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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


233-F
21e Année - N°233
Juillet-Août 1997
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

RESTAURATION MILITARO-KEMALISTE !

    Depuis le début juillet 1997 la Turquie est dirigée par un nouveau gouvernement bricolé et soutenu par les militaires. Ces derniers, et leurs alliés au Parlement, sous prétexte de défendre la laïcité contre le fondamentalisme, ont forcé la démission du premier ministre islamiste Necmettin Erbakan et ont formé une nouvelle coalition gouvernementale entre le Parti de la Mère-Patrie (ANAP), le Parti démocratique de la gauche (DSP) et le Parti démocratique de la Turquie (DTP).
    Après que la Commission européenne ait annoncé en juillet dernier que la Turquie ne ferait pas partie des pays éligibles pour devenir membres de l'UE, ce nouveau gouvernement, qui se veut "réformiste et laïque", a lancé une grande offensive diplomatique en Europe et aux Etats-Unis dans le but d'obtenir une approche plus compréhensive lors du sommet de l'UE en décembre 1997.
    Cependant, les politiques répressives que les militaires imposent à ce nouveau gouvernement demeurent le principal obstacle qui empêche la Turquie de faire partie des candidats de première ligne. En fait, comme nous l'avions anticipé dans le numéro précédent d'Info-Türk, au lieu de rétablir la suprématie des valeurs républicaines et démocratiques, ce gouvernement, soutenu par les militaires, a déjà conduit le pays vers une polarisation encore plus dangereuse.
    Aussi longtemps que l'exécutif poursuivra cette politique, les trois conditions pour que la Turquie devienne un candidat à court terme -mettre fin au terrorisme d'Etat, chercher une solution politique à la Question kurde et accepter l'adhésion chypriote à l'Union européenne- ne seront jamais satisfaites.
    Le gouvernement de coalition minoritaire, dirigé par le président de l'ANAP, Mesut Yilmaz, grâce au soutien du Parti du peuple républicain (CHP) et une poignée de députés indépendants, remporta une victoire facile au Parlement le 12 juillet dernier, lorsqu'il reçut un vote de confiance d'une confortable majorité de 281 voix contre 256. Lorsque plusieurs députés du Parti de la juste voie (DYP) ont quitté leur parti, le nouveau gouvernement avait déjà assuré une victoire facile. D'autre part, sept députés du DYP n'ont pas assisté au vote et ont donc soutenu indirectement le nouveau gouvernement.
    Ce gouvernement, qui se définit "réformiste et laïque", comprend d'anciens complices de Ciller comme Yalim Erez (ministre de l'Industrie) et Necdet Menzir (ministre des Communications). Erez est connu comme le principal artisan de la montée de Ciller dans le monde politique et pendant quatre années il est resté le premier partisan des politiques répressives et des irrégularités de celle-ci. Quant à Menzir, Il y a trois ans, en tant que chef de police du pouvoir de Ciller, il avait provoqué une crise gouvernementale en accusant le CHP, partenaire minoritaire de la coalition avec le DYP, de soutenir des "terroristes".
    • Ayant une telle composition et soumise à la pression des militaires, la nouvelle coalition a tout d'abord prolongé de quatre mois l'état d'urgence dans huit provinces kurdes (Batman, Bingöl, Diyarbakir, Hakkari, Siirt, Sirnak, Tunceli et Van) à partir du 30 juillet.
    • Entre-temps, le nouveau gouvernement annonçait que les militaires turcs recevraient une allocation supplémentaire de 130 milliards de TL pour des opérations anti-PKK dans le nord de l'Irak.
    - Après avoir obtenu le vote de confiance, le premier ministre Mesut Yilmaz, le vice-premier ministre Bülent Ecevit (DSP) et Ismet Sezgin (DTP), ainsi que le ministre des Affaires étrangères Ismail Cem et le ministre de l'Intérieur Murat Basesgioglu, assistaient le 25 juillet à une réunion du Conseil de sécurité nationale (MGK), dominé par l'armée, et recevaient l'instruction d'appliquer les nouvelles mesures adoptées par les militaires le 28 février dernier.
    - Pour payer sa dette envers les militaires, le nouveau gouvernement a fait adopter le 16 août dernier une nouvelle loi sur l'éducation visant à mitiger ce que l'armée considère comme une menace croissante des islamiques fondamentalistes. En vertu de cette loi, la scolarité obligatoire passe de cinq à huit ans, mettant fin à l'éducation secondaire inférieure et par là même aux sections inférieures des lycées Imam-Hatip. Les réformes éducatives ont provoqué les protestations dans les rues des islamistes et ont conduit le pays vers une polarisation plus dangereuse.
    - Fin août, le premier ministre Mesut Yilmaz produisait une circulaire activant pour la première fois le Centre de gestion des crises du premier ministre (BKYM). Sous la pression du Conseil de sécurité nationale (MGK), la création de ce centre figurait déjà dans un décret publié le 9 janvier par le gouvernement précédent. Cependant, le premier ministre Erbakan ne l'avait jamais mis en pratique en raison du conflit qui l'opposait aux militaires. Selon ce décret, en cas de crise, tout le pays ou une partie, peut être placé sous l'autorité du Centre de gestion des crises du premier ministre (BKYM). Etant donné que ce centre est dirigé par le secrétaire général du MGK -un général de l'armée- le pays serait pratiquement sous la loi martiale ou en état d'urgence non déclarée.
    - Cette soumission aux militaires est devenue plus évidente lorsque le débat public sur le Groupe de travail occidental (BCG) au sein de l'armée prenait une nouvelle dimension avec les critiques du RP et du DYP. Ce groupe illégal fut créé au début de cette année sous prétexte de suivre les activités des fondamentalistes islamiques. Lorsque Yilmaz est devenu premier ministre, il a premièrement déclaré qu'un tel groupe n'était plus nécessaire, car un gouvernement "laïque" venait de se former et la menace islamique était donc dissipée. Toutefois, des officiers de l'Etat-major ont immédiatement répliqué que la menace fondamentaliste n'avait pas disparu et que le Groupe de travail occidental continuerait d'opérer, se réunissant même deux fois par jour. Sur ce, Yilmaz a préféré ne plus faire allusion à l'inutilité du BCG.
    - Après deux mois sous le nouveau gouvernement, le terrorisme d'Etat n'a pas perdu l'intensité, avec des milliers de détentions policières, des meurtres non résolus, des exécutions sans procès, des tortures, des disparitions de personnes en détention, des descentes dans des associations, des procès et des condamnations par les cours de la sûreté de l'Etat. L'amnistie partielle, de maquillage, concernant quelques journalistes emprisonnés n'a pas du tout rétabli la liberté de la presse et des centaines d'intellectuels comme Ismail Besikci sont restés derrière les barreaux.
    - Le 17 juillet, l'ancien maire de Diyarbakir, Mehdi Zana, était condamné par la CSE d'Istanbul à dix mois de prison et à payer une amende de 83 millions de TL pour avoir fait de la propagande séparatiste dans son livre de poèmes Mon coeur saigne. Dans la même affaire, Ayse Nur Zarakolu, directrice de la maison d'édition Belge, qui a publié le livre, fut condamnée à payer une amende de 42 millions de TL.
    - Le 18 août, le bureau du procureur de la République d'Ankara intentait un procès dans une cour pénale d'Ankara contre l'Association des droits de l'homme (IHD) à propos de la "Semaine des droits de l'homme" organisée par l'association en décembre 1996. Des peines de prison allant de un à trois ans ont été demandées pour 11 membres du conseil exécutif du IHD, dont le président Akin Birdal. Le procureur a également demandé la fermeture du IHD pour avoir "disséminé de la propagande séparatiste" et "incité la population à l'hostilité par la discrimination raciale et régionale".
    - Bien que les partis qui forment l'actuelle coalition ont accusé le gouvernement sortant d'être coupable de corruption, d'irrégularités et de népotisme, le nouvel exécutif n'a pas encore introduit des poursuites contre les suspects de ces abus. Alors que les intellectuels et activistes kurdes et de gauche sont poursuivis, le premier ministre le plus corrompu de l'histoire, Tansu Ciller, demeure intouchable et se voit offrir l'opportunité de jouer les "martyres" et de récupérer un certain prestige auprès de l'opinion publique.
    - En ce qui concerne le scandale de Susurluk, au lieu d'ouvrir une enquête plus efficace, des membres des Equipes d'intervention spéciales, dont le chef Ibrahim Sahin, accusés d'appartenir à une organisation criminelle, ont été relâchés le 11 septembre dernier par la Cour de la sûreté de l'Etat pour "manque de preuves". Or, Sahin s'était laissé photographier avec le Loup gris en fuite Abdullah Catli bras dessus, bras dessous au cours d'une cérémonie de circoncision.
    - Trois jours plus tard, le 15 septembre, la cour pénale d'Afyon relâchait quatre des onze policiers accusés d'avoir battu à mort le journaliste Metin Göktepe.
    - L'engagement pris par le nouveau gouvernement de démocratiser la Turquie a perdu toute crédibilité principalement à cause des actions en justice engagées auprès de la Cour constitutionnelle pour fermer le Parti du bien-être (RP). Bien que le procureur principal avait introduit l'action avant le changement de gouvernement, les militaires ont maintenu les pressions sur la justice pour obtenir l'interdiction du RP, et le gouvernement, soutenu par les militaires, a gardé le silence devant ces pratiques anti-démocratiques. Dans les pages ultérieures nous reproduisons les réponses du RP au procureur et les critiques Human Rights Watch à l'encontre de la tentative de fermer le parti. Le procureur principal, encouragé par les militaires et le nouveau gouvernement, a déclaré à la télévision qu'il ne prêterait pas attention aux critiques que pourraient faire les institutions européennes. Il a dit : "Que leur tante, Claudia Roth, vienne les soutenir comme elle le fit pour le DEP, nous n'abandonnerons jamais les poursuites judiciaires!"
    - Le 4 août, sur ordre du bureau du procureur principal de la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara, la police assignée à la branche anti-terroriste arrêtait Hasan Celal Güzel, président du Parti de la renaissance (YDP) pour avoir "révélé au public des documents secrets de l'Etat". Deux jours plus tard, après avoir subi l'interrogatoire de la CSE, Güzel était relâché pour être jugé en liberté. Une semaine auparavant Güzel avait remis au procureur principal un rapport préparé par le Groupe de travail occidental et avait demandé que des mesures appropriées soient prises contre le chef adjoint de l'Etat-major Cevik Bir qu'il accusait d'essayer d'altérer l'ordre constitutionnel. Alors qu'il procédait à l'arrestation de Güzel, le bureau du procureur de la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara décidait de ne pas poursuivre le général Bir que ce même Güzel avait dénoncé.
    Non seulement le RP ou le YDP mais également les partis pro-kurdes font encore l'objet d'actions en justice et risquent la fermeture, mais le nouveau gouvernement n'entreprend aucune action contre ces mesures répressives. Il convient de rappeler qu'au cours des 14 dernières années, 20 partis politiques différents -de gauche ou pro-kurdes- ont été fermés par la Cour constitutionnelle.
    Récemment :
    - Le 23 juin, le procureur principal introduisait une action auprès Cour constitutionnelle dans le but de fermer le Parti démocratique des masses (DKP). Fondé sous le leadership d'un ancien ministre d'origine kurde, Serafettin Elci, le DKP est accusé d'avoir dans son programme plusieurs articles incompatibles avec la Constitution turque et le Code sur les partis politiques. Le procureur considère ces articles contraires à l'intégrité de l'Etat et la nation Turcs.
    - Auparavant, le 4 juin, le président du Parti de la démocratie du peuple (HADEP), Murat Bozlak, avait été condamné par la CSE d'Ankara à six ans de prison à cause de "l'incident du drapeau" survenu lors du congrès du parti le 23 juin 1996 à Ankara. Faysal Akcan, qui enleva le drapeau turc de la salle du congrès, fut condamné à 22 ans et six mois de prison. Il fut accusé "d'appartenir à une organisation illégale". La cour a également condamné 33 membres du HADEP à des peines de prison allant de 4 à 6 ans.
    - Et le 16 juin, les premiers cours en langue kurde, dispensés depuis le 26 avril par la Fondation pour la culture et la recherche kurdes (Kürt-Kav), étaient interdits par le gouverneur d'Istanbul. Une équipe de police envoyée par la Direction nationale de l'éducation, fit une descente dans le bâtiment de la Fondation et mit sous scelles la porte du local où se donnaient les cours.
    Le RP et le DYP dénoncent maintenant les fermetures de partis politiques, mais bon nombre d'entre eux, notamment le Parti de la Démocratie (DEP), l'ont été alors que le DYP se trouvait au pouvoir et les députés du DEP étaient arrêtés suite aux provocantes déclarations de la premier ministre Ciller. Le RP ne s'est jamais opposé à de telles pratiques.
    Les actions en justice contre le DKP, HADEP et Kürt-Kav auxquelles nous avons fait allusion auparavant constituent les dernières pratiques anti-démocratiques de la coalition gouvernementale DYP-RP. A ce moment-là, ni le RP, ni le DYP n'ont désapprouvé ces actes. Ils parlent de violations des droits de l'homme lorsqu'eux-mêmes deviennent la cible de pressions appuyées par les militaires.
    On peut donc dire que non seulement les militaires et leurs alliés politiques mais également les fondamentalistes islamiques et leurs alliés, dont Tansu Ciller, font preuve d'une totale hypocrisie en ce qui concerne les droits de l'homme et les libertés.
    Si la Turquie se trouve maintenant dans une situation honteuse en ce qui concerne les droits de l'homme, ils en sont responsables autant l'un que l'autre.
    Cependant, les véritables forces démocratiques de la Turquie s'opposeront à la fermeture de tout parti quelle que soit sa sensibilité, de gauche, pro-kurde ou islamique. Telle est la caractéristique d'un défenseur sincère des normes démocratiques.

LE RP ELABORE UNE DECLARATION DE DEFENSE PRELIMINAIRE SUR LA DEMANDE DE FERMETURE

    Le Parti du bien-être (RP), formation de tendance islamiste qui se trouve devant une demande de fermeture introduite par la cour d'appel, soumettait le 20 août dernier à la Cour constitutionnelle une déclaration de défense préliminaire et dans la page de garde répondait aux accusations du procureur de la cour d'appel, Vural Savas.
    La déclaration, de 215 pages, comprend sept sections et offre une évaluation générale de l'inculpation du procureur Savas, qui a fait l'accusation suivante: "Le RP est devenu le point de concentration des activités anti-laïques". L'accusation s'appuie sur les concepts de démocratie en Turquie et à l'étranger, les droits de l'homme, les libertés et la laïcité, ainsi que sur les conventions internationales sur les droits de l'homme, la Constitution turque et d'autres lois.
    Dans les conclusions de la déclaration du RP le parti soutient que la Cour d'appel, dans son argumentation, ne tient pas compte de la loi sur les partis politiques et que par conséquent la Cour constitutionnelle devrait désestimer l'affaire pour "vice de procédure". La déclaration de défense dit également: Les bandes audio et vidéo, et les découpes de journaux qui figurent dans l'acte d'accusation ne constituent pas une preuve; affirmer que le parti est "le point de concentration d'activités anti-laïques" se révélerait vain puisque les activités du parti ne sont nullement délictives; les accusations contre les anciens députés Sevki Yilmaz, Hasan Hüseyin Ceylan et Ibrahim Halil Celik ne sont plus fondées puisqu'ils ont été expulsés du parti; et le parti pense que la Cour constitutionnelle ne manquerait pas de prendre en considération l'Article 10 sur la liberté d'expression et l'Article 11 sur la liberté d'organisation de la Convention européenne des droits de l'homme.
    Le Turkish Daily News offre à ses lecteurs certaines des parties les plus intéressantes de la déclaration de défense du RP, signée par le leader du parti Necmettin Erbakan et publiées sur Internet. Nous les reprenons ci-après:
    • L'objection du Parti du bien-être à la fermeture des sections secondaires des écoles religieuses imam-hatip comme le recommande le Conseil national de sécurité (MGK), ne reflète pas une opposition à l'ordre laïc comme le dit l'acte d'accusation du procureur. Aussi les limitations imposées aux partis politiques par la loi sur les partis politiques ne précise nullement l'obligation de se soumettre aux décisions du MGK.
    • Le système d'éducation continue obligatoire de huit ans n'a aucun lien avec la laïcité. Il s'agit uniquement d'un aspect technique. Un rapport sur la question met l'accent sur l'impossibilité de passer à ce système d'une manière immédiate. Le RP ne s'oppose pas au système d'éducation obligatoire de huit ans, il est contre un système qui essaie de manipuler les enfants.
    • Il est juridiquement incorrect que le procureur principal Vural Savas inculpe le leader du RP Necmettin Erbakan et d'autres représentants du parti pour des discours prononcés auparavant et qui selon le procureur concernent les tenues vestimentaires des étudiantes universitaires.
    • L'opinion du procureur principal concernant un discours prononcé par Erbakan au cours d'une réunion de son groupe parlementaire, qui mettait l'accent sur la demande du leader du RP pour une "période de transition tranquille", est totalement sans fondement. Ce discours devait être considéré comme un des devoirs parlementaires du RP. Il fut délibérément distorsionné par diverses organisations de presse (notamment dans la définition de la "période de transition"), sorti de son contexte réel et dévié de son objectif. Plusieurs organisations ont lancé une campagne contre le RP et convoqué des rassemblements après les élections partielles du 23 mars 1997. Ce ne fut pas Erbakan, mais bien ces organisations qui ont ajouté le mot "sang" dans les fax qu'elles ont envoyés à divers endroits. Il est à souligner les voeux exprimés par ces organisations dans leurs fax. Elles y formulaient le souhait qu'Ankara devienne la tombe du maire du RP, Melih Gökcek, et se disaient prêtes à combattre jusqu'à leur dernière goutte de sang.
    • Le RP considère illégales et injustifiées les accusations du procureur principal concernant une réunion du MGK. Dans ses accusations, le procureur fait allusion à une histoire sans fondement d'un journal selon laquelle Erbakan aurait admis les accusations du commandant des forces navales parce qu'il a gardé le silence alors que ce dernier lisait plusieurs rapports de presse (fustigeant le RP) lors d'une réunion de MGK. Etant donné que ces réunions sont confidentielles, il est impossible d'en obtenir des enregistrements. Il est donc interdit de publier tout document s'y rapportant ou d'en faire la publicité.
    • Les suppositions du procureur Savas selon lesquelles le banquet qu'Erbakan a offert au personnel de la Direction des affaires religieuses et aux membres des écoles théologiques révèle une attitude anti-laïque est juridiquement sans fondement. Ces accusations sont faites sous l'influence de reportages médiatiques manipulateurs et ne révèlent pas une violation de la loi.
    • Le jour où Sevki Yilmaz (ancien député du RP) prononça son discours, prétendument contre l'ordre laïc, il n'avait aucun lien organique avec le parti et n'était pas membre du RP. Il fut élu maire de la province de Rize sur les listes du RP après les élections municipales du 27 mars 1994 et c'est alors qu'il devint membre du RP. En outre, personne ne sait où, quand ou pourquoi ce discours fut prononcé. Quoi qu'il en soit il a été expulsé du parti.
    • En examinant deux discours précédents d'Hasan Hüseyin Ceylan (ancien député du RP), le RP n'a trouvé que des cassettes vidéo préenregistrées. Où et quand ont-elles été enregistrées ?  Qui les a enregistrées ?  Aucun fait n'est certain. Il n'y a aucune sentence judiciaire qui établisse que ces cassettes contiennent des éléments anti-laïques. Cette personne ne représente pas le RP et a été expulsé du parti.
    • Ibrahim Halil Celik (ancien député du RP) a déclaré qu'il n'avait pas fait les remarques que divers journaux lui ont attribuées le 10 mai 1997. Celik ne représente pas le RP et n'est affilié à aucun organe du parti. Il a également été expulsé du parti.
    • Il n'existe pas d'autre preuve qu'une cassette pré-enregistrée concernant un discours d'Ahmet Tekdal (membre du RP), dont on dit qu'il l'aurait prononcé lors d'un pèlerinage en Arabie Saoudite. On ne sait avec certitude quand et où a été prononcé ce discours. Tekdal (qui fut président du RP) n'a pas été à Hajj en tant que président du RP mais en tant que citoyen ordinaire. Etant donné que Hajj n'est pas considéré comme un centre d'activités politiques, il n'est pas possible d'y prononcer un discours politique.
    • Le bureau du procureur de la Cour de la sûreté de l'Etat de la province de Kayseri, dans l'Anatolie centrale, a ouvert une enquête sur un discours attribué au maire de Kayseri et membre du RP, Sükrü Karatepe, et s'est déclaré juridiquement incompétent dans cette affaire.
    • Dans son acte d'inculpation, le procureur voit également dans la visite de Sevket Kazan, alors qu'il était ministre de Justice, au maire de Sincan en prison, une preuve pour fermer le RP. Etant donné que la visite eut lieu pendant le mandat de Kazan, l'affaire doit être traitée sous la juridiction du Parlement. Les membres du Parlement ont examiné l'affaire suite à une demande basée sur l'Article 100 de la Constitution. Ils ont conclu que l'action de Kazan n'était pas délictive et ont donc rejeté la demande d'inculpation.
    • Il n'est pas vrai que le RP ait gardé le silence à propos des actions indûment attribuées à ses membres. Le parti a examiné les accusations, considérées inexactes, d'actes incriminés à des membres de son conseil d'administration, du conseil central de décision et exécutif, aux présidents provinciaux et aux représentant ruraux.
    • La commission parlementaire créée pour examiner les finances du Parti du bien-être, après que des rapports aient accusé le parti de recevoir une "aide financière" d'une organisation de Libye, a rendu ses conclusions: "Pendant l'enquête, il n'a été trouvé aucun document qui prouve légalement que le RP ait reçu une aide financière de la République islamique de Libye".
    • Les pourparlers que le leader du RP Necmettin Erbakan a maintenu avec différentes personnes et organisations dans divers pays n'avaient pas un caractère confidentiel ou autre, il s'agissait simplement de rencontres régulières. Lorsque Erbakan a visité le Pakistan, ce n'était pas en tant que leader du Parti du bien-être mais en tant que premier ministre du 54e gouvernement, et cette visite n'avait rien à voir avec le RP. Par ailleurs, le parti n'est nullement concerné par une invitation faite à Erbakan pour qu'il participe à plusieurs rencontres en Libye. Il y était invité en tant que scientifique et les organisateurs de ces rencontres voulaient bénéficier de son savoir et de son expérience. La Direction des communautés musulmanes n'était pas une organisation officielle d'Etat, mais un organisme privé créé par une délégation de la conférence. Son véritable but était de réaliser des études pour éviter que les pays islamiques ne soient sous-développés et exploités et trouver des solutions à leurs problèmes.
    • Il n'y pas d'incident spécifique ou de preuve sérieuse qui justifie l'inculpation faite par le procureur Savas. La raison principale de la demande de fermeture réside dans les extraordinaires provocations de certaines organisations médiatiques. Les médias deviennent le plus grand pouvoir du pays grâce à la loi de compromis sur le Conseil supérieur de la radio et la télévision qui contrôle les activités des chaînes privées. Cette loi a également contribué à multiplier le nombre de chaînes de télévision qui exagèrent les incidents routiniers.

HUMAN RIGHTS WATCH SE DECLARE CONTRAIRE A LA FERMETURE DE REFAH

    Human Rights Watch (HRW)/Helsinki s'est déclaré contraire à la possible fermeture du parti islamiste RP car ceci violerait la nature laïque de la République. Dans un communiqué de presse publié le 3 juillet dernier HRW déclare contempler avec une "profonde préoccupation" la décision adoptée le 21 mai 1997 par le procureur principal Vural Savas de demander la fermeture du RP, partenaire majoritaire de la coalition RP-DYP jusqu'à ce que le leader du RP, Necmettin Erbakan, ne démissionne le 18 juin 1997. "Bien que nous comprenons que le débat sur le rôle de la religion dans la vie publique fasse l'objet d'une intense controverse et de débat en Turquie en ce moment, nous considérons le droit du Parti du bien-être de proposer des politiques comme un élément de base du droit à la libre expression et au débat public", dit le communiqué de HRW.
    Selon HRW, derrière la tentative de fermer le RP se cachent des "motivations politiques".
    "Nous pensons que le jugement final de ces idées devrait revenir à l'électorat et à la population turque, et non aux tribunaux. Cette inculpation qui se produit juste après le vote de confiance insuffisant destiné à faire tomber le gouvernement d'Erbakan, et le fait que depuis le coup-d'Etat de 1980 on n'ait pas essayé de fermer le Parti du bien-être alors que son idéologie n'a pas souffert de grands changements depuis une décennie, laisse entrevoir des motivations politiques dans toute cette affaire", souligne HRW.
    HRW défend également le droit de porter des tenues religieuses en public, tout comme le défendait le RP, assimilable au "droit de libre expression". L'ultimatum lancé le 28 février dernier par le Conseil de sécurité nationale (MGK), sommait le RP d'appliquer des mesures, entre autres, pour élimer la pratique étendue du port de foulards et autres tenues religieuses dans les locaux publics.
    "Des débats pour déterminer si un individu peut porter des vêtements religieux dans certaines situations peuvent porter aussi bien sur la liberté d'expression que sur le droit d'avoir des opinions religieuses ou autres sans l'interférence du gouvernement. Le droit à la liberté d'expression comprend le droit d'exprimer ses croyances religieuses au travers d'actes tels que le port de vêtements religieux, tant que cela n'enfreint pas les droits d'autrui. Human Rights Watch/Helsinki pense également que l'exercice de ce droit comprend également celui de ne pas porter de tenues religieuses si tel est le désir. Le plaidoyer en faveur de ceux qui veulent porter le foulard est un acte protégé par la liberté d'expression, même s'il est contraire aux politiques du gouvernement en place", explique HRW.
    Mais à propos d'une autre accusation portée contre le RP par le procureur de l'Etat, HRW précise: "Plaider en faveur de la haine national, raciale ou religieuse constituant une incitation à la discrimination ou à la violence n'est pas un droit d'expression protégé".
    Faisant directement allusion à certaines déclarations faites dans le passé par d'anciens députés militants du RP, HRW affirme: "Des actes dénoncés dans l'inculpation, notamment ceux de deux anciens députés du parti, Ibrahim Halil Celik, qui demandait que `coule le sang', et Sevki Yilmaz, qui déclarait `notre tâche n'est pas de parler, mais, tel un soldat dans l'armée, d'appliquer le plan dans la guerre', ne peuvent être inclus dans le droit d'expression si dans ces circonstances cela revient à inciter à l'agression physique, à imposer de pénalités discriminatoires ou à l'harcèlement délictif, ou à l'intimidation".
    HRW met encore en doute si la fermeture d'un parti constitue une réponse adéquate à de tels actes perpétrés individuellement par certains de ses membres.
    "En tout cas, on peut se demander si le Parti du bien-être dans son ensemble doit être tenu pour responsable de déclarations incendiaires proférées par certains de ses membres", conclut HRW.

LE CHANTAGE DU NOUVEAU GOUVERNEMENT A L'EUROPE

    Les autorités turques ont mal réagi le 15 juillet dernier aux recommandations de la Commission européenne pour que l'Union européenne ouvre l'année prochaine des négociations d'accession avec la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovénie et l'Estonie, ainsi qu'avec la communauté grecque chypriote au nom de toute l'île, mais pas avec la Turquie. "La Commission a non seulement rompu sa promesse d'appliquer les mêmes critères objectifs à tous les candidats, mais a également violé les accords internationaux", dit-on depuis Ankara dans un communiqué à propos des derniers développements.
    Des fonctionnaires rapportaient le 22 juillet dernier que le ministère des Affaires étrangères, en représailles contre la position de l'UE, avait commencé à revoir l'application de l'accord d'union douanière avec l'UE pour voir s'il pouvait être amélioré en faveur de la Turquie.
    Ils ont annoncé que si nécessaire, Ankara tenterait d'arriver à ses fins par une éventuelle renégociation. Il n'est cependant pas clair s'il existe un consensus au sein de la coalition gouvernementale à propos de la révision que fait le ministère des Affaires étrangères.
    Les diplomates affirment que le ministre des Affaires étrangères, Ismail Cem, du Parti de la gauche démocratique (DSP), que dirige le vice-premier ministre Bülent Ecevit, pourrait être derrière cette révision de l'union douanière car au cours d'une visite au nord de Chypre il avait fait allusion à la possibilité d'une renégociation.
    Selon le Turkish Daily News du 7 août, l'agressive campagne de la Turquie pour rattraper le "train de l'Europe" à l'occasion du sommet de l'Union européenne en décembre peut être en train d'échouer. Des signes annoncent que l'Europe considère cette campagne "contre productive" et on y dit qu'elle a un effet contraire à celui espéré par Ankara; à savoir, augmenter les chances de la Turquie dans sa candidature à l'UE.
    Dans sa déclaration, d'un ton sévère, Ankara fustigeait alors la Commission européenne pour sa "grande erreur" et espérait que les leaders de l'UE la corrigeraient lors du sommet qui doit avoir lieu à la fin de cette année.
    "C'est précisément cette attitude d'essayer de nous intimider pour que nous adoptions une certaine attitude qui se retourne contre la Turquie", a déclaré une source de l'UE au Turkish Daily News. "La réalité de la situation est que le sommet européen soutiendra la recommandation de la Commission", a-t-il ajouté.
    "Ce qui nous préoccupe est que la Turquie -- avec sa campagne agressive pour se retrouver dans cette photo de famille, cette réunion ou cette conférence -- aura une réaction encore plus colérique si elle découvre que le sommet européen ne corrigera pas la "grande erreur" de la Commission. A son tour, cela va susciter encore de la mauvaise humeur en Europe et laissera Ankara face à des accès de colère totalement contre productifs, mais qui seront le résultat direct de sa propre attitude".

EN COLERE CONTRE L'EUROPE, ANKARA INTEGRE LA PARTIE TURQUE DE CHYPRE

    Après que le nouveau gouvernement ait annoncé son intention de bombarder les missiles S-300 s'ils sont installés dans la partie sud de Chypre et d'intégrer la partie nord de l'île, les pourparlers sous les auspices des Nations Unies à Glion, destinés à mettre fin à une division qui dure depuis des décennies, se sont terminés dans la confusion le 16 août dernier. Le médiateur des ONU et envoyé spécial à Chypre, Diego Cordovez, n'a pas pu amener Glafcos Clerides, président du gouvernement chypriote grec du sud de l'île, internationalement reconnu, et le leader chypriote turc, Rauf Denktas, à se mettre d'accord sur un texte cadre de compromis.
    Denktas s'est vu encourager dans son attitude bornée par le récent changement de gouvernement en Turquie. Le vice-premier ministre Bülent Ecevit - qui en tant que premier ministre avait ordonné l'occupation militaire turque en 1974 - avait annoncé que cette fois-ci la Turquie intégrerait la partie turque de l'île si l'Union européenne engageait des négociations avec Chypre en vue de sa totale intégration à l'UE.
    Le 20 juillet, à l'occasion du 23e anniversaire de l'occupation turque, Ecevit s'est précipité dans l'île et a annoncé un programme pour l'intégration partielle de la "République turque du nord de Chypre" (KKTC).
    Pendant les célébrations dans la partie turque de l'île, les leaders de la Turquie et la KKTC ont annoncé que toute attaque contre cette dernière serait assimilée à une attaque contre la République de Turquie et qu'un concept de défense conjoint serait établi entre les deux.
    L'accord sur le Conseil d'association entre la Turquie et la KKTC fut signé le 6 août 1997.
    Selon cet accord, un conseil d'association sera créé entre les deux Etats avec la participation des deux parlements et des ministres concernés.
    Il sera établi une union économique et financière entre la République de Turquie et la KKTC, afin de contrecarrer les effets des embargos et restrictions que subit l'économie de la KKTC. En même temps, la KKTC sera intégrée dans la stratégie d'ensemble macro-économique de la Turquie concernant les priorités de développement régional. La KKTC bénéficiera du soutien et des primes apportées aux régions turques de développement prioritaire.
    Toutes les mesures de coopération et d'harmonisation structurelles entre l'administration chypriote grecque et l'UE, seront appliquées d'une manière similaire entre la KKTC et la Turquie.
    Bien que la KKTC continuera d'exister comme "Etat indépendant", dans toutes les réunions internationales concernant Chypre dans lesquelles la partie chypriote turque n'aura pas droit à la parole, des représentants de la KKTC seront inclus dans la délégation turque.
    Cet accord a reçu des critiques non seulement dans la Communauté européenne, mais également dans les cercles d'opposition turcs à Chypre.
    L'administration chypriote grecque a qualifié l'accord de "provocation envers la communauté internationale". Dans une déclaration publiée par le ministère grec des Affaires étrangères, Athènes "condamne énergiquement" l'accord et précise que "la Turquie a dévoilé sa véritable face en institutionnalisant son contrôle militaire et politique sur la KKTC".
    Mehmet Ali Talat, leader du principal parti de l'opposition de la KKTC, le Parti turc républicain (CTP) -- qui occupe 13 des 50 sièges du Parlement -- déclarait à la presse turque le 6 août dernier qu'ils ne sont pas favorables à une politique qui lie l'admission de Chypre dans l'UE à l'admission de la Turquie. Il a ajouté que l'intégration de Chypre dans l'UE est dans l'intérêt de la Turquie ainsi que de celui de la partie turque isolée de l'île.

INTERDICTION D'UNE CONFERENCE INTERNATIONALE SUR SUSURLUK

    Le bureau du gouverneur d'Istanbul a finalement décidé à la dernière minute de supprimer une conférence internationale sur Susurluk qui devait débuter le 14 juin dernier dans le centre du syndicat Petrol-Is.
    Le journal Aydinlik avait obtenu la permission du bureau du gouverneur pour sponsoriser la conférence, à laquelle devaient participer des journalistes spécialisés dans la mafia européenne. Ce n'est qu'une fois que les invités étrangers avaient terminé les préparatifs et s'étaient rendus en Turquie que le bureau du gouverneur annonçait la suppression de la conférence. Aucune justification ne fut avancée pour expliquer une telle attitude.
    Le leader du Parti Ouvrier (IP), Dogu Perincek, déclarait à propos de cette mesure: "Le ministre de l'Intérieur, Meral Aksener, membre de la famille Ciller, a piétiné la loi pour annuler la conférence car elle aurait révélé comment le premier ministre turc, Necmettin Erbakan, et la famille Ciller blanchissent de l'argent. A l'heure actuelle, la mafia gouverne la Turquie et elle ne voit pas pourquoi les lois devraient être respectées".

LE MARI DE CILLER DEVIENT CENTRE D'INTERET POUR COMPLICITE D'ASSASSINAT

    Le 9 juillet, Fikri Saglar, député (CHP) membre de la commission parlementaire qui enquête sur le scandale de Susurluk, introduisait une plainte en justice contre Özer Ciller, époux du leader du DYP Tansu Ciller, pour instigation du meurtre d'un sombre magnat de casino et acquisition de documents d'Etat secrets.
    Saglar, a révélé que l'avocat d'Ömer Lütfü Topal, connu comme le "roi des casinos" et abattu à Istanbul par des inconnus, avait dit à la commission d'enquête de Susurluk que la femme de Topal soupçonnait Özer Ciller d'être à l'origine de ce meurtre.
    Fikri Saglar a également dit que la femme de Topal, qui a déclaré devant un procureur public, a aussi révélé que son mari avait toujours méprisé et craint Özer Ciller. Dans la plainte adressée à une cour d'Ankara, le député a précisé: "Au cours des investigations de la Commission de Susurluk, de nombreux témoins ont affirmé qu'Özer Ciller était impliqué dans des activités illégales. Je pense qu'il faudrait enquêter sur sa participation au meurtre d'Ömer Lütfü Topal et ses relations avec les inculpés dans cette affaire".
    Saglar a ajouté qu'un autre membre de la commission Susurluk, Yasar Topcu du Parti de la Mère-Patrie (ANAP), avait dénoncé l'existence de conversations téléphoniques entre la résidence du premier ministre - Tansu Ciller était premier ministre au moment de l'assassinat de Topal - et Sami Hostan, un sombre personnage inculpé pour le meurtre de Topal et qui est toujours recherché par la police.
    "Meurtre prémédité et instigation au meurtre sont décrits dans les Articles 450 et 65 du code criminel. Je suis d'avis que les actions d'Özer Ciller sont des actes criminels tels qu'ils sont repris dans ces clauses. C'est pourquoi je demande l'ouverture d'une enquête sur lui", déclarait Saglar.
    Le député du CHP a également fait remarquer que Nuri Gündes, conseiller principal de Tansu Ciller pendant son mandat de premier ministre, avait déclaré avoir remis à Özer Ciller des dossiers de renseignement préparés par l'Organisation nationale de renseignement (MIT).
    Saglar en arrive à la conclusion qu'Özer Ciller devrait être jugé en vertu de l'Article 132 du code criminel, pour acquisition d'informations sur des documents d'Etat secrets, vu qu'il n'occupait aucun poste officiel et n'était que l'époux du premier ministre.

L'OCDE S'APPRETE A ACCUSER LA TURQUIE DE BLANCHIMENT D'ARGENT

    Tandis que la coalition gouvernementale fait face aux manifestations anti-laïques qui se produisent à travers le pays, la Turquie est sur le point de faire l'objet une nouvelle fois de dures critiques sur la scène internationale, c'est ce que rapportait le Turkish Daily News le 31 juillet dernier.
    Alors que la Turquie a été accusée à plusieurs reprises de permettre le blanchiment d'argent à l'intérieur de ses frontières, le Détachement spécial de l'action financière au sein de l'OCDE (FATF) - créé par le groupe G7 des pays les plus industrialisés en 1989 - envisagerait de donner un avertissement à la Turquie pour qu'elle mette fin à cette pratique.
    A propos des récentes histoires parues dans la presse sur le trafic d'argent noir et de drogue via la Turquie, des sources diplomatiques occidentales qui suivent ce thème de près ont affirmé que bien qu'on puisse espérer que le nouveau gouvernement prendra quelques mesures concrètes, la législation turque ne convient pas pour lutter contre le blanchiment d'argent.
    La Turquie devrait être mise en garde lors de la réunion habituelle de septembre de la FATF contre son rôle "officiel" dans le blanchiment d'argent.
    La Turquie a formé un comité pour étudier les allégations et prépare une réponse aux critiques attendues lors de la réunion de septembre.
    Des critiques similaires ont été adressées à la Turquie par un groupe de courtiers agissant en qualité de conseillers de compagnies pétrolières, de gaz et d'électricité. Le groupe international, Ledingham Chalmers Solicitors, a affirmé que Jersey, dépendance de la couronne britannique, est un endroit plus sûr que la Turquie pour y faire des affaires en raison de sa législation contre le blanchiment d'argent.
    Ce groupe, qui conseille également BOTAS International, une filiale de la Compagnie des pipelines turcs BOTAS, soutient que la législation sur les compagnies à Jersey est plus sévère que celle appliquée actuellement en Turquie.
    Dans un message envoyé à Dogan Sirikci, Naime Isik et Jale Tuksal, directeurs de BOTAS International, le courtier Jonathan W. Blythe indiquait qu'étant donné que Jersey est un protectorat du Royaume-Uni, il se trouve à tous les effets sous la juridiction de la Communauté européenne pour ce qui est de la gestion d'entreprises.
    "C'est un élément très important puisque les normes de gestion qu'impose la Communauté européenne sont très élevées. Dans bien de domaines les exigences sont beaucoup plus strictes qu'en Turquie", expliquait-il.
    Blythe, qui utilisa une expression équivalente à "Il voit la paille dans l'oeil de son voisin et ne voit pas la poutre dans le sien", soutient que la simple ouverture d'un compte bancaire dans l'une des grandes banques de Jersey exige la présentation d'un grand nombre de documents.
    Blythe faisait allusion a un rapport publié dans la presse turque à la fin du mois de juin accusant BOTAS de blanchir des centaines de millions de dollars sans être enregistrée à Jersey et qualifiait l'endroit de "paradis du blanchiment d'argent".
    Ultérieurement, le directeur de BOTAS, Mustafa Murathan était démis de ses fonctions et Nevzat Arseven était élu président.

LES INTELLECTUELS EN DESACCORD AVEC L'ETAT

    Voici un reportage de Saadet Oruc sur Esber Yagmurdereli publié par le Turkish Daily News le 17 juillet 1997.
    Yagmurdereli, devenu célèbre par ses efforts pour mettre fin à une grève de la faim des prisonniers en 1996, attend à présent le moment où on décidera de l'arrêter et de le mettre ne prison. Il fut condamné à 23 ans de prison à cause d'un discours prononcé lors d'un meeting de l'Association des droits de l'homme (IHD), qui célébrait son 11e anniversaire.
    Cet homme âgé, barbu et aveugle, assis devant moi, fumait une cigarette qui semblait sur le point de tomber de sa bouche et parlait de politique, droits de l'homme et optimisme. J'observais son sourire, encadré par une barbe blanche, noire, jaune et brune. Il a commencé à parler, songeant à la chaleur de ces jours de juillet, tout comme l'année précédente, lors de la grève de la faim...
    Pour Yagmurdereli ces jours-là ont été un des "moments historiques" du pays et ce n'est qu'alors qu'on a compris le pouvoir des citoyens dans la société. C'était la première fois qu'on démontrait la capacité des intellectuels à résoudre les conflits sociaux. Et il poursuit: "La Turquie a décidé lors des élections anticipées de 1995. L'objectif principal était de mettre fin à la crise politique que traversait le pays... Les décisions des gouvernements d'alors n'avaient pas une approche démocratique, elles visaient à terroriser le public en perpétuant le conflit kurde. Certains cercles au sein de l'Etat veulent que le conflit dans le Sud-est se poursuive, spécialement ceux qui profitent de la guerre et tirent des avantages considérables  du trafic de drogues via la Turquie. Des drogues pour une valeur de 25 milliards de dollars transitent par la Turquie dont 25% irait dans les poches de personnes ayant des liens avec l'Etat. Il est donc facile à comprendre que ces cercles ne renonceront pas de bon gré à tout cet argent.
    Le gouvernement formé après les élections de décembre 1995 était favorable à une approche militaire du conflit kurde.
    La nomination de l'ancien chef de police Mehmet Agar, que l'on connaît mieux après l'accident de Susurluk, au poste de ministre de la Justice alors qu'il n'avait aucun bagage juridique, confirmait la posture du gouvernement.
    C'étaient les premiers jours après ma sortie de prison. Le bain de sang qui a éclaboussé les manifestations du premier mai et les incidents avec les prisonniers a terrorisé la société. La Turquie, pays qui a le plus de prisonniers politiques, allait vivre des événements encore plus tragiques. Le jour où nous nous rendîmes à la prison de Bayrampasa coïncida avec la décision de Conseil national de sécurité (MGK) de mettre fin aux grèves par la force. Si nous n'avions pas agi, des centaines de prisonniers seraient morts. Les procureurs et les hommes politiques nous ont alors demandé d'agir comme intermédiaires.
    Yasar Kemal, symbole de la littérature turque, Zülfü Livaneli, compositeur, Oral Calislar, journaliste de Cumhuriyet et moi-même avons intercédé pour une issue à la grève de la faim sans effusion de sang. Et c'était la première fois que les intellectuels cherchaient activement une solution aux problèmes de la Turquie..."
    Oral Calislar, confiant au Turkish Daily News ses impressions sur ces moments-là, souligna qu'Esber Yagmurdereli était la figure dominante qui a réussi à mettre fin à la grève de la faim... Calislar décrit ainsi la fin de l'histoire: "Esber avait alors un rôle clé. C'était un vendredi lorsque nous nous sommes réunis avec Yasar Kemal et Zülfü Livaneli, qui revenaient d'une réunion avec Ferzan Citici, procureur d'Istanbul. Nous craignions qu'on ne déclenche une attaque contre les prisonniers. Yasar Kemal fit l'avertissement que la Turquie ne pourrait se remettre de la honte que causerait une attaque contre les prisonniers. Au téléphone, le député d'Istanbul du Parti du bien-être, Bahri Zengin, nanti de l'autorité que lui avait conférée le premier ministre Necmettin Erbakan, nous garantit qu'il n'y aurait pas d'interférence de la prison. Nous avons redoublé d'efforts. J'ai alors formé le numéro du téléphone cellulaire d'Esber qui se trouvait sur le ferry entre Kadiköy et Karaköy... Il se rendit à la prison de Bayrampasa pour servir d'intermédiaire, ce qu'il fit avec succès. Ensemble, avec Ercan Karakas, Halil Ergun et Orhan Pamuk, nous avons agi après qu'Esber ait parlé avec les prisonniers".
    Calislar, gêné par l'imminent emprisonnement de Yagmurdereli, n'a pas hésité à dire qu'il était honteux pour la Turquie de jeter en prison un homme qui avait oeuvré pour la paix. Selon Calislar, Yasar Kemal est en profond désaccord avec l'Etat. "Aujourd'hui, Yasar Kemal se dit prêt à quitter un pays, la Turquie, où Esber se trouve en prison. Il a dit qu'il le communiquerait au premier ministre Mesut Yilmaz", rapportait Calislar.
    A propos des deux heures que nous avons passé à discuter avec Yagmurdereli... Il se disait optimiste à propos du nouveau gouvernement. "Si le peuple turc n'a pas encore réagi à la hausse de 33% des prix des produits pétroliers, cela revient simplement à donner un chèque en blanc au nouveau cabinet. Mais si je dois me retrouver dans la prison d'où est libéré Isik Ocak Yurtcu, ce n'est pas bon pour la Turquie. Au lieu d'apporter des solutions à court terme, le gouvernement doit trouver des solutions radicales pour garantir la liberté d'expression, droit fondamental de l'humanité", explique-t-il.
    Cette dernière remarque concorde totalement avec la récente proposition de Birdal: "Comme nous l'avions fait pendant la grève de la faim, nous pouvons agir comme médiateurs pour chercher une solution au problème kurde. L'Etat ne doit pas négocier avec le PKK. Mais une libre discussion du problème apportera la solution".
    Birdal, s'adressant au TDN à propos du 11e anniversaire de IHD, s'était également proposé comme médiateur entre l'Etat et les sphères kurdes pour tenter de trouver une solution au conflit.
    "Il faut trouver une solution au conflit kurde, qui a provoqué la migration de 70% des habitants de la ville occidentale de Tunceli et l'évacuation de 2.759 villages", explique-t-il. Le IHD prêtera sûrement attention à cette affaire, qui est non seulement un problème pour la Turquie mais aussi pour le monde. Nous sommes disposés à agir comme médiateurs, tout comme nous l'avons fait pour sauver les soldats qui étaient aux mains du PKK", poursuit Birdal.
    L'année dernière, une mission d'activistes s'est rendue aux camps du PKK dans le nord de l'Irak pour sauver un groupe de soldats turcs retenus prisonniers. Ils ont fait l'objet de dures critiques car ils se sont assis sous un drapeau du PKK dans une cave qui servait de poste de cette organisation. Le IHD, qui en ce moment travaille activement pour soutenir Yagmurdereli, célèbre son 11e anniversaire. Birdal annonce qu'ils continueront à défendre les droits de l'homme.
    Au moment où le gouvernement fait des déclarations positives concernant les droits de l'homme, l'Association des droits de l'homme (IHD), souvent critiquée, fête sa 11e année.
    L'organisation, qui a vécu une lune de miel jusqu'en 1992, est alors devenue la cible des forces de sécurité et fut accusée d'être "l'instrument d'organisations terroristes". 1992 fut l'année où le IHD a opté pour une solution démocratique au problème kurde, explique Birdal.
    Le IHD fut fondé juste après le coup-d'Etat du 12 septembre 1980 pour défendre les droits des personnes opprimées. Selon Birdal leur but est "d'améliorer les droits, de défendre les droits". L'abolition de la loi qui empêchait les intellectuels d'exercer leur profession fut un des plus grands succès, conclut Birdal.

IHD PREND DES MESURES CONTRE LA FERMETURE DE SES BRANCHES
    
    Le président de l'Association des droits de l''Homme de Turquie (IHD) Akin Birdal a condamné les récents attaques contre les branches de Diyarbakir, Izmir et Urfa ainsi que leur fermeture. Dans une interview recueillie le 30 juin par TDN, il révélait que des attentats étaient planifiés contre le personnel de IHD ainsi que contre les bureaux et qu'il y avait un procès en cours pour fermer l'organisation, qui fêtait son 11e anniversaire le 17 juillet.
    Selon Birdal ces attentats ne visent pas uniquement le IHD, mais également les personnes insuffisamment représentées au Parlement. "La solidarité des forces civiques vaincra ces pressions", assura-t-il.
    Birdal, qui rappela que 1998 marquera le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a lancé un appel à tous les organes concernés par les droits de l'homme, spécialement le ministère des Affaires étrangères, pour célébrer tous ensemble cet anniversaire d'une grande signification. "Nous sommes ouverts à toute sorte de coopération avec l'Etat dans le domaine des droits de l'homme", proposa-t-il. A l'occasion du 50e anniversaire, IHD organisera divers meetings et activités.
    Il a insisté sur le fait que IHD ne travaille pas contre l'Etat turc et n'a pour but que le renforcement des droits de l'homme. "Nous nous battons pour le droit de créer des associations et des unions et pour la liberté de pensée", souligna Birdal.
    Dans son assemblée d'octobre IHD examinera et renouvellera son approche afin de renforcer la prise de conscience et l'éthique dans le domaine des droits de l'homme. "L'agenda comportera une réorganisation de l'organisation en ce qui concerne le nombre de bureaux et le personnel", précisa Birdal.
    
HUMAN RIGHTS WATCH CRITIQUE UNE NOUVELLE FOIS LA TURQUIE

    Alors que la Turquie cherche un nouveau gouvernement, l'organisation internationale de contrôle Human Rights Watch/Helsinki a une nouvelle fois critiqué durement le pays dans une lettre adressée le 28 juin dernier au premier ministre sortant Necmettin Erbakan.
    La lettre fait référence à la fermeture par les gouverneurs provinciaux des bureaux de l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) à Diyarbakir, Izmir, Konya et Malatya. Le directeur général de Human Rights Watch, Holly Cartner, a déclaré à la presse: "La fermeture des bureaux de IHD viole le droit, protégé internationalement, d'exprimer librement des critiques à l'égard des politiques du gouvernement, qu'elles concernent les droits de l'homme ou la minorité ethnique kurde de Turquie. Nous exigeons au premier ministre Erbakan qu'il ordonne aux gouverneurs provinciaux concernés d'autoriser la réouverture des bureaux montrant ainsi que le débat est permis et peut se produire sans craindre d'être poursuivi".
    La dernière de ces fermetures était celle de Konya, où le gouverneur a agi en réponse à une déclaration publiée le 6 juin par la Fédération turque d'associations d'étudiants (TÖDEF), dénonçant les incursions de l'armée turque dans le nord de l'Irak. TÖDEF n'est qu'une parmi d'autres organisation civiques autorisée par IHD à utiliser ses locaux.
    La lettre dénonce également l'arrestation, le 7 juin dernier, de 49 personnes, dont le directeur de la branche d'Ankara de IHD, Yildiz Temurtürkan, alors qu'il s'apprêtait à déposer une couronne noire devant l'ambassade des Etats-Unis pour protester contre le supposé soutien américain aux opérations turques en Irak.
    Le 18 juin, la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara remettait en liberté 18 des détenus, mais les autres sont toujours en détention, y compris Yildiz Temurturkan. "Selon les informations reçues des avocats travaillant dans l'affaire", souligne la lettre de Human Rights Watch, "aucune information n'a été donnée quant aux motifs de l'arrestation et mise en détention de ces individus, et l'instruction se poursuit dans le secret. Les demandes d'information ou de documents concernant l'enquête par les avocats ont été rejetées. En outre, bien que le procès ait lieu à la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara, les accusés sont détenus à près de 300 kilomètres de là, rendant difficile leur accès à l'assistance judiciaire. Finalement, il est troublant que les personnes arrêtées soient jugées par une cour anti-terreur étant donné la nature des faits incriminés, qui s'inscrivent clairement dans les limites du droit de liberté d'assemblée reconnu internationalement. Les détenus seraient jugés en vertu de l'Article 169 du code pénal, aide et soutien à un groupe illégal, qui s'inscrit dans le cadre de la loi anti-terreur".

LA MOSAIQUE CULTURELLE, FIERTE DE LA TURQUIE, COMMENCE A SE DECOMPOSER

    La mosaïque culturelle formée par les divers groupes ethniques qui vivent à l'intérieur des frontières turques est toujours mentionnée avec fierté. Mais la culture, les langues, le folklore, la littérature et les traditions de nombreuses populations commencent à disparaître", observe le journaliste Zeki Ayik dans le Turkish Daily News du 10 avril 1997.
    Voici ses observations sur la situation des groupes ethniques de la Turquie:
    La richesse culturelle des Kurdes, Circassiens, Laz, Arabes, Abkhazes, Tchechènes, Tatares, et divers autres groupes, transmise jusqu'à nous à travers l'histoire, ne peut pas, selon la loi, être enseignée dans les universités turques. Leurs langues et folklores sont bannis de l'histoire.
    Ces groupes ethniques, qui vivent tout autour de l'Anatolie, luttent pour conserver leur langue, leur folklore et leurs traditions. Alors qu'ils essaient de protéger leurs valeurs culturelles de l'assimilation en s'isolant, ils n'ont pu résister à l'assimilation de la technologie en développement et la nature.
    La Turquie, à n'en pas douter, est un des rares pays où vivent ensemble tant de groupes ethniques différents. Ces groupes ont été remplacés de force ou obligés de quitter leur terre natale au cours de siècles d'interminables guerres et de processus d'oppression à divers moments, et la plupart vivent en terre anatolienne depuis des siècles.
    Karadegs, Shapsigs, Tchechènes, Ossetiens, Ibikhs et Abkhazs sont quelques-uns des groupes qui ont été forcés d'émigrer vers les terres ottomanes pour fuir la Russie tsariste dans les années 1800.
    La population caucasienne a été établie dans toute l'Anatolie par les Ottomans. Ils ont combattu pour la Turquie pendant la première guerre mondiale et la guerre d'indépendance avec leur identité caucasienne. Mais ils ont eu leur dose d'assimilation officielle après les années 30 et se voient privés de leur identité ethnique. Leurs danses folkloriques sont considérées partie intégrante du folklore turc, on change les noms et prénoms provenant du Caucase, et leurs langues sont interdites. Il reste deux noms connus comme caucasiens; "Ethem caucasien" et Pâté de poulet caucasien.
    La population caucasienne s'est rassemblée autour d'associations et a commencé à lutter pour retourner au Caucase. Mais là encore ils n'ont pu éviter l'oppression, et leurs opinions sont restées dans le domaine des utopies.
    Le chercheur et écrivain Cemal Tarik Kutlu, qui a consacré des années à l'étude de la langue et l'histoire tchechènes, affirme que pour les Caucasiens de Turquie leur assimilation culturelle et linguistique est inévitable. Kutlu pense que c'est là le résultat d'une politique officielle de l'Etat.
    "Pendant des années les Caucasiens ont voulu la protection de leurs traditions et leur langue. Mais, au travers de la télévision, l'assimilation a envahi leurs maisons, traversant les murs qui protégeaient un style de vie isolée. Dans les écoles, on apprend à leurs enfants que toute personne vivant en Turquie est un Turc. On leur a dit qu'il n'y pas besoin d'autre langue. Ces gens ont toléré ces idéologies et leur ont obéi. Les familles n'ont pas parlé leur langue natale et ont essayé d'aider leurs enfants à apprendre le turc. Dans des accords internationaux la  Turquie s'est engagée à permettre aux groupes ethniques de protéger leur langue et leur culture, mais elle a violé ces accords.
    "Par ailleurs", poursuit-il, "notre langue a été interdite et nos traditions ont été assimilées aux leurs. On a dit que les Caucasiens étaient des Turcs. Il n'y a pas de similitude entre les langues turque et caucasienne. Mais ils ont maintenu leur position, niant ce fait (linguistique)".
    Kutlu affirme également que toutes ces populations devraient posséder leur propre langue et culture et que les Etats devraient les accepter et les protéger.
    Les plaintes de groupes ethniques qui ont émigré vers la Turquie sont les mêmes que celles de groupes qui y vivaient avant eux. Le Kurdes sont ceux qui se sont battus avec le plus de force pour récupérer leur identité. On ne fait aucun pas en avant malgré les intentions des partis politiques à divers moments, comme l'établissement d'une chaîne de télévision kurde et des cours de kurde dans les écoles.
    La Fondation pour la culture kurde et la recherche (Kürt-Kav), basée à Istanbul, première en son genre dans l'histoire de la République turque, a fait dernièrement un grand pas en ouvrant une école pour sauver la langue et la culture kurdes. Une mesure qu'aurait dû prendre l'Etat turc.
    La fondation a acheté un bâtiment dans le district de Beyoglu pour y établir l'école. Elle attend maintenant l'approbation du Conseil de sécurité nationale (MGK) en vertu de la loi N_ 2923.
    Kürt-Kav était fondée en 1991 par un groupe d'intellectuels kurdes à Istanbul. L'approbation officielle de la fondation en 1995 était une "première" dans l'histoire de la République turque; c'est la première institution établie avec une identité kurde et portant le nom "kurde".
    Le président de Kürt-Kav, Yilmaz Camlibel, a déclaré que d'autre groupes dont la langue et la culture avaient été rejetées pouvaient également ouvrir des écoles pour s'instruire dans leur propre langue.
    "Je suis un citoyen turc", dit-il, "mais je suis kurde. Avec les taxes que je paie l'Etat ouvre des écoles qui dispensent une éducation en turc. Mais je veux avoir des enfant kurdes qui n'oublient pas leur identité, leur langue et leur culture propres. Et pour cela il faut des écoles en langue kurde.
    "On a nié l'existence d'une population kurde, qui a vécu sur ces terres pendant 7.000 ans. On a dit que le nom `kurde' provenait du son "gart-gurt" qu'on entend quand on marche dans la neige, et les gens ont cru ces histoires. Si on n'étudie pas la langue, l'histoire et le folklore des Kurdes, il y aura beaucoup d'autres explications illogiques comme celle-là", explique Camlibel.
    "Nous entreprendrons des études au sein du Kürt-Kav pour éviter de telles situations", poursuit-il.
    Selon Camlibel l'institut avait présenté auprès du bureau du gouverneur d'Istanbul une demande pour ouvrir une école de langue et celui-ci avait réagi positivement à l'idée. Il a ajouté que le MGK considérerait l'affaire en vertu de la loi N° 2923 concernant les écoles ayant des programmes en langues étrangères.
    Le président de Kürt-Kav a annoncé que l'école en langue kurde organiserait des cours dans un bâtiment de six étages à Tarlabasi. Il a également expliqué que ce bâtiment avait été acheté avec de l'argent recueilli grâce aux activités de Kürt-Kav et à des dons d'hommes d'affaires.
    Camlibel a révélé que, outre l'école de langue, Kürt-Kav ferait une vaste étude de la culture et l'histoire kurdes. Il a ajouté que son groupe enverrait les recherches vers d'autres instituts kurdes dans le monde et procéderait à un échange d'information avec eux.

PREOCCUPATION SUITE A LA DETENTION DE L'EDITEUR KURDE MARASLI

    Le procès contre Recep Marasli, un éditeur détenu depuis mars 1997, suit son cours et la prochaine audience doit avoir lieu le 2 septembre prochain. Marasli serait jugé pour les délits, en vertu de la loi anti-terreur, d'appartenance à PRK-Rizgari, un petit groupe radical pro-kurde. Les principales activités de l'organisation consistent en la production de supports de promotion des droits politiques et culturels de Kurdes. Les accusations pèsent sur Marasli depuis des années. Le 7 août, la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara tenait une nouvelle audience et ajournait le procès jusqu'au 2 septembre.
    Malgré les appels continuels des médecins de Marasli et des organisations internationales des droits de l'homme, y compris PEN, pour que le détenu soit libéré en attendant le procès en raison des graves problèmes de santé dont il souffre, il demeure en détention. Le 7 août, ses avocats présentaient à la cour des rapports médicaux certifiant qu'il souffrait d'une paralysie partielle du visage et d'une atrophie cérébrale. Mais les demandes de mise en liberté des avocats sont restées sans lendemain.
    Marasli, âgé de 41 ans, fut emprisonné une première fois quand il avait 16 ans pour des articles publiés dans des journaux à Erzurum. Par la suite, il est devenu éditeur pour Komal, qui s'intéresse essentiellement à la communauté kurde de Turquie. En 1982 il était arrêté pour ses publications et condamné à 36 ans de prison. En 1984 il s'est déclaré en grève de la faim ce qui lui a causé des dommages neurologiques permanents. Il fut libéré en avril 1991 en vertu d'une amnistie générale à la condition qu'il ne récidive pas dans ses délits. Il a continué d'écrire et de parler sur la question kurde. En septembre 1993, Marasli fit l'objet d'un mandat d'arrêt pour avoir participé à un débat dans lequel il demanda une solution pacifique au conflit dans le Sud-est. Il s'est caché mais fut arrêté en juillet 1994 et aurait subi de sévères tortures. Il fut mis en liberté en attendant le procès, mais en novembre 1995, il fut condamné à un an et quatre mois de prison pour ses écrits. Il s'est alors caché en attendant d'aller en appel contre la sentence. D'autres charges pèsent contre lui, certaines suivent le cours légal.

HRW RECOMPENSE 12 JOURNALISTES TURCS D'OPINIONS DIVERSES

    Human Rights Watch (HRW), le groupe international de défense des droits de l'homme, décernait le 2 juillet dernier les prix Hellman/Hammet à 12 journalistes turcs "pour persécution de l'Etat". Les journalistes, qui représentent des courants "islamistes, kurdes, de gauche et général", ont été "poursuivis" pour avoir écrit sur un certain nombre des thèmes, dont la question kurde, le rôle de l'islam dans la société, et la nature de l'Etat turc", a expliqué HRW.
    HRW a récompensé les journalistes suivants: Ahmet Altan, Ragip Duran, Ali Erol, Atilla Halis, Mustafa Islamoglu, Sefa Kaplan, Ertugrul Kürkcü, Mehmet Oguz, Ahmet Sik, Isik Yurtcu, Aysenur Zarakolu.
    Par ailleurs, des écrivains de 15 autres pays, un total de 45, ont reçu cette année les prix Hellman/Hammett.
    HRW a également précisé qu' "un haut degré de liberté d'expression" existe dans "presque tous les autres sujets, créant une dichotomie nationale qui imprègne le débat public".
    "Avec ces prix nous espérons stimuler le débat public sur la portée de la liberté d'expression en Turquie et les mesures à prendre pour l'améliorer", expliquait Peter Osnos, président du comité de sélection. "Alors qu'on permet de s'exprimer librement dans de nombreux domaines, on ne peut aborder avec la même liberté certains des problèmes les plus pressants de la Turquie".

LES PROCES DE BESICKI, DICLE ET MEZARCI SE POURSUIVENT

    Les procès de plusieurs défendeurs accusés de disséminer de la propagande séparatiste se poursuivaient le 20 août à la CSE N°2 d'Ankara.
    L'ancien député Hasan Mezarci, qui est également accusé de diffamation envers Atatürk, n'était pas présent à l'audience mais fut représenté par ses avocats. Dans la thèse écrite qu'ils ont soumise à la cour, les avocats maintiennent que leur client est très affecté par l'accusation de collaboration avec l'organisation illégale PKK.
    Ils ont présenté des extraits de discours que Mezarci avait adressés au Parlement lorsqu'il était député et dans lesquels il critiquait le PKK. La défense de Mezarci soutient qu'il n'a pas fait de déclarations contre l'Etat mais avait seulement critiqué le système. Elle a demandé l'acquittement argumentant que Mezarci n'a pas commis le délit dont il est accusé. La délégation de juges en fonctions (substituts temporaires) a ajourné l'audience à une date ultérieure pour permettre aux juges originaux de prononcer la sentence finale.
    Le procureur a demandé une peine de prison allant jusqu'à trois ans et un amende de 300 millions de TL. Mezarci est resté en liberté pendant le déroulement du procès.
    Les procès de l'écrivain Ismail Besikci et l'ancien député de l'ancien Parti de la démocratie (DEP), Hatip Dicle, et sept anciens administrateurs de la branche d'Ankara de l'Association des droits de l'homme (IHD) suivent leur cours.
    Besikci est accusé de disséminer de la propagande séparatiste contre l'Etat dans ses articles du livre Panorama des droits de l'homme en Turquie, publié par la branche d'Ankara de IHD. Dicle est accusé d'inciter à la violence avec ses remarques raciales et discriminatoires envers certaines classes. Le procureur demande une peine de prison allant jusqu'à trois ans aussi bien pour Besikci que pour Dicle.
    La cour poursuit également le procès du président du Parti ouvrier (IP), Dogu Perincek, accusé de disséminer de la propagande séparatiste dans un discours prononcé le 27 décembre 1992, pendant le deuxième congrès du Parti des ouvriers et paysans turcs (TIKP). L'avocat de Perincek assure que son client n'a pas prononcé les mots repris dans l'acte d'accusation. Le procureur a demandé pour Perincek une peine de prison de trois ans.

ISMAIL BESICKCI: LA LIBERTE DE PENSEE REQUIERT DES SOLUTIONS RADICALES

    Ismail Besikci, le "prisonnier d'opinion" le plus célèbre de Turquie, a déclaré que le gouvernement devait prendre des mesures résolues pour affirmer totalement la liberté d'expression en Turquie.
    Dans une interview concédée le 23 juillet au Turkish Daily News entre le verre et les barreaux de la prison de Bursa, Besikci a déclaré: "Il est ridicule que l'Etat attende cinq ans pour voir si on commet à nouveau un délit". Il a critiqué les "conditions" que l'Etat impose aux prisonniers d'opinion qui vont être relâchés. Besikci, qui symboliquement représente les prisonniers d'opinion en Turquie et risque des peines de prison de plus de 100 ans, a ajouté qu'il suivait de près les déclarations du nouveau gouvernement concernant les possibles changements des lois sur la "liberté d'opinion et d'expression".
    "Alors que le vice-premier ministre Bülent Ecevit faisait des remarques positives sur ma mise en liberté, quelqu'un d'autre disait que tous les prisonniers d'opinion seront relâchés excepté moi", poursuivait Besikci.
    A propos de la condition de ne pas récidiver dans le "délit" dans les cinq ans, Besikci a déclaré, "Si vous êtes condamné pour un vol ou quelque chose de semblable, il est possible de ne pas récidiver, mais lorsqu'il s'agit de prisonniers d'opinion, devons-nous inventer de nouveaux concepts pour que nos écrits soient rendus ridicules par des déguisements inappropriés ?  Le gouvernement doit supprimer dans la Constitution les articles qui empêchent la liberté d'expression. Autrement, les mesures partielles ne serviront à rien pour arriver à une véritable solution du problème".
    Besikci dit n'écrire plus de livres et se préparer pour ses procès. "Un jour, je songerais peut-être à rassembler tous les documents de la défense, qui deviendront à leur tout motif de poursuite", conclut-il avec un sourire amer sur son visage. Besikci est condamné à plus de cent ans de prison parce que ses livres traitent de la structure sociologique, politique et économique de l'Anatolie du sud-est, fondamentalement du problème kurde.

SEPT POLICIERS ACCUSES DU MEURTRE DE GÖKTEPE CHOISISSENT DE GARDER LE SILENCE

    Neuf policiers, sept d'entre eux en détention, accusés du meurtre du journaliste Metin Göktepe, ont refusé de déclarer lors de leur première comparution devant la cour le 21 août dernier. Ils se sont bornés à dire "Nous voulons user de notre droit de garder le silence".
    Lors du procès, devant la cour criminelle d'Afyon et sous la présidence du juge Nilgün Ucar, l'audience fut ajournée jusqu'au 15 septembre pour que les témoins puissent être convoqués. Malgré l'interdiction de manifester par le bureau du gouverneur provincial d'Afyon, quelque 1.600 personnes (40 bus) s'y sont rassemblées et ont marché jusqu'au tribunal. Parmi eux se trouvaient la mère de Metin Göktepe, Fadime, et des membres et représentants d'organisations telles que le Parti de la liberté et la solidarité (ÖDP), le Parti travailliste (EMEP), le Parti républicain du peuple (CHP), la Confédération des syndicats des travailleurs progressisted (DISK), l'Association des droits de l'homme (IHD), l'Association des journalistes contemporains (CGD) et l'Association des journalistes turcs (TGD).
    La police a interrompu la progression des manifestants à 50 mètres du tribunal. Sur le toit avaient été placés des tireurs de manière à intimider la foule. Les manifestants protestaient contre l'exclusion des alentours du tribunal de toute personne en dehors de la famille de Göktepe et de ses avocats en chantant des slogans tels que "Là où aura lieu le procès nous y serons" et "C'est notre droit d'assister au procès". Les citoyens d'Afyon qui vivaient dans le voisinage du tribunal ont fermé leurs portes et fenêtres et ont observé les événements cachés derrière leurs rideaux.
    Robert Manner, s'exprimant au nom de l'organisation internationale Journalistes sans frontières, a déclaré qu'ils assistaient à ce procès parce qu'il jouerait un rôle clé dans l'éclaircissement de l'avalanche d'assassinats mystérieux qui frappe la Turquie, et a ajouté, "Comme nous avons pu le constater, si la presse fait son devoir dans ce procès elle pourrait changer le cours des jugements à venir". Il a également fait ce commentaire, "En choisissant une salle d'audience tellement petite qu'elle ne peut contenir qu'une cinquantaine de personnes ils se moquent de nous". Il a expliqué que lorsqu'en Europe des intérêts publics substantiels sont en jeu, les procès sont célébrés dans de vastes salles d'audience pouvant contenir le plus grand nombre possible de personnes et a ajouté, "Il s'agit d'une preuve de respect envers les journalistes et le droit du public à être informé". A propos de la grande présence de policiers, gendarmes et autres agents de sécurité autour du tribunal, Manner a expliqué qu'il trouvait étrange que les policiers accusés soient amenés dans la salle d'audience d'Afyon sous la protection d'un cordon militaire.
    "Il ne reste plus que 9 policiers sur 40", disait Fadime Göktepe, qui se plaignait d'un nouvel ajournement du procès. Elle soutient que son fils a été tué par les gangs de l'ancien premier ministre et ministre des Affaires étrangères Tansu Ciller et que les meurtriers n'avaient été arrêtés et traduits en justice qu'avec le concours de l'actuel premier ministre Mesut Yilmaz.
    Le recours par les avocats des accusés au "droit de refus" (à savoir une demande pour que soit modifiée la composition du tribunal) fut considéré par la cour comme un moyen de retarder le procès et celle-ci a ordonné que les policiers inculpés soient renvoyés en détention provisoire, considérant que le type de délit en cause n'avait pas encore été établi et toutes les preuves n'avaient pas été recueillies. Elle a également décidé de vérifier si les indispositions de quatre des policiers, qui ne s'étaient pas présentés à l'audience car ils avaient présenté des certificats médicaux les déclarant incapables d'y assister, étaient ou non de nature à  les dispenser de comparaître. La cour a demandé tous les détails sur le traitement dispensé aux agents en question.
    Le député parlementaire du CHP, Sabri Ergül, a déclaré que le procès de Metin Göktepe ainsi que celui de jeunes gens condamnés et emprisonnés dans leur district, Manisa, après avoir subi les mauvais traitements de la police, nuit au prestige de la Turquie. "Malheureusement", conclut-il, "le comportement de l'administration, qui refuse de fournir les informations nécessaires pour faciliter le travail de la cour n'a pas de place dans la conscience publique".

4,5 MILLIONS DE TRAVAILLEURS NON DECLARES EN TURQUIE

    Le directeur général de l'Institution de l'assurance sociale (SSK), Kemal Kilicdaroglu, a déclaré qu'actuellement travaillent en Turquie 4,5 millions de travailleurs non déclarés.
    Des études réalisées par SSK, révèlent que l'Etat a perdu 500 billions de TL en revenus fiscaux et que SSK a perdu 680 billions de TL annuels de revenus des primes à cause du travail non déclaré. 4,5 millions de travailleurs actifs inscrits au SSK ont payé leurs primes, tandis qu'environ 4,5 millions de travailleurs sont restés en marge du SSK.
    Ces chiffres montrent que la Turquie devient un "paradis du travail en noir". Les études ont également révélé que cette activité occulte occupe une place significative dans l'économie turque.
    Les méthodes pour éviter le SSK consistent à ne pas déclarer les travailleurs, ou déclarer moins de jours de travail que le nombre réel. Généralement, les études révèlent que les salaires déclarés ne correspondent pas à la réalité, ce qui occasionne des pertes fiscales et de primes d'assurance.
    Les fréquentes amnisties fiscales encouragent les employeurs à rester en dehors du système. Au cours des 25 dernières années ont eu lieu 11 amnisties fiscales, conclut le rapport du SSK.
    Selon la Confédération des syndicats turcs (Türk-Is), l'Etat a perdu annuellement, par travailleur, 111 millions de TL en revenus fiscaux et 151 millions de TL en revenus de primes.
    A cause du travail non déclaré, 9,3% des revenus fiscaux et 34% des primes d'assurance déductibles des salaires des travailleurs n'ont pu être collectés.

LES TRAVAILLEURS IMMIGRES TURCS VEULENT LA CITOYENNETE ALLEMANDE

    La plupart des Turcs qui résident en Allemagne veulent devenir des citoyens allemands, mais sans perdre la citoyenneté turque, c'est ce qu'a révélé le 3 juillet dernier à Istanbul le directeur du Centre d'études turques de l'Université d'Essen. Fin 1996, vivaient en Allemagne 2.049.100 Turcs, dont 70% depuis plus de 10 ans, expliquait le directeur Faruk Senlors d'une conférence.
    "Le nombre de Turcs qui retournent chez eux définitivement diminue chaque année. Ceux qui résident en Allemagne veulent devenir des citoyens allemands sans renoncer à la nationalité turque", explique Sen.
    Selon lui, le gouvernement allemand concède aux Turcs la citoyenneté allemande à condition qu'ils renoncent à la turque et remettent leur passeport turc.
    L'Allemagne a fait savoir qu'elle autoriserait les enfant vivant sur son sol à conserver la double nationalité jusqu'à l'âge de 18 ans, période à laquelle ils devront se décanter pour l'une ou l'autre nationalité.
    "Les problèmes découlant de l'adoption de la citoyenneté allemande n'ont pas été résolus. L'obtention de la double nationalité devient plus difficile", explique Sen.
    Quelque 126.000 Turcs sont déjà devenus citoyens allemands. On prévoit que 250.000 autres le seront d'ici l'an 2000.
    Une grande majorité des Turcs se sont rendus en Allemagne comme "travailleurs saisonniers" ou étudiants universitaires.
On estime à deux millions le nombre de ceux qui sont rentrés définitivement en Turquie.
    La population turque en Allemagne augmente de 60.000 personnes chaque année. Selon Sen ceci est dû au nombre croissant de mariages entre Turcs et Allemands.
    D'après Sen, 181.694 Turcs, représentant 24 pour cent de la communauté turque en Allemagne en âge de travailler, étaint sans emploi en raison de la récession persistante en Europe. Il pense que davantage de Turcs sont victimes de la discrimination à cause de la crise économique.
    "Bien que les Turcs ne soient pas inférieurs aux Allemands en ce qui concerne la formation professionnelle et linguistique, nos citoyens commencent à éprouver des difficultés pour trouver un emploi parce qu'ils sont étrangers", souligne Sen. Il ajoute que l'augmentation du chômage en Allemagne est également une des causes principales de l'augmentation de la xénophobie parmi les Allemands.

LE SECTEUR PRIVE TURC PARTICIPERA DAVANTAGE DANS L'INDUSTRIE DE LA DEFENSE
    
    L'Union turque des Chambres et du commerce de marchandises (TOBB) affirmait le 3 juillet dernier que les entreprises locales  devraient s'investir davantage dans les projets nationaux de défense pour espérer obtenir une partie des 150 milliards de dollars qui seront dépensés dans ce secteur au cours des 25 années à venir. TOBB vient de publier un rapport sur l'industrie de défense en Turquie.
    Au cours d'une conférence de presse, le vice-président du conseil d'administration de l'Union, Erol Gemalmaz, soulignait que TOBB a l'intention d'encourager les entreprises locales à faire partie des impressionnants projets de défense que la Turquie prévoit de mettre en oeuvre dans les deux décennies à venir. Il a ajouté que le rapport offrait des voies à suivre par les industriels qui envisageaient des investissements dans le secteur.
    Gemalmaz a souligné qu'actuellement seulement 21% des besoins en armes primaires, équipement et pièces détachées des Forces armées turques pouvaient être couverts par la production nationale, et que les 79% restants étaient couverts par des importations. Il a ajouté que cette situation devrait être inversée et qu'au cours de la prochaine décennie la Turquie prévoyait des dépenses d'au moins 10 milliards de dollars.
    Le rapport de TOBB fut préparé par le brigadier général à la retraite Fikret Ülger. Ce dernier a fait savoir que parmi les pays de la région, la Turquie se classe en troisième position, derrière Israël et la Russie, en ce qui concerne l'assignation de fonds au secteur de la défense.
    Selon Fikret, la Turquie pourrait subvenir à 75% de tous ses besoins de défense en augmentant la production des entreprises locales ayant des liens avec le secteur et en effectuant des investissements judicieux dans le secteur des besoins stratégiques.
    Il a ajouté que si la Turquie veut devenir autosuffisante au 21e siècle, il faut donner la priorité aux systèmes de commande et de contrôle, aux systèmes informatiques et de renseignement, aux systèmes de guidage des missiles et aux systèmes de combat électroniques.
    Des 150 milliards de dollars qu'il est prévu de dépenser, le rapport de l'union dresse un bilan des besoins des forces armées turques en équipement et en armes:
    Commandement des forces terrestres (on prévoit 60 milliards de dollars en 25 ans):
    750 hélicoptères, 180 systèmes de roquettes et de missiles, 150 roquettes anti-tanks, 12 véhicules aériens télédirigés, 3.627 tanks de communication principale, 1.951 fusils et obusiers, 48.564 véhicules à roues.
    Besoins du commandement des forces navales (25 milliards de dollars assignés):
    14 frégates, 16 bateaux de patrouille, 15 vaisseaux d'assaut guidés, neuf sous-marins, quatre bateaux anti-mines, quatre dragueurs de mines, 35 véhicules de débarquement, un vaisseau de liaison de communication, 25 bateaux et véhicules auxiliaires, neuf avions de patrouille maritime, 38 hélicoptères.
    Besoins du commandement des forces aériennes (65 milliards de dollars assignés):
    640 avions de combat, 9 avions d'intervention, 160 avions d'entraînement, 68 avions cargo, 25 hélicoptères, 442 systèmes de défense aérienne.

MESSAGE D'AKKUYU: NOUS NE VOULONS PAS D'UNE CENTRALE NUCLEAIRE!

    Lors d'une réunion-débat organisée par la Plate-forme démocratique Silifke le 15 juillet dernier, les délégués se sont prononcés pour l'envoi d'un rapport au premier ministre turc Mesut Yilmaz afin de lui faire savoir que les centrales nucléaires sont indésirables en Turquie.
    Ali Yigit, membre du conseil d'administration de la Chambre des ingénieurs électroniques (EMO), a dénoncé la propagande faite pendant des années pour amener les citoyens à croire que sans une centrale nucléaire la Turquie sombrerait dans la pénombre. Il a ajouté: "Etant donné qu'aucun pays ne veut de centrale près de ses frontières, ils veulent les construire à Sinop (dans la Mer Noire) et Akkuyu (près de la côte méditerranéenne, dans la région d'Icel). Avec les centrales nucléaires, ils ont choisi de tuer les régions touristiques et agricoles. Nous devrions construire notre futur non sur les technologies des années 40 mais sur celles de demain. La Turquie sera sacrifiée par une politique aveugle. Tout comme EMO, nous sommes du côté des gens de Sinop et Akkuyu".
    Ethem Torunoglu, vice-président de la Chambre des ingénieurs de l'environnement (CMO), a également déclaré qu'en tant que chambre, CMO s'opposait à la construction de centrales nucléaires en Turquie. "Une centrale nucléaire n'est qu'un gros mensonge", dit-il. Ils vendent aux pays moins développés les centrales nucléaires qu'ils n'ont pu construire eux-mêmes. Du point de vue des coûts, une centrale nucléaire est très onéreuses, elle est terrifiante en ce qui concerne les risques d'accident et on ne peut se débarrasser des déchets. Nous éprouvons des difficultés pour combattre les feux de forêt. Comment ceux qui ont dû faire venir des hélicoptères d'Allemagne pour lutter contre l'incendie de Kirikkale, pourraient empêcher un accident nucléaire?"
    L'ingénieur en électricité Ünal Erdogan, membre du Comité national de l'énergie, affirme qu'un certain nombre d'opérations secrètes ont été menées à Akkuyu et que, étant donné l'interdiction de pénétrer dans le site, il est possible que des substances dangereuses y aient été entreposées. "Alors que le monde a des problèmes d'énergie", dit-il, "nous, nous avons des problèmes aussi bien avec l'énergie qu'avec les responsables de la politique énergétiques". Il a ensuite ajouté: "Le pire danger et la plus grande erreur pour la Turquie serait la construction d'une centrale nucléaire. Pour cinq millions de dollars de pots-de-vin ils nous créent des ennuis avec l'énergie nucléaire, qui appartient au passé et non au futur. Et ce faisant ils hypothèquent l'avenir de la Turquie. Si on évitait les pertes d'énergie on gagnerait l'équivalent de la production d'une centrale nucléaire".
    Le président de la Fondation pour la protection de la vie animale et l'éducation de Tasucu, Arslan Eyce, a déclaré: "Ils essaient de construire une centrale nucléaire à Akkuyu sur base de rapports selon lesquels la densité de population est faible et il n'y a pas d'agriculture ni d'industrie touristique. Ils affirment également qu'en cas de nécessité la région peut être rapidement évacuée. Ils nous prennent pour les cobayes de TEDAS (organisation turque de distribution d'électricité) et des compagnies multinationales. Nous ne sommes pas des cobayes. Ils ne nous laissent pas le droit à la parole. Affirmons nos droits démocratiques. Organisons un référendum". La plate-forme démocratique de Silifke communiquera au premier ministre Mesut Yilmaz les résultats des débats et les décisions adoptées.

LA FRANCE ET LA TURQUIE RENFORCENT LA COOPERATION MILITAIRE
    Le 30 juin dernier, le chef adjoint de l'Etat-major Cevik Bir recevait le directeur général des armements de la France, Jean-Yves Helmer, à Ankara. Leurs conversations avaient comme thème principal la modernisation de l'équipement militaire, rapporte l'agence de presse Anatolie.
    Le général, prenant la parole lors de la réception en l'honneur d'Helmer, a expliqué que des études pour la modernisation des forces armées turques, au cours des 15-20 prochaines années, prévoient des projets concernant des hélicoptères et des tanks d'assaut de première ligne. Bir a ajouté qu'Helmer et lui-même sont d'accord pour dire qu'il conviendrait d'élaborer d'autres projets et études en collaboration avec la France.
    Helmer a précisé que la France et la Turquie avaient déjà coopéré au niveau militaire et industriel et espérait la poursuite de cette coopération et de projets conjoints.
    Coopération entre la France et la Turquie dans la technologie des tanks
    Le conseiller en chef du premier ministre, Sedat Celikdogan, a annoncé que des tanks français Leclerc seront produits en Turquie dans le cadre d'une politique de coopération conjointe, tel qu'il a été décidé dans des conversations officielles entre des représentants turcs et français réunis à Paris la semaine précédente.
    Celikdogan a informé qu'une délégation turque s'était rendue en France la semaine précédente pour étudier les possibilités de coopération et avaient visité plusieurs institutions industrielles de défense, dont l'énorme compagnie française de défense "GIAT".
    Il a également précisé que pendant leur conversation sur la production conjointe de chars d'assaut ils avaient eu l'occasion d'observer de près la troisième génération de tanks Leclerc. Mais il a ajouté: "Nous Turcs devons produire nous-mêmes des tanks".
    Celikdogan a expliqué qu'outre les projets de production conjointe de tanks, ils avaient également parlé des possibilités d'une production conjointe de satellites. "La plupart des grandes compagnies médiatiques dans le monde sont en train d'adopter la communication par satellite. Si nous achetons aux autres pays les coûts se multiplient. Or la fabrication de ces satellites comporte des aspects technologiques et de production. Nous pensons que si nous trouvons le partenaire technologique adéquat nous pouvons fabriquer ces satellites. Dans cette optique nous avons déjà songé à la compagnie française Alsthom", a-t-il ajouté.
    Celikdogan a finalement conclu: "Nous pensons que la Turquie peut devenir plus puissante si elle oriente ses efforts vers le développement technologique".

MACHINATION A PROPOS DE L'EDUCATION PRIMAIRE DE HUIT ANS

    L'éducation primaire ininterrompue de huit ans, un des principaux points de conflit entre les militaires et la coalition sortante DYP-RP, était finalement adoptée par le Parlement le 16 août dernier. Alors que le gouvernement et leurs alliés parlementaires "exultaient" après l'adoption de ce controversé projet de loi sur la réforme de l'éducation, le principal parti de l'opposition, le Parti du bien-être (RP), faisait savoir qu'il n'était pas disposé à abandonner l'affaire et que le but de ce projet était simplement de mettre un frein à l'éducation religieuse.
    Le leader du RP, Necmettin Erbakan, utilisant des termes sévères qui reflétaient la colère que ressent son camp pro-islamique, qualifiait de "mentalement malades" ceux qui ont soutenu ce projet de loi et annonçait qu'il irait devant la Cour constitutionnelle pour que soit annulé chaque article de cette nouvelle loi.
    Le projet de loi, qui fut approuvé par le Parlement avec une marge de 35 votes, prévoit la fermeture des niveaux inférieurs des écoles secondaires et leur incorporation aux écoles primaires pour obtenir un enseignement primaire continu de huit ans.
    En vertu de la nouvelle loi, ces mêmes niveaux dans les écoles imam-hatip seront également fermés. Les étudiants qui veulent suivre cette éducation religieuse ne pourront le faire qu'en suivant les niveaux supérieurs des écoles imam-hatip une fois terminés les huit ans d'éducation primaire laïque.
    Le camp islamique pense que ce projet de loi a été introduit sous la pression des militaires, fidèles au principe laïque et soucieux de l'avance du fondamentalisme en Turquie.
    Bien que le gouvernement soutient que la nouvelle loi sauvera la Turquie des "ténèbres" en supprimant les sections inférieures des écoles religieuses, cette affirmation ne correspond pas à la réalité.
    Premièrement, l'éducation islamique n'est pas uniquement dispensée dans les écoles imam-hatip; en vertu de la constitution adoptée en 1982 sous la pression de la junte militaire elle est obligatoire dans toutes les écoles d'enseignement secondaire même pour les enfants de familles chrétiennes, juives et athées. Ni les militaires ni leurs alliés au Parlement, en particulier les partenaires de l'actuelle coalition, ne se prononcent jamais contre cet ordre "constitutionnel".
    Deuxièmement, au lieu de limiter les cours coraniques sous le contrôle des différentes fraternités religieuses, la nouvelle loi élargit leur champ d'activité et leurs horaires.
    Le président du Syndicat des enseignants (Egit-Der), Mustafa Gazalci, a déclaré à Cumhuriyet le 21 août dernier que la réforme de l'éducation a été édulcorée pour faire une concession aux cercles fondamentalistes. Si les enfants peuvent suivre des cours de Coran après avoir terminé les cinq premières années d'éducation de base -comme le précisent les nouvelles règles- cela gâchera le principe des "huit années d'éducation de base continue", et on retrouvera dans la pratique le schéma de "cinq plus trois ans" que recherchent les cercles islamistes.
    Le vice-président du CHP, Ali Topuz, reprochait amèrement au gouvernement le 27 août dernier les apportés récemment aux règles sur les cours de Coran. Il souligna que l'introduction de ces changements immédiatement après que le Parlement ait approuvé le projet de loi sur l'éducation continue de huit ans revient à utiliser un stratagème pour contourner la loi. Il a juré que son parti ferait certainement annuler cette réglementation. Il a ajouté que par essence la loi était destinée à tenir les enfants à l'écart d'un "conditionnement religieux" jusqu'à l'âge de 14 ans. Les récents changements à la réglementation sur l'éducation religieuse permettent aux élèves des écoles primaires de suivre les cours de coran à un âge antérieur à celui que prévoyait la loi.
    Finalement, l'éducation primaire étendue a pour objectif de créer auprès des jeunes des sentiments ultra-nationalistes au service des politiques expansionnistes des militaires et de leurs alliés.
    En fait, le premier ministre Mesut Yilmaz, dans sa défense de la réforme de l'éducation, répète souvent que "le 21e siècle sera le siècle turc grâce à cette réforme éducative".
    Un "siècle turc" pendant lequel la Turquie étendra sa domination sur les peuples des pays allant de l'Adriatique à la muraille de Chine et participera également à l'Union européenne, non pas avec les normes démocratiques européennes mais avec ses propres normes anti-démocratiques et ultra-nationalistes!

DES JOURNALISTES TOUJOURS EN PRISON MALGRE LA NOUVELLE "AMNISTIE" COSMETIQUE

    Le 14 août 1997, dans une nouvelle opération de maquillage destinée à tromper le monde, le Parlement turc approuvait une amnistie qui n'aura pour effet que la mise en liberté de six rédacteurs alors que des dizaines de prisonniers d'opinion demeurent derrière les barreaux.
    La nouvelle loi d'amnistie interrompt les peines de prison des rédacteurs - ceux considérés juridiquement responsables, et donc condamnés, de la publication de documents et articles dans leurs journaux - pendant une période de trois ans.
    La loi précise que si la personne amnistiée commet un "délit" similaire pendant cette période de trois ans, elle devra purger la peine antérieure ainsi que toute autre condamnation prononcée par les tribunaux.
    Avant l'approbation de cette loi, le Parlement turc avait rejeté une autre proposition d'une portée beaucoup plus grande et qui étendait l'amnistie aux auteurs, écrivains, caricaturistes et autres journalistes condamnés en vertu des articles répressifs  de la loi anti-terreur et du code pénal turc.
    La loi a été la cible de nombreuses critiques qui la qualifient de contradictoire et "discriminatoire". Selon les critiques, cette loi qui remet les journalistes derrière les barreaux s'ils commettent le "même délit", n'offre pas de véritable changement dans la conception officielle et laisse toujours peser sur les journalistes la menace de la prison pour avoir simplement "écrit une histoire". "L'écriture", poursuivent-elles, ne peut être un délit.
    Les critiques pensent que la loi a été faite sur mesure pour Isik Yurtcu, rédacteur de journal interdit pro-kurde Özgür Gündem, condamné à 15 ans de prison et qui en est à son troisième.
    Du 13 au 16 juillet 1997, une délégation de groupes pour la liberté de la presse internationale, comprenant des représentant du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Reporters sans frontières (RSF), le Conseil de la presse turque (Turquie), l'Institut international de la presse (IPI), et l'Union des propriétaires de journaux (Turquie), a rencontré des représentants du gouvernement pour demander la libération des journalistes emprisonnés.
    Le représentant du CPJ Terry Anderson, prenant la parole au cours de ces rencontres, a expliqué que la Turquie est le pays du monde qui a le plus de journalistes en prison et que les restrictions qu'elle impose à la presse sont inacceptables, même en tenant compte de la virulente activité terroriste qui secoue la Turquie. Selon les chiffres du CPJ, il y a 78 journalistes dans les prisons turques, le nombre le plus élevé du monde.
    Le représentant de RSF, Robert Menar, a dit que son groupe ne voulait pas se mêler des affaires internes turques mais a souligné que la Turquie, en tant que signataire de nombreuses conventions internationales pour la protection des droits de l'homme, devait renforcer la liberté d'expression de ses citoyens.
    Le 14 juillet 1997, le premier ministre Mesut Yilmaz promettait à la délégation que son gouvernement préparerait la législation nécessaire pour amnistier un nombre limité de rédacteurs avant le congé estival du Parlement et que par la suite il étudierait une législation plus vaste qui permette la mise en liberté d'autres journalistes emprisonnés.
    Avant que le Parlement n'approuve la proposition, le nouveau ministre de la Justice, Oltan Sungurlu, s'était déclaré radicalement opposé à son approbation. "Nous punissons ceux qui insultent Atatürk et soutiennent les activités séparatistes. Mais dites-moi ne devons-nous pas en faire de même avec ceux qui commettent les mêmes actes au travers du journalisme ?  Nous y gagnerions en efficacité", propos rapportés par l'agence de presse Anatolie.

    Mise en liberté d'Isik Yurtcu et cinq autres rédacteurs

    Après avoir passé près de 32 mois en prison pour le caractère critique de ses reportages sur le conflit qui oppose la Turquie aux insurgés kurdes, le rédacteur Isik Yurtcu était relâché de la prison Saray le 15 août 1997, un jour après que le Parlement turc ait approuvé la loi autorisant la mise en liberté conditionnelle de plusieurs rédacteurs.
    Outre Yurtcu, cinq autres rédacteurs ont été relâchés: Bülent Balta et Mehmet Fatih Yesilbag, du quotidien Özgür Gelecek; Naile Tuncer, du journal de gauche Devrimci Proletarya; et Hatice Onaran, du mensuel de gauche Devrimci Cözüm.
    Yurtcu, ancien rédacteur du quotidien Özgür Gündem, fut condamné en décembre 1994 à plus de dix ans de prison pour des articles parus pendant la période où il en était rédacteur, entre 1991 et 1992. Une cour de la sûreté de l'Etat l'a inculpé en vertu des clauses répressives de la loi anti-terreur et du code pénal turc, qui comprennent la dissémination de "propagande séparatiste".
    En novembre 1996, Yurtcu se voyait décerner le Prix international de la liberté de la presse par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) en signe de reconnaissance de son courage et intégrité dans son combat de résistance contre le dur traitement que la Turquie inflige aux journalistes indépendants qui couvrent le conflit kurde.
    Yurtcu, devenu le centre d'attention des médias internationaux le 16 juillet lorsque la délégation internationale lui rendait visite à la prison de Saray, déclarait depuis sa cellule: "C'est la première fois que le gouvernement reconnaît officiellement l'absence de liberté de la presse en Turquie. J'espère que cette reconnaissance ouvrira la voie à la liberté de pensée en Turquie et à une société démocratique -où penser ne soit pas un délit".

VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN UN MOIS SOUS LE GOUVERNEMENT "ISLAMISTE"

    Les statistiques ci-après ont été recueillies par l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) et correspondent aux violations des droits de l'homme en Turquie pendant le mois de juin 1997:
    • 7 assassinats non résolus.
    • 7 personnes exécutées sans procès après avoir été torturées ou se trouvant en détention.
    • 271 personnes mortes au cours d'affrontements.
    • Les agressions contre des civils ont provoqué 15 morts et 16 blessés.
    • Une personne détenue a "disparu".
    • 12 personnes ont été torturées ou s'en plaignent.
    • 1030 personnes ont été arrêtées par la police.
    • 95 personnes ont été placées en détention par les cours.
    • Aucun village ou hameau n'a été évacué.
    • 11 emplacements ont été bombardés.
    • 26 associations, syndicats et agences de presse ont été fermés.
    • 10 associations, syndicats et agences de presse ont subi des descentes.
    • 18 membres de la presse ont été arrêtés par la police.
    • 32 publications ont été confisquées.
    • Les procureurs ont demandé un total de 12 ans de prison et des amendes pour un total de 100 millions de TL pour l'expression d'opinions.
    • Les cours ont prononcé un total de 15 ans et 9 mois de prison et des amendes pour un total de 7.023.383.000 TL.
    • Fin juin, il y avait 155 prisonniers de conscience en prison.

VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN DEUX MOIS SOUS LE GOUVERNEMENT "LAIQUE"

    Les statistiques ci-après ont été recueillies par l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) et correspondent aux violations des droits de l'homme en Turquie pendant les mois de juillet-août 1997:
    • 13 assassinats non résolus.
    • 21 personnes exécutées sans procès après avoir été torturées ou se trouvant en détention.
    • 461 personnes mortes au cours d'affrontements.
    • Les agressions contre des civils ont provoqué 38 morts et 97 blessés.
    • Neuf personnes détenues ont "disparu".
    • 76 personnes ont été torturées ou s'en plaignent.
    • 3762 personnes ont été arrêtées par la police.
    • 151 personnes ont été placées en détention par les cours.
    • 4 villages et hameaux ont été évacués.
    • 20 emplacements ont été bombardés.
    • 35 associations, syndicats et agences de presse ont été fermés.
    • 24 associations, syndicats et agences de presse ont subi des descentes.
    • 35 membres de la presse ont été arrêtés par la police.
    • 57 publications ont été confisquées.
    • Les procureurs ont demandé un total de 139 ans et 2 mois de prison et des amendes pour un total de 1 milliard 200 millions de TL pour l'expression d'opinions.
    • Les cours ont prononcé un total de 4 ans et 11 mois de prison et des amendes pour un total de 1.15.123.000 TL.
    • Fin août, il y avait 155 prisonniers de conscience en prison.

TUNCELI A LE PLUS HAUT TAUX DE D'EMIGRATION

    Un rapport publié le 8 juillet par l'Union des chambres et du commerce de marchandises de Turquie (TOBB) révélait qu'une personne sur quatre avait émigré de son lieu de naissance vers une autre ville. Selon le recensement officiel, basé sur les résultats des recherches de TOBB, le taux de migration le plus élevé appartient à la ville de Tunceli, dans le Sud-est.
    Bien que 253.271 personnes inscrivent Tunceli comme leur lieu de naissance sur leurs cartes d'identité, seulement 118.356 y vivent. Le taux de migration de Tunceli, le plus élevé de toutes les villes de Turquie, est de 53,57% et 134,915 personnes ont émigré depuis le dernier recensement.
    Le taux de migration de Bayburt est également à souligner.  Alors que 97.605 personnes nées dans la région continuent de vivre dans leurs villes natales, 101.776 autres sont parties ailleurs. Bayburt a donc un taux de migration de 51,05%.
    Les recherches montrent que Sivas et Kars ont également des taux de migration élevés. Tandis que 350.711 des 3.074.506 personnes nées à Istanbul ont émigré vers d'autres villes, 317.000 de celles émigrant de Sivas ont choisi Istanbul comme destination.
    
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT EMPECHE LE PASSAGE DU TRAIN DE LA PAIX

    L'attitude du nouveau gouvernement envers les activistes mondiaux de la paix qui cherchent une solution pacifique à la Sale Guerre qui déchire le Kurdistan constitue une des preuves irréfutables que ladite coalition "démocratique et séculaire" n'a pas l'intention de rétablir la paix et la démocratie dans le pays. En fait, un convoi de la paix intégré ou soutenu par de nombreuses personnalités internationales s'est vu refuser le passage par le gouvernement turc. Les autorités allemandes ont également interdit la circulation de leur train sur le territoire allemand.
    Le Train de la paix Musa Anter, baptisé d'après un éminent intellectuel kurde assassiné par des inconnus en 1992, fut mis en place à l'initiative de Appel von Hannover. Parmi les personnalités qui participaient à cette initiative ou la soutenaient se trouvaient l'archevêque Desmond Tutu (Afrique du sud), Jose Ramos Horta (prix nobel de la paix 1996, Timor oriental), Lord Averbury, Lord Rea, Harold Pinter (RU), la Fondation Danielle Mitterrand (France), le Prof. Jean Ziegler (Suisse).
    Il était prévu que le train parte de Bruxelles le 26 août après un rassemblement et devait être reçu par une cérémonie de bienvenue à chaque arrêt: Cologne, Vienne, Budapest, Belgrade, Sofia et Istanbul. Les organisateurs avaient prévu de s'arrêter pendant une journée à Istanbul, de prendre les participants turcs à bord et de se diriger vers le Sud-est pour arriver à Diyarbakir le 1er septembre, Journée mondiale de la paix.
    Après l'interdiction, les voyageurs du train de la paix organisaient une conférence de presse à Bruxelles le 26 août dernier pour dénoncer l'attitude anti-pacifiste des autorités turques et allemandes. Ce même jour, des immigrés kurdes de différents pays se sont rassemblés près de la Gare du Midi à Bruxelles avec la participation des voyageurs du train interdit.
    De nombreux militants se sont ensuite envolés vers Istanbul et de là ont voyagé en bus vers le Sud-est. Cependant, les forces de sécurité ont bloqué quelque 70 bus transportant des pacifistes turcs et kurdes et ont autorisé le passage de 7 bus transportant des étrangers, principalement des parlementaires européens, américains et africains, des écrivains, des intellectuels, des hommes d'église et des journalistes.
    La délégation, déterminée à rejoindre Diyarbakir, fut stoppée près de Siverek et entourée par des forces de gendarmerie armées et des gardiens de village. Des hélicoptères et des véhicules blindés ont également été utilisés pour intercepter le convoi. Finalement, les pacifistes ont dû rebrousser chemin vers Istanbul.
    Pendant ce temps, la ville de Diyarbakir demeurait sous siège militaire. Tous les bureaux des organisations civiles démocratiques étaient encerclés par la police et pas moins de deux mille personnes étaient arrêtées dans la ville. Tous les points d'accès à la ville ont été bloqués et tous les étrangers arrivés précédemment à Diyarbakir par avion ont été renvoyés à Istanbul.
    Sur la route d'Istanbul, la police stoppait à Gebze le bus transportant les manifestants et arrêtait 20 activistes turcs des droits de l'homme qui accompagnaient le groupe. De nombreux participants ont également été forcés de trouver des chambres dans d'autres hôtels alors que leurs réservations avaient été mystérieusement annulées.
    Le 3 septembre, les activistes étrangers n'ont pas pu donner une conférence de presse à l'hôtel Pera Palas d'Istanbul. Ce même jour, lorsqu'ils tentaient de donner une conférence de presse à l'hôtel Mim, la police les fit évacuer de force blessant bon nombre d'entre eux.
    Les activistes des droits de l'homme de Turquie ont critiqué l'attitude du gouvernement de Yilmaz qui a empêché 171 activistes des droits de l'homme étrangers de participer à la célébration de la Journée mondiale de la Paix en Turquie.
    "Ce gouvernement a livré une guerre d'une brutalité incomparable contre l'initiative de paix", confiait Ercan Kanar, président de la branche d'Istanbul de l'Association des droits de l'homme (IHD), lors d'une conférence de presse donnée le 4 septembre dernier. "D'importantes forces au sein du gouvernement veulent que le conflit se poursuive", dénonça-t-il. Il ajouta que la gouvernement est un pion du Conseil de sécurité nationale (MGK), un cabinet fantôme qui conseille l'administration.

100 MEMBRES DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS DES USA SOLIDAIRES AVEC LEYLA ZANA

    Cent membres de la Chambre des représentants des Etats-Unis ont accepté de signer une lettre adressée au président Bill Clinton lui demandant de "soulever l'affaire de [Leyla] Zana auprès des autorités turques au plus haut niveau et de demander sa libération immédiate et inconditionnelle", rapportait le Réseau d'information kurde d'Amérique (AKIN) le 26 juillet dernier.
    Zana, ancien membre du Parlement turc, était jugée dans une cour turque et déclarée coupable de trahison en 1994. Elle purge actuellement une peine de prison de 15 ans.
    Certains des membres de la Chambre qui ont fait circuler la lettre et qui ont demandé la signature de leurs collègues ont fréquemment critiqué la Turquie sur divers aspects. C'est le cas de John Porter (R) de Illinois, Frank Wolf (R) de Virginie, Elizabeth Furse (D) d'Oregon et Esteban Torres (D) de Californie.

LA VILLE DE NEW-YORK POURRAIT BOYCOTTER LA TURQUIE POUR DENONCER LA PERSECUTION DE CHRETIENS

    Selon le New York Times du 16 juin le Conseil de la ville de New-York a introduit une mesure qui, si elle devient loi municipale, boycottera les compagnies qui font des affaires en Turquie et dans 14 autres pays. La mesure a été soumise à la signature du maire de la ville, Rudolph Giulani. Dans tous ces pays il est fréquent qu'on "emprisonne, torture, asservisse ou tue des chrétiens pour pratiquer la foi", c'est ce qu'affirme l'auteur de la mesure, Peter Vallone, président du Conseil de la ville de New-York.
    Selon la proposition de loi municipale de Vallone, les consommateurs de la ville ne pourraient acheter des voitures, des ordinateurs ou du pétrole à des corporations multinationales actives dans quinze pays comme par exemple, Time Warner, Pepsico, General Motors, Mobil et Chase Manhattan.
    Auparavant, une résolution similaire avait été soumise au Congrès américain pour lutter contre la persécution de chrétiens dans un nombre de pays bien précis - la Turquie n'en faisait pas partie.
    "La mesure, introduite le mois dernier, demande également à la ville de retirer des investissements faits auprès des qui font des affaires avec ces pays. Si elle est adoptée, cette loi interdira l'accès de la ville, qui a le quatrième budget gouvernemental du pays, à plus d'un tiers des entreprises mondiales. Seul le gouvernement fédéral, la Californie et l'Etat de New-York ont des budgets plus importants", informe le New York Times.
    Outre la Turquie, parmi les autres pays concernés par le boycott figurent l'Arabie Saoudite, le Indonésie, Myenmar (Birmanie), l'Egypte, la Chine, Cuba, l'Iran, l'Irak, le Laos, le Pakistan, le Maroc, le Nigeria, la Corée du Nord, le Soudan et le Vietnam.
    Le membre du conseil municipal Thomas Duane, démocrate de Manhattan, a loué les efforts de Vallone et a dit qu'il s'agissait d'une question de moralité pour la ville.
    "Tout comme l'Afrique du Sud et l'Irlande du Nord, la ville de New-York peut s'ériger en leader dans la bataille pour les droits de l'homme", déclarait Duane. "En tant que ville internationale, New-York a une responsabilité qui dépasse largement les limites de nos cinq arrondissements". Le maire Giuliani serait également favorable à la proposition de Vallone.

L'ECRIVAIN YAGMURDERELI RISQUE DE RETOURNER EN PRISON JUSQU'EN 2014

    Esber Yagmurdereli, écrivain et honorable membre de plusieurs centres de PEN depuis son premier emprisonnement en 1978, pourrait être forcé de retourner en prison pour y purger 16 années d'une condamnation antérieure.
    Yagmurdereli, un écrivain aveugle depuis l'âge de dix ans, fut emprisonné en 1978 et condamné à mort après avoir été accusé de "tenter de modifier l'ordre constitutionnel par la force". La sentence avait été commuée en prison à vie. International PEN, Amnesty International et d'autres groupes de défense des droits de l'homme sont arrivés à la conclusion que le procès de Yagmurdereli n'avait pas respecté les normes internationales d'équité et qu'on l'avait privé de ses droits en vertu de la Déclaration universelles des droits de l'homme. Par ailleurs, Yagmurdereli aurait été condamné sur base d'aveux obtenus sous la contrainte de la torture.
    Yagmurdereli fut libéré en 1991 suite à une amnistie générale sous la condition qu'il ne "récidive" pas. Cependant, plus tard dans l'année, le 10 décembre, il prononça un discours à l'occasion de la journée des droits de l'homme dans lequel il accusait le gouvernement turc de violer les droits de l'homme du peuple kurde. Il fut alors inculpé en vertu de l'article 8 de la loi anti-terreur. Après de longues procédures judiciaires, le procès arriva à son terme fin juin 1997 lorsque la Cour de la sûreté de l'Etat d'Istanbul déclarait Yagmurdereli coupable et le condamnait à dix mois de prison.
    Actuellement Yagmurdereli demeure en liberté car ses avocats sont allés en appel. Aux termes de sa mise en liberté en 1991, il pourrait être forcé de purger les 16 années de prison restantes de la condamnation antérieure, ainsi que les dix mois de celle prononcée en juin 1997. On pense que la cour d'appel prendra une décision dans quelques jours et que Yagmurdereli pourrait retourner en prison et n'en ressortir qu'en 2014.

NOUVEAU PROCES D'AYSE ZARAKOLU ET DE DEUX TRADUCTRICES

    Le 31 juillet 1997, RSF exprimait sa préoccupation à propos du procès d'Ayse Nur Zarakolu, propriétaire de la maison d'édition Belge, qui avait publié un ensemble d'articles et de reportages dans un livre intitulé Özgürlügün Bedeli. Les traductrices du livre, Zeynep Herkmen et Süheyla Kaya, sont également jugées pour la même affaire.
    Le livre a été écrit par le journaliste allemand Lissy Schmidt. Selon les informations de RSF, le procès contre Zarakolu, Herkman et Kaya a commencé le 30 juillet dernier à la Cour de la sûreté de l'Etat d'Istanbul. Les trois femmes sont jugées pour la publication de deux livres, dont celui de Schmidt.
    Au cours de la première audience, Zarakolu et Kaya ont fait leurs déclarations mais Herkman était absente. Le procès doit reprendre le 13 octobre 1997.     En janvier 1997, la cour de la sûreté de l'Etat avait confisqué le livre considérant qu'il contenait de la "propagande séparatiste".

L'ISLAMISTE TURC ERBAKAN RENCONTRE L'EXTREMISTE LE PEN

    L'ancien premier ministre turc et leader de l'islamiste Parti du bien-être (RP), Necmettin Erbakan, et le leader d'extrême-droite français Jean-Marie Le Pen, se sont réunis pendant six heures le 21 août dernier, dans la retraite balnéaire turque d'Altinoluk, où Erbakan a l'habitude de passer ses congés.
    "A eu lieu une réunion des opposés. Notre leader a fait des recommandations à Le Pen et lui a parlé de la Turquie", déclarait membre du parlement et du RP Mehmet Ali Sahin.
    Les journaux turcs rapportaient que Le Pen se trouvait en vacances en Turquie. Selon Sabah, Le Pen a exprimé de la sympathie pour les islamistes turcs dans leur lutte contre la fermeture de leur parti par la cour constitutionnelle.
    Quand on lui a demandé ses réactions à propos de la réunion Le Pen-Erbakan, l'ancien ministre de la Justice et membre du Parti du bien-être, Sevket Kazan, confirmait que les deux doyens politiques s'étaient rencontrés, mais n'a pas fait d'autres commentaires et n'a révélé le continu de leurs discussions assurant qu'il ne le connaissait pas.
    "Je ne sais pas de quoi ils ont parlé… J'étais absent pendant les discussions. Abdullah Gül (ancien ministre d'Etat) et Hodja (Erbakan) étaient présents pendant la réunion, mais je ne connais pas les sujets abordés", déclarait Kazan.
    Le lendemain l'actuel premier ministre Mesut Yilmaz faisait une évaluation de la réunion Le Pen-Erbakan et disait que tous deux étaient du même genre. "Je n'en fus pas surpris. Les radicaux rencontrent les radicaux. C'est normal. Ils conviennent l'un à l'autre", fut son commentaire.

LES LOUPS GRIS ONT ELU UN NOUVEAU FÜHRER: DEVLET BAHCELI

    Après l'échec du premier congrès post-Türkes à cause des sanglants incidents entre différentes factions, le Parti d'action nationaliste (MHP) a élu Devlet Bahceli comme nouveau basbug (führer) au cours d'un congrès extraordinaire célébré le 6 juillet dernier à Ankara. Bahceli et Tugrul Türkes, fils du défunt leader et fondateur Alparslan Türkes, étaient les seuls participants dans la course finale. Bahceli remporta le vote avec 697 voix alors que Türkes en recueillait 487.
    A l'exception des délégués, personne ne fut admis dans la salle de réunion. Même les membres de la presse en furent exclus pendant un moment.
    Bahceli est né en 1948 et est licencié en économie. Il est un des membres importants du parti depuis 1987.
    Il est entré en fonctions le 7 juillet. Ses partisans l'ont acclamé et ont sacrifié quatre moutons pour lui lorsqu'il s'est rendu au siège du parti à Ankara. On sait de lui qu'il maintient de bonnes relations avec le leader du DYP, Tansu Ciller.
    Après son élection, deux députés d'extrême-droite sont partis du DYP et ont rejoint le MHP pour donner à ce parti l'occasion d'élever sa voix au Parlement.

DES MANIFESTANTS ANTI-CYANURE MENENT UNE ACTION SUR LE PONT DU BOSPHORE

    Le 26 août, près de 250 personnes ont participé à un sit-in sur la voie piétonnière du pont sur le Bosphore pour attirer l'attention sur l'utilisation de cyanure dans les mines d'or de Bergama.
    Les manifestants sont arrivés vers 9 heures du matin dans trois bus et d'autres véhicules appartenant à la municipalité de Bergama. Ils chantaient des slogans tels que "Compagnie de cyanure, quitte Bergama" et "Eurogold s'en ira, cette affaire finira", alors qu'ils se dirigeaient vers le côté européen du pont. Sur une pancarte on pouvait lire, "Nous combattrons à mort l'activité minière au cyanure!"
    Ils ont alors commencé à s'asseoir sur le trottoir, bien que les gardiens de sécurité du pont leur demandaient de se disperser. Après une heure et demie, ils mirent fin à leur protestation.

SALAIRE MINIMAL POUR SURVIVRE DANS LA MISERE

    La commission spéciale constituée par le ministère de l'Emploi le 29 juillet dernier, a établi le salaire mensuel net minimal à 22.943.000 TL (134 $). Bien que le salaire brut soit fixé à 35.43.500 TL, 36% de cette somme est retenu par l'Etat comme impôt sur les revenus.
    La Confédération des syndicats de Turquie (Türk-Is) annonçait le 24 juillet dernier que pour nourrir une famille de quatre membres il fallait 35.500.000 TL. Le salaire minimal est donc loin de couvrir les dépenses alimentaires d'une famille de quatre personnes.
    Par ailleurs, étant donné que le taux annuel d'inflation tourne autour de 100%, le pouvoir d'achat de quelqu'un qui reçoit le salaire minimal diminuera de moitié au cours des 12 prochains mois.