, six personnes sont jugées par la CSE de Diyarbakir pour avoir réalisé des actions armées. Trois d'entre eux encourent la peine capitale et les trois autres risquent jusqu'à 15 ans de prison.
    7.3, le bureau d'Istanbul du Parti Ouvrier (IP) est détruit par l'explosion d'une bombe. L'acte est revendiqué par le groupe intégriste IBDA-C.
    8.3, le procureur de la CSE de Diyarbakir poursuit huit membres du Hizbullah. Quatre accusés risquent la peine de mort et les autres jusqu'à 15 ans de prison.
    9.3, à Ankara, une manifestation d'enseignants organisée pour protester contre l'interdiction du Syndicat du Personnel Éducatif, Scientifique et Culturel (Egitim Sen) est empêchée par la police qui fait usage de la force. 20 manifestants sont blessés et 32 sont mis en état d'arrestation.
    10.3, à Istanbul, une manifestation en faveur de la paix est interdite par le gouverneur.
    11.3, cinq membres du Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP) sont condamnés par la CSE d'Istanbul à différentes peines de prison qui vont jusqu'à 12 ans et six mois.
    11.3, à Diyarbakir, la police arrête cinq personnes lors d'une descente dans une maison.
    12.3, un groupe de Loups Gris du MHP attaquent des étudiants gauchistes à l'Université Hacettepe d'Ankara et blessent deux d'entre eux.
    12.3, à Diyarbakir, plus de 20 étudiants universitaires sont mis en état d'arrestation pour une manifestation de protestation contre l'augmentation des droits d'inscription à l'université.
    13.3, à Istanbul, dix-sept jeunes qui avaient été arrêtés pour activités politiques en février, affirment avoir été torturés durant leur détention policière de 12 jours. Cinq des victimes ont moins de dix-huit ans.
    13.3, à Istanbul, une manifestation organisée à l'occasion du premier anniversaire du massacre de Gazi tourne en une violente confrontation lorsque la police intervient, et sept personnes, y compris dans les rangs de la police, sont sérieusement blessés. 35 personnes sont placés en garde à vue.
    15.3, les forces de sécurité arrêtent 23 personnes à Istanbul et dix personnes à Adana pour avoir pris part à des actions du PKK.
    17.3, Lors des manifestations d'étudiants contre l'augmentation des droits d'inscription à l'université, les forces de sécurité arrêtent 167 étudiants à Bursa et 77 à Eskisehir. Au cours des incidents qui ont eu lieu à Bursa, sept étudiants sont grièvement blessés.
    18.3, à Bursa, 26 étudiants de l'Université Uludag sont placés en état d'arrestation au cours de leur action de protestation.
    18.3, à Lice, Hasan Pelin, âgé de 16 ans, est victime de l'explosion d'une mine placée par les forces de sécurité.
    19.3, à Aydin, selon les déclarations faites à la presse par leurs familles, onze lycéens auraient fait l'objet de tortures au cours de leur détention.
    19.3, le président de l'IHD d'Istanbul, Ercan Kanar, et sept autres dirigeants du IHD sont traduits en justice par le procureur de la cour militaire de l'État-major. En vertu de l'article 155 du CPT, ils risquent chacun jusqu'à deux mois de prison pour avoir autorisé un groupe de femmes à tenir une conférence de presse contre le service militaire obligatoire.
    19.3, à Ankara, onze étudiants de l'Université Hacettepe sont placés en état d'arrestation pour avoir participé à une action de protestation contre l'augmentation des droits d'inscription à l'université.
    21.3, à Istanbul, trois personnes arrêtées lors des célébrations du Newroz, Gonca Dönmezer, Cüneyt Tiskaya et Ali Eflek, auraient été soumises à la torture au cours de leur détention.
    21.3, à Van, trois dirigeants du HADEP, Cevdet Armutcu, Mehmet Firat et Nezir Aksoy, affirment avoir été torturés après leur arrestation par la police le 17 mars.
    21.3, la CSE d'Istanbul condamne cinq personnes à des peines de prison qui vont jusqu'à trois ans et neuf mois pour avoir occupé les locaux du YDH situés à Istanbul dans le cadre d'une action de protestation.
    23.3, à Ankara, un rassemblement de masse organisé par des étudiants pour protester contre l'augmentation des droits d'inscription à l'université s'est clôturé par l'arrestation de 224 étudiants. Plus de 200 étudiants ont été grièvement blessés lors des assauts violents de la police.
    24.3, à Istanbul, une femme nommée Devrim Öktem affirme qu'elle a été torturée et que son bébé a été maltraité dans le quartier général de la police politique.
    24.3, à Istanbul, dix personnes, parentes de détenus politiques, sont poursuivies pour outrage aux autorités lors des incidents survenus à la Prison d'Ümraniye et au cours desquels quatre détenus avaient été tués.
    24.3, à Istanbul, les forces de sécurité annoncent l'inculpation de vingt personnes sous le chef de participation à des actions du DHKP/C.
    24.3, à Bingöl, un chef de village, Siddik Bulut, l'imam Ahmet Faruk Kaya, ainsi que quatorze personnes ont été mis en état d'arrestation pour avoir donné refuge et fourni de l'aide à des guérilleros du PKK.
    25.3, Kamil Dag, Turan Bulut, Aziz Yenigül et S.A., 16 ans, qui avaient été arrêtés le 13 mars pendant les manifestations organisées à l'occasion du premier anniversaire du massacre de Gazi, auraient fait l'objet de tortures dans l'enceinte du commissariat de police.
    25.3, un lycéen de 17 ans, Deniz Özcan, prétend avoir été torturé et menacé par la police parce qu'il avait été témoin de l'assassinat du journaliste Metin Göktepe.
    25.3, à Silopi, l'explosion d'une mine placée par les forces de sécurité a coûté la vie au passager d'un autobus, Besir Yen.
    26.3, sur décision du gouverneur, la section d'Adana de l'IHD a été fermée pour quinze jours.
    26.3, une attaque menée par les Loups Gris du MHP à l'École Professionnelle de Balikesir s'est terminé par la blessure de cinq élèves et l'arrestation de quinze autres.
    27.3, la CSE d'Istanbul condamne un membre de l'Armée de Libération des Travailleurs et des Paysans de Turquie (TIKKO), Yilmaz Zurnaci, à la peine de mort, sur base de l'article 146 du CPT.
    27.3, une intervention policière à une réunion d'étudiants à Malatya a mené à la blessure de trois étudiants et à l'arrestation de neuf autres.
    27.3, à Patnos, un paysan de 45 ans, Ali Karatas, est retrouvé assassiné après avoir été placé en état d'arrestation par la police.
    27.3, à Diyarbakir, Ramazan Elen est abattu par des tireurs non identifiés.
    28.3, un fonctionnaire d'État, dont le nom est Metin Yildiz, affirme avoir été torturé après sa mise en détention le 24 mars. Le même jour, à Istanbul, Yilmaz Basinc, âgé de 40 ans, a dit qu'il avait été torturé pendant qu'il était en garde à vue policière.
    29.3, le secrétaire de l'IHD de Hakkari, l'avocat Hüseyin Ümit, est arrêté par la police lors d'une descente effectuée à son bureau.
    30.3, l'ancien président du Syndicat des Travailleurs du Pétrole (Petrol Is), Münir Ceylan, se retrouve, sur base de l'article 8, devant la CSE de Diyarbakir pour un discours qu'il a prononcé en décembre 1995. Deux éditeurs de la revue Batman Postasi, Nizamettin Izgi et Ercan Atay, qui ont publié le discours, sont également jugés dans le cadre de la même affaire.
    30.3, à Samandag, 46 membres du HADEP sont mis en état d'arrestation pendant qu'ils assistent à une cérémonie de commémoration pour un leader du HADEP, Mehmet Latifeci, qui avait été assassiné un an auparavant.
    30.3, à Diyarbakir, Hüseyin Senyigit est assassiné par des tireurs non identifiés.
    30.3, au cours des manifestations d'étudiants, la police a arrêté 15 étudiants universitaires à Ankara.
    31.3, à Mus, Resit Dürre affirme avoir été torturé après son arrestation par les soldats, le 18 mars.
    31.3, à Ankara, Mehmet Geckin qui avait été arrêté alors qu'il lisait le périodique Alternative Socialiste affirme avoir été torturé au cours de sa garde à vue.
    31.3, un meeting organisé à Malatya par le Parti du Travail (EP) nouvellement fondé est interdit par décision du gouverneur.
    31.3, à Batman, les forces de sécurité arrêtent plus de 40 personnes parmi lesquels se trouvent des dirigeants locaux du HADEP. À Istanbul, la police annonce l'arrestation de trois militants du DHKP/C.

PRESSION SUR LES MÉDIAS EN MARS

    2.3, le magazine politique Özgür Gelecek est saisi sur base de l'article 312 du CPT par la CSE d'Istanbul.
    4.3, un ancien éditeur responsable du défunt quotidien Özgür Gündem, Besim Döner, est condamné par la cour militaire de l'État-major à deux mois de prison et à 160 mille LT pour propagande antimilitariste.
    4.3, deux revues politiques, le numéro 36 du Partizanin Sesi et le numéro 14 du Partizan, sont confisquées sur base de l'article 312 par la CSE d'Istanbul.
    6.3, le président de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), Akin Birdal, et 16 autres hauts responsables sont jugés par la CSE d'Ankara pour avoir publié une lettre d'informations intitulée La Solution dans la Paix. Chacun d'entre eux risque jusqu'à trois ans de prison.
    6.3, le président de la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV), Yavuz Önen et huit autres hauts responsables sont jugés par une cour pénale d'Ankara pour avoir publié un livre sur la défense des droits de l'homme. Chacun d'entre eux disque jusqu'à six mois de prison.
    6.3, à la CSE d'Izmir s'achève le procès de Hasan Karadag, président du Centre Culturel de Mésopotamie (MKM), Cevdet Turgut, président local du HADEP et président de la station de radio Demokrat, Cengiz Tasdemir, poursuivi sur base de l'article 8 à propos d'un programme radiophonique. Chacun a été condamné à une amende de 86 millions LT.
    7.3, le propriétaire d'Atilim, Aslihan Yücesan, subit un interrogatoire.
    8.3, le n° 8 de la revue politique Proleter Halkin Birligi est saisi par la CSE d'Istanbul sur base de l'article 8.
    11.3, la CSE d'Istanbul condamne un éditorialiste du périodique Mücadele, Metin Balca, à 16 mois de prison et à une amende de 133 millions TL sur base de l'article 8. L'éditeur responsable Cafer Cakmak aussi est condamné à six mois de prison et à une amende de 50 millions TL; l'éditrice Gülten Sesen se voit infligée une amende de 100 millions TL.
    12.3, la cour militaire de l'État-major condamne deux journalistes, Hale Soysü (Aydinlik) et Seyh Davut Karadag (Özgür Gündem), à deux mois d'emprisonnement et à une amende de 160 mille LT chacun pour publications antimilitaristes. Deux autres personnes, Mehmet Akdeniz et Bülent Yildirim, sont également condamnés par la cour aux mêmes peines et amendes.
    13.3, le périodique Hedef est confisqué par la CSE d'Istanbul sur base de l'article 312 du CPT.
    14.3, la directrice de la Maison d'Édition Belge, Ayse Zarakolu, et le président du Parti Ouvrier (IP), Dogu Perincek, sont jugés par la CSE d'Ankara à propos de leurs discours prononcés au Congrès de l'IHD qui s'est tenu en octobre 1994. Chacun d'entre eux encourt jusqu'à trois ans de prison sur base de l'article 8.
    15.3, un magazine mensuel d'arts, Ada, est saisi par une cour pénale d'Istanbul pour un article qui y est paru et qui concernait l'assassinat du journaliste Metin Göktepe.
    15.3, la police d'Istanbul arrête Ibrahim Cicek, rédacteur en chef d'Atilim; son épouse, Aysel Cicek; Haci Orman, un journaliste du bureau étranger du périodique; le propriétaire d'Atilim, Aslihan Yücesan; et les membres de l'équipe, Ali Hidir Polat, Sabahat Karahan, Zeynel Yesil et Duran Sahin. La police a pénétré de force dans les maisons des sept personnes précitées. Leurs familles et le personnel du journal ont entamé une grève de la faim pour protester contre les détentions.
    16.3, le directeur du périodique Kurtulus, Gökhan Kiziroglu, qui avait été arrêté le 7 mars sur un campus de l'Université Technique d'Istanbul affirme, après avoir été relâché, qu'il a été torturé pendant sa détention.
    18.3, le journaliste Ahmet Altan est condamné à 15,3 millions LT par une cour pénale d'Ankara pour avoir insulté le juge principal de la Cour Constitutionnelle au cours d'une émission de télévision.
    18.3, le périodique Alinteri est fermé pour une durée d'un mois par décision de la Cour de Cassation à cause d'articles se rapportant aux assassinats de dirigeants du HADEP. Alinteri avait déjà été fermé pendant vingt jours, entre le 27 février et le 17 mars.
    19.3, un nouveau périodique, Emekcinin Alinteri, est saisi par la CSE d'Istanbul sur base des articles 6 et 8 de la LAT.
    20.3, le représentant à Diyarbakir du périodique Ronahi, Halil Ibrahim Dede, est arrêté par la police en relation avec les célébrations non autorisées du Newroz.
    20.3, les périodiques Atilim et Özgür Genclik sont fermés chacun pour 30 jours par décision de la Cour de Cassation.
    20.3, la Cour de Cassation confirme un emprisonnement de 6 mois et une amende de 111 millions LT à l'encontre de Ismail Akkin, en tant qu'éditeur responsable d'Atilim, et une amende de 100 millions à l'encontre du même journaliste en tant qu'éditeur d'Özgür Genclik.
    20.3, le rédacteur en chef du journal Demokrasi, Mehmet Oguz, est condamné par une cour pénale d'Istanbul à un emprisonnement de dix mois et à une amende de 1 million LT pour un article qu'il a écrit dans un autre périodique, Özgür Yasam, pour avoir insulté l'Assemblée Nationale. L'éditeur responsable du dernier périodique cité, Ali Zeren, a aussi été condamné à une amende de 1,5 million pour avoir publié cet article.
    20.3, une correspondante du quotidien Demokrasi, Serpil Korkmaz, est placée en état d'arrestation par la police qui effectue une descente à sa maison.
    21.3, Gonca Dönmezer, une employée de Kizilbayrak, est arrêtée et battue par la police au cours d'une manifestation, lors du Newroz. Elle a été détenu à la Prison Metris, à Istanbul, pour "avoir pris part à une manifestation illégale".
    22.3, Hamza Yalcin, ancien éditeur responsable de Odak, est emprisonné à la prison de Bayrampasa, à Istanbul, sous présomption d'appartenance à une organisation illégale. Hatice Onaran, ancienne éditrice responsable de Devrimci Cözüm, est également incarcérée à la prison de Bayrampasa depuis la confirmation de sa sentence de quatre ans et demi. Elle était poursuivie sur base de la Loi Anti-Terreur à cause d'articles qu'elle avait publiés dans Devrimci Cözüm.
    23.3, à Ankara, des journalistes qui couvraient une manifestation d'étudiants ont fait l'objet de violence policière; six d'entre eux, Cemal Gökcanli (Kanal 6 TV), Serkan Cinier et Gökhan Eren (Interstar TV), Kemal Ertas (Partizanin Sesi) et Burhanettin Bilici (Associated Press), ont été blessés. Six autres journalistes auraient été brièvement placés en garde à vue.
    25.3, le quotidien Demokrasi rapporte que les collaborateurs du périodique Atilim, qui avaient été arrêtés le 15 mars, ont été soumis à la torture.
    27.3, l'éditeur responsable du périodique Odak, Erhan Duman, affirme avoir été torturé avec six autres de ses amis pendant leur garde à vue à Istanbul.
    27.3, le poète Nihat Behram, qui a vécu comme réfugié politique en Europe pendant seize ans, a été placé en état d'arrestation à l'aéroport d'Istanbul lors de son retours au pays.
    27.3, le n° 3 du périodique Proleter Dogrultu et le n° 3 de la revue pour jeunes Reheval sont saisis par la CSE d'Istanbul sur base des articles 6 et 8 de la LAT.
    27.3, Mustafa Temiz, un employé du mensuel Özgür Cukurova, et les journalistes Deniz Koc et Latife Capik sont arrêtés par la police anti-terroriste à Adana. Ils se sont vus imposer une garde à vue de dix jours. De même, Hidir Sari, éditeur du Proleter Halkin Birligi, est arrêté et détenu pendant 24 heures. Il est accusé d'avoir conservé des exemplaires d'une édition du journal dont la saisie avait été ordonnée par les autorités judiciaires.
    29.3, à Alanya, le rédacteur en chef du journal local Memleketim, Serhan Altiparmak, est arrêté sous prétexte qu'il a refusé d'effectuer son service militaire. Il a été relâché après avoir prouvé qu'il avait déjà accompli son service.
    29.3, trois employés du périodique Atilim, Sabahat Karahan, Dogan Sahin et Zeynel Yesil, affirment avoir été torturés pendant leur garde à vue.
    29.3, deux correspondantes du périodique Kurtulus, Yazgülü Güder Öztürk et Hamide Öztürk, sont arrêtées par la police qui prend d'assaut leurs maisons.
    30.3, le n° 10 du périodique Proleter Halkin Birligi est saisi par la CSE d'Istanbul sur base de l'article 312 du CPT.
    30.3, l'éditeur responsable du périodique Kurtulus, Hüseyin Gündüz, est placé en état d'arrestation par des policiers vêtus de gilets pare-balles qui prennent d'assaut sa maison.
    31.3, à Ankara, les Loups Gris du MHP attaquent un certain nombre de libraires et blessent cinq personnes.

PROVINCES KURDES DAVANTAGE PAUPÉRISÉES EN SEPT ANS

    En 1994, les régions les plus riches de Turquie étaient devenues un peu plus riches tandis que les plus pauvres étaient devenues encore plus pauvres, par rapport à 1987.
    Les statistiques par région du revenu national, telles qu'établies par l'Institut des Statistiques de l'État (DIE), ont montré que les sept ans d'efforts gouvernementaux fournis entre 1987 et 1994 se sont révélés vains dans la mise en place d'une tableau plus équitable en matière de distribution régionale du revenu.
    Ils ont révélé que les deux régions les plus riches, Marmara et l'Égée, ont participé pour 52,8 pour cent du Produit Intérieur Brut (PIB) de la Turquie en 1994, alors que ce même chiffre était de 51,9 pour cent en 1987. À elle seule, la région de Marmara a représenté 35,6 pour cent en 1994, devenant un peu plus riche par rapport à ses 35,3 pour cent de 1987. La part de l'Égée dans le revenu national a aussi progressé de 16,6 pour cent en 1987 à 17,2 pour cent sept ans plus tard.
    À l'inverse, les deux régions les plus pauvres, l'Anatolie de l'est et l'Anatolie du sud-est, peuplées principalement de Kurdes, ont montré une baisse de leurs parts cumulées au sein du PIB entre 1987 et 1994. Les deux régions touchées par la pauvreté représentent ensemble 9,2 pour cent du revenu national en 1994, en légère baisse par rapport aux 9,3 pour cent de 1987.
    Un autre indice a confirmé les écarts grandissants entre les revenus. La part moyenne dans le PIB des huit provinces où "l'état d'urgence" est d'application était de 0,40 pour cent en 1987. Ces villes du Sud-est étaient Diyarbakir, Bingöl, Tunceli, Mardin, Adiyaman, Van, Bitlis et Hakkari. En 1994, les 10 provinces d'état d'urgence, avec l'addition de Batman et Sirnak, atteignaient une moyenne de 0,33 pour cent du revenu national de la Turquie.
    Les dix provinces les plus pauvres sont Bayburt, Ardahan, Hakkari, Igdir, Tunceli, Bingöl, Sirnak, Gümüshane, Bitlis et Agri, avec 0,1 pour cent du PIB.
    Du côté des riches, a dit le DIE, Istanbul qui représente 20,3 pour cent du PIB de la Turquie, a conservé sa première place malgré un léger repli par rapport à ses 21 pour cent de 1987. Izmir s'est classée deuxième avec 8,2 pour cent et Ankara troisième avec 7,9 pour cent.
    Les villes industrielles Kocaeli et Bursa se sont classées quatrième et cinquième avec 4,6 et quatre pour cent respectivement.
    Les autres classés dans le top 10 étaient, dans l'ordre, Adana (3,3 pour cent), Icel (2,9), Antalya (2,6), Manisa (2,6) et Konya (2,2).

LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME CONTINUENT COMME AVANT

    Bien que la Turquie soit gouvernée depuis début mars par une nouvelle coalition ayant promis de respecter les droits et libertés fondamentales, 127 personnes se trouvent encore en prison pour leurs opinions politiques à la fin du mois de mars.
    Le rapport mensuel de l'Association des Droits de l'Homme (IHD) montre que les violations des droits de l'homme se sont poursuivies comme avant.
    Ci-dessous, sont repris les chiffres de mars 1996:
    - Attaques perpétrées par des assaillants inconnus:    5 morts, 13 blessés
    - Morts dans des exécutions extra-légales, sous la torture et en détention:    9
    - Tués dans des affrontements armés:    97
    - Disparus au cours de leur détention préventive:    14
    - Cas de torture:    64
    - Personnes détenues:    2.076
    - Personnes arrêtées par les tribunaux:    208
    - Sections de l'IHD fermées:    2
    - Publications interdites:    9
    - Bureaux de presse pris d'assaut par la police:    11
    - Journalistes détenus:    46
    - Publications saisies:    13
    - Peines de prison prononcées:    6 ans et 6 mois
    - Amendes infligées:    2,1 milliards LT
    - Nombre de prisonniers d'opinion: 127
    Auparavant, en février 1996, les chiffres concernant les violations des droits de l'homme étaient établis comme suit:
    - Attaques perpétrées par des assaillants inconnus:    6 morts, 17 blessés
    - Morts dans des exécutions extra-légales, sous la torture et en détention:    17
    - Tués dans des affrontements armés:    37
    - Victimes civiles d'attaques:    7 morts, 13 blessés
    - Disparus au cours de leur détention préventive:    16
    - Cas de torture:    51
    - Personnes détenues:    874
    - Personnes arrêtées par les tribunaux:    203
    - Bureaux pris pour cible par des poseurs de bombes:    14
    - Associations et syndicats fermés:    2
    - Associations et journaux pris d'assaut par la police:    12
    - Journalistes détenus:    19
    - Publications saisies:    13
    - Peines de prison prononcées:    5 ans et 1 mois
    - Amendes infligées:    474 millions LT
    - Peines de prison requises:    666 ans et 8 mois
    - Nombre de prisonniers d'opinion: 124

L'APPEL DU CONSEIL DE L'EUROPE AU GOUVERNEMENT TURC

    L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté, le 25 avril 1996, une recommandation basée sur le rapport du député socialiste hongrois Andreas Barsony qui demande principalement à Ankara un règlement pacifique de la question kurde et la levée de l'article 8 et des autres lois et articles antidémocratiques qui se trouvent dans la législation turque.
    L'Assemblée a demandé à la Turquie de gracier quatre anciens parlementaires kurdes et a suggéré une amnistie générale en Turquie.
    La recommandation fait référence à une précédente résolution qui requiert un "processus de surveillance" à l'égard de la Turquie et demande aux commissions juridique et des droits de l'homme du Conseil d'établir un rapport sur la situation en Turquie pour la session de septembre 1996 de l'Assemblée.
    Les députés turcs ont exprimé, à l'Assemblée, leur réserve à l'égard de la recommandation. Irfan Demiral, chef de la délégation turque, à dit que le mécanisme de surveillance imposée à la Turquie devrait être étendue à tout les "autres membres" pour surveiller le racisme et la discrimination.

LE PROCÈS DE LA TURQUIE PAR LA COUR EUROPÉENNE ET LA COMMISSION EUROPÉENNE

    Pour la première fois, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a entendu les plaintes de sept citoyens turcs d'origine kurde, le 25 avril, concernant la destruction de leur village par des soldats turcs quatre ans auparavant.
    Contre l'accusation de Akdivar et d'autres, la défense turque dit que le village en question — le village de Kelekci à Diyarbakir — avait été brûlé par le PKK.
    La Commission des Droits de l'Homme, qui envoie des applications à la cour, à décidé de prendre en compte l'affaire après avoir envoyé des experts pour faire des investigations sur les lieux à propos des versions des deux parties.
    En faveur des intérêts de la Turquie, la procédure n'aurait pas été tout à fait respectée, ainsi le litige devrait être traité en Turquie plutôt que devant la Cour Européenne.
    Le 26 avril, la Cour à entendu un autre cas contre la Turquie par Zeki Aksoy. Il a déclaré à la Cour en mai 1993 qu'il avait été torturé par la police turque. Il avait ensuite été assassiné. Ces avocats ont dit qu'il avait reçu des menaces de morts lui ordonnant de retirer sa plainte.
    Ces deux cas avaient été portés devant la justice européenne par l'assistance du Projet Kurde des Droits de l'Homme (KHRP) et l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD).
    D'autres part, la Commission Européenne a procédé du 15 au 19 avril à Ankara à l'audition de six cas qu'elle avait précédemment déclaré admissibles. Les auditions de la Commission avaient pour objet de réunir plus d'information à propos des accusations d'éviction forcée, de torture et de mauvais traitements, et de destruction de la propriété émises à l'égard du gouvernement turc.
    Ces cas aussi ont été assistés par le KHRP et l'IHD.
    Jusqu'à présent, 54 cas assistés par le KHRP ont été déclarés admissibles par le Commission Européenne. Plus de 400 individus ont reçu l'aide du projet au niveau de la CEDH.

LES PAYS NORDIQUES PRÔNENT UNE SOLUTION PACIFIQUE A LA QUESTION KURDE

    Le Comité Nordique d'Helsinki, branche de l'agence internationale de la Commission d'Helsinki pour la surveillance des droits de l'homme, a décidé d'envoyer une délégation à Ankara, du 20 au 25 avril, pour préparer une initiative politique en faveur de la promotion de la paix dans sud-est de la Turquie.
    Le Président du Comité, le Professeur Erik Siesby, dans une lettre adressée au chef du PKK, Abdullah Öcalan, a dit:
    "Nous n'avons pas de solutions toutes faites à la question kurde. Tout ce que nous espérons réaliser, en guise de premier pas vers la paix, est de rechercher les possibilités pour une solution à la question kurde en écoutant les versions des différentes parties en présence.
    "Je comprends le point de vue du gouvernement turc de ne pas répondre au cessez-le-feu unilatéral du PKK en disant qu'il ne veut pas négocier avec une organisation terroriste. Mais je pense qu'il n'y a aucune raison que le gouvernement continue d'évacuer les villages situés dans la région.
    "Il est inacceptable que la Turquie utilise son armée pour résoudre un problème social et culturel. Une armée est entraînée à tuer, et ceci n'est pas la voie qu'il faudrait utiliser pour traiter les problèmes sociaux et culturels. Laisser la solution aux militaires n'a pas de sens, et il ne pourrait qu'entacher l'image de la Turquie.
    "L'armée a été utilisée pour réaliser l'évacuation de plus de 3000 villages, rendant ainsi sans abri 2 à 3 millions de personnes. Ceci crée plus de problèmes que de résoudre quoi que ce soit. Je suis désolé que la glorieuse armée turque utilise de tels procédés contre son propre peuple."
    Siesby a également appelé "tous les pays amis de la paix" à agir en tant que médiateur entre la gouvernement turc et les représentants kurdes. "Les pays nordique — Danemark, Norvège, Suède et Finlande — sont quelques uns de ces pays amis de la paix", a-t-il déclaré.
    "Bien que nous n'ayons pas d'intérêts directs en Turquie, nous sommes désolés à propos de la situation qui y règne. Cette guerre dessert l'image de la Turquie en Occident, et la Turquie ne peut plus (se permettre), économiquement parlant, de maintenir cette guerre à l'intérieur de ses frontières."

"CADEAU POUR LE OUI" AUX MPE DE LA PART DE L'AMBASSADEUR TURC

    Plusieurs membres du Parlement Européen auraient exprimé leur mécontentement concernant les cadeaux turcs de cassettes de musique classique qui leur avaient été envoyés après qu'ils aient voté "oui" lors du vote de l'Union douanière en 1995.
    D'après le Turkish Daily News du 16 janvier 1996, les cassettes, qui sont des oeuvres de compositeurs occidentaux joués par des orchestres turcs, ont été retournés par certains membres du Parlement Européen qui les ont considérés comme de la "corruption".
    L'Ambassadeur turc auprès des Communautés Européenne, Uluc Özülker, a envoyé les cassettes avec une lettre de remerciement mais le geste à été rejeté lorsque certains membres ont dit qu'ils porteraient ceci à la réunion de l'assemblée générale.

MONTÉE DU RACISME: EMEUTES ANTIKURDES À ERDEMLI

    Dans le cadre de la campagne de lavage de cerveau mené par des militaires et les médias turcs, un simple incident familial peut facilement retourner en une flambée raciste en Turquie.
    Dans la petite ville méditerranéenne de Erdemli près d'Antalya, une querelle a éclaté le 9 mars entre une famille de la région et une autre famille qui avait déménagé à la ville, en provenance de la province du l'est anatolien Agri. La querelle  aboutit au meurtre de Galip Cetin, un membre de la famille locale.
    Le lendemain, 10 mars, plus de 2000 habitants de Erdemli se sont réunis devant l'hôtel du gouvernement, lançant des slogans du genre, "Nous allons jeter hors de Erdemli tous les Kurdes", et, "À bas le PKK!". Ils ont causé aussi de sérieux dommages à des commerces kurdes en les attaquant avec des pierres et des bâtons et, dans un cas, en allumant un feu.
    Des incidents similaires étaient auparavant survenus à Alanya, à Fethiye et dans d'autres régions où une population locale turque rencontre un nombre substantiel de kurdes qui migrent pour des raisons économiques ou pour échapper au terrorisme d'État dans l'est et le sud-est du pays.

LE CPJ APPELLE A LA LIBÉRATION DE TOUS LES JOURNALISTES EMPRISONNÉS

    Le Comité de Protection des Journalistes (CPJ) a rendu le 2 avril une pétition au Premier Ministre turc Mesut Yilmaz signée par 50 journalistes et dirigeants de médias américains demandant la libération de tous les journalistes emprisonnés en Turquie.
    "La Turquie détient plus de journalistes en prison qu'aucun autre pays", a dit Avner Gidron, le directeur des recherches du CPJ. "Nous envoyons cette pétition au Premier Ministre Yilmaz pour faire savoir au gouvernement turc que ceci est matière à de sérieuses inquiétudes parmi les journalistes aux États-Unis."
    La question des 51 journalistes dans les prisons turques avait effectivement été soulevée au cours d'un dîner offert à Washington par le Président Demirel le 28 mars à la presse américaine. La réponse du Président, selon laquelle ceux qui se trouvaient en prison étaient en réalité des terroristes qui paradent en habits de journalistes, n'avait pas satisfait les journalistes américains.
    "Malheureusement, il apparaît que le nouveau gouvernement n'a pas amélioré le triste record de son prédécesseur en matière de liberté de la presse", a dit Gidron. "L'emprisonnement de journalistes et la violence contre la presse continuent."
    Le CPJ a relevé qu'au moins "sept journalistes avaient été emprisonné au cours des deux dernières semaines. Et plusieurs reporters avaient brutalement été battu par la police au cours d'une récente manifestation d'étudiants à Ankara."
    "L'article 8, malgré de récentes révisions, criminalise encore les nouvelles qui sont censées viser la destruction de l'indivisibilité de l'État turc. De la même manière, l'article 7 criminalise tous les articles de presse considérés par l'État comme de la 'propagande terroriste'. Et l'article 312 du Code pénal turc prévoit jusqu'à 3 ans de prison pour les écrits censés 'inciter à la haine et à l'inimitié', déclare la pétition du CPJ.
    Il a été rappelé à Yilmaz que de telles pratiques "constituent une violation flagrante de l'article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, qui consacre les droits de tous les citoyens des pays membres des Nations unies 'à rechercher, recevoir, et à envoyer de l'information et des idées à travers tout les médias sans distinction de frontières."
    Le CPJ a demandé à Yilmaz "de rechercher l'abrogation de l'article 8 de la Loi Anti-Terreur et de l'article 312 du Code pénal."
    Ensuite, il a demandé à Yilmaz de rechercher une révision de l'article 7 de la Loi Anti-Terreur dans le but de mettre fin à son utilisation comme une arme contre la presse.

LE DÉFICIT COMMERCIAL DE LA TURQUIE ATTEINT 172,5%

    L'Institut d'État des Statistiques (DIE) a annoncé le 26 mars que le déficit extérieur de la Turquie était montée à 172,5 pour cent en 1995, avec 14,07 milliards $ contre 5,16 milliards $ en 1994. Les exportations turques ont augmenté de 19,5 pour cent avec 21,6 milliards $ par rapport aux 18,1 milliards $ de 1994, alors que les importations en 1995 ont progressé de 53,5 pour cent avec 35,7 milliards $  par rapport aux 22,3 milliards $ en 1994.
    Le pourcentage des exportations  par rapport au importations a chuté à 60,6 pour cent en 1995 alors qu'il était de 77,8 pour cent en 1994.

LA DETTE EXTÉRIEURE DE LA TURQUIE GRIMPE A 73,3 MILLIARDS $

    La Banque Centrale turque a annoncé le 19 avril que le solde de la dette extérieure de la Turquie, y compris les obligations du secteur privé, était montée à 73,3 milliards $ l'année passée contre 65,5 milliards $ en 1994, atteignant ainsi 44,3 pour cent du produit national brut.
    D'après des estimations, la Turquie devra rembourser 11 milliards $ en 1996, 10,6 milliards $ en 1997, 10,2 milliards $ en 1998 et 7,9 milliards $ en 1999 même si elle n'emprunte plus rien.
    Avec un déficit annuel du commerce extérieur de 14 milliards $, le solde de la dette extérieure de la Turquie pourrait dépasser les 100 milliards $ en l'an 2000.

LE QUOTIDIEN EVRENSEL FERMÉ POUR UN MOIS

    L'un des principaux quotidiens d'opposition de Turquie, Evrensel, a été fermé pour un mois par la Cour de Sécurité d'État au début du mois d'avril 1996.
    Les journalistes et les activistes des droits de l'Homme ont tenu des meetings à Istanbul et à Ankara pour protester contre la pression exercée à l'égard d'Evrensel. À Istanbul, le 6 avril, presque 100 journalistes et activistes des droits de l'Homme se sont réunis devant l'Association des journalistes de Turquie (TGC) pour dénoncer la décision.
    Le rédacteur en chef du quotidien, Ihsan Caralan, s'exprimant lors du meeting, a dit que 23 numéros d'Evrensel avaient été saisis.
    Metin Göktepe, un reporter d'Evrensel, avait été battu à mort au cours de sa garde à vue policière après avoir assisté aux funérailles de 2 mutins de prison en janvier.

99 INTELLECTUELS À NOUVEAU JUGÉS PAR LA CSE

    Quatre-vingt-dix-neuf intellectuels de Turquie qui ont opté pour la résistance passive, dans le cadre d'un effort d'expansion des limites de la liberté de pensée, ont été à nouveau jugés par la CSE d'Istanbul le 13 mars.
    Ils sont accusés par le procureur d'avoir violé l'article 8 en apposant leur signatures en tant qu'éditeur du livre Liberté d'Expression.
    Le livre consiste en des articles qui ont été censurés et beaucoup de leurs auteurs avaient été emprisonnés pour avoir fait la promotion du séparatisme.

LA COUR SUPRÊME BULGARE VALIDE L'ÉLECTION D'UN MAIRE TURC

    La Cour Suprême de Bulgarie a confirmé un Turc d'origine comme maire légitime d'une région avec une importante population turque.
    Au dernière élection d'octobre, Rasim Musa avait été élu maire de Kardzhali avec 50,7 pour cent des suffrages contre 49,3 pour cent en faveur du candidat soutenu par le Parti Socialiste Bulgare (BSP).
    Une cour régionale, sur la demande du BSP, avait déclaré nul l'élection de Musa prétextant des irrégularités de vote.
    Cependant, la Cour Suprême a décidé le 26 avril que les mauvaises pratiques n'avaient pas affecté l'issue de l'élection municipale.
    Musa est un membre du Mouvement pour les Droits et les Libertés, qui a 15 sièges dans le parlement national bulgare qui en compte 240.
    Les leaders des Turcs d'origine ont accusé le BSP de jouer la carte nationaliste à l'approche des élections présidentielles qui doivent avoir lieu à la fin de cette année en Bulgarie.
    D'autre part, la controverse à propos du poste de mufti principal a atteint son paroxysme consécutivement à la désignation de Nedim Gencev à la présidence du Haut Conseil de l'Islam de Bulgarie.
    L'année dernière, Fikri Salih avait été élu mufti principal de Bulgarie, mais sa désignation n'a toujours pas été approuvé par les autorités gouvernementales.
    Salih a traité Gencev d'ancien agent du KGB et a accusé le BSP de jouer de sales jeux pour créer un conflit entre les Musulmans en Bulgarie.
    Il a également dit qu'ils avaient fait appel à la Cour Internationale de Justice à La Haye et à la Conférence Islamique Mondiale pour protester contre la pression que le gouvernement bulgare était en train de mettre sur les Musulmans du pays.

AIDES MILITAIRES AMÉRICAINES ET VIOLATION DU DROIT DE LA GUERRE

    Dans un nouveau rapport détaillé publié le 21 novembre 1995, Human Rights Watch affirme que les armes fournies par les partenaires de la Turquie membres à l'OTAN, en particulier par les États-Unis, jouent un rôle central dans les abus commis par les forces de sécurité turques dans le cadre de leur campagne pour évacuer et brûler des villages kurdes dans le sud-est de la Turquie.
    Ci-dessous, nous reproduisons l'introduction et le chapitre Transferts d'Armes et Aides à la Turquie du rapport comportant 179 pages et intitulé Transferts d'Armes et violations des Droits de la Guerre en Turquie:

    Introduction

    Depuis 1984, le PKK, ou le Parti des Travailleurs du Kurdistan, a combattu l'État turc dans une tentative de dégagement d'une zone pour les Kurdes dans le sud-est de la Turquie, bien qu'il y ait des indications récentes selon lesquelles le PKK pourrait se contenter de moins. Cependant, le gouvernement turc a formulé des oppositions au PKK, affirmant que le but ultime de l'organisation demeurait la disparition de la Turquie.(1) Le gouvernement turc considère le PKK comme une organisation terroriste.
    Le Sud-est rural de la Turquie, où vit la majorité des Kurdes dont le nombre avoisine les dix millions, est la région la plus pauvre et la plus sous-développée du pays. Tandis que la Turquie occidentale, urbaine a sans cesse développé son infrastructure technologique et industrielle, reliant aux marchés européens les parties les plus riches de la Turquie, le Sud-est s'est retrouvé relégué de plus en plus loin. Le sous-développement du Sud-est est demeuré essentiellement inchangé malgré les efforts limités du gouvernement en vue d'augmenter la croissance économique, comme dans le cas du projet régional d'irrigation GAP dont l'État est à la base.
     Toutefois, le sous-développement économique n'était pas le seul facteur contribuant à la montée du PKK et la sympathie qu'il soulève parmi de nombreux Kurdes. Le sous-développement économique dans le Sud-est a été de pair avec une répression culturelle de l'identité ethnique kurde. Alors que les Turcs indiquent avec raison que les Kurdes peuvent s'intégrer facilement au sein de la société turque et atteindre les plus hautes responsabilités dans la vie politique et sociale, ils négligent souvent de préciser que ces Kurdes doivent faire comme des "Turcs" qui ont renoncé à leur héritage ethnique.(2) Jusqu'à récemment, par exemple, la langue kurde était interdite en Turquie. De manière pratique, bien que le gouvernement turc ne pouvait faire cesser les villageois d'utiliser leur langue maternelle à la maison, il a brillamment réussi à empêcher que le kurde ne soit utilisé au niveau des plates-formes publiques.(3)
    Les origines organisationnelles du PKK remontent aux années 1970, lorsque les mouvements gauchistes de tous genres ont gagné en importance auprès des intellectuels et de la classe ouvrière de Turquie. Abdullah Öcalan, le chef du PKK depuis sa création, était à l'origine membre d'un groupe gauchiste au département des sciences politiques de l'Université d'Ankara. À la fin des années 1970, une lutte à triple sens s'est engagée entre les mouvements quasi-fascistes de droite, la gauche turque, et le gouvernement turc. En 1980, comme la lutte devenait de plus en plus violente, l'armée turque a renversé le gouvernement civil et a instauré un régime militaire. Les lavages de cerveaux qui s'en suivirent, ayant pour cible les activistes politiques, furent particulièrement rudes à l'encontre de la gauche turque.
    Immédiatement avant le coup d'état du 12 septembre 1980, cependant, Abdullah Öcalan, ensemble avec d'autres gauchistes kurdes, s'est envolé pour la vallée libanaise de la Bekaa, qui était à l'époque le fief d'organisations palestiniennes nationalistes et de gauche. Entre 1980 et 1984, Öcalan et ses partisans ont fondé le PKK et ont construit une organisation bien structurée. en 1984, le PKK a lancé ses premières attaques sur les représentants de l'État turc, comprenant les postes militaires, les enseignants des écoles publiques et les fonctionnaires de l'État (pris pour cible parce que le PKK voyait en eux les représentants d'un "État colonial"), et les membres des "gardes de village" paramilitaires, les Kurdes de la région recrutés par l'État, et leur familles.

    La stratégie anti-insurrectionnelle de la Turquie

    La guerre entre les forces armées turques et le PKK a été dans un premier temps une lutte rurale. Avec ses montagnes accidentées, ses myriades de grottes et ses hivers rudes, le Sud-est de la Turquie convenait parfaitement à une force de guérilla déterminée jouissant d'une partie de la population rurale. Le PKK a exploité ces avantages, se cachant des forces turques lorsqu'il était poursuivi, émergeant pour attaquer aussi bien les installations militaires et de l'État que les milices kurdes de l'État lorsque la pression était levée. Bien qu'il y ait eu des affrontements dans les centres urbains, la campagne du PKK demeurait essentiellement un phénomène rural.
    Bien que le PKK et les forces de sécurité turques se soient battus pour le contrôle du sud-est depuis 1984, la guerre n'est entrée dans son actuelle phase brutale qu'en 1992, consécutivement à la guerre du Golfe. Auparavant, les bases arrières du PKK étaient d'abord situées au Liban, dans la vallée de la Beka qui n'est pas contiguë aux frontières turques. Les efforts de réapprovisionnement du PKK étaient obligés de suivre une route difficile, tortueuse vers la Turquie à travers un deuxième, un troisième et un quatrième pays. Après avoir vaincu les forces irakiennes au Koweït au début de l'année 1992, la coalition menée par les États-Unis a considéré le Nord de l'Irak, peuplé principalement de Kurdes irakiens, comme une zone autonome quasi-souveraine, imposant une zone d'interdiction de vol aux avions irakiens et fournissant de l'aide aux Kurdes irakiens via la Turquie. Le PKK a utilisé à son avantage la nouvelle situation dans le Nord de l'Irak, développant des bases avancées près de la frontière irako-turque et envoyant des combattants et du matériel à ses forces situées en Turquie.
    En 1992, la présence du PKK dans les régions montagneuses de la Turquie était forte, et les cadres du PKK avaient fait des incursions dans des villes du Sud-est comme Sirnak, Lice et Cizre. Un réseau du PKK était mis en place à travers les villages situés dans les régions du Sud-est, avec une attention toute particulière portée aux villages qui se trouvent le long de la frontière irakienne et dans la province de Diyarbakir. Les forces de sécurité turques, qui n'étaient pas préparées à l'influx du PKK, ont perdu leur monopole du pouvoir dans la région. Dans les villes, la présence du PKK se caractérisait par des manifestations de masse, des drapeaux brandis, des grèves commerciales et des meetings politiques. Le PKK était en bonne voie pour devenir une force politique populaire et puissante dans le Sud-est.
    Au milieu de l'année 1992, l'armée turque s'est réorganisée dans le Sud-est et a lancé une offensive urbaine contre le PKK. La région était inondée de troupes, aussi bien de la Gendarmerie que des militaires, et les forces de sécurité ont adopté une politique d'accablement et de réponse disproportionnée aux actions du PKK. Les assauts portés par les forces de sécurité sur Sirnak, Lice et Cizre sont apparus comme de sévères punitions collectives destinées à l'ensemble des populations de ces villes. Dans ces incidents de la mi-1992, les forces de sécurité ont profité des provocations du PKK pour dresser des barrages non discriminants et d'y procéder à des fusillades au moyen d'armes lourdes contre la population urbaine et les immeubles, tuant un total d'au moins soixante-cinq personnes, selon les estimations de la Fondation pour les Droits de l'Homme de Turquie, et causant des dommages importants. Les zones urbaines sont rendues inhabitables, des milliers de civils fuient leur maisons, et les forces de sécurité ont démontré avec succès leur détermination pour affirmer de nouveau leur contrôle sur les villes.
    Parallèlement aux assauts portés sur les villes de la région du sud-est, les forces de sécurité ont créé et renforcé les forces d'élite anti-insurrectionnelles existantes.(4) Des troupes expérimentées ont été recrutées au sein de l'armée régulière et de la Gendarmerie pour constituer des forces spéciales anti-insurrectionnelles faisant partie tant de la Gendarmerie que de la police, elles ont reçu un entraînement spécifique et un équipement moderne, et elles ont aussi reçu l'ordre de se positionner en première ligne pour la destruction du PKK. Ces unités sont rapidement devenues les plus grands violeurs des droits de l'homme dans la région, avec la réputation d'agir avec brutalité et impunité.
    Plus important, sans doute, est le fait que les forces de sécurité ont changé leur stratégie rurale. Avant 1992, les forces turques se trouvaient dans des bases centrales et des forteresses, se déplaçant uniquement en réponse à une attaque du PKK. En 1992, toutefois, les Turcs ont adopté une "stratégie de défense régionale", traçant une grille qui divise le sud-est de la Turquie en zones de responsabilité. Des unités individuelles ont reçu la tâche de patrouiller à l'intérieur d'un carré dans la grille, et les forces de sécurité ont reçu l'ordre de rester en patrouille dans les montagnes pour des périodes plus longues. "Nous avions l'habitude de toujours rester dans les bases, à attendre que vienne le PKK. Depuis 1992, cependant, nous avons reçu l'ordre de rester des semaines hors des bases", a dit V.A., un ancien officier de l'armée turque, à Human Rights Watch en 1995.(5) En étant constamment en mouvement, en montant des embuscades et en observant les zones reculées, les militaires espèrent réduire la liberté de mouvement du PKK et augmenter le contact avec les guérilleros. Une seconde composante de la nouvelle stratégie était la création de "zones de non accès", zones montagneuses déclarées hors limites par les militaires, sans se soucier de savoir si les zones étaient habitées ou non. V.A. a dit que dans la région Kars, où il officiait, un flanc entier de montagne ainsi que ses pentes et vallées adjacentes avaient été "interdites". "Nous avons ouvert le feu sur tout ce qui bougeait dans ces zones", a-t-il dit, "civil ou guérilleros, peu importait. Toute personne qui y allait était abattu." D'après Christopher Panico, plusieurs régions, y compris des zones proche des monts Tendürek et Agri, étaient déclarées "zones militaires", ce qui était un peu plus que des zones de tir militaires.(6)
    Les villages kurdes situés dans les montagnes présentaient un problèmes particulièrement épineux aux architectes de la nouvelle approche de la contre-insurrection. Le contrôle de milliers de villages individuels requerrait beaucoup plus de troupes, d'hélicoptères et de ressources que l'État turc voulait investir. Les forces de sécurité ont traité ce problème de deux manières, l'éradication des villages et le renforcement des "gardes de village", avec des implications graves dans chacun de ces cas.

Evacuation et destruction de villages

    C'est, en Turquie, un secret de Polichinelle que la destruction, par les forces de sécurité, d'un grand nombre de villages dans un effort de déni du support logistique du PKK. Le gouvernement turc a graduellement admis l'étendue du problème, bien qu'il continue à nier que les forces de sécurité sont responsables pour la plus grande part des évacuations forcées. Le gouvernement a donné une série de diverses estimations en ce qui concerne les destructions de villages: en avril 1994, le Ministre de l'Intérieur Mentese a dit dans une conférence de presse que 871 villages et hameaux avaient été évacués; pour la fin de 1994, cependant, selon les estimations de Mentese, fournies dans un document écrit, avait grimpé à 2.297 villages et hameaux partiellement ou totalement évacués.(7) Le 27 juin 1995, Mentese a dit au Parlement turc dans un discours public que 2.200 villages avaient été "vidés ou évacués".(8) Le 25 juillet 1995, le quotidien turc du centre, Milliyet, a cité le bureau du gouverneur de la région d'état d'urgence du sud-est comme déclarant que 2.664 villages et hameaux avaient été partiellement ou totalement évacués.(9) Selon un expert turc des Droits de l'Homme reconnu, les évacuations ont déplacé quelque deux millions de villageois, qui ont envahi les quartiers pauvres dans toutes les plus grandes villes de Turquie.(10)
    Seulement en 1994, d'après la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie, 1.000 villages ont été détruits ou évacués.(11) En octobre 1994, le Ministre d'État turc aux Droits de l'Homme, Azimet Köylüoglu, a visité la province de Tunceli, alors le terrain d'une offensive massive de contre insurrection, et a déclaré que les forces de sécurité s'étaient engagées dans le "terrorisme d'État" en brûlant des villages et en évacuant des villageois par la force. Le Ministre du gouvernement qui était plus tard forcé de revenir sur ces déclarations sous la pression de politicien conservateur, a dit,"les forces de sécurité devraient éviter la psychologie [sic] de brûlé et de détruire au cours de leur combat sans répit contre le terrorisme. Les villageois évacués devraient recevoir de la nourriture et un abri.... Nous ne pouvons même pas leur donner des tentes du Croissant Rouge."(12) En octobre 1994, Human Rights Watch/Helsinki a publié un rapport de 27 pages documentant la campagne de déplacement forcé dans le Sud-est. "Dans un effort de privation du PKK de sa base de support logistique", a déclaré le rapport, "les forces de sécurité évacuent de force les villageois de leur village et parfois détruisent leur maisons. La torture et la détention arbitraire accompagnent souvent de telles évictions.(13) Selon le rapport, les forces de sécurité détruisent les villages dans trois situations déterminées: Lorsque les villageois refusent de se joindre au système officiel de "gardes de village", une milice soutenue par l'État (voir infra); en représailles aux attaques du PKK contre les installations de l'État, lorsque les villageois sont malchanceux que pour vivre dans les environs immédiat; ou lorsque les villageois se retrouvent dans une zone d'opérations anti-insurrectionnelles. Dans ce cas, la volonté des forces de sécurité de s'assurer que la région est nettoyée des guérilleros du PKK et des partisans potentiels les pousse à incendier les villages.
    B.G., un conscrit dans une unité d'infanterie basée dans le district de Silvan pendant la fin 1994 et le début 1995, a raconté à Human Rights Watch qu'au cours des patrouilles pédestres en haute montagne, il est passé à travers "des centaines" de village vides. B.G. a dit qu'il était de notoriété publique que les forces de sécurité brûlaient des villages, bien qu'il n'ait participé qu'à une seule opération de ce type. "La plus part des villages de mon district étaient brûlés avant que je n'arrive", expliquait-il.(14) V.A., l'ancien officier militaire turc cité précédemment, a raconté à Human Rights Watch qu'en plus de forcer les villageois à partir, les forces de sécurité brûlaient dans de nombreux cas les villages pour éviter que le PKK n'utilise les maisons vides comme abris pendant le froid des mois d'hiver. "J'ai dormi dans certaines maisons vides lors de patrouilles d'hiver", a-t-il dit, "et elles ont été très utiles. Si le PKK avait accès à ces maisons, ils seraient en bon état."
    V.A. a aussi dit que dans certains cas les villageois décidaient de quitter leur maisons à cause de la pression exercée sur eux par les forces de sécurité locales. "La Gendarmerie y vient encore et encore, demandant pour qu'ils deviennent gardes de village, alors bien sur les gens vont s'en aller. Ils n'ont pas le choix." Lorsque les villageois quittent leur maisons de leur propre gré, dit-il, souvent les forces de sécurité brûlent quand même les structures pour ne pas permettre leur utilisation par le PKK.
    B.G., l'ancien soldat, a dit qu'il croyait que les officiers sur le terrain avaient limité la discrétion seulement où les destructions de villages étaient impliquées. "Si vous voulez brûler une maison ou deux dans un village", explique-t-il, "ce n'est pas un problème, vous le faites simplement." Dans de nombreux cas dont il a été le témoin, dit-il, ses officiers ont brûlé quelques maisons qui n'avaient pas été complètement détruites au cours des précédents efforts de destruction. "Si vous voulez brûler un village entier", dit-il, "vous avez besoin de l'autorisation du commandant en chef de la Gendarmerie à Diyarbakir." B.G. a dit qu'en plus de l'incendie d'un village dont il a été lui-même le témoin, il se souvenait d'avoir entendu à la radio un ordre pour brûler un village dans le district de Silvan. La directive était émise par un commandant en chef à Diyarbakir à destination d'un officier d'infanterie d'une unité voisine.
    B.G. a dit que la plus part des incendies de village prenait place dans des zones montagneuses au-dessus d'une certaine altitude. Les village plus accessibles situés dans des vallées ou près d'axe autoroutier tendaient à ne pas être détruits, parce qu'ils pouvaient être plus facilement contrôlé. "Nous fuirions ces villages un fois par semaine ou quelque chose comme cela", a-t-il dit, "et nous pourrions garder un œil sur eux." "Ceux qui posaient problème étaient ceux qui se trouvaient loin des regards", explique-t-il.

    "Renforcement du système de "garde de village"

    En Turquie, le concept actuel d'un système de garde de village soutenu par l'État remonte au moins à la moitié des années 1980. En théorie, le système semble relativement bénin: les forces de sécurité, incapable de maintenir une présence de tout les instants dans tous les villages, donnent des armes aux gens de la région  pour qu'ils puissent ainsi défendre leur propre maisons contre les attaques du PKK. En pratique, le système comporte une quantité significative de conscription forcée, d'intimidation, de brimades et d'incitation à commettre des violations des droits de l'homme.
    Le système de garde de village, dont les autorités espéraient qu'il réduirait l'accès du PKK aux populations civiles, n'a obtenu  qu'un succès partiel. Alors que les incitants fiscaux ont abouti à l'augmentation du nombre de gardes de village officiellement reconnus de 5.000 en 1987 à 67.000 en 1995, les représailles brutales du PKK contre les membres des gardes de village et leur famille, couplées avec la politisation de la population kurde, ont milité contre l'expansion du système de garde de village. De nombreux villages ont refusé de coopérer car ils soutiennent le PKK, et parce que les gardes de village sont perçus comme les collaborateurs d'un État brutal et illégitime. D'autres ont refusé parce qu'ils craignaient des représailles du PKK.
    En général, les forces de sécurité donnent aux villageois un choix entre rejoindre les gardes de village ou être forcés de quitter leur maisons. Dans certains cas, des chefs tribaux peu scrupuleux ou des semeurs de troubles locaux qui ont reçu des armes et le soutien des forces de sécurité ont procédé à mettre en place de vieilles féodalité à l'aide des armes fournies par l'État. Le résultat est souvent criminel, avec des gardes de village impliqués dans de graves violations des droits de l'homme. D'après la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie, en 1994, "le nombre et l'autorité des gardes de village a augmenté. Dans plusieurs régions, les questions de sécurité ont été complètement confiées aux gardes de village." (16) A cause de leur statuts paramilitaire d'une part, et de l'échec du gouvernement pour enquêter sur les accusations de violations d'autre part, les gardes de village apparaissent souvent comme à peine plus que des forces opérant avec une licence d'impunité délivrée par le gouvernement. Le potentiel d'abus est énorme.
    L'introduction du système de gardes de village a polarisé la région du sud-est. Les forces de sécurité turcs voient avec suspicion les civils qui ne désirent pas faire partie du système de gardes de village, alors que le PKK voit comme des traîtres tous ceux qui le font. Aucun des camps n'a reconnu dans la pratique le statut de "non combattants", ne laissant aucun terrain neutre pour la population rurale. Souvent, les autorités turques attaquent et détruisent les villages qui résistent au recrutement des gardes de village, tandis que le PKK a pris pour cible aussi bien les gardes que leur famille. A la fin de 1994 et 1995, le PKK a publié des déclarations disant qu'il n'attaquerait pas les familles des gardes de village ou les gardes qui avaient été forcés à combattre pour le gouvernement, mais le PKK n'a pas tenu ces promesses.

    Conséquence de la stratégie anti-surrectionnelle

    La stratégie turc pour défaire le PKK comporte des éléments tels que la dislocation forcée qui est commune aux campagnes anti-insurrectionnelles mondiales, spécialement celles confrontant les insurgés populaire et élitaire opérant en terrain difficile. Les militaires ont annihilé les espoirs du PKK d'établir une zone semi-autonome dans le sud-est de la Turquie et de se diriger vers une large confrontation avec l'État turc. Bien que le PKK soit toujours capable d'atteindre les forces de sécurité par des raids et des embuscades de petite échelle, où une vingtaine de soldats pourraient être tués, il ne peut désormais plus se déplacer librement dans le sud-est, recevoir un soutien généreux et public de la population rurale, où agir si vigoureusement qu'il a jadis fait dans des zones urbaines.
    A long terme, toutefois, la stratégie du gouvernement a eu un certain nombre de conséquences fâcheuses pour la Turquie. Légalement, la Turquie est en violation flagrante de ses engagements internationaux en matière de respect des droits de la guerre. Les forces de sécurité semblent toujours incapables d'éradiquer le PKK dans le sud-est de la Turquie. De plus, la contre-insurrection a d'avantage mis à mal l'aspiration de la Turquie à être vue comme une démocratie libérale sur le point d'intégrer l'Europe. La situation abyssimal des droits de l'homme en Turquie a mérité sa condamnation à travers l'Occident. En outre, la simple poursuite d'une solution militaire à ce qui est vu comme "le problème kurde" ferme les portes de la non violence à l'identité kurde et aux droits culturel. Le procès et l'emprisonnement de parlementaires kurdes en 1994, par exemple, sont représentatifs de la façon avec laquelle l'État turc a cherché à éviter une solution politique au conflit.  Le résultat pourrait bien être un accroissement de popularité du PKK parmi la population kurde.
    De manière plus importante, peut-être, les méthodes anti-insurrectionnelles du gouvernement ont créé une énorme sous classe de réfugiés internes amère et appauvrie, dont les maisons et les refuges ont été détruits de manière abrupte par l'État. Ces réfugiés ont déménagé pour squatter des installations à travers villes turc, fournissant au PKK une base potentielle pour le futur en organisant et présentant à la Turquie une crise sociale et économique difficile.
    B.G. a raconté à Human Rights Watch que l'armée a, au cours des derniers mois, commencé à réaliser qu'il devrait tenter de gagner à l'État les paysans kurde. Au cours des nombreuses descentes auxquelles il a participé, l'armée a fouillé les maisons et ensuite a offert des services médicaux aux villageois. "Il est de coutume que si une personne membre du PKK était découverte dans le village, le village entier était considéré être pour le PKK", dit-il. "Maintenant ils essaient juste de trouver la seule personne du PKK sans blessé quiconque." Il a admis cependant, que la nouvelle politique avait à peine commencé à pénétrer les unités de terrain. En tous cas, beaucoup de la campagne a déjà subi une dépopulation; une grande part du plus sérieux dommage a déjà été fait.


    (1) De nombreuses théories ont été proposées par les experts pour expliquer l'approche dur de la Turquie aux Droits des groupes kurde. Alors que certains maintiennent que gouvernement turc est intéressé par les importantes ressources naturelles du Sud-est, d'autres mettent en avant
    (2) Les Kurdes qui s'identifient comme Turcs and parlent turc ont traditionellement été soumis à une discrimination moins importante. Toutefois, en raison de la guerre avec le PKK, la discrimination à l'encontre des Kurdes ayant adopté l'identité turque se renforce également.
    (3) Jusqu'en 1989, lorsqu'elle a été abrogée, la Loi interdisant l'usage du kurde en public ne mentionnait même pas le mot "kurde". La Loi 2932, adoptée en 1982, était appelée "la Loi concernant l'usage de langues autres que le turc."
    (4) Voir Stephen Button, "Turkey Struggles with Kurdish Separatism," Military Review (décembre 1994 - janvier-février 1995) p. 78.   
    (5) L'interview du Human Rights Watch avec V.A. cité à travers ce dossier, a pris place à Istanbul le 3 juillet 1995.
    (6) Christopher Panico, "Turkey's Kurdish Conflict," Jane's Intelligence Review, vol.7, n° 4 (avril 1995), p.171.
    (7) La Fondation des Droits de l'Homme de Turquie, Turkey Human Rights Report: 1994, A Summary. (Ankara: juillet 1995), p.7.
    (8) Basé sur un compte rendu oral du discours de Mentese fait à Human Rights Watch par Jonathan Rugman, correspondant à Istanbul du Guardian (London).
    (9) Parmi ceux-ci, 253 étaient des villages vidés, 235 étaient des villages partiellement vidés, 1.535 étaient des hameaux complètement vidés, et 141 étaient des hameaux partiellement vidés. Voir Derya Sazak, "Göçerlerin Drami", Milliyet (Istanbul), 25 juillet 1995.
    (10) Le chiffre est donné par Akin Birdal, président de l'Association Turque des Droits de l'Homme, à Human Rights Watch lors d'une interview en août 1994. Il a basé ses estimations sur les données de population provenant de rapports de recensement.
    (11) Fondation des Droits de l'Homme de Turquie, Turkey Human Rights Report, p.5.
    (12) "Un Ministre accuse la Turquie de terrorisme d'État", Reuters, 11 octobre 1994.
    (13) Human Rights Watch/Helsinki, "Turkey: Forced displacements", p.3.
    (14) L'interview du Human Rights Watch avec B.G., cité à travers ce rapport, s'est déroulé à Istanbul les 12 et 13 juin 1995.
    (15) Le système de garde de village a traditionnellement impliqué la manipulation des fidélités et alliances tribales kurdes. Dans le Sud-est de la Turquie, certains kurdes appartiennent à des tribus, d'utres non. L'émigration et la réforme agraire ont affaibli le système tribal.Environ 90 pour cent de tous les gardes de village appartient à des tribus kurdes.
    (16) Fondation des Droits de l'Homme de Turquie, Turkey Human Rights Report, p.3.

Transferts d'Armes et violation du droit de la guerre

    La Turquie a été un grand bénéficiaire d'aides économique et militaire depuis qu'elle est devenue membre de l'OTAN en 1952.  Les membres riches de l'OTAN ont vendu et donné une large gamme d'armement à la Turquie, comprenant 500 avions de combat, 560 hélicoptères de combat, 5000 chars, et des milliers de pièces d'artilleries, des mortiers, des mitrailleuses et des fusils d'assaut.  De nombreuses études indiquent que la Turquie était le plus grand importateur d'armes au monde en 1994.(1)
    Les États-Unis ont été les fournisseurs principaux d'armes de la Turquie.  En 1995, le gouvernement américain a estimé qu'il avait fourni près de 80 pour cent de l'équipement de défense utilisé par les Forces Armées Turques.(2)  Au cours de la décennie précédente, le Congrès américain a consacré 5,3 milliards $ en aide militaire (dons et prêts destinés à l'achat d'armes) à la Turquie, faisant de la Turquie le troisième plus grand bénéficiaire de l'aide militaire américaine, après Israël et l'Égypte.
    L'Allemagne a été le deuxième plus grand fournisseur d'armes de la Turquie.  Les autres fournisseurs  membres de l'OTAN sont composés de l'Italie, de la France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de l'Espagne et du Canada.(3)  La Turquie a traditionnellement été un des plus pauvres pays membres de l'OTAN, de même que la Grèce et le Portugal, et les pays de l'OTAN mieux portants ont vu le soutient des forces armées et des industries de la défense de ces nations comme une voie vitale pour améliorer les valeurs stratégiques des alliés occidentaux.
    Le traité de 1990 sur les Forces Conventionnelles en Europe (FCE) s'est révélé être une énorme aubaine pour les forces de sécurité turques, y compris ces combats dans le conflit du Sud-est.  Le traité oblige les pays de l'OTAN et les pays de l'ancien Pacte de Varsovie à réduire leur puissance de feu conventionnelle en Europe centrale, et permet le transfert de ces mêmes armes au flanc méridional de l'OTAN.
    Comme les critiques s'élevaient en Europe contre les traitements infligés aux Kurdes par la Turquie, cette dernière s'est de plus en plus tournée vers l'extérieur de l'OTAN pour s'approvisionner en armes, y compris vers des pays comme la Fédération de Russie, Israël, le Pakistan et bien d'autres nations. La Turquie a aussi tenté, avec succès, de développer davantage son industrie locale de l'armement.
    Toujours en réponse aux critiques dirigées contre ses pratiques dans le Sud-est, la Turquie a créé, en 1993, un système de cotation de ses fournisseurs d'armes potentiels selon leur degré de disposition à fournir des armes à la Turquie sans critiquer la situation des droits de l'homme en Turquie ou grever de conditions les ventes d'armes. La Turquie n'achètera pas d'armes aux pays figurant dans la liste "rouge"; les acquisitions d'armes en provenance de pays se trouvant dans la liste "jaune" nécessitent l'approbation explicite du gouvernement turc, tandis qu'aucune approbation préalable n'est requise en ce qui concerne les achats effectués auprès des pays figurant dans la liste "verte".(4)

    Les États-Unis

    Depuis qu'elle a rejoint l'OTAN, la Turquie a été un des fidèles partenaires militaires des États-Unis.  Les Accords de Coopération de Défense et Économique (ACDE) signés entre les deux pays en 1980 et en 1987 ont cimenté des relations bilatérales étroites.  Les ACDE permettent aux États-Unis d'accéder à des champs d'aviation et des facilités en matières de renseignements et de communications;
    Pendant la décennie précédente (AF1985 -AF1994), les États-Unis ont vendu à la Turquie pour 7,8 milliards $ d'armes.(5)  Depuis les trois dernières années, alors que la guerre menée par la Turquie dans le Sud-est a subi une grande escalade, les accords de ventes d'armes américaines avec la Turquie ont totalisé 4,9 milliards $ (dépassés uniquement par l'Arabie Saoudite et Taiwan); les livraisons d'armes actuelles ont totalisé 2,4 milliards $ (dépassées uniquement par l'Égypte).(6)  Les récents transferts d'armes américaines à la Turquie ont comporté des avions de chasse, des hélicoptères de combat, des hélicoptères de transport, de l'artillerie, des véhicules blindés de transport de troupes, des armes légères et des armes portatives; tous ces types de systèmes d'armes ont été utilisés par la Turquie en violation des loi de la guerre.(7)
    Parce que la politique américaine souligne l'importance d'une relation stratégique avec la Turquie, la Turquie est devenue un grand bénéficiaire de l'aide militaire américaine, le troisième plus grand après Israël et l'Égypte.  L'aide militaire américaine s'articule autour de trois programmes: le programme de Financement Militaire Étranger (FME), qui permet aux nations d'acquérir de l'équipement militaire américaine au travers de dons et de prêts; le programme des Articles de Défense en Surplus (ADS), dans le cadre duquel les nations reçoivent des armes dont l'armée américaine n'a plus besoin sans frais ou à un taux réduit; et le programme cascade FCE.
    La majorité de l'aide militaire américaine à la Turquie entrant dans le cadre du programme de Financement Militaire Étranger a été affecté au programme Onyx de Paix pour l'avion de chasse F-16, qui est construit en Turquie dans le cadre d'un accord de coproduction avec la firme américaine Lockheed Corporation.  La valeur totale de ce programme de 240 avions a été fixé à 7,6 milliards $.  L'AF 1996 est la dernière année pendant laquelle les États-Unis financeront le programme.  Les 160 avions du programme Onyx I ont été construits.  Les quatre-vingts avions restant commandés dans le cadre de l'Onyx de la Paix II sera financé par le fonds de défense pour la Guerre du Golfe constitué en 1991 par les États-Unis, la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Koweït et les Émirats Arabes-Unis.  Ces nations se sont engagés à donner 3,5 milliards $ sur cinq ans pour récompenser la Turquie de son soutien à la coalition menée par les États-Unis contre l'Irak.(8)
    Comme détaillé dans ce rapport, des avions de chasse turcs, y compris des F-16, ont été utilisés pour attaquer des villages et de tuer des civils, en violation du droit humanitaire international.  En d'autres occasions, les avions ont été utilisés délibérément pour détruire des structures civils, contribuant au processus de dislocation forcée.
    Au cours de 1992 et 1993, des armes délivrées à la Turquie dans le cadre des programmes ADS et cascades ont apparemment comporté 1509 chars M-60-A1/A3, 147 obusiers M-1 10 203 mm, 489 véhicules blindés de transport de troupes M-1 13-A2, vingt-neuf avions de chasse F-4E. (9) Human Rights Watch croit que ces systèmes d'armes, ou des systèmes similaires, ont été utilisés dans le Sud-est dans des incidents ayant donné lieu à des violations des droits de la guerre.
    Le Congrès a été avisé dans l'AF 1994 des propositions de livraisons suivantes dans le cadre du programme ADS : 110 mitrailleuses A1-85, 88000 cartouches de 40 mm, 1314 cartouches de 105 mm, quatorze hélicoptères anti-sous-marins SH-2F LAMPS, un lanceur ASROC ( missile anti-sous-marine), des pièces pour chasseur F-4, et autres pièces d'armes. Dans l'AF95, le Congrès était avisé du transfert de 515 unités de feu de défense aérienne Rapier, et de 130 missiles air-air Sparrow.
    Un autre accord d'importance pour l'AF1995 réside dans la coproduction de chars M-1-AI Abrams en Turquie.  General Dynamics Land Systems et une compagnie turque dont le nom n'est pas encore connu prévoient de produire cinquante chars par ans pendant une période de dix ans.
    A cause de leur large utilisation dans les abus perpétrés dans le Sud-est, Human Rights Watch est spécialement concerné par le transfert d'hélicoptères de combat à la Turquie.  En janvier 1993, la Turquie a signé un contrat pour l'achat de quatre-vingt-quinze hélicoptères de transport Sikorsky S-70A Black Hawk pour une valeur 1,1 milliards $.  Quarante-cinq d'entre eux ont été achetés directement, alors que le reste était coproduit en Turquie.  D'après une source, cinq de ces Black Hawks sont destinés à la Gendarmerie.    Cependant, le plan de coproduction pour les cinquante Black Hawks restants a été suspendu en raison des contraintes budgétaires en Turquie.
    En plus des Black Hawks la branche aérienne de l'armée à l'intention d'augmenter sa capacité d'attaque par l'acquisition d'hélicoptères de combat Bell AH-I Cobra.  Trente-huit Cobras ont été livrés entre 1990 et 1992.  En évaluant cette puissance aérienne, un journal militaire a déclaré, "la Turquie entrera dans le siècle prochain dotée d'une force militaire aérienne incomparablement plus puissante que celle qu'elle possédait au début des années 1990.  C'est une capacité de combat que ses alliées de l'OTAN et ses voisins espèrent que la Turquie ne sentira jamais le besoin d'utiliser".
    De plus, la Turquie prévoit d'acquérir 200 hélicoptères supplémentaires au cours de la prochaine décennie, dont 106 hélicoptères de combat.  Les fabriquants d'hélicoptères américains, européens et russes s'affronteront pour décrocher le contrat.  Bell Helicopter, aux États-Unis, a déclaré qu'il aimerait vendre davantage d'hélicoptères de combat AH-IN Super cobra, dont la Turquie possède déjà dix exemplaires.
    Les inquiétudes qui voient le jour au sujet de la flotte grandissante d'hélicoptères turcs provient de la possibilité que ces hélicoptères de combat peuvent être utilisés pour faire feu de manière discriminante sur les villages ou sur d'autres installations civiles, et que les hélicoptères de transports peuvent être utilisés à apporter des renforts et du ravitaillement aux troupes qui s'engagent, durant leurs opérations, dans des pratiques illégales comme des déplacements forcés, des exécutions sommaires, des tirs non discriminants, de la torture.
    La Turquie a aussi reçu un certain nombre d'armes portatives et d'armes légères des États-Unis.  Un nombre indéterminé de fusils M-16-A2 ont été vendues à la Turquie dans le cadre du programmes de ventes commerciales.  Les ventes commerciales diffèrent des Ventes Militaires Étrangères en ce que les exportations vont directement du fabricant américain au gouvernement étranger, mais doit d'abord obtenir une licence du bureau des contrôles du commerce de la Défense du Département d'État.  Les chiffres sur les ventes commerciales y sont plus difficiles à obtenir que pour les ventes entre gouvernements parce que le Département d'État ne publiera pas d'informations sur les ventes des sociétés.
    Les États-Unis ont aussi fourni à la Turquie des lanceurs de grenade pour fusils M-16, y compris le lanceur de grenade M-203  de 40 mm Colt.  Le lanceur de grenade tire une large gamme de munitions 80 mm hautement explosives et à usage spécial s'attache facilement au M-16 en cinq minutes.  Human Rights Watch a déterminé que la Gendarmerie et les forces spéciales de police, ainsi que les officiers de certaines unités de l'Armée Turque, utilisent des M-16 avec des lanceurs M-203.  Ces unités sont aussi connues pour être les plus abusives en termes des droits de l'homme.
    La Turquie possède un certain nombre de mortiers américains dans ses inventaires, dont quelque 1.265 mortiers  M-30 107 mm de fabrication américaine. Le M-30 est une arme qui peut être transportée manuellement sur des courtes distances et qui tire dix-huit balles par minutes.
    Parmi les armes légères vendues à la Turquie entre 1980 et 1993 dans le cadre des programmes des Ventes Militaires Etrangères, il y a des lanceurs de grenade 40 mm M-79, des munitions pour fusils d'assaut et mitrailleuses, des grenades à main à fragmentation M-67 et des grenades à mains incendiaires M-14.
    Les États-Unis ont exporté plus de 40.000 mines terrestres antipersonnelles et antichars vers la Turquie depuis le début des années 1980. Il y a eu des rapports concernant l'utilisation de mines terrestres antipersonnelles, que ce soit par les forces turques ou par celles du PKK, dans la guerre du Sud-Est. Les États-Unis ont fourni à la Turquie des mines conventionnelles antipersonnelles M-18A1 Claymore placées manuellement, et des mines modernes ADAM (Area Denial Artillery Munition) commandées à distance. Le ADAM est un projectile qui contient trente-six mines antipersonnelles M-74 à l'intérieur. Chaque mine s'arme à l'impact et envoie sept fils de détente qui, lorsqu'ils sont perturbés, provoquent l'explosion de la mine, projetant des centaines de fragments dans toutes les directions. Les États-Unis ont vendu à la Turquie 952 cartouches ADAM pour un total de 34.380 mines.
    Human Rights Watch croit que tout usage de mines antipersonnelles est illicite sous la loi humanitaire existante, à cause de leur nature non discriminante.

    Allemagne

    Depuis les années 1960, l'Allemagne a été le deuxième plus grand fournisseur militaire de la Turquie.  L'Allemagne a fourni de nombreux articles de défense qui vont de l'équipement de communication aux avions de chasse.  D'après l'Institut International pour la Recherche de la Paix à Stockholm (SIPRI), la Turquie a passé commande pour les articles suivants à l'Allemagne entre 1990 et 1993: 46 avions Phantom F-4F, 46 avions de reconnaissance Phantom RF-4E, 131 lance-roquettes LARS 110mm, 131 armes M-110-A2 203mm, 300 véhicules blindés pour le transport de troupes BTR-60P (équipement de l'ancienne RDA), 100 chars Léopard 1-AI, et 20 véhicules blindés de sauvetage. Ces chiffres représentent le nombre d'articles commandés; l'information sur les livraisons actuelles est incomplète.  Dans le Registre des Armes Conventionnelles de 1994 des Nations-Unies, la Turquie a indiqué la réception en 1993 de 85 chars Léopard (par rapport aux 100 commandés originellement, d'après le SIPRI), 187 véhicules de combat blindés M-113, 15 avions de chasse F-4, et un navire d'entraînement de l'Allemagne.  Le rapport de l'Allemagne au registre est en cours.
    Le Phantom allemand F-4E a été en service dans les Forces de l'Armée de l'Air Turques depuis les années 1970.  Les Forces de l'Armée de l'Air Turques sont basées principalement sur les Phantom pour leur capacité à transporter des missiles Maverick et des bombes guidées par laser.
    L'Allemagne ne fournit pas uniquement les Forces Armées Turques mais également la police, sous la forme d'aide en équipement et en entraînement.  Cette aide a consisté en des dons en espèces pour faciliter l'achat d'armes pour les Forces de Police; les équipements tels que des ordinateurs fournis par Siemens; et l'entraînement des Forces Spéciales de Police dans le cadre de la lutte anti-terroriste.
    D'après un journal de commerce de défense, l'Allemagne a fourni la Turquie à raison de 256.000 fusils Kalashnikov, 5.000 mitrailleuses et 1.000.000 de cartouches provenant des stocks de l'ancienne armée d'Allemagne de l'Est. Parmi les autres armes transférées des stocks de l'armée de l'ex-RDA on trouve des munitions pour des canons BTR-60, des camions, 5.000 grenades propulsées par fusée RPG-7, et de nombreux missiles innomés et des bombes avec fusée. Le gouvernement allemand a déclaré que ces armes ne seraient pas utilisées contre les Kurdes. 
    En 1992, l'organisation d'aide Allemande Medico International a enquêté sur l'utilisation de l'armement Allemand en Turquie.  Il a trouvé que les tanks Léopard de la RDA et les véhicules blindés pour le transport des troupes BTR étaient utilisés dans la dépopulation de nombreux villages kurdes. Malgré les liens militaires étroits entre l'Allemagne et la Turquie, cette relation a été interrompue à plusieurs reprises pendant la guerre menée par la Turquie dans le sud-est du pays.  L'Allemagne a institué un embargo sur les armes à l'encontre de la Turquie en 1992 en réaction aux attaques turques contre les Kurdes, mais l'embargo a été levé trois mois plus tard.  En avril 1994, l'Allemagne a arrêté de nouveau ses ventes d'armes pendant qu'elle enquêtait à propos des allégations selon lesquels la Turquie aurait utilisé, dans le sud-est de la Turquie, des véhicules blindés de transport de troupes BTR-60 fourni par l'Allemagne.  L'embargo était levé après que la Turquie ait argumenté que les BTR-60 étaient venus, non pas de l'Allemagne, mais de Russie.  Après l'invasion par la Turquie du nord de l'Irak le 20 mars pour y suivre le PKK, l'Allemagne a de nouveau gelé ses ventes militaires à la Turquie.  Cet embargo a été levé à la fin du mois de septembre 1995 lorsque l'Allemagne a libéré une aide militaire gelée d'une valeur de 110.000.000 $ pour soutenir la fabrication de deux frégates pour la Marine Turque.

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    (1) Voir, par exemple, John Sislin et Siemon Wezeman, 1994 Arms Transfers: A Register of Deliveries from Public Sources (Monterey : Institut Monterey de l'Institut International de la Recherche sur la Paix de Stockholm, mars 1995).
    (2) Département Américain du Commerce, Bureau des Exportations, Diversification Européenne et Marché de la Défense : Un Guide Utile pour Entrer dans les Marchés Outre-Atlantique.  (Washington, DC : juin 1995), page 286.
    (3) D'après l'Institut International de la Recherche sur la Paix de Stockholm (SIPRI), entre 1987 et 1991 la Turquie a reçu 62 pour cent de ses armes des États-Unis, 24 pour cent de l'Allemagne, 4 pour cent des Pays-Bas, et le reste de divers autres membres de l'OTAN.  Cité in Pax Christi International, The Turkey Connection: Militay Build-up of A New Regional Power, p. 9.

    (4) Pour une discussion de ce système, que la Turquie n'a pas appliquée avec consistance, voyez Lale Sariibrahimoglu, "Turkey Bars Defence Firms Over Politics," Jane's Defence Weekly, vol. 19, n° 16 (17 avril 1993), p.5.
    (5) Ceci inclut les 6,8 milliard $ dans le cadre du programme FMS et 1 milliard $ en vente commerciale. U.S. Defense Security Assistance Agency, Foreign Military Sales, Foreign Military Construction Sales and Military Assistance Facts, As of September 30, 1994. (Washington DC: 1994), pp.18,57. Les Ventes Militaires Étrangères (FMS) sont des ventes de gouvernement à gouvernement d'articles de défense réalisées par la Defense Security Assistance Agency. Dans le cadre de ce programme, le Département de la Défense achète des armes à un fabricant américain et les revend à un gouvernement étranger. Beaucoup des armes que la Turquie a achetées dans le cadre du programme FMS ont été financées par des prêts et dons américains. Des armes peuvent également être exportées par la voie des ventes commerciales, dans laquelle les exportations vont directement du fabricant américain au gouvernement étranger, mais doivent au préalable avoir reçu une licence du Bureau du Département d'État du Contrôle du Commerce de Défense.
    (6) Les accords de ventes d'armes conclus entre les États-Unis et la Turquie ont totalisé 2,2 milliards $ au cours de l'AF1994, dépassés uniquement par les contrats américains avec Israël. Les accords FMS sont estimés à 576 millions $ pour l'AF1995 et 320 millions pour l'AF1996. U.S. Department of State, Congressional Presentation for Foreign Operations, Fiscal Year 1996. (Washington, DC: 1995), pp.484,491.
    (7) D'après le SIPRI, les États-Unis ont vendu les articles de défense suivants à la Turquie entre 1990 et 1993: quarante avions de combat F-4E Phantom, seize hélicoptères AH-IS, dix hélicoptères R-222, quarante-cinq hélicoptères Black Hawk, soixante-douze canons M-1 10-A2 203 mm autopropulsés, 550 M-1 13 véhicules blindés pour le transport de troupes (APC), 164 chars de combat, 1.258 chars de combat M-60-A3, quarante véhicules blindés Commando pour le transport de troupes, des radars, des lanceurs mer-mer Seasparrow pour frégates, 350 missiles air-sol AGM-65D, vingt missiles air-air AIM-120A AMRAAMM destinés à équiper les chasseurs F-16, et 469 missiles portables STINGER sol-air. Stockholm International Peace Research Institute, SIPRI Yearbook 1994. (Oxford: Oxford University Press, 1994), p.544.
    (8) "Turkey and U.S. Sign Accord for Gulf Defence Fund", Reuters, 3 octobre 1994. Voir également, LTC Paul S. Gendrolis, "Joint Programs Directorate: The Heart of It All", The DISAM Journal of International Security Assistence Management, vol.17, no.3 (Printemps 1995), p.21.
    (9) Cette information provient des entrées des États-Unis et de la Turquie au Registre des Nations unies des Armes Conventionnelles. Sa précision est incertaine à cause de chiffres divergeants fournis par les États-Unis et la Turquie. Nations unies, Registre des Nations unies des Armes Conventionnelles. (New York: United Nations Publications).