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INFO-TURK

A non-government information center on Turkey

Un centre d'information non-gouvernemental sur la Turquie

41th Year / 41e Année
Mai
 
2025 May
N° 561
53 rue de Pavie - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76
Chief Editor /Rédacteur en chef: 
Dogan Ozgüden

Responsible editor/Editrice responsable:

Inci Tugsavul
Human Rights
Pressures on  media
Kurdish Question
Minorities
Interior politics
Armed Forces
Religious affairs
Socio-economics
Turkey-Europe
Turkey-USA
Regional Relations
Cyprus and Greece
Migration

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Titres des évènements du mois
Titles of this month's events


İnfo-Türk, qui diffuse des informations sur les violations des droits de l'homme en Turquie, les luttes de résistance et les problèmes des immigrés et des diasporas dans diverses langues depuis plus d'un demi-siècle, a été fondée par des exilés politiques il y a 51 ans, le 25 avril 1974.


Droits de l'Homme / Human Rights

Le 27 mai et l’appel commun des quatre parties du Kurdistan !- Doğan Özgüden
Nouvelle vague d'arrestations dans l'enquête contre le maire d'Istanbul
CHP leader Özgür Özel: "Their only crime is being Kurdish and voting for us"
Third wave of arrests targeting İstanbul Municipality

Le PKK s’auto-dissout, mais le problème kurde n’est pas encore résout - Ragip Duran
Police detain nearly 100 students protesting controversial cleric at Boğaziçi University
L'opposition réunit des dizaines de milliers de personnes à Istanbul
Ils ont combattu pour la liberté et la fraternité des peuples - Doğan Özgüden
A Istanbul, un 1er mai sous le signe de la résistance à Erdogan
Two sides of May Day in İstanbul: Police crackdown and celebrations under control

Amnesty dénonce des arrestations avant le 1er mai
Une cinquantaine d'arrestations dans l'enquête visant le maire d'Istanbul

Pression sur les médias / Pressure on the Media

Journalist Öznur Değer’s terrorism trial opens for her reports on PKK
Journalist, family receive death threats after reporting on bribery allegations
Cannes: le réalisateur Fatih Akin craint de finir en prison s'il se rend en Turquie

Journalist Furkan Karabay arrested again
Le journaliste suédois détenu en Turquie en route vers la Suède
Another journalist detained for allegedly ‘attending’ protest instead of covering it
Suède: deux arrestations pour usage illégal d'informations secrètes, spéculations sur la Turquie

Journaliste suédois détenu: la ministre suédoise rencontre son homologue turc
Not World Press Freedom Day, but persecution of journalists in Turkey!

Le journaliste suédois condamné avec sursis restera en détention
Une célèbre agent de stars inculpée pour "tentative de renversement du gouvernement"

Kurdish Question / Question kurde

Arrest of Kurdish politician Yüksel Koç in Germany
Le PKK veut que la Turquie allège "l'isolement" carcéral de Abdullah Öcalan
Öcalan prône un "changement de paradigme" pour réconcilier la Turquie et les Kurdes

Ankara poursuivra ses opérations contre le PKK "jusqu'à ce que la région soit nettoyée"
Dissolution du PKK: DEM réclame des "mesures de confiance" au gouvernement turc
Damas avertit les Kurdes contre tout retard dans l'intégration de leurs institutions à l'État

Le PKK annonce sa dissolution et la fin de la lutte armée

Le PKK s'est réuni "avec succès" en vue de sa dissolution
Décès de Sirri Süreyya  Önder, figure du dialogue avec le PKK
Hamit Bozarslan :"L’idée d’un Kurdistan reste puissante et mobilise les générations "

En Turquie, les négociations piétinent entre le gouvernement et le PKK
Cinq membres des forces kurdes tués en Syrie par l'EI (FDS)
Les Kurdes demandent la construction d'un Etat "démocratique et décentralisé" en Syrie

Minorités / Minorities

Souverainté nationale turque et génocide arménien - Ragip Duran

Politique intérieure/Interior Politics

L'accès au compte X du maire d'Istanbul bloqué par les autorités

Nouveau coup contre la mairie d'Istanbul, autour du canal de la discorde

Forces armées/Armed Forces

CPT: Turkish military attacks intensify despite the PKK ceasefire

Affaires religieuses / Religious Affairs
 

Plus de 50 arrestations dans l'armée liées au mouvement guléniste
Les Chypriotes turcs manifestent contre l'autorisation du voile au lycée

Socio-économique / Socio-economic

Erdogan décrète une "Décennie de la famille" face à la dénatalité
Incendie meurtrier dans un hôtel en Turquie: lourdes peines requises
La Turquie a découvert un nouveau gisement de gaz naturel en mer Noire, dit  Erdogan
Saisie en Syrie de 9 millions de comprimés de captagon pour le marché turc
Mesures à la turque contre le vrai danger de séisme - Ragip Duran
Top court rejects challenge to law allowing euthanasia of stray animals

Relations turco-européennes / Turkey-Europe Relations

Et qu’en est-il de la liste noire de l’Union européenne ? - Doğan Özgüden
Le Conseil de l'Europe exige la libération du maire d'Istanbul
Le Parlement de l'UE exige la libération d'un journaliste suédois

Meloni et Erdogan visent 40 milliards d'euros d'échange commerciaux

Turquie-USA-OTAN / Turkey-USA-NATO

L'Otan sur la voie d'une hausse substantielle de ses dépenses militaires
Un juge américain ordonne la libération d'une étudiante turque
Trump veut "travailler" avec Erdogan pour mettre fin à la guerre en Ukraine

Relations régionales / Regional Relations

La Turquie annonce une hausse de ses exportations d'énergie vers la Syrie
Violences en Libye: la Turquie évacue 82 de ses ressortissants

Ukraine et Russie s'accordent sur un échange de prisonniers, pas sur une trêve
Libye: la Turquie prépare l'évacuation de ressortissants

Damas et Ankara s'accordent sur un accord de gaz naturel pour la Syrie
La Syrie au coeur de nouvelles tensions entre la Turquie et Israël
Inde-Pakistan: la Turquie alerte sur un "risque de guerre totale"

Déploiement des forces de sécurité près de Damas après des violences meurtrières

Chypre et la Grèce / Cyprus and Greece

Key figure in slain Cyrpiot casino tycoon’s network shot dead in Netherlands

Immigration / Migration

Migrants: une femme et un enfant meurent en tentant de traverser la Manche
Une étudiante d'une grande école belge libérée de prison
L’appel juste de notre exil politique dans cette nouvelle phase - Dogan Özgüden


Droits de l'Homme / Human Rights

Le 27 mai et l’appel commun des quatre parties du Kurdistan !


Doğan Özgüden, Artı Gerçek, 27 mai 2025

Il y a exactement 65 ans… Je m’étais couché tard la nuit du 26 mai. Je me suis réveillé le lendemain matin aux bruits de coups à la porte. Ma mère, mon père et ma sœur s’étaient également éveillés dans l’inquiétude. La jeune fille du voisin était à la porte. « Ils annoncent quelque chose à la radio, je crois qu’il y a eu un coup d’État », déclara-t-elle.

Nous avons immédiatement allumé la radio. Une voix grave annonçait que les forces armées avaient pris le pouvoir, puis soulignait que le nouveau gouvernement resterait fidèle à l’OTAN et au CENTO.

Le gouvernement du Parti démocrate (DP), au pouvoir depuis dix ans, qui tentait d’écraser l’opposition parlementaire en instaurant une Commission d’Enquête et d’intimider à balle réelle les jeunes qui se rebellaient contre la tyrannie, fut renversé par les forces armées avec le coup d’État du 27 mai.

Après avoir obtenu une courte déclaration pour le quotidien Milliyet du général Cemal Gürsel, qui était en congé forcé à Izmir depuis un certain temps et se rendait ce jour-là à Ankara pour assumer le poste de chef de la junte militaire (MBK), je me suis rendu vers 9 heures à l’état-major de l’OTAN pour connaître leur réaction. Il y avait une animation du tonnerre.

Les officiers turcs du bureau de presse avaient fait venir les journaux de la nuit et les examinaient. Quand ils m’ont vu arriver, ils ont bondi de leurs sièges avec grand enthousiasme et m’ont serré dans leurs bras. Ils déclarèrent : « Félicitations. La presse sera désormais totalement libre. Le cauchemar est fini ».

Il y avait dans le journal Yeni Asır de ce jour une déclaration du ministre de la Défense nationale. Il évoquait un nouveau plan en préparation pour améliorer la situation financière des officiers. L’officier qui examinait le journal éclata de rire : « Trop tard mon fils, trop tard… Désormais, nous réglerons nos problèmes nous-mêmes ».

À ce moment-là, un lieutenant-colonel du bureau mitoyen attacha son pistolet de service à sa ceinture et fit irruption dans le bureau de presse : « Bon Dieu. Nous n’avons toujours pas pris le contrôle du commissariat, j’y vais sur le champ », dit-il.

La radio allumée en permanence répétait fréquemment depuis le matin l’annonce du coup d’État. Une voix grave soulignait « Nous sommes liés à l’OTAN et au CENTO ». C’était probablement la phrase qui préoccupait le plus les officiers américains.

L’un des officiers turcs fit immédiatement une déclaration en anglais : « La personne qui lit la déclaration doit certainement être Alparslan Türkeş, c’est sa voix… Il allait et venait ici depuis des semaines. Il était déjà clair qu’il en prendrait la tête ».

En effet, alors que des manifestations étudiantes se déroulaient à Istanbul et à Ankara, il se disait que le colonel d’état-major Alparslan Türkeş, qui était le chef du département de l’OTAN auprès de l’état-major général, venait fréquemment à Izmir pour y tenir une série d’entretiens avec les commandants de l’OTAN, et que sur ces entrefaites, il était en contact avec Gürsel.

Presque tous les officiers, tant américains que turcs, étaient satisfaits de voir aux commandes un colonel qu’ils connaissaient. Je ne fus pas surpris… Lorsque je me rendis à l’état-major de l’OTAN en qualité de représentant du quotidien Milliyet pour y prendre des nouvelles, j’y vis que les officiers turcs en service tapaient des déclarations contre le gouvernement sur des machines à écrire et les imprimaient sur des machines à polycopier de l’état-major, sous les yeux des officiers et des sous-officiers américains. Apparemment, tout se déroulait au su des USA.

Le matin du coup d’État, seul un colonel se montrait particulièrement inquiet de la déclaration d’allégeance à l’OTAN et au CENTO. Une semaine auparavant, nous nous étions entretenus du sujet de l’abattage d’un avion espion américain U-2, qui avait décollé de Turquie, au-dessus de l’Union soviétique. Il était déjà furieux du déploiement de missiles IRBM en Turquie. Il avait vivement critiqué la dépendance de la Turquie à l’égard de l’OTAN et du CENTO, en affirmant qu’elle se retrouverait dans une position difficile après le scandale de l’avion U-2.

***

Deux semaines avant le coup d’État, il s’était à peine écoulé une semaine depuis la résistance étudiante des 28-29 avril à Istanbul et Ankara, les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN s’étaient réunis à Istanbul le 4 mai 1960. Des manifestations eurent lieu devant l’Hôtel de Ville d’Istanbul où se réunissaient les dirigeants des pays alliés. Mais ces manifestations n’étaient pas dirigées contre l’OTAN, mais bien du contraire, elles visaient à ce que les pays membres de l’OTAN prennent position contre le gouvernement Menderes et n’essaient pas d’entraver sa chute.

Ce n’était pas surprenant non plus… Les dirigeants du pays qui avaient transformé la Turquie en avant-poste américain à la frontière soviétique avec le plan Marshall et la doctrine Truman, allèrent plus loin encore en envoyant une brigade de 4500 personnes en Corée en 1950 pour pouvoir rejoindre l’Alliance de l’OTAN, et en 1952, l’adhésion de la Turquie à l’OTAN fut approuvée par tous les partis, en ce compris le principal parti d’opposition, le CHP.

Dans sa déclaration publiée dans l’édition du journal Milliyet du 4 mai 1960 à propos de la réunion de l’OTAN à Istanbul, le président du CHP İsmet İnönü déclarait : « Le CHP a sincèrement adopté l’idée qu’une Turquie gouvernée par un régime démocratique qui respecte les droits de l’homme devrait être un membre honorable du monde occidental libre et de la communauté de l’alliance de l’OTAN », et critiquait Menderes en disant : « Le président du Parti démocrate a exploité toute l’estime que le monde occidental a légitimement témoigné à la nation turque, un membre loyal et dévoué de l’OTAN, comme point d’appui au régime oppressif qu’il tente d’établir pas à pas ».

Le fait que les deux principaux partis politiques turcs, le DP et le CHP, qui étaient en conflit féroce l’un avec l’autre, soutenaient l’OTAN, fut un grand soulagement tant pour les USA que pour leurs relais au sein de l’armée turque.

C’est avec cette assurance que les putschistes firent prononcer au chef du département de l’OTAN auprès de l’état-major général, le colonel Alparslan Türkeş, comme porte-parole sur les ondes des radios de Turquie le matin du 27 mai, le serment : « Nous restons fidèles à l’OTAN et au CENTO ».

***

Le coup d’État du 27 mai 1960 a non seulement renforcé la dépendance de la Turquie à l’impérialisme américain et à l’OTAN, mais il a également ouvert une nouvelle page dans la campagne d’oppression et de cruauté menée depuis 35 ans par l’État contre la nation kurde.

Alors que les opposants emprisonnés et poursuivis sous le régime du DP furent libérés le 27 mai, 49 étudiants et intellectuels kurdes arrêtés sous la période Menderes au motif de menées pro-kurdes ne furent pas élargis. Ils poursuivirent une vie amère sous la torture dans les casernes de la Harbiye.

À peine quatre jours après le coup d’État, 485 personnalités kurdes de l’Est et du Sud-Est furent arrêtées et détenues dans un camp de la 5e Brigade de formation militaire à Kabakyazı, Sivas, avant d’être exilées à Antalya, Isparta, Izmir, Afyon, Manisa, Denizli et Çorum le 19 octobre 1960.

C’était trois semaines après cet exil forcé… La junte militaire (MBK) organisa une grande réunion à Ankara le 13 novembre 1960 pour discuter des changements qu’ils envisageaient d’apporter à la législation sur la presse. J’assistai à la réunion en tant que représentant du Syndicat des Journalistes et de l’Association des Journalistes d’Izmir.

Arrivé tard la veille à Ankara, je me rendis directement au bureau de la Rüzgarlı Sokak du quotidien Öncü dont j’étais le représentant à Izmir. Muzaffer Aşkın y travaillait comme secrétaire de nuit et un correspondant était de permanence à ses côtés.

Alors que nous discutions des derniers développements, la porte du bureau s’ouvrit. Debout devant nous, dans sa pose la plus fière, se trouvait le plus jeune membre de la junte militaire (MBK), le capitaine Muzaffer Özdağ. Avec à ses côtés un jeune lieutenant nommé Mikail accoutré en adjudant.

Özdağ était dans l’esprit d’un Napoléon à l’ego surdimensionné. Après les échanges de politesse et alors qu’il marchait de long en large au milieu du salon, son fouet sous le bras, il asséna une question : « Vous les Intellectuels, savez-vous pourquoi nous avons fait le coup de 27 mai ? » 

Extrêmement calme, Muzaffer Aşkın lui répondit par une contre-question : « Mon capitaine, de nombreuses raisons ont été évoquées jusqu’à présent. C’est laquelle ? »

« Nous avons organisé le 27 mai pour empêcher une révolte kurde en préparation en Anatolie orientale. Sinon, la patrie allait être divisée. Savez-vous que nous avons arrêté les seigneurs kurdes avant les dirigeants du DP ? »

***

Cette semaine de mai marque non seulement l’anniversaire du coup d’État du 27 mai 1960, mais aussi celui de la fondation du Congrès national du Kurdistan (KNK), qui a marqué un tournant dans l’histoire de la lutte de la nation kurde…

Le KNK est le produit de la grande période de réveil social et politique des années 60 et 70, lorsque les personnalités et les jeunes kurdes, condamnés des décennies durant au silence sous la terreur d’État, et malgré les articles fascistes 141 et 142 du Code pénal turc, ont commencé à élever leur voix, à exprimer leurs revendications nationales, à prendre des responsabilités au sein du Parti ouvrier de Turquie et des organisations démocratiques, et même à fonder leurs propres organisations comme dans le cas des Foyers de culture révolutionnaire de l'Orient (DDKO).

Bien que les coups d’État fascistes du 12 mars et du 12 septembre aient perturbé ces développements, la résistance nationale kurde allait entrer dans une phase de « lutte chaude » dans les années 80 avec l’organisation du PKK, et au début des années 90, commencer à exister dans le corps législatif avec la création du Parti du Travail du Peuple (HEP) par sept députés kurdes exclus du SHP pour avoir assisté à une conférence à Paris.

Mais les députés kurdes, entrés au Parlement à la fois grâce aux suffrages des électeurs kurdes et des électeurs turcs prodémocratie, sont soumis depuis près de 40 ans à une pression constante. Leurs immunités parlementaires sont levées avant qu’ils ne soient incarcérés, leurs partis fermés, et ils sont victimes d’agressions physiques.

Ces pressions se limitent-ils à la Turquie ? Depuis que les terres historiques kurdes ont été partagées entre les quatre pays voisins à la suite de marchandages sordides entre les superpuissances, les Kurdes de toutes ces régions n’ont connu qu’exclusion, oppression et massacre permanents.  

À cet égard, le Congrès national du Kurdistan (KNK) est un parlement qui représente non seulement la volonté commune des Kurdes de Turquie, mais aussi celles des Kurdes de Syrie, d’Irak et d’Iran, ainsi que des diasporas kurdes des continents d’Asie, d’Europe et d'Amérique, et relaie depuis Bruxelles leurs messages au monde entier.

Mais rendons à Cesar ce qui revient à Cesar… Les architectes de cette initiative historique sont les députés kurdes qui, en leur qualité de représentants d’un parti kurde, ont fait pour la première fois entendre directement la voix du peuple kurde à la Grande Assemblée nationale de Turquie, et à ce prix, sous la menace de perdre leur immunité parlementaire et d’être condamnés à de lourdes peines de prison, ont fait preuve de détermination en poursuivant la lutte en exil.

C’était en 1994… Les députés du DEP Hatip Dicle, Orhan Doğan, Ahmet Türk, Leyla Zana, Selim Sadak, Sedat Yurttaş, Mahmut Alınak et Sırrı Sakık, détenus en Turquie, avaient été condamnés à de lourdes peines de prison.

Le président du DEP Yaşar Kaya et les députés Remzi Kartal, Zübeyir Aydar, Nizamettin Toğuç, Ali Yiğit ve Mahmut Kılınç arrivèrent à Bruxelles comme exilés politiques et lancèrent dès leur arrivée une campagne de solidarité internationale avec le DEP.

Le Parlement kurde en exil (SKP), qu’ils ont fondé à Bruxelles, a joué un rôle majeur dans la sensibilisation de l’opinion publique mondiale sur la lutte de la nation kurde, avec la première chaîne de télévision kurde, Med TV, créée à la même époque à Bruxelles.

Le SKP, qui a rapidement gagné en force avec la participation de toutes les régions du Kurdisant et de la diaspora kurde, a convoqué un congrès international à Amsterdam le 24 mai 1999 et s’est transformé en Congrès national du Kurdistan (KNK).

La déclaration détaillée publiée 26 années après par le KNK, à la suite de sa 13e Assemblée générale réunie aux Pays-Bas pendant deux derniers jours, va bien au-delà du processus de « Turquie sans terreur » initié par Devlet Bahçeli et tentant de progresser cahin-caha, et exprime les revendications justifiées de liberté, de démocratisation et de lutte pour la paix des quatre parties du Kurdistan, à savoir le Bakur, le Başûrê, le Rojhilat et le Rojava, et de la diaspora kurde, qui est également une réalité incontournable de notre époque :

« La situation au Kurdistan est critique et incertaine. Mais ce danger présente en même temps des opportunités. Les États occupants sont confrontés à des crises majeures. Compte tenu des développements comme l’instabilité de l’Irak, l’incertitude en Syrie, le processus de transformation de l’Iran, l’embourbement de la Turquie dans les crises et la guerre en Palestine, il est clair que le statu quo au Kurdistan a changé.

« Dans cette situation, si nous, les Kurdes, unissons et renforçons notre unité nationale, nous pourrons créer un statut pérenne pour l’ensemble du Kurdistan. Dans cet objectif, toutes les forces politiques, tous les partis et notre peuple en ses quatre régions doivent s’unir plus fermement et affirmer leur position nationale et patriotique. De cette manière, nous pourrons contrecarrer tous les plans des États occupants.

« Les dialogues entre les forces kurdes en cette période sensible sont prometteurs. Les pourparlers entre les forces kurdes constitueront en cette période délicate la base d’une collaboration solide et de l’unité nationale. Pour atteindre cet objectif ambitieux, l’Assemblée générale du KNK lance une fois de plus cet appel : organisons une conférence nationale et unissons nos forces ! »

L’appel du KNK doit être lu attentivement et soutenu jusqu’au bout par les forces de paix et de démocratie, pas seulement en Turquie, en Syrie, en Irak et en Iran, mais aussi dans le monde entier.

Traduction: Mazyar KHOOJINIAN

Nouvelle vague d'arrestations dans l'enquête contre le maire d'Istanbul

La police turque a procédé vendredi à 44 nouvelles arrestations dans l'enquête pour corruption ayant conduit à l'incarcération fin mars du maire d'opposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu, a rapporté l'agence de presse étatique Anadolu.

Parmi les personnes interpellées figurent le secrétaire particulier du maire déchu, Kadriye Kasapoglu, et les présidents des conseils d'administration de deux sociétés rattachées à la municipalité d'Istanbul.

Vingt autres employés de la municipalité, dont le responsable des relations presse, avaient déjà été arrêtés mardi dans le cadre de la même enquête. Treize d'entre elles ont été placées en détention, selon la presse turque.

L'arrestation le 19 mars de M. Imamoglu, qui rejette les accusations le visant, avait déclenché une vague de contestation inédite en Turquie depuis 2013.

Le maire déchu d'Istanbul, considéré comme l'opposant le plus redoutable au président Recep Tayyip Erdogan, est incarcéré depuis le 23 mars, jour de son investiture par son parti, le CHP (social-démocrate), comme candidat à la prochaine présidentielle prévue en 2028.

Mais l'annulation de son diplôme universitaire en mars, dénoncée par l'opposition turque, l'empêche en l'état de pouvoir se présenter à une élection présidentielle. (AFP, 23 mai 2025)

CHP leader Özgür Özel: "Their only crime is being Kurdish and voting for us"

Head of the Republican People’s Party (CHP), Özgür Özel, strongly criticized the wave of investigations and arrests targeting opposition municipalities, claiming they are politically motivated and based on fabricated charges.

Özel claimed that corruption files involving AKP-run municipalities have been left untouched for years. “I’ll reveal them on Tuesday,” he said. “There are [AKP] municipalities the Court of Accounts explicitly called for action against.”

Referring to the investigation concerning a phone that was found and allegedly belonged to Ekrem İmamoğlu, Özel said, “Even Graham Bell wasn’t this thrilled when he invented the phone. What they were after was a secret phone. They found it – completely empty. No calls, no WhatsApp. It’s just an old number. You’ll be left licking your palms – you got excited for nothing.”

He also accused the government of using arrests and investigations not to uncover wrongdoing but to shape public opinion. The detention of İmamoğlu’s long-time chief of security, he said, was emblematic of this strategy: “Whatever they find, they double it. This is nothing but manipulation of public perception.”

Speaking about the trial of Ahmet Özer’s, Özel said the former mayor’s real “crime” was winning a key municipality, receiving Kurdish votes, and contributing to the AKP’s electoral loss: “Why is Ahmet Özer in custody? Because he won Esenyurt, got votes from Kurds, and made the AKP lose. This isn’t a crime under Turkish law, but it’s being punished as if it were.”

Özel questioned the lack of public access to Özer’s trial and challenged state broadcaster TRT: “If everything is within the law, why not show it live? The indictment insults the intelligence of anyone who watches.”

Addressing the government’s push for a new constitution, Özel rejected any cooperation with those who “violate the current one for their own power.” He emphasized that a democratic and egalitarian constitution could only be achieved with the people, not with President Erdoğan. He reiterated his call for early elections, saying the ballot box remains the only way out of the country’s political deadlock: “It may be a crisis for Erdoğan, but it’s the only hope for the people.” (BIA, May 23, 2025)


Third wave of arrests targeting İstanbul Municipality

A statement released by the İstanbul Chief Public Prosecutor's Office established that Taner Çetin has been working closely with Ekrem İmamoğlu since his term as the Mayor of Beylikdüzü Municipality.

Allegedly, Çetin was involved in irregularities in some tenders conducted through Medya Inc. and Kültür Inc. and received bribes by directing these tenders to companies close to him.

According to the Chief Prosecutor's Office, Çetin acquired a number of movable and immovable properties as a result of these irregular transactions. Furthermore, according to the report released by the Financial Crimes Investigation Board (MASAK), payments for these purchases were made directly by companies working with Medya Inc. and Kültür Inc. It was also stated that the same company was used to transfer sums of money to the personnel of various other companies.

Following the evaluations, authorities decided to detain 22 individuals – including Taner Çetin – on the grounds of their alleged involvement in rigged bids and related bribery processes. Additionally, searches were authorized at their premises, and their assets were ordered to be seized.

The full statement from the Chief Public Prosecutor’s Office reads as follows:

“In our investigation (Case No: 2024/228233) conducted by the İstanbul Chief Public Prosecutor's Office:

Regarding Taner Çetin, who has been associated with Ekrem İmamoğlu since his Beylikdüzü mayorship, and his alleged actions while working under Murat Ongun at Medya Inc. and Kültür Inc.:

Investigations found Taner Çetin organized tenders for favored companies, obtained bribes from winning bidders, and acquired various properties with these illicit gains.

MASAK reports confirm Çetin had payments for these purchases made directly by firms contracting with Medya Inc. and Kültür Inc., with funds also being transferred to other company personnel.

Approximately 22 İstanbul Municipality staff, company representatives, and employees involved in Çetin's rigged bids and bribery processes have been identified as targets, with detention/search/seizure warrants issued. This is publicly announced.”

"It has become abundantly clear that they are coercing detainees into false testimony through blackmail and threats," İmamoğlu reacted to the arrests from prison. “Recent events reveal how they’re now pressuring detainees into false testimony through threats. Those who boasted ‘Just wait—there’s more, bigger scandals, tentacles everywhere’ are left with nothing but coerced statements. This nation didn’t believe your fabricated case then, nor will it believe statements now wrested by threatening detainees’ families and their possessions.”

What happened?
Ekrem İmamoğlu, the President of Turkey's Union of Municipalities and presidential candidate for the main opposition CHP, was first detained on March 19 and then formally imprisoned on March 23. These actions came as part of an ongoing investigation into alleged corruption and terrorism-related activities within İstanbul's Metropolitan Municipality.

The charges brought against İmamoğlu include accusations of bid rigging, unlawful handling of personal data, accepting bribes, and establishing a criminal organization. Shortly after his arrest, Turkey's Interior Ministry suspended İmamoğlu from his official duties as mayor.
(BIA, May 20, 2025)

Le PKK s’auto-dissout, mais le problème kurde n’est pas encore résout

Ragip Duran, TVXS.GR, 18 mai 2025

Crée en 1978 par des étudiants kurdes, le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) menait une lutte armée depuis 1984 contre le gouvernement central turc pour les droits des Kurdes. Cette organisation politico-militaire a réuni son 12. Congrès le 5-7 mai dernier et a décidé à l’unanimité de mettre fin à la lutte armée et sa dissolution. Ce fut d’abord M. Bahceli l’allié d’Erdogan qui avait fait cette proposition le 22 octobre 2024. Et puis Abdullah Ocalan, leader du PKK, avait le 27 février 2025 confirmé cette requête.

Selon les décisions du Congrès rendues public le 12 mai, "Ceci n’est pas une fin, mais un début". Le PKK, sous un autre nom poursuivra ses activités sur le plan politique "pour la paix et la démocratie".

Les documents du Congrès félicitent 52 années de lutte, commémorent ses martyrs et revendiquent "une base juridique pour la réalisation de la paix et d’une Turquie vraiment démocratique".

Le régime (AKP+MHP, le Parti droite islamiste d’Erdogan et celui de Bahçeli, extrême-droite, en tout 320 députés sur 592) a accueilli avec beaucoup d’enthousiasme ces résultats et estime que l’objectif de "la Turquie sans terrorisme" est proche.

Les responsables du DEM (Parti de l’Egalité et de la Démocratie des Peuples, kurdes et gauches, troisième parti du Parlement, 56 sièges) sont également assez contents, mais précisent que le régime doit maintenant préparer la base légale de ce nouveau processus.

La direction du  CHP (Kémaliste, 134 sièges) a déclaré qu’ils sont pour la paix, mais que les négociations doivent être poursuivies au Parlement d’une façon transparente.

La référence négative du Congrès du PKK à la Convention de Lausanne (1923) qui est considérée par la grande majorité de la classe politique turque comme le "Titre de Propriété" de la nouvelle République Kémaliste et celle "aux Génocides" sont violemment critiquées par l’ensemble des partis politiques à l’exception de l’AKP, du MHP et de DEM.

"Le PKK n’est pas la raison principale du problème kurde, il est seulement le résultat" rappelle sur la chaîne Nupel TV, Gunay Arslan, journaliste kurde. "J’ai dans ma famille 5 martyrs. Nous en avons des milliers. Cet adieu n’est pas digne de nos sacrifices, de nos martyrs" ajoute-t-il.

Plusieurs observateurs croient que "la paix n’est pas possible dans un pays où il n’y a pas de démocratie et de la suprématie du droit".

Le gouvernement n’a toujours pas annoncé les pas du futur proche tant attendus par les Kurdes: Amnistie Générale, le Droit à l’Espoir pour Ocalan en prison depuis 1999, nouvelles lois pour renforcer l’autonomie des collectivités locales, abolition des mesures contre la langue et la culture kurdes…    De plus, le régime n’a pas de plan concernant les 15 à 20 milles guérilleros du PKK et ses dirigeants. On ne sait pas comment et où le PKK rendra les armes. "La reconnaissance collective et constitutionnelle de l’identité kurde", le cœur du problème et la principale revendication de l’ensemble des Kurdes, n’est pas non plus dans l’ordre du jour du régime.

L’opinion publique en général n’est pas encore satisfaite des initiatives du PKK et de celles du régime. Une grande partie de l’opposition turque croit qu’il s’agit "d’un complot de l’impérialisme américain" et que DEM passe du côté du pouvoir pour faire une nouvelle Constitution et perdurer la Présidence d’Erdogan.

Par ailleurs, les spécialistes des Relations İnternationales constatent qu’Ankara "a dû reconnaître de facto l’entité kurde proche du PKK formée dans le nord de la Syrie". L’armée turque ne sera plus capable de réaliser des opérations ni en Syrie ni en Irak du nord, ajoutent-ils.

"Le problème kurde restera encore longtemps sur l’agenda politique de la Turquie, mais aussi en Syrie, en Irak et voire en Iran" prévoit le Prof. Hamit Bozarslan de l’EHESS de Paris.


Police detain nearly 100 students protesting controversial cleric at Boğaziçi University

Police detained 97 people, including a journalist, during a student protest yesterday at İstanbul's Boğaziçi University, where a controversial cleric was scheduled to speak.

The demonstration, which took place on the university’s North Campus, targeted Nureddin Yıldız, a cleric known for legitimizing violence against women and child marriage.

The protest was sparked by an event organized by the Boğaziçi University Islamic Studies Club (BİSAK), which announced Yıldız as a guest speaker. Yıldız, who heads the Social Fabric Foundation (Sosyal Doku Vakfı), an Islamic group, has drawn criticism for public statements defending domestic violence against women and child marriage. In response, students organized a demonstration to denounce the university’s decision to host him.

At around 5.30 pm local time, students assembled in front of the North Pyramid to read out a statement condemning the event. They chanted slogans such as “Yıldız, get off my campus!”, “This blockade will be broken: Council of Higher Education, police, media!”, “Where were the police when women were dying?”, and “No to sharia, fascism, and darkness!”

After reading their statement, the students attempted to march to the North Park building, where the event was to take place. Private security blocked access to the building. Police forces then entered the campus.

Around 7.30 pm, police warned the students to disperse and "not to harm security personnel." As students pushed against the police barricade, officers began to use force to disperse them. During the altercation, a group of students and T24 news site reporter Can Öztürk were surrounded and eventually apprehended.

A heavy police presence remained on campus for hours. Riot police and private security forces also gathered at the North Gate to prevent students from leaving the university grounds.

Meanwhile, tensions rose outside the campus between students and members of the Great Eastern Islamic Raiders' Youth Organization (Büyük Doğu Akıncıları Gençlik Teşkilâtı), an Islamist youth group that had assembled to attend the event but was not allowed to enter the campus.

As police allowed students to exit in small, controlled groups, a woman leaving the campus alone was reportedly assaulted by members of the Islamist group. Following the incident, students confronted the riot police, asking, “Isn’t there a single officer here to protect women?”

Students also reported that police prevented them from delivering a sanitary pad to a student trapped inside the blockade.

While clashes continued outside, the event with Yıldız proceeded as planned. A group of students affiliated with the Workers’ Party of Turkey (TİP) managed to sneak into the hall and threw eggs at Yıldız in protest.

Video capturing moments of TİP members' protest:

On May 12, the day before the event, another group of TİP students wrote “No to fascism, no to sharia” on the BİSAK clubroom. The university's trustee-appointed administration announced via the Boğaziçi University Media Center’s X account that it would file a criminal complaint over the incident.

In its statement, the Media Center said, “Boğaziçi University is an institution grounded in freedom of thought and expression, prioritizing pluralism and participation. Any attempt by a group to exert control through violence, pressure, or hate speech will find no support among the university community or administration.”

The İstanbul Governor’s Office issued a statement at night, saying, “A group that gathered inside Boğaziçi University’s North Campus to obstruct a student club activity attacked the riot police units.” Thirteen officers sustained minor injuries and 97 protesters were taken into custody, it added. (BIA, 15 May 2025)

L'opposition réunit des dizaines de milliers de personnes à Istanbul

L'opposition turque a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes mercredi soir à Istanbul, sept semaines après l'arrestation du maire de la ville, Ekrem Imamoglu, dont le sort continue d'agiter la Turquie, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Notre lutte est une lutte pour la démocratie. Pour la liberté !", a lancé le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Özgür Özel, qui tente de maintenir la vaste mobilisation déclenchée par l'arrestation le 19 mars de M. Imamoglu.

Les manifestations en soutien au maire emprisonné d'Istanbul, principal rival du président turc Recep Tayyip Erdogan, ont perdu en intensité au fil des semaines, après avoir essaimé dans le pays et avoir rassemblé des dizaines de milliers de personnes chaque soir à Istanbul aux premiers jours de la contestation, inédite depuis 2013.

"Hé Erdogan (...) Tu partiras comme tu es venu", a clamé M. Özel, chef de la principale force d'opposition, devant le grand portail de l'université d'Istanbul qui avait annulé le diplôme de M. Imamoglu le 18 mars, à la veille de son arrestation, l'empêchant de facto d'être candidat à l'élection présidentielle de 2028, malgré l'investiture de son parti.

"Nous sommes venus ici aujourd'hui pour récupérer (son) diplôme", a poursuivi M. Özel, juché sur un autocar face à une foule dense, exhortant une nouvelle fois le président Erdogan à convoquer des élections anticipées.

Selon M. Özel, une pétition du CHP demandant la libération de M. Imamoglu - incarcéré pour "corruption", ce qu'il nie - et la tenue d'élections dans les plus brefs délais a récolté 14,8 millions de signatures à travers le pays. (AFP, 7 mai 2025)

Ils ont combattu pour la liberté et la fraternité des peuples



Nos valeureux disparus la première semaine de mai

Doğan Özgüden, Artı Gerçek, 5 mai 2025

 
Il y a deux jours, avec İnci, alors que nous préparions sur les réseaux sociaux la commémoration du premier anniversaire du décès de notre cher et estimé collègue Celal Başlangıç, que nous avons accompagné le 3 mai de l’année dernière, la sombre nouvelle tombait sur les écrans : l’un des leaders de la lutte pour la liberté et la fraternité des peuples, notre estimé artiste, penseur et homme politique Sırrı Süreyya Önder s’en est également allé un 3 mai.

Comme dans le reste du monde, le mois de Mai qui débute dans notre pays avec les manifestations du jour d’unité, de lutte et de solidarité de la classe ouvrière et des peuples opprimés nous déchire aussi le cœur à compter de sa première semaine, depuis 53 ans, par la perte des estimés enfants du peuple morts dans la lutte pour la liberté, la fraternité et la solidarité de nos peuples.

Oui, nous n’oublierons jamais le meurtre odieux, il y a 53 ans d’ici, des trois jeunes pousses, Deniz Gezmiş, Yusuf Arslan ve Hüseyin İnan, sur la potence de la prison centrale d’Ankara dans l’obscurité de la nuit du 6 mai 1972, sur ordre de la junte de 1971 et avec l’approbation de l’Assemblée nationale et du Sénat de la République de cette époque. 

Je me souviens de ma dernière rencontre avec Deniz Gezmiş qui, au moment de son exécution, a crié : « Vive la fraternité et la lutte pour l’indépendance des peuples turc et kurde ! »… C’était fin septembre 1969. J’attendais que l’huissier me convoque pour comparaître devant la 4e Cour pénale d’Istanbul à cause d’un article que j’avais publié dans Ant. Soudain, il y eut un énorme vacarme à la porte d’entrée, Deniz Gezmiş, menotté par la police à l’avant, et les jeunes révolutionnaires derrière…

Deniz avait été arrêté par la police qui avait fait une descente à la Faculté du Droit à l’appel du doyen de la faculté, le professeur Orhan Aldıkaçtı, qu’il était allé rencontrer ce jour-là, et conduit au tribunal pour que sa condamnation par contumace soit rendue effective. Ils emmenèrent immédiatement Deniz dans une salle d’attente un étage plus bas.

Une fois mon audience terminée, je descendis et je retrouvai Deniz. Il était toujours menotté et aussi inquiet. « Des amis m’ont dit que tu avais été acquitté, courage », me dit-il… « Mais ces poursuites contre la presse révolutionnaire et la jeunesse révolutionnaire ne finiront jamais. Nous devrons faire face à des choses bien plus graves… Ils ont tué Mehmet Cantekin… Qui d’autre sera abattu ? Même s’ils me libèrent demain, me laisseront-ils en vie ? Mais nous résisterons… »  

Deniz avait raison. Le jour de son arrestation, Mustafa Taylan Özgür fut également abattu à Istanbul, et la machine à tuer était lancée. À peine trois ans plus tard, ils n’épargnèrent pas Deniz, Yusuf et Hüseyin…

Je n’ai jamais rencontré en personne Yusuf Arslan et Hüseyin İnan, mais j’appris à les connaître par leur nom grâce aux messages qu’ils m’envoyaient alors qu’ils étaient en état d’arrestation après leur retour de Palestine. Dans leurs écrits que je partageai dans la revue Ant, ils déclaraient : « Dans les conditions actuelles, en particulier au Moyen-Orient que l’impérialisme a transformé en une zone de guerre chaude, l’établissement d’un front anti-impérialiste par tous les peuples, les peuples de Turquie, d’Iran, arabe, de Chypre et kurde, et la fondation d’un Cercle révolutionnaire moyen-oriental, est l’une des principales conditions pour porter un coup dévastateur à l’impérialisme ».

1973 : İbrahim Kaypakkaya, 1985 : Fikri Sönmez

J’ai connu personnellement İbrahim Kaypakkaya, torturé pendant quatre mois durant son interrogatoire à Diyarbakır après avoir été capturé dans son combat contre le fascisme du 12 mars, et décédé des suites de ces sévices le 18 mai 1973, dans les années de résistance révolutionnaire des années 60 alors qu’il était un leader étudiant militant de l’École normale supérieure d’Istanbul. Chaque fois qu’il venait rendre visite à la revue Ant, dont il était un lecteur régulier, nous avions de longues conversations non seulement sur la résistance étudiante mais aussi sur les problèmes du mouvement socialiste. Nos publications sur les questions nationales et antimilitaristes étaient les sujets qui intéressaient le plus Kaypakkaya.

J’avais publié des documents relatifs aux pressions exercées par l’administration fascisante de l’École normale supérieure d’Istanbul et la chasse à l’homme visant İbrahim Kaypakkaya dans les numéros de la revue Ant datés des 11 février et 22 avril 1969.

Dans ces circonstances, ils nous rendaient souvent visite à Ant pour discuter. Il avait accueilli avec enthousiasme notre publication de l’Histoire Kurde de Cheref Khan… Après le coup d’État du 12 mars, au sein du mouvement politique auquel il appartenait, en déclarant « Les Kurdes sont également une nation et ils ont le droit à l’autodétermination », il avait apporté une grande contribution à la lutte pour la liberté et la fraternité des peuples en Turquie, qui prit dans les années suivantes une dimension de masse.

L’une des victimes inoubliables de Mai est sans nul doute Fikri Sönmez, arrêté dans le cadre de l’opération militaire lancée contre le gouvernement municipal révolutionnaire de Fatsa, un quart d’heure avant le coup d’État de 1980, et décédé le 4 mai 1985 des suites de conditions de détention inhumaines.

Fatsa fut l’une des expériences municipales révolutionnaires des années 70, sous l’administration de Fikri Sönmez, qui fut élu maire lors des élections de 1979 auxquelles il prit part en tant que candidat indépendant, en recevant plus de voix que les candidats de tous les partis.

La vie à Fatsa commença à changer rapidement après l’accession de Sönmez à la tête de la mairie, et la participation directe de la population à l’administration fut assurée par les comités populaires érigés à cette fin. Le changement extrêmement rapide et visible dans la vie de Fatsa horrifia les représentants des classes dominantes et les politiciens. Tandis que les médias collaborationnistes essayaient d’exciter l’opinion publique contre Fatsa en répandant des nouvelles mensongères comme « Occupation communiste à Fatsa ! » ou encore « Interdit d’entrer à Fatsa sans passeport ! », le premier ministre de l’époque, Demirel, incitait également l’armée, en plein préparatif du coup d’État du 12 septembre, en déclarant : « Si vous laissez faire, une centaine de Fatsa supplémentaires émergeront ».

Avec l’opération « Point final » lancé le 11 juillet 1980 avec la participation d’unités militaires transférées d’Erzincan et de Sarıkamış, il fut mis un terme à l’administration municipale révolutionnaire de Fatsa et le maire Fikri Sönmez fut aussi arrêté et soumis à la torture… Après le coup d’État militaire du 12 septembre 1980, survenu deux mois plus tard, les opérations s’étendirent à toute la Turquie et Fikri Sönmez mourut en prison le 4 mai 1985.

2011 : Halit Çelenk, 2020 : Şekibe Çelenk

Nous fîmes également nos adieux, il y a 14 ans, le 5 mai 2011, à l’éminent avocat Halit Çelenk, qui défendit Deniz Gezmiş, Yusuf Arslan ve Hüseyin İnan devant le tribunal de la loi martiale, et les accompagna lors de leur exécution le 6 mai 1974 en assistant à leurs proclamations de foi révolutionnaires avant qu’ils ne rendent leur dernier souffle.

Neuf ans plus tard, le 21 février 2020, nous perdions l’avocate Şekibe Çelenk, « la sœur Şekibe des Deniz », qui fut la compagne dans la vie comme dans la lutte de Halit Çelenk, notre éminent homme de loi qui se consacra avec dévouement à la direction du Parti ouvrier de Turquie et des organisations de défense des droits humains, tout comme il prit en charge la défense de tous les révolutionnaires à partir des années 60. Je les avais connus en luttant ensemble dans les premières années d’organisation du Parti ouvrier de Turquie. J’entendis parler pour la première fois d’Halit Çelenk par les amis avocats du parti à Izmir. Ils étaient heureux que notre estimé juriste ait rejoint les rangs du parti aux côtés de sa femme Şekibe Çelenk.

Plus tard, lors de mes fréquentes visites à Ankara en qualité de journaliste, de syndicaliste et de membre du parti, j’eus l’occasion de faire personnellement la connaissance de Çelenk, ainsi que d’autres très précieux membres du parti comme le légendaire syndicaliste Tahir le Plébéen (Öztürk) et Uğur Cankoçak. Ils occupaient une place à part dans la section d’Ankara avec leurs relations interpersonnelles chaleureuses, leurs maitrises des dossiers et leurs personnalités inspirant à leurs interlocuteurs, dès la première rencontre, un profond respect et confiance.

En 1963, sur l’insistance du président Mehmet Ali Aybar, je quittai Izmir et pris mes fonctions au bureau de presse du siège central du TİP à Istanbul. Dans les jours où nous travaillions ensemble, je me souviens très bien comment Aybar parlait toujours d’Halit Çelenk et de Şekibe Çelenk avec estime et amour. Lorsqu’il était question de sujets juridiques, il contactait systématiquement Ankara et demandait l’avis d’Halit Çelenk.

Bien qu’un grand succès numérique n’ait pu être obtenu lors des élections de 1963, la voix du Parti ouvrier de Turquie, du mouvement socialiste, fut entendue pour la première fois par le peuple de Turquie sur la radio d’État, posant les bases du succès aux élections générales de 1965 qui devaient se tenir deux ans plus tard. L’une des 15 membres du parti qui firent entendre la voix du parti à la radio était Şekibe Çelenk.

2024 : Celal Başlangıç

Nous avons perdu l’an passé, le 3 mai 2024, notre cher confrère et ami Celal Başlangıç, l’un des leaders de la lutte pour la liberté et la fraternité de nos peuples dans les médias turcs depuis les années 70, avec qui nous collaborâmes à partir de la fondation d’Artı Gerçek.

J’ai perdu de nombreux collègues estimés au cours de mes 73 ans de journalisme… Je ne sais pas combien il reste de survivants de notre génération des années 50 d’opposants au gouvernement du Parti démocrate (DP), arrivé au pouvoir avec des promesses de démocratie avant de procéder aussitôt à l’envoi de troupes en Corée et à l’intégration de la Turquie dans l’OTAN pour défendre les intérêts de l’impérialisme US et du capital collaborationniste, au lancement de la célèbre rafle anticommuniste de 1951 et à la déchéance de nationalité de Nazım Hikmet, tout comme il manifestera une hostilité envers la presse libre…

Celal Başlangıç est né à Istanbul dans ces années-là et a commencé sa carrière de journaliste à Izmir au milieu des années 70. Comme nous avons été contraints de poursuivre notre lutte à l’étranger après le coup d’État du 12 mars 1971, je n’eus jamais l’occasion de travailler avec lui comme journaliste en Turquie… Mais j’assistai à son travail journalistique extrêmement réussi dans les journaux Politika, Cumhuriyet, Evrensel et Radikal, qui m’étaient livrés par courrier de Turquie…

Nos chemins croisèrent ceux de Celal à Bruxelles, alors qu’il était l’une des cibles de la terreur lancée contre les médias et les journalistes d’opposition après la pseudo-tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, et qu’il était contraint de poursuivre sa lutte en exil, tout comme nous 45 ans auparavant.

Lors de cette rencontre, Celal m’avait entretenu de son projet qui ne portait pas encore le nom d’Artı Gerçek, et m’avait proposé d’en être l’un des contributeurs. Durant notre demi-siècle d’exil consécutif au coup d’État du 12 mars 1971, nous avions essayé de contribuer, en plus de notre propre entreprise d’édition de bulletins d’informations, de livres et de brochures en diverses langues, Info-Türk, à de nombreux journaux, revues et agences de presse tant en Turquie qu’à l’étranger. Tous ont leur place dans l’histoire des luttes.

Cependant, en 2017, ce fut une première dans notre histoire médiatique qu’un grand nombre de journalistes renommés se réunissent en exil et donnent vie à Artı Gerçek… Celal Başlangıç et ses amis accomplirent une tâche difficile et, surmontant de grandes difficultés financières, lancèrent Artı Gerçek en février 2017.

Dans son article publié dans le premier numéro, Celal Başlangıç déclarait « « La relation de la Turquie à la vérité est chaque jour un peu plus rompue par le gouvernement de l’AKP. Les médias qui expriment la vérité sont fermés les uns après les autres. Ceux qui sont encore en mesure de paraitre sont corrigés à coups de sanctions financières et de peines de prison pour être soumis. C’est face à ce tableau que nous avons visé une publication sans censures et autocensures. Nous avons voulu, comme personnes ayant fait des années durant du journalisme, apporter une contribution, aussi petite soit-elle, pour ceux qui défendent la démocratie, la paix et les libertés en Turquie. Bonne chance à nous pour un média libre et une Turquie démocratique ».

Un mois plus tard, Artı TV, une avancée majeure dans l’audiovisuelle, était lancé. Être aux côtés de mes amis journalistes, dont j’ai toujours été fier de la combativité sans concession, lors de la cérémonie d’inauguration qui fut organisée à Cologne, fut l’un des évènements les plus heureux de ma vie professionnelle.

La dégradation de jour en jour de l’état de santé de Celal dans les dernières années fut une source de grande inquiétude et de tristesse pour İnci et moi…

Il y a deux ans, le 9 juin 2023, lors de la projection à Cologne du documentaire « Apatride » réalisé par Esra Yıldız sur notre vie et nos luttes, durant laquelle Celal, malgré ses problèmes de santé, et son épouse Ayşe Yıldırım, s’étaient joints à nous, avec la participation d’Osman Okkan jusqu’à une heure tardive, nous avions eu un entretien chaleureux en nous souvenant du bon vieux temps.

Je me souviendrai toujours de lui avec amour comme d’un collègue exemplaire, de mon rédacteur en chef et voisin de page dans Artı Gerçek et, de plus, comme d’un ami proche.

2025 : Sırrı Süreyya Önder

Sırrı Süreyya Önder, que nous avons perdu le 3 mai, avait été très bien présenté dans l’article d’Ali Duran Topuz dans Artı Gerçek, intitulé « Ce Sırrı Süreyya ne s’arrête jamais ! », à propos de ses pépins de santé alarmants qui avaient secoué tout le monde culturel et politique : « Une minorité dans la minorité. Un socialiste révolutionnaire d’une ville et d’une famille pauvre économiquement et riche culturellement ».

Malheureusement, je n’ai jamais pu côtoyer Sırrı Süreyya Önder, mais son père Ziya Önder et moi avions pris part à la même époque à la lutte socialiste dans des régions géographiques différentes. Au début des années 60, alors que j’avais exercé des responsabilités dans l’organisation du Parti ouvrier de Turquie à Izmir, puis à Istanbul, Ziya Önder était l’un des organisateurs du parti à Adıyaman et en fut le premier président provincial.

Ayant perdu son père alors qu’il n’avait que huit ans, Sırrı Süreyya Önder se lança dans la lutte politique alors qu’il était étudiant au Lycée d’Adıyaman. Il fut arrêté pour avoir été parmi les manifestants contre le massacre de Maraş en 1978 et purgea sept années de prison après le coup d’État de 1980.
 
Après être devenu célèbre avec le film Beynelmilel, Önder a participé en tant que scénariste, réalisateur, consultant et acteur, à la production des films « O… Çocukları [Enfants de p… », « Emret Komutanım [À vos ordres mon commandant] », « Sis ve Gece [Brouillard et Nuit] », « Ada : Zombilerin Düğünü [Ile : le mariage des zombies] », « F Tipi Film [Film sur les prisons de type F], « Ejder Kapanı [Piège du dragon] », « Mar [Serpent] », « Düğün Dernek [Association de mariage] » et « Yeraltı [Sous-terrain] ». Après son entrée au Parlement lors des élections de 2011, il a toujours été à l’avant-garde des initiatives en faveur de la démocratie et de la paix en tant que député du Parti de la Paix et de la Démocratie (Barış ve Demokrasi Partisi – BDP), du Parti démocratique des Peuples (Halkların Demokratik Partisi – HDP), et plus récemment, du parti de l’Égalité et de la Démocratie des Peuples (DEM).
 
Nous savons que, pendant qu’Önder menait ces activités, il attachait une grande importance à la formation d’alliances démocratiques avec les autres partis de la gauche de l’échiquier politique et qu’il était toujours en dialogue et en échange de vues avec eux.

Après la mort d’Önder, les sentiments exprimés par Ali Duran Topuz dans son article paru hier dans Artı Gerçek et intitulé « Sırrı Süreyya, qu’as-tu fait ? » sont également ceux que nous partageons avec İnci :

« Il a été traducteur entre Turc et Kurde, nous avons perdu notre capacité à nous comprendre. Il nous a fait goûter au plaisir d’un humour empreint de sagesse populaire, nous avons perdu notre joie. Nous avons perdu notre meilleur ami ».

Le mois de Mai qui, en différentes années, a arrachés à leurs camarades, à leurs amis et surtout à la lutte pour la liberté et la fraternité des peuples, Deniz Gezmiş, Yusuf Arslan, Hüseyin İnan, İbrahim Kaypakkaya, Fikri Sönmez, Halit Çelenk, Celal Başlangıç et Sırrı Süreyya Önder, ne seront jamais oubliés.

Traduction: Mazyar KHOOJINIAN

A Istanbul, un 1er mai sous le signe de la résistance à Erdogan

« Un jour viendra, la roue tournera, l’AKP rendra des comptes au peuple ! » scandent les avocats du barreau d’Istanbul – dont le président est visé par une procédure de destitution – dans le cortège du 1er mai. Sous une pluie battante, la foule converge vers Kadiköy, sur la rive asiatique, à l’est de la métropole turque.

C’est peu dire que ce 1er mai a une coloration très politique, après l’arrestation d’Ekrem Imamoglu, le maire d’Istanbul, le 23 mars dernier, et les vagues d’incarcérations qui ont suivi. L’AKP, le Parti de la justice et du développement du président turc Recep Tayyip Erdogan, est particulièrement contesté dans les rangs de cette marche à l’appel de la Confédération révolutionnaire des syndicats de Turquie (Disk), de la Confédération des fonctionnaires (Kesk), de l’Union des chambres d’architectures de Turquie (TMMOB) et de l’ordre des médecins (TTB), autour du mot d’ordre « Nous gagnerons ».

Depuis l’arrestation d’Imamoglu, Özgur Özel, le secrétaire général de son parti, le CHP (le Parti républicain du peuple, social-démocrate), a tenu deux meetings par semaine. Lors du dernier, à Basaksehir, à l’ouest d’Istanbul, la veille de la fête des droits des travailleurs, il y a salué d’une voix éraillée tous les « démocrates » réunis et a appelé à se rendre au rassemblement du 1er mai, à la fois avec le syndicat Disk à Kadiköy, et à Kartal avec le syndicat Türk-Is. Les autres partis de gauche, notamment le DEM (Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples), représentation politique des Kurdes, le Parti des travailleurs (TIP), le Parti de gauche (SOL) et le Parti communiste (TKP) avaient également appelé à se rendre à Kadiköy.

« Une des plus grandes manifestations d’Istanbul »

Avant même la manifestation, dans le train urbain Marmaray, à l’approche du point de rendez-vous, Ali Ercan Akpolat, maire CHP d’un arrondissement, interpelle les passagers, rappelant la situation d’Imamoglu qu’il affirme avoir vu la veille. Autour de lui, des slogans fusent : « Tous ou aucun, seul on ne peut se sauver ! » – un emprunt à Brecht –, certains entonnent déjà la chanson turque traditionnelle du 1er mai. Quelques instants plus tard, elle résonne dans les rues où les manifestants chantent, dansent et s’époumonent, agitant leurs banderoles et leurs drapeaux, abrités sous des casquettes floquées de leur logo syndical. Certains sont venus de loin pour manifester, parfois jusqu’à 100 kilomètres alentour.

Dans le cortège, Turgut Dedeoglu, le président de la Disk journalisme, annonce « une des plus grandes manifestations d’Istanbul », rappelant que les arrestations vont au-delà des responsables politiques : « Plus de 30 journalistes ont été arrêtés » depuis le 23 mars. Mais la forte inflation que traverse le pays et le chômage ont aussi leur part dans cette affluence. « Les chiffres réels du chômage atteignent 28,8 % de la population active, soit 11 730 000 personnes, un record », indiquait le quotidien de gauche Bir Gün, dans son édition du 30 avril.

« Un programme a été mis en œuvre par la bourgeoisie nationale et internationale pour reprendre les droits des travailleurs », analyse Özkan Atar, le président de la branche métallurgie de la Disk. Et le pays subit des privations de libertés syndicales : « Il y a eu de nombreuses interdictions de grèves, mais aussi de former des syndicats, et des licenciements. » Un recul qui provoque, selon Özkan Atar, « de nombreuses protestations des travailleurs ». « L’arrestation du maire d’Istanbul et d’autres élus, pour les remplacer par des administrateurs, a ouvert la voie à une résistance sociale et démocratique, et c’est ce qui converge aujourd’hui », conclut-il.

Plus de 400 arrestations

Le bleu de la Disk textile vient trouer le rouge omniprésent de la confédération. Juste devant les partis politiques, les étudiants d’Istanbul réclament une « université gratuite et universelle ». Sur la place de Kadiköy où se rejoignent les cortèges partis de l’ancienne gare d’Haydarpasa et de la gare de Sögütlücesme, les manifestants tiennent bon, sautillant au rythme des slogans, des refrains de Bella Ciao, engoncés dans des ponchos de plastique pour se préserver des averses.

Depuis la scène où se tient le meeting syndical, une déclaration de Selahattin Demirtas, leader de la gauche pro-Kurdes emprisonné par le régime d’Erdogan, est lue : « Nous résisterons jusqu’à bâtir ensemble un système démocratique. » En ce 1er mai, plus de 400 personnes ont été arrêtées à proximité de la place Taksim, interdite aux manifestations depuis le 1er mai sanglant de 1977, selon le quotidien Cumhuriyet. La mobilisation populaire est au rendez-vous, mais il reste encore du chemin à parcourir. (L'Humanité,  1 mai 2025)

Two sides of May Day in İstanbul: Police crackdown and celebrations under control

On May Day, thousands of people filled the streets of İstanbul in a powerful show of solidarity and protest, but the city was split in two.

On one side of the Bosphorus, in Taksim, a symbolically important venue for the labor movement, heavily guarded streets and police barricades met leftist demonstrators who attempted to march toward the symbolic square, resulting in widespread detentions and scenes of confrontation.

On the other side, Kadıköy on the city's Asian shores, a government-approved gathering unfolded in a markedly different atmosphere, orderly and celebratory, with trade unions, professional associations, and opposition party members rallying under banners calling for labor rights, democracy, and justice.

Heavy crackdown on Taksim marchers

In the early hours of the day, union representatives laid wreaths at the Republic Monument in Taksim Square to commemorate those who lost their lives during the 1977 Bloody May Day. These events are the only May Day commemorations permitted in the square in recent years.

Authorities imposed unprecedented road closures and public transport restrictions to prevent access to Taksim. The security perimeter extended far beyond the square itself, with key roads in Şişli and Fatih districts also sealed off.

Metro stations in and around Taksim, including those located before and after the square, were shut down, effectively paralyzing movement across a large part of the city and severely limiting access for those attempting to join the demonstrations.

In defiance of government restrictions, leftist groups that came together under the May 1 Taksim Organizing Committee gathered early in the day in the Şişli and Mecidiyeköy neighborhoods, calling on the public to “reclaim Taksim.” The square has long been a symbolic site for the labor movement.

Clashes began around 10.30 am local time (GMT+3) as various groups began marching through side streets toward Taksim, meeting with a firm police response. The İstanbul branch of the Progressive Lawyers Association (ÇHD) reported that more than 400 people had been taken into custody by 3.20 pm, including at least nine lawyers.

Among those detained were members of socialist groups, youth organizations, and union representatives.

“We are determined. We will not let the resistance of the people and youth be crushed,” the organizing committee stated in a social media post. “We continue to resist and march. The pressures and detentions could not stop the resistance of the people.”

Notable detentions included Murat Çepni, co-chair of the Socialist Party of the Oppressed (ESP), and members of the Progressive Lawyers Association (ÇHD), such as Rojhat Tunç and Saruhan Efe Kadaifçi. Police also intervened against journalists covering the events, including bianet editor Ayşegül Başar.

“Everyone should be ashamed to be behind this barrier,” shouted one protester in Şişli. Opposition politicians, including Republican People’s Party (CHP) İstanbul chair Özgür Çelik and MP Mahmut Tanal, were also present at the scene and condemned the restrictions.

Taksim’s importance

Taksim Square and the adjacent İstiklal Avenue, among İstanbul’s main tourist hubs, have long been central to social movements in Turkey, leftist and otherwise, and a flashpoint for May Day tensions.

In 1977, during a massive May Day rally in Taksim Square, unidentified gunmen opened fire on the crowd, triggering a stampede that left 34 people dead. The event became known as “Bloody May Day.”

After the 1980 military coup, authorities banned May Day celebrations in Taksim, sparking annual confrontations between police and protesters attempting to reclaim the square. A brief period of official tolerance followed under the ruling Justice and Development Party (AKP), which legalized rallies in Taksim from 2010 to 2012.

However, the square was once again closed off in subsequent years. Currently, only small delegations are permitted to enter the square to lay carnations in memory of those killed in 1977.

Despite the longstanding ban, this year’s call to march on Taksim came from roughly 40 groups, including trade unions and socialist organizations. In the days leading up to May Day, police carried out preemptive raids, detaining several members of the organizing committee.

The permitted rally

On the Asian side of the city, thousands gathered in Kadıköy for an authorized May Day celebration organized by leading labor confederations such as the Confederation of Progressive Trade Unions of Turkey (DİSK), the Confederation of Public Employees’ Trade Unions (KESK), the Union of Chambers of Turkish Engineers and Architects (TMMOB), and the Turkish Medical Association (TTB).

Marchers convened near Numune Hospital and Söğütlüçeşme before proceeding to Rıhtım Square, where a rally was held under the slogan “We will win for labor, peace, democracy, and justice.”

While the event was peaceful, security was tight. Police controlled entry points, conducted body searches, and inspected banners. A humorous protest sign by CHP youth members, “You can’t run a state with turnips and pickles," was barred from entry. The banner referred to the ongoing corruption investigation against the now-suspended İstanbul Mayor Ekrem İmamoğlu, who is a member of the CHP.

CHP’s Kadıköy district chair Ali Narin called the ban “a reflection of the regime of repression,” adding, “This restriction on our young people’s satirical expression is unacceptable.”

Labor leaders and local officials, including DİSK Chair Arzu Çerkezoğlu and the CHP mayor of Üsküdar, led the march. Demonstrators chanted slogans such as “Union, despite everything,” and “AKP to the grave, people to power.”

The rally also emphasized solidarity with imprisoned journalists and political figures. Signs carried by workers read “Don’t touch my severance pay” and “Dignified life, secure jobs.” The event began with a moment of silence and a performance by the Ruhi Su Friends Choir.

Manifesto

During the rally, representatives of the organizing unions read a joint “May Day 2025 Manifesto,” declaring a vision for a fairer, more democratic Turkey. The statement outlined demands including secure employment, protection of union rights, gender equality, and freedom of expression.

“A country where no one is a second-class citizen… where journalists, artists, and political opponents are not jailed, is possible,” the manifesto read. “There is no salvation alone—either we all unite, or none of us succeed.” (BIA,  1 May 2025)

Amnesty dénonce des arrestations avant le 1er mai

L'ONG Amnesty International a dénoncé mercredi l'arrestation d'une centaine de personnes avant le 1er mai en Turquie, exhortant les autorités à lever l'interdiction de manifester sur l'emblématique place Taksim d'Istanbul.

Ces restrictions "sont fondées sur des raisons de sécurité et d'ordre public totalement fallacieuses et (...) doivent être levées de toute urgence", a affirmé Dinushika Dissanayake, directrice régionale adjointe d'Amnesty pour l'Europe, citée dans un communiqué.

La police d'Istanbul a procédé depuis le début de la semaine à plus de 100 arrestations de personnes ayant appelé à des rassemblements le 1er mai sur la place Taksim, selon des médias turcs.

A de rares exceptions, les rassemblements sont interdits sur cette grande esplanade depuis que des manifestations, parties du parc Gezi voisin, y avaient fait trembler le pouvoir en 2013.

Comme les années précédentes, la police a d'ores et déjà bouclé la place, théâtre passé de grandes luttes pour la démocratie, ont constaté depuis mardi des journalistes de l'AFP.

Des barrières avaient déjà été érigées tout autour de la place en mars après l'arrestation du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, qui a provoqué une vague de contestation d'une ampleur inédite depuis les grandes manifestations de 2013.

Le gouverneur d'Istanbul, Davut Gül, a qualifié de "provocation" les appels à s'y rassembler, prévenant que ces derniers seraient punis.

Selon Amnesty International, cette interdiction de facto de manifester place Taksim contrevient à une décision de la Cour constitutionnelle turque de 2023, qui avait estimé que les restrictions d'y célébrer le 1er mai violaient le droit des syndicats à la liberté de réunion. (AFP, 30 avr 2025)

Une cinquantaine d'arrestations dans l'enquête visant le maire d'Istanbul

Près d'une cinquantaine de proches et partisans du maire d'opposition d'Istanbul, incarcéré fin mars, ont été arrêtés dans le cadre de l'enquête pour corruption qui le vise, a annoncé samedi le parquet de la ville turque.

"Dans le cadre de l'enquête, des mandats d'arrêt ont été émis à l'encontre de 53 personnes" à Istanbul et Ankara notamment, dont "47 ont été arrêtées", a annoncé le parquet général d'Istanbul dans un communiqué.

Le maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, l'un des plus farouches opposants au président Recep Tayyip Erdogan, a été arrêté le 19 mars et placé en détention le 25, accusé de "corruption", alors qu'il devait être désigné par son parti, le CHP, comme son candidat à la future élection présidentielle.

Parmi les personnes arrêtées samedi matin, selon la presse turque, figurent le chef de cabinet du maire, Kadriye Kasapoglu, le frère de son épouse Dilek Imamoglu, le responsable de l'administration chargée des Eaux et d'anciens responsables de la mairie.

Selon le site d'information Bir Gün, proche de l'opposition, des perquisitions étaient toujours en cours samedi matin au domicile des personnes concernées, à Istanbul, Ankara et Tekirdag (nord-ouest).

Pour le responsable provincial du Parti républicain démocrate (CHP) d'Istanbul, Özgür Celik, ces arrestations sont liées à l'opposition de la municipalité au grand projet controversé de "Kanal Istanbul", censé doubler la voie maritime du Bosphore.

Le projet, présenté par le président Erdogan, alors Premier ministre, en avril 2011 relierait la mer Noire et la mer de Marmara afin de désengorger le détroit du Bosphore sur 50 km de long, 150 m de large et 25 m de profondeur.

Il est fortement décrié par les défenseurs de l'environnement car il empièterait sur des terrains naturels et agricoles et altèrerait le bassin de retenue qui alimente en partie Istanbul en eau.

"L'opération d'aujourd'hui n'est pas une coïncidence", affirme M. Celik sur X, en expliquant que l'administration des eaux et canalisations de la mégapole (Iski) a ordonné la démolition et l'arrêt des chantiers de construction le long du tracé du canal.

"Les employés de la municipalité qui se sont opposés (au projet) sont actuellement au poste de police principal", a-t-il ajouté.
 "Le prix que fait payer le gouvernement minoritaire à notre pays devient chaque jour plus lourd", a-t-il accusé.

Le vice-président du groupe CHP au Parlement, première force d'opposition, Gökhan Günaydin, a également affirmé que "la vraie raison de ces arrestations est le canal Istanbul", et estimé que "la municipalité métropolitaine d'Istanbul est devenue pratiquement inopérante", privée de la majorité de ses cadres.

Les autorités turques ont entamé un projet immobilier de logements sociaux et ont mis en vente récemment des terrains adjacents au tracé du futur canal à grand renfort de publicité dans les pays du Golfe. (AFP, 26 avr 2025)

Pression sur les médias / Pressure on the Media

Journalist Öznur Değer’s terrorism trial opens for her reports on PKK

Turkish authorities should release Öznur Değer ahead of her trial on Thursday and stop conflating reporting on the Kurdistan Workers Party (PKK) with publishing propaganda for the outlawed group, the Committee to Protect Journalists said Wednesday.

“The prosecution of Öznur Değer is yet another example of the witch hunt against critical journalists in Turkey. Reporting on sensitive issues does not equate with promoting violence,” said Özgür Öğret, CPJ’s Turkey representative. “Turkish authorities should quickly free Değer, drop the charge against her, and put an end to such vindictive prosecutions.”

Değer, news director for the pro-Kurdish site JİNNEWS, was taken into police custody during a February 7 raid on her home in the southeastern city of Mardin and put under arrest by a court.

The court subsequently charged her with making propaganda for the PKK, which Turkey recognizes as a terrorist organization.

The PKK, which has been fighting Turkish security forces since 1984, announced in May that it was planning to disband as part of a new peace process.

In the four-page indictment, reviewed by CPJ, prosecutors said PKK-related news, photographs, and videos that Değer posted on the social media platform X between 2021 and 2024 were terrorism propaganda.

The indictment also said Değer was under investigation for “insulting a public officer,” who filed a complaint about comments Değer made at a funeral wake in December.

Değer is appealing a six year and three month sentence issued against her and seven other journalists in June 2024 for membership of a terrorist organization. She spent almost seven months in jail, from October 2022 to May 2023, awaiting trial.

CPJ’s email requesting comment from the chief prosecutor’s office in Mardin did not receive a reply. (CPJ, May 22, 2025)

Journalist, family receive death threats after reporting on bribery allegations

BirGün reporter İsmail Arı and his family have received death threats in connection with the journalist’s report on court bribery allegations. (Photo: Courtesy of İsmail Arı)
Istanbul, May 19, 2025—Turkish authorities should do everything in their power to protect BirGün reporter İsmail Arı and his family after they received death threats in connection with the journalist’s May 13 report  in the leftist daily on court bribery allegations, the Committee to Protect Journalists said Monday.

“Turkish authorities in Ankara must take the threats made against journalist İsmail Arı and his relatives seriously and take decisive steps to better ensure their safety,” said Özgür Öğret, CPJ’s Turkey representative. “The authorities should swiftly and comprehensively investigate the threats and hold those responsible to account, so all journalists in Turkey can safely do their jobs.”

Arı, based in the capital Ankara, said in a post on X that he filed a criminal complaint on May 16 notifying authorities that he was insulted, threatened and sent a list of his relatives via messaging app by an unknown foreign number earlier in the day, and at least one of his relatives was threatened in a phone call, according to the complaint reviewed CPJ.

Arı told CPJ via messaging app on Monday that the police provided a “caution protection” number for him to call and report incidents for 90 days. The journalist also contacted the Interior Ministry about the matter but did not receive a reply as of Monday evening.

Arı was previously targeted with death threats in late 2023 in connection with his reporting on an Islamist group in southern Turkey.

CPJ’s emailed request for comment to Turkey’s Interior Ministry, which oversees the police, did not receive a reply. (CPJ, May 19, 2025)

Cannes: le réalisateur Fatih Akin craint de finir en prison s'il se rend en Turquie

Le réalisateur turco-allemand Fatih Akin, qui  présente son dernier film "Amrum" hors compétition à Cannes, a dit craindre de  finir en prison s'il retourne en Turquie, comme son agente, arrêtée fin  janvier pour "tentative de renversement du gouvernement turc".

Fatih Akin, réalisateur acclamé pour ses films "Head-On", "In the fade" et  récompensé du prix du meilleur scénario à Cannes en 2007 pour "De l'autre  côté", a apporté son soutien à son agente Ayse Barim. Elle est "totalement  apolitique et innocente", a-t-il déclaré à l'AFP vendredi soir.

 Ayse Barim est visée par une enquête sur les manifestations  anti-gouvernementales du parc de Gezi, en 2013, qui avaient ébranlé le  gouvernement de Recep Tayyip Erdogan.

Elle risque jusqu'à 30 ans de prison. "Si on la met en prison mais que se  passe-t-il ?" a demandé Akin. "Je ferais mieux de ne pas y aller (en Turquie,  NDLR). Je ne veux pas prendre le risque", a-t-il complété.

Ayse Barim nie avoir participé à l'organisation des manifestations de Gezi,  affirmant s'y être rendue pour accompagner ses clients, certaines des stars  les plus connues de Turquie.

Elle a, entre autres, travaillé avec les acteurs de la célèbre série turque  "Le Siècle Magnifique", librement adaptée de la vie du sultan ottoman Soliman  le Magnifique au XVIe siècle et diffusée sur quatre saisons dans plus de  quarante pays.

"Officiellement, il n'y a pas de mandat contre moi", a reconnu Fatih Akin,  né à Hambourg. "Mais pour être honnête, je ne sais pas", a-t-il ajouté,  estimant que la Turquie était dirigée par "des mafieux".

Akin, dont la famille vient de la région de la Mer Noire, comme celle  d'Erdogan, a rappelé que l'enquête visant Barim s'appuyait sur le fait  qu'"elle avait parlé 39 fois" avec le mécène philanthrope Osman Kavala,  condamné à la réclusion perpétuité en 2022 pour avoir tenté de renverser le  gouvernement.

Or elle a échangé avec ce dernier "à cause de mon film +The Cut+ (qui  traite du génocide des Arméniens à l'époque ottomane, NDLR) parce que Kavala a  financé une partie de celui-ci et qu'elle me gère. Donc, ils ont parlé à cause  de moi et tous les deux sont maintenant en prison. Je suis le lien", a  souligné Fatih Akin.

Récemment, une nouvelle vague de manifestations provoquée par l'arrestation  le 19 mars du maire d'Istanbul et principal opposant d'Erdogan, Ekrem  Imamoglu, a conduit à l'arrestation de 2.000 personnes.

Ce mouvement n'a cependant pas atteint l'ampleur de celui de Gezi en 2013. (AFP, 17 mai 2025)

Journalist Furkan Karabay arrested again

Turkish authorities should immediately release freelance court reporter Furkan Karabay, who was detained during a police raid early Thursday in Istanbul, and stop detaining journalists who are trying to report the news, the Committee to Protect Journalists said. The detention marks at least the third in recent years.

Later Thursday, an Istanbul court arrested Karabay, pending trial, on suspicion of “making targets of those who were tasked to combat terrorism” and “insulting” Turkish President Recep Tayyip. The arrest order, which CPJ reviewed, cites the journalist’s social media posts in April about the prosecution of Ekrem İmamoğlu, the arrested opposition mayor of Istanbul, according to the arrest order.

Karabay’s posts on X after March 21 have been deleted. CPJ couldn’t confirm when these posts were deleted or by whom. On May 16, his account on X was blocked in Turkey “in response to a legal demand.”

“Courts in Turkey keep arresting reporter Furkan Karabay on similar suspicions year after year, which points to a pattern of making him an example of due to his reporting,” said Özgür Öğret, CPJ’s Turkey representative. “Turkish authorities should free Karabay without delay and end the chokehold they have on the flow of the news in the country.”

In a separate trial last month, Karabay was found guilty of defamation and “insulting” Erdoğan. He received a delayed prison sentence of 25 months in total due to reporting on the main opposition party’s claims of corruption against the president’s family.

On November 9, 2024, an Istanbul court arrested Karabay, pending trial, on a similar charge of suspicion of “making targets of those who were tasked to combat terrorism,” “insulting a public servant,” and “knowingly distributing misleading information to the public,” due to reporting on the arrest of an opposition mayor. He was released on the next day, and that trial is yet to begin.

On December 28, 2023, another Istanbul court arrested Karabay on suspicion of “making targets of those who were tasked to combat terrorism,” as well as defamation, due to his reporting on allegations of corruption in the judiciary. He was released pending trial in January 2024, and acquitted from both charges in October.

Journalists in Turkey who report on members of the judiciary or judicial developments are frequently charged with “making targets of those who were tasked to combat terrorism.”

CPJ’s email to the Istanbul chief prosecutor’s office did not receive a reply. (CPJ, May 16, 2025)


Le journaliste suédois détenu en Turquie en route vers la Suède

Le journaliste suédois arrêté fin mars en Turquie et condamné pour "insulte" au président turc Recep Tayyip Erdogan a été libéré et est en route pour la Suède, a indiqué vendredi le Premier ministre suédois.

"Le journaliste suédois Joakim Medin est en route de la Turquie vers la Suède. Il atterrit dans quelques heures", a écrit sur X Ulf Kristersson.

"Un travail acharné dans un silence relatif a porté ses fruits", a-t-il ajouté, remerciant ses homologues européens "qui ont été d'une grande aide dans le processus".

"Nous avons tout fait pour protéger ses intérêts et ce le plus rapidement possible", a-t-il dit à l'AFP en marge d'un sommet des dirigeants du continent européen à Tirana. "Je suis tout simplement satisfait des résultats.

D'après son employeur, le journal suédois Dagens ETC, Joakim Medin, 40 ans, a été libéré de prison jeudi soir et conduit par la police à Istanbul, où il est resté détenu dans un poste de police avant d'être remis au consulat suédois.

"Pour Joakim, c'est une victoire en soi de pouvoir rentrer chez lui. Je ne pense pas que l'on obtienne des victoires juridiques en Turquie. Il y a toujours une dimension politique", a déclaré le rédacteur en chef de Dagens ETC Andreas Gustavsson, sur le site de son journal.

Le reporter avait été interpellé le 27 mars à son arrivée à Istanbul, où il venait couvrir les manifestations déclenchées par l'arrestation le 19 mars du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du président Erdogan.

Fin avril, il a été condamné à 11 mois de prison avec sursis par un tribunal d'Ankara, pour "insulte au président". Il a comparu par visioconférence depuis sa cellule dans une prison de la région d'Istanbul.

Malgré la condamnation à une peine avec sursis, Joakim Medin restait en prison dans l'attente d'un autre procès pour "appartenance à une organisation terroriste".

"Il fait toujours face à des procédures judiciaires. La première audience dans l'affaire liée au terrorisme est prévue pour le 25 septembre 2025", a relevé sur X son conseil turc, l'association turque MLSA qui le défend.

Le journaliste nie l'accusation de la justice turque selon laquelle il aurait participé en janvier 2023 à Stockholm à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie). (AFP, 16 mai 2025)

Another journalist detained for allegedly ‘attending’ protest instead of covering it

Can Öztürk, a reporter for the T24 news site, was released under judicial supervision a day after being detained while covering a May 13 student protest at İstanbul's Boğaziçi University.

The protest targeted an event featuring the cleric Nureddin Yıldız, who has drawn criticism for comments legitimizing child marriage and domestic violence. Police responded forcefully to the protesters, detaining nearly 100 of them.

During Öztürk's interrogation at the İstabul Security Directorate, police alleged that he was seen filming the protest and that he was among demonstrators who clashed with security forces. As evidence, authorities cited video footage showing him recording on the scene.

Öztürk denied participating in the protest, stating that he did not carry signs or chant slogans and was present solely to report the event.

“It’s clearly visible in the footage that I was filming,” Öztürk said. “A scuffle broke out during the gathering I was covering as a journalist. When police intervened, students began running, and I was caught in the crowd. Despite repeatedly identifying myself as a journalist, showing my press card, and saying I wanted to leave, I was not allowed to exit and was detained.”

Accusations that journalists were participating in protests rather than covering them emerged as a notable trend during the nationwide demonstrations in March following the arrest of İstanbul’s now-suspended mayor Ekrem İmamoğlu.

Several journalists were detained during those protests, either on site or in house raids, and faced similar accusations.

The Journalists Union of Turkey (TGS) exposed a "plot" by the police at the time to frame journalists as demonstrators. Gökhan Durmuş, head of the union, had said the journalists were targeted with manipulated evidence, including cropped photos were included in investigation files.

“The photos were taken from such 'interesting' angles that none of the journalists’ cameras, microphones, or press cards were visible,” he had said.

Mistreatment

Öztürk also described being mistreated by officers while being taken into custody.

“A riot police officer ripped my press card from around my neck and broke its casing,” he said. “Another officer said, ‘We won’t let you share those videos,’ and then grabbed me by the throat. I was handcuffed behind my back and repeatedly told both the officers and the recording police that I was a journalist. I asked them to clear a path for me.”

Öztürk said he was held for around eight hours in a police vehicle while handcuffed.

Following his testimony, Öztürk was referred to court by the prosecutor with a request for pre-trial detention. İstanbul’s 4th Penal Court of Peace released him under judicial control measures, including a requirement to regularly check in at a police station. He was welcomed outside the courthouse by colleagues, family members, and fellow journalists with applause.

Reactions from press organizations

Press organizations condemned the treatment of Öztürk, particularly the destruction of his press credentials and use of force during his arrest.

The Contemporary Journalists Association (ÇGD) stated: “Our colleague Can Öztürk was detained while doing his job. We demand his immediate release and strongly condemn the police’s aggressive stance toward journalists.”

Erol Önderoğlu, Turkey representative for Reporters Without Borders (RSF), said: “We denounce the detention of T24 reporter Can Öztürk with his hands cuffed behind his back, the choking incident, and the destruction of his press card. These unacceptable acts of obstruction must end.”

DİSK Basın-İş described the police treatment as “unacceptable” and called for his release. “The mistreatment of journalists performing their duties is a criminal act,” the group stated. “Can Öztürk must be released immediately.”

The Turkish Journalists’ Union (TGS) emphasized that police records themselves confirm Öztürk was filming for journalistic purposes. “Can Öztürk is a journalist. Release him immediately,” the TGS said in its statement. (BIA, 15 May 2025)

Suède: deux arrestations pour usage illégal d'informations secrètes, spéculations sur la Turquie

Le parquet suédois a confirmé jeudi que deux personnes avaient été arrêtées pour l'obtention et l'usage illégal d'informations secrètes, mais a démenti toute relation avec une procédure à l'étranger, après des informations de presse faisant un lien avec la détention d'un journaliste suédois en Turquie.

Ces deux personnes ont depuis été remises en liberté mais sont toujours considérées comme suspectes, ont indiqué les services de renseignement Säpo à l'AFP.

Selon la radio publique suédoise Sveriges Radio, il s'agit d'un citoyen suédois représentant des Kurdes dans le nord de la Syrie, et d'un diplomate suédois.

Le nom de l'un de ces suspects apparait dans les documents de l'accusation turque contre le journaliste suédois Joakim Medin, qui est actuellement détenu en Turquie dans l'attente de son procès pour appartenance à un groupe terroriste, affirme la radio.

Ankara accuse le journaliste suédois Joakim Medin d'être membre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ce qu'il a démenti.

M. Medin, qui travaille pour le journal suédois Dagens ETC, a été arrêté le 27 mars à son arrivée à Istanbul où il venait couvrir les manifestations déclenchées par l'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du chef de l'Etat.

Le mois dernier, un tribunal turc a condamné le journaliste à 11 mois de prison avec sursis pour insulte au président Recep Tayyip Erdogan.

"L'enquête en cours porte sur l'utilisation non autorisée d'informations secrètes. Il s'agit d'informations qui, si elles étaient divulguées, pourraient mettre en péril la sécurité de la Suède", a déclaré le procureur Mats Ljungqvist, cité dans un communiqué.

Cette affaire "n'a aucun lien avec d'autres enquêtes ou procédures judiciaires en cours, que ce soit en Suède ou dans d'autres pays", a-t-il ajouté.

Les soupçons portent sur des actes commis entre octobre 2022 et mai 2025, selon le parquet suédois.

Pour que la Turquie renonce à son veto à l'adhésion de la Suède à l'Otan, les deux pays ont conclu un accord prévoyant une collaboration accrue en matière de lutte contre le terrorisme. (AFP, 15 mai 2025)

Journaliste suédois détenu: la ministre suédoise rencontre son homologue turc

La ministre suédoise des Affaires étrangères, Maria Malmer Stenergard a rencontré jeudi son homologue turc Hakan Fidan pour lui demander la libération du journaliste suédois Joakim Medin, arrêté fin mars en Turquie et condamné pour "insulte" au président turc Recep Tayyip Erdogan, a indiqué la diplomatie suédoise.

Cette rencontre a eu lieu en marge d'une rencontre informelle des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Varsovie mercredi et jeudi, à laquelle était également convié le ministre turc, a précisé le ministère des Affaires étrangères à l'AFP.

"J'ai rencontré le ministre turc des Affaires étrangères, nous avons parlé de Joakim Medin et j'ai clairement indiqué que je voulais qu'il rentre chez lui dès que possible", a-t-elle déclaré au quotidien suédois Expressen.

Reporter pour le journal suédois Dagens ETC, Joakim Medin, 40 ans, a été interpellé le 27 mars à son arrivée à Istanbul, où il venait couvrir les manifestations déclenchées par l'arrestation le 19 mars du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du président Erdogan.

La semaine dernière il a été condamné à 11 mois de prison avec sursis par un tribunal d'Ankara, pour "insulte au président". Il a comparu par visioconférence depuis sa cellule dans une prison de la région d'Istanbul.

Malgré la condamnation à une peine avec sursis, Joakim Medin doit rester en prison dans l'attente d'un autre procès pour "appartenance à une organisation terroriste".

Le journaliste nie l'accusation de la justice turque selon laquelle il aurait participé en janvier 2023 à Stockholm à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie). (AFP, 8 mai 2025)

Not World Press Freedom Day, but persecution of journalists in Turkey!

In Turkey, where the government has eliminated judicial independence, the fact that journalists can be arbitrarily arrested at any moment was once again demonstrated when seven media representatives who covered the mass protests that took place during the period when İstanbul Metropolitan Mayor Ekrem İmamoğlu was arrested were imprisoned under the pretense of "deterrence" and the accusation of "violating the Law on Meetings and Demonstrations."

The issue gained international attention once more with the arrest of Swedish journalist Joakim Medin of the newspaper Dagens ETC, on charges of "membership in an armed terrorist organization" and "insulting the president."

The BİA Media Monitoring Report covering the period of January-February-March 2025 shows that influential journalists and critical media outlets are subjected to continuous judicial harassment and that judicial control has become widespread as a new form of "imprisonment." The verdicts of acquittal in the past three months for journalists from Sözcü newspaper, the Vice News team, Halk TV reporters, and journalists such as Murat Çelikkan, Tunca Öğreten, and Murat Baykara, most of whom served prison terms, reveal the arbitrary nature of these prosecutions.

The torment of arrests and house arrests for journalists

Currently, three journalists (Elif Akgül, Yıldız Tar, and Ercüment Akdeniz) have been deprived of their freedom since February 22 as part of an investigation into the Peoples’ Democratic Congress (HDK). In the same investigation, Ender İmrek, who was detained, and investigative journalist İsmail Saymaz, whose journalism activities as a reporter for Radikal newspaper were, after 12 years, included in the Gezi investigation, are under house arrest.

Many Kurdish media representatives are subjected to severe judicial control measures following detention. The house arrest imposed on Özlem Gürses in December 2024 due to her statements on her YouTube channel was lifted after 52 days. The fact that critical television channels are targeted by the judiciary was further evidenced by Halk TV Editor-in-Chief Suat Toktaş’s 34-day detention.

In Turkey, dozens of journalists are under judicial control, described in Reporters Without Borders’ (RSF) 2024 Report as "another anti-democratic and rapidly expanding practice aimed at arbitrarily seizing journalists' freedom of movement and minds," through restrictions such as travel bans and the obligation to sign in regularly.

22 journalists detained: New pretext is the 'demonstration law'

In the last three months, during judicial and police operations especially targeting Halk TV, BirGün, and Van media, at least 22 journalists were detained for various periods.

Journalists covering the mass protests triggered by İmamoğlu’s detention were arbitrarily held in custody for four days, especially in İzmir, on the grounds of "violating the Law on Meetings and Demonstrations."

BBC reporter Mark Lowen, who came to Turkey to cover the protests, was detained and deported on the grounds of "being without accreditation" and "posing a threat to public order."

Six journalists, including Ruşen Takva, who were covering the sit-in protest initiated before the operation targeting Van Metropolitan Municipality, were also detained.

Judicial control has become a common tool for criminalizing journalists in Turkey: In February, Berkant Gültekin and Uğur Koç, Publishing Coordinators of BirGün Newspaper, along with Responsible Editor Yaşar Gökdemir, were detained; Koç and Gökdemir were released on the condition of a travel ban and signing in once a week. Investigative journalist İsmail Saymaz had his passport confiscated, while Halk TV presenter Ece Üner was released under a travel ban and signing obligation.

26 acquittals, 17 convictions in three months

In the first three months of 2025, 26 of the nearly 150 journalists on trial were acquitted, while 17 of them (including Nevşin Mengü, Ali Ergin Demirhan, Kürşat Yılmaz, Görkem Kınacı, Sultan Keleş, İbrahim Aydın, Burkan Karabay, Kazım Güleçyüz...) were sentenced to a total of 25 years, 7 months, and 22 days in prison, and fined 2,610 liras for charges such as “insulting the president,” “insult,” “defamation,” “propaganda for an organization,” “insulting state institutions,” “insulting religious values,” “aiding an organization,” and “membership in an organization.”

This period also marked a time when long-standing cases in İstanbul against employees of Sözcü newspaper and in Diyarbakır against the Vice News team concluded with acquittals, and five reporters from Halk TV were also acquitted at the very first hearing of their trial.

Journalist and rights defender Murat Çelikkan, who had shown symbolic solidarity with the now-shuttered Özgür Gündem newspaper, was also acquitted of charges of “propaganda for a terrorist organization” in a case where he served over two months in prison.

Journalists Tunca Öğreten and Murat Baykara, who were on trial for “encouraging drug use” due to documentaries about the effects of drugs, were also acquitted.

Investigations into those who attend trials or report on them

The opening of investigations into 55 journalists, columnists, and reporters during this three-month period highlights the extent to which critical journalism is under intense judicial scrutiny.

Acting on behalf of Cengiz Holding, Mehmet Cengiz, who came under the spotlight over public tenders and allegations of environmental destruction, filed criminal complaints against 26 journalists and columnists working for Sözcü newspaper and its affiliated website.

Twenty-one journalists who covered the Kobanî trial, in which former HDP Co-Chairs Selahattin Demirtaş and Figen Yüksekdağ are also being prosecuted, are facing investigations as well.

Insulting the President: Swedish journalist and 19 defendants

After the cases of Deniz Yücel and Charlie Hebdo, arbitrary trials against journalists under the charge of “insulting the president” have once again gained international attention. This time, the arrest of Swedish journalist Joakim Medin, a reporter for Dagens ETC, upon entering Turkey on March 27 brought the issue to the fore once again.

Additionally, in the past three months, at least 19 journalists and cartoonists (Barış Pehlivan, Ozan Alper Yurtoğlu, Deniz Yücel, Ahmet Sever, Levent Gültekin, Sedef Kabaş, Hayko Bağdat, Baransel Ağca, Çiğdem Akbayrak, Erk Acarer, Julien Serignac, Gerard Biard, Laurent Sourisseau, “Alice,” Ramazan Yurttapan, Haydar Ergül, Sultan Keleş, Furkan Karabay (2), and Rüstem Batum) have been involved in cases based on accusations of “insulting the president.”

In the last 10 years, 78 journalists have been convicted under Article 299 of the Turkish Penal Code. In the past three months, journalists prosecuted under this article faced a total of 88 years and 8 months in prison. While Levent Gültekin and Çiğdem Albayrak were acquitted, Sultan Keleş was sentenced to 1 year and 2 months in prison.

The file of journalist Ahmet Seven, who had lived for years under the threat of imprisonment due to his book “İçimde Kalmasın/Tanıklığımdır,” will be closed due to his passing. (BIA, 3 mai 2025)

Le journaliste suédois condamné avec sursis restera en détention

Le journaliste suédois Joakim Medin, arrêté fin mars à son arrivée en Turquie, a été condamné mercredi à onze mois de prison avec sursis pour "insulte au président" turc, mais restera en prison dans l'attente d'un autre procès pour "appartenance à une organisation terroriste".

Le reporter du journal suédois Dagens ETC comparaissait en visioconférence devant un tribunal d'Ankara depuis sa cellule de la prison de Silivri, à l'ouest d'Istanbul, a constaté une journaliste de l'AFP.

La justice turque l'accusait d'avoir participé en janvier 2023 - ce que le journaliste nie depuis le début - à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit) à Stockholm au cours de laquelle une effigie du président turc Recep Tayyip Erdogan avait été pendue par les pieds.

Le juge avait ordonné sa libération pour ce chef d'inculpation.

Dans une réaction transmise par son avocat et reproduite par son journal, le reporter a estimé avoir remporté une "première bataille" avec cette peine de prison suspendue: "Une bataille gagnée, une autre à venir. Mais j'ai davantage confiance de rentrer bientôt à la maison, a-t-il confié.

De nouveau mercredi, M. Medin a affirmé "n'avoir jamais participé à cet événement": "J'étais en Allemagne pour mon travail. Je n'étais même pas au courant de cette manifestation", a-t-il déclaré.

Le tribunal a montré durant l'audience des clichés pris lors d'un autre rassemblement, en août 2023 à Stockholm, alors que la Turquie barrait toujours l'entrée de la Suède dans l'Otan.

"Je n'ai jamais eu l'intention d'insulter le président (Erdogan). J'étais chargé d'écrire les articles et mes éditeurs ont choisi les photos", s'est défendu le reporter qui a rappelé que le chef de l'Etat était alors "une figure centrale" exhibée lors de ces défilés.

- "antidémocratique" -

Agé de 40 ans, Joakim Medin avait été interpellé le 27 mars à son arrivée à Istanbul où il venait couvrir les manifestations déclenchées par l'arrestation le 19 mars du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du chef de l'Etat.

Le journaliste est par ailleurs accusé d'"appartenance à une organisation terroriste", un crime pour lequel il encourt jusqu'à neuf ans de prison et qui fera l'objet d'un procès ultérieur.

Cette accusation s'appuie sur des publications sur les réseaux sociaux, des articles de presse et des livres écrits "uniquement dans le cadre de ses activités journalistiques", a déclaré à l'AFP Baris Altintas, codirectrice de l'ONG turque de défense des droits humains MLSA, qui le défend.

La date de ce procès n'a pas encore été annoncée.

Ces dernières années, des dizaines de Turcs, adolescents, journalistes et même une ancienne Miss Turquie ont été poursuivis pour "insulte au président".

"Le délit d'+insulte au président+ est utilisé pour harceler de nombreux journalistes locaux et étrangers et méconnaît clairement les précédents établis par la Cour européenne des droits de l'homme", déplore Erol Önderoglu, représentant de Reporters sans Frontières (RSF).

Il a jugé "antidémocratique" la condamnation du journaliste suédois dans cette première affaire, et a "demandé aux autorités turques de libérer d'abord le journaliste, puis de fixer rapidement une date pour le second procès et d'abandonner les poursuites".

Le député européen Jonas Sjostedt, présent au tribunal d'Ankara, a estimé que cette condamnation "n'était pas justifiée" et qu'en attendant le prochain procès, "le juge laisse le prochain (juge) décider, en espérant qu'il ordonnera sa libération".

RSF place la Turquie au 158e rang sur 180 de son classement de la liberté de la presse dans le monde.

Selon Andreas Gustavsson, rédacteur en chef de Dagens ETC, Joakim Medin est "en assez bonne condition".

- "mon métier" -

Il a pu faire de l'exercice en détention, rencontrer ses avocats, des représentants du consulat de Suède - dont plusieurs ont assisté à l'audience - et, "une fois par semaine, appeler brièvement sa femme", a précisé M. Gustavsson".

"Je n'ai fait que mon métier de journaliste", a insisté le reporter. "Tout ce que je veux c'est rentrer soutenir ma femme encente et voir ma petite fille" .

Près de 2.000 personnes ont été arrêtées dont de nombreux étudiants et des journalistes durant les vastes manifestations en soutien au maire emprisonné d'Istanbul.

Un correspondant de la BBC, Mark Lowen, a été expulsé de Turquie le jour de l'arrestation de Joakim Medin pour "menace à l'ordre public" et une dizaine de reporters turcs, dont le photographe de l'AFP, Yasin Akgül, ont été arrêtés et détenus plusieurs jours, accusés de participation à une manifestation interdite à Istanbul.

Les relations entre la Turquie et la Suède s'étaient détériorées lorsqu'Ankara avait refusé de ratifier la candidature de Stockholm à l'Otan après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Le président Erdogan reprochait à la Suède sa mansuétude présumée envers des militants kurdes réfugiés sur son sol.

Ankara avait finalement cédé début 2024, ratifiant l'adhésion du pays scandinave à l'Alliance atlantique après vingt mois de tractations. (AFP, 30 avr 2025)

Une célèbre agent de stars inculpée pour "tentative de renversement du gouvernement"

Une célèbre agent d'acteurs des séries turques à succès a été inculpée mardi de "tentative de renversement du gouvernement" et risque jusqu'à 30 ans de prison, a rapporté l'agence étatique Anadolu.

Ayse Barim avait été arrêtée fin janvier à la demande du parquet d'Istanbul dans le cadre de l'enquête sur les manifestations antigouvernementales du parc de Gezi, en 2013, qui avaient ouvert une vague de contestation sans précédent du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre.

"Un acte d'accusation a été préparé contre Ayse Barim exigeant jusqu'à trente ans de prison pour avoir aidé à une tentative de renversement du gouvernement de la République de Turquie", indique Anadolu citant l'acte d'accusation.

Le parquet d'Istanbul avait justifié l'ouverture de l'enquête en arguant des liens supposé de Mme Barim avec le mécène et philanthrope Osman Kavala, bête noire du président Erdogan, également accusé d'avoir "tenté de renverser le gouvernement" lors des événements de Gezi.

Arrêté en 2017, Osman Kavala a été condamné à la prison à vie et à l'isolement le 25 avril 2022.

Sept autres prévenus, architectes, urbanistes, réalisatrice, avocat, universitaires... avaient été condamnés le même jour à dix-huit ans de prison.

Les manifestations de Gezi étaient restées inédites dans le pays, où chaque rassemblement est durement réprimé, jusqu'à la récente vague de contestation soulevée par l'arrestation du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu le 19 mars détenu depuis pour "corruption".

Les manifestations qui se sont poursuivies dans plusieurs grandes villes de Turquie pendant une dizaine de jours et ont entraîné près de 2.000 arrestations n'ont cependant pas atteint la même ampleur que celles de Gezi.

Mme Barim, 56 ans, souffre de graves problèmes de santé et a dû récemment être hospitalisée, selon son avocate.

Elle a, entre autres, travaillé avec les acteurs de la célèbre série turque "Le Siècle Magnifique", librement adaptée de la vie du sultan ottoman Soliman le Magnifique au XVIe siècle et diffusée dans plus de quarante pays sur quatre saisons. (AFP, 30 avr 2025)


Kurdish Question / Question kurde

Arrest of Kurdish politician Yüksel Koç in Germany

Yüksel Koç, a Kurdish politician who had been living in Germany for many years, was arrested on 20 May 2025 in his home in Bremen. According to his lawyer, his apartment was also searched by the police without a search warrant. No concrete evidence to justify the police action was presented, according to a press release issued by the Berlin-based Kurdish Centre for Public Relations Civaka Azad. The German Federal Prosecutor’s Office accuses the Kurdish politician, who was co-chair of the Kurdish umbrella organisation KCDK-E from 2016 to 2023, of membership in a foreign terrorist organisation – namely the Kurdistan Workers’ Party (PKK), which is classified as a terrorist organisation in Germany.

This action by the German police against a Kurdish politician, which is not an isolated case, is both ridiculous and dangerous.

The actions of the German police and the public prosecutor’s office are ridiculous because the PKK decided at its 12th congress from 5 to 7 May 2025 to dissolve itself and thus end its armed struggle for the rights of the Kurdish people in Turkey and pave the way for a political solution to the so-called Kurdish question. While the Belgian Supreme Court ruled that the PKK is a party to an internal armed conflict and the US army has been cooperating with the PKK since 2014 to push back the terrorist rule of the so-called Islamic State (Daesh), the German public prosecutor’s office and politicians in Germany continue to regard the PKK as a terrorist organisation.

Opinions may differ on the necessity and legitimacy of armed resistance. However, it is indisputable that the Kurds living in Turkey have been oppressed in many ways by the Turkish government since the founding of modern Turkey in 1924 and deprived of their rights, and that armed resistance did not arise without reason. Since the 1980s, the Turkish government has often used its secret service, police and army with great brutality, not only against the PKK, but also against Kurdish civilians and politicians. The bloody civil war in Turkey, which has claimed tens of thousands of lives on both sides, has now come to an end – 47 years after the founding of the PKK – because the PKK has decided and initiated its self-dissolution on the recommendation of its founder Abdullah Öcalan. The PKK is thus demonstrating that it is serious about finding a political solution to the conflict. However, it remains unclear whether the Turkish government is prepared to end its repression of Kurds in return for the PKK’s self-dissolution.

Regardless of whether Yüksel Koç is a member of the PKK or not, it seems ridiculous in such a situation for German authorities to prosecute a Kurdish politician living in Germany on charges of belonging to an organisation that has just opened the door to ending an armed conflict in Turkey that has lasted for more than 40 years.

However, this ignorance on the part of the German public prosecutor’s office is not only ridiculous, it is also dangerous. It is dangerous because there is clearly no awareness in the German political landscape of the political steps that are now necessary to support and advance the peace process that is currently re-emerging in Turkey.

An important political signal would now be to stop classifying the PKK as a terrorist organisation and to urge the EU to finally remove the PKK from its list of terrorist organisations. This would send a signal to the Turkish government to also push ahead with the peace process on its side so that it does not fail again, as it did in 2014. Kurdish politicians living in Germany and other EU countries now need political support from the German government and the European Union to ensure that a lasting peace process that is recognised as fair by both sides can be achieved. Precisely because the German government traditionally has close ties to the Turkish government, it should not persecute Kurdish politicians living in Germany, but should urge the Turkish government to do everything in its power to ensure that a peace agreement will finally be reached. However, peace will only be lasting if the Turkish government and ultimately Turkish society as a whole recognise the Kurds – and other ethnic groups – as equal members of Turkish society, including the guarantee of cultural self-determination rights and minority protection. There are plenty of examples that show how this can work.

The PKK’s decision to disband is embedded in a deeper process of upheaval in the Middle East. This includes the changes that began in Iran in 2022, the overthrow of Syrian dictator Assad, which was both a consequence of Russia’s weakening due to Putin’s invasion of Ukraine in violation of international law and of the terrorist attack by Hamas on Israel on 7 October 2023, and the Israeli government and army’s response to the terrorist act by Hamas in Gaza, which is now unacceptable from a human rights perspective. These violent upheavals are taking place against the backdrop of the ever-worsening climate crisis and the necessary and ongoing phase-out of fossil fuels.

If the European Union wants to stabilise the political situation, it still has a brief window of opportunity to take advantage of the period of upheaval in the Middle East. This requires swift and targeted action, something along the lines of a Marshall Plan for the Middle East.

As the most populous and by far the strongest member state of the European Union, Germany has a central role to play in the development of such a political project. It would make more sense for the new federal government to focus on this instead of imprisoning innocent Kurdish politicians living in Germany.

Jürgen Klute is a former Die Linke (The Left) MEP and spokesman for the Kurdish Friendship Group in the European Parliament from 2009 to 2014. He is editor of Europa.blog and a columnist for Medya News. (MedyaNews, May 22, 2025)

Le PKK veut que la Turquie allège "l'isolement" carcéral de Abdullah Öcalan

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a réclamé à la Turquie un allègement de "l'isolement" carcéral d'Abdullah Öcalan, présentant son fondateur comme le "négociateur en chef" du groupe en cas de pourparlers de paix, après quatre décennies d'une guérilla sanglante.

Dans un entretien exclusif à l'AFP lundi soir, le mouvement a fustigé le manque à ce jour de "garanties" apportées par la Turquie pour lancer ce processus. Et le groupe - classé organisation "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux - a dit refuser tout exil de ses membres.

Dans une annonce historique le 12 mai, le PKK a proclamé sa dissolution et la fin de quatre décennies d'une guérilla ayant fait plus de 40.000 morts.

L'organisation répondait à un appel lancé fin février par son chef historique, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999.

Si le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué cette dissolution, son ministère de la Défense a averti que les opérations contre le PKK se poursuivraient jusqu'à ce que son aire de déploiement soit "nettoyée".

Avec la dissolution et la fin de la "lutte armée", "nous donnons une réelle chance à la paix", a plaidé Zagros Hiwa, porte-parole de la branche politique du PKK, dans des réponses écrites envoyées à l'AFP.

Les pourparlers seront emmenés par le fondateur du PKK, qui purge une peine d'isolement à vie sur l'île-prison d'Imrali, près d'Istanbul.

"Nous attendons de l'Etat turc des amendements des conditions d'isolement sur l'île-prison d'Imrali, et qu'il fournisse au leader (Öcalan) des conditions de travail libres et sûres afin qu'il puisse diriger le processus", a-t-il ajouté.

"Le leader est notre négociateur en chef", a-t-il précisé. "Il est le seul qui peut diriger l'application concrète des décisions prises par le PKK."

 - "L'intégration, et non l'exil" -

 Pour des observateurs, le gouvernement turc pourrait faire preuve d'une nouvelle ouverture envers les Kurdes, qui représentent environ 20% des 85 millions d'habitants du pays.

La Turquie a indiqué qu'elle surveillerait attentivement le processus de désarmement du PKK, replié sur ses bases arrières dans les régions montagneuses du nord de l'Irak, dans la région autonome du Kurdistan irakien.

Interrogé sur ce désarmement, M. Hiwa, a assuré que "les négociations n'ont pas encore débutées" -malgré des "contacts" et des "discussions" à la prison d'Imrali.

"Ces questions seront abordées lors des négociations (de M. Öcalan) avec les responsables de l'Etat turc", a souligné M. Hiwa, porte-parole de l'Union des communautés du Kurdistan (KCK), qui chapeaute le PKK.

Si l'incertitude règne sur le sort réservé aux combattants du mouvement qui espèrent une amnistie, des médias turcs ont récemment indiqué que des cadres pourraient être contraints à l'exil dans des pays tiers, citant la Norvège ou l'Afrique du Sud, tandis que d'autres devraient rester dans le nord de l'Irak.

"Si l'Etat turc veut sincèrement et sérieusement faire la paix, il devrait procéder aux amendements législatifs nécessaires pour que les membres du PKK soient intégrés à une société démocratique", a plaidé M. Hiwa.

"L'exil contrevient à la paix et à toute solution démocratique", a-t-il ajouté. "Une vraie paix nécessite l'intégration, non l'exil".

Il a par ailleurs déploré le manque de garanties et de mesures offertes par Ankara pour faciliter la paix. "La Turquie n'a pas cessé ses opérations militaires" dans le nord de l'Irak. "A ce jour des bombardements et tirs d'artillerie continuent de viser nos positions."

 - "Implications positives" -

 Depuis des années, le combat opposant l'armée d'Ankara au PKK empiète sur les territoires des voisins de la Turquie, l'Irak mais aussi la Syrie.

Ankara a lancé plusieurs offensives dans le nord-est de la Syrie contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par des combattants kurdes alliés aux occidentaux et engagés dans la lutte contre les jihadistes. Mais considérés par Ankara comme une extension du PKK.

Dans une Syrie morcelée par la guerre, le tout nouveau pouvoir de Damas a initié un houleux processus de négociations avec les FDS en vue de leur réintégration dans l'appareil étatique.

"Nous n'intervenons pas dans les affaires concernant les FDS", a diplomatiquement assuré M. Hiwa.

Tout en soulignant que le processus en cours entre le PKK et la Turquie aurait "des implications positives" pour "résoudre la question kurde" ailleurs dans la région. (AFP, 20 mai 2025)

Öcalan prône un "changement de paradigme" pour réconcilier la Turquie et les Kurdes

Un "changement de paradigme majeur" est  indispensable pour réparer les liens brisés entre la Turquie et sa minorité  kurde après la décision historique du PKK de se saborder, a déclaré dimanche  son fondateur emprisonné, Abdullah Öcalan.

Le message d'Abdullah Öcalan a été transmis par une délégation du parti  pro-kurde DEM, qui s'est rendue sur l'île-prison d'Imrali, près d'Istanbul, où  il purge une peine d'isolement à vie depuis 1999.

 Il s'agissait de la première visite qu'il recevait depuis l'annonce faite  le 12 mai sur la dissolution du PKK, qui vise à fermer un chapitre sanglant  ouvert en 1984, lorsque le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) d'Öcalan  a pris les armes, déclenchant un conflit qui a coûté la vie à plus de 40.000  personnes.

 "Ce que nous faisons implique un changement de paradigme majeur", a écrit  l'ancien guérillero de 76 ans.

 "La relation turco-kurde est comme une relation fraternelle qui a été  brisée. Frères et soeurs se battent, mais ils ne peuvent exister les uns sans  les autres", a-t-il déclaré, appelant à "un nouvel accord fondé sur le concept  de fraternité".

"Nous devons éliminer, un par un, tous les pièges et champs de mines qui  entravent cette relation, et nous devons réparer les routes et les ponts  endommagés", a-t-il ajouté.

Cette fois, seule la députée du Parti démocratique des peuples (gauche)  Pervin Buldan lui a rendu visite, accompagnée de l'avocat Özgür Erol, suite au  récent décès de Sirri Süreyya Önder, un vétéran de la cause de la paix.

 M. Önder, qui était vice-président du Parlement turc, est décédé le 3 mai,  environ deux semaines après avoir subi un arrêt cardiaque, quelques jours  seulement avant la décision historique du PKK. Il avait passé des années à  tenter de mettre fin au conflit avec la minorité kurde de Turquie, ce qui lui  avait valu le respect de tous les partis politiques.

Depuis fin décembre, il faisait partie de la délégation baptisée "Imrali"  qui avait rendu visite plusieurs fois à Abdullah Öcalan.

Ankara a déclaré qu'elle surveillerait attentivement le processus de  désarmement du PKK. En retour, les observateurs s'attendent à ce que le  gouvernement turc fasse preuve d'une nouvelle ouverture envers les Kurdes, qui  représentent environ 20% des 85 millions d'habitants du pays.

Il est peu probable qu'Abdullah Öcalan lui-même soit libéré, car sa vie  pourrait être menacée, mais les conditions de son emprisonnement sont  susceptibles d'être "assouplies", ont affirmé des responsables. (AFP, 18 mai 2025)

Ankara poursuivra ses opérations contre le PKK "jusqu'à ce que la région soit nettoyée"

L'armée turque continuera ses opérations contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) "jusqu'à ce que la région soit nettoyée", a affirmé jeudi le ministère turc de la Défense, après l'annonce lundi de la dissolution du groupe armé kurde, présent principalement dans le nord de l'Irak.

Les activités conduites par l'armée d'Ankara "dans les zones utilisées par l'organisation terroriste séparatiste PKK se poursuivront avec détermination jusqu'à ce qu'il soit certain que la région est nettoyée et ne constitue plus une menace pour notre pays", a indiqué un porte-parole du ministère lors d'un point-presse avec des journalistes.

Selon une source au sein du ministère, les services de renseignements turcs superviseront la collecte des armes du PKK, avec la coopération des forces irakiennes et syriennes mais sans participation d'observateurs internationaux de l'ONU.

L'armée turque entretient des dizaines de positions au Kurdistan autonome, dans le nord irakien, d'où elle mène depuis des années des opérations terrestres et aériennes contre le PKK, qui avait été contraint de s'y replier.

Ankara, qui annonce régulièrement la mort de soldats dans la région, continuera d'y mener des inspections et d'y détruire des abris, grottes et armes utilisés ou appartenant au groupe armé kurde, a ajouté le porte-parole du ministère de la Défense.

Le PKK a annoncé lundi sa dissolution et la fin de plus de quatre décennies d'une guérilla qui a fait plus de 40.000 morts, répondant à un appel en ce sens lancé fin février par son chef historique, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999.

"Le démantèlement (du PKK) doit être mis en oeuvre sans délai", a déclaré le porte-parole du ministère de la Défense.
(AFP, 15 mai 2025)

Dissolution du PKK: le parti prokurde réclame des "mesures de confiance" au gouvernement turc

Le Parti prokurde DEM a réclamé mardi la mise en oeuvre de "mesures de confiance" au gouvernement turc avant la fête musulmane de l'Aïd al-Adha début juin, suite à la dissolution du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

"Nous attendons du pouvoir qu'il assume ses devoirs et ses responsabilités", a indiqué le coprésident du DEM Tuncer Bakirhan, en réclamant "la mise en place de mesures de confiance, concrètes et humanitaires, sans attendre la fin de l'Aïd".

"L'Aïd al-Adha serait alors doublement une fête", a-t-il ajouté devant son groupe parlementaire.

La libération des prisonniers politiques malades et l'amélioration des conditions de détention du fondateur et chef historique du PKK, Abdullah Öcalan, emprisonné  à l'isolement depuis 1999, devraient faire partie des premières mesures, a souligné M. Bakirhan devant les journalistes.

"Nous savons tous très bien ce que la société attend réellement. Les revendications qui reviennent les plus souvent (...) concernent les prisonniers malades et les centaines de milliers de détenus", a-t-il affirmé.

"Certaines choses peuvent être accomplies avant les mesures légales. Par exemple, les conditions de M. Öcalan. Je pense que le pouvoir peut prendre certaines dispositions pour que la société, qui a des doutes et des inquiétudes, puisse croire pleinement en ce processus", a-t-il ajouté.

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé lundi sa dissolution et la fin de plus de quatre décennies d'une lutte armée contre l'Etat turc qui a fait plus de 40.000 morts.

Les responsables du DEM et le groupe armé ont affirmé à de nombreuses reprises que le gouvernement devrait répondre par des mesures légales pour garantir le succès du processus de paix après la dissolution du PKK.

Le PKK a affirmé lundi que sa dissolution "fournit une base solide pour une paix durable et une solution démocratique" et en a appellé au Parlement turc: "à ce stade, il est important que la Grande Assemblée (...) joue son rôle face à l'Histoire", a-t-il insisté. (AFP, 13 mai 2025)

Damas avertit les Kurdes contre tout retard dans l'intégration de leurs institutions à l'État

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a averti lundi que toute "tergiversation" dans l'exécution de l'accord conclu en mars entre les autorités islamistes et les Kurdes risquait de "prolonger le chaos" dans le pays, après 14 ans de guerre civile.

Après la chute de Bachar al-Assad, le président intérimaire Ahmad al-Chareh et Mazloum Abdi, commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), ont signé le 10 mars un accord visant à intégrer à l'État syrien les institutions de l'administration kurde contrôlant de vastes territoires riches en blé, pétrole et gaz dans le nord et le nord-est du pays.

Mais les Kurdes ont rejeté la déclaration constitutionnelle adoptée par Damas, qui accorde les pleins pouvoirs à M. Chareh, et n'ont pas accueilli favorablement la formation d'un nouveau gouvernement, estimant qu'il ne reflétait pas la diversité syrienne.

"Nous sommes aujourd'hui en train de mettre en oeuvre l'accord national avec les FDS et de réunir toutes les régions sous le contrôle de l'État central", a déclaré M. Chaibani lors d'une conférence de presse conjointe avec ses homologues turc et jordanien à Ankara en marge d'un séminaire sur les moyens de coordination sécuritaire et militaire.

"Nous sommes conscients que ce processus est complexe et sensible, mais il est nécessaire", a-t-il ajouté, soulignant que "tergiverser dans l'exécution de cet accord prolongera le chaos, ouvrira la voie aux interventions étrangères et alimentera les tendances séparatistes (...) Notre objectif n'est pas l'hégémonie, mais l'unification".

"L'unité du territoire syrien est non négociable", a insisté M. Chaibani, précisant que "les droits des citoyens kurdes sont garantis et protégés au même titre que ceux des autres Syriens."

Ces déclarations ont coïncidé avec l'annonce par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), bête noire de la Turquie, de sa dissolution.

Le chef des FDS Mazloum Abdi a salué dans un message sur X la décision du PKK soulignant que ce démantèlement "va paver la voie vers une nouvelle phase de politique et de paix dans la région".

M. Chaibani a qualifiée la décision du PKK de "moment charnière" pour la stabilité de la région.

Fin février, les FDS avaient déclaré ne pas être concernées par l'appel du chef historique du PKK, Abdullah Öcalan, à déposer les armes. (AFP, 12 mai 2025)

Le PKK annonce sa dissolution et la fin de la lutte armée

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé lundi sa dissolution et la fin de plus de quatre décennies d'une lutte armée contre l'Etat turc qui a fait plus de 40.000 morts.

Dans un communiqué cité par l'agence prokurde ANF, le PKK considère qu'il a accompli sa "mission historique" et que grâce aux armes, la question kurde est parvenue "à un point où elle peut désormais être résolue par une politique démocratique".

Dans un premier commentaire, lundi soir, le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué une "décision importante pour le maintien de la paix et la fraternité" en Turquie.

"Nous avançons avec confiance vers notre objectif d'une Turquie sans terreur, surmontant les obstacles en brisant les préjugés et en déjouant les pièges de la discorde", a-t-il insisté.

Le PKK a confirmé que lors de son 12e Congrès, la semaine passée dans les montagnes du nord de l'Irak, décision a été prise "de dissoudre la structure organisationnelle (du parti) et de mettre fin à la voie de la lutte armée", répondant ainsi à l'appel de son chef historique et fondateur, Abdullah Öcalan, lancé le 27 février.

A Diyarbakir, la grande ville à majorité kurde du sud-est, la nouvelle a été accueillie avec satisfaction mais sans joie excessive, par une population lasse de la violence et des faux espoirs.

- méfiance -

Abdulhakim Doganer, commerçant de 49 ans, a noté "le bonheur sur les visages": "Avec la permission de Dieu, ça continuera. Nous, le peuple kurde, n'avons jamais vraiment été partisans de la guerre".

"Nous voulons que ce processus continue. Ils ne doivent pas tromper les gens comme les fois précédentes" a repris, méfiant, Fahri Savas, ouvrier de 60 ans.

Même prudence à Erbil, "capitale" du Kurdistan autonome dans le nord de l'Irak: "Nous ne soutenons le processus de paix que s'il est sérieux et assorti de garanties internationales" prévenait Khaled Mohammed, 55 ans. "Les gouvernements régionaux ont toujours échoué à répondre aux demandes des Kurdes, voilà pourquoi (ils) continuent de vivre et se battre dans les montagnes".

Le parti de M. Erdogan, l'AKP, a insisté sur une "mise en pratique" de cette décision, sans en préciser les modalités.

Dans son communiqué, le PKK affirme que sa dissolution "fournit une base solide pour une paix durable et une solution démocratique" et en appelle au Parlement turc: à ce stade, il est important que la Grande Assemblée (...) joue son rôle face à l'Histoire", indique-t-il.

- "démocratisation" -

"Des mesures devront être prises pour institutionnaliser la démocratie et l'État de droit comme garantie de paix sociale", a écrit le président du CHP Özgür Özel, sur X.

Il a insisté sur "la nécessité que toutes les réglementations juridiques nécessaires à la démocratisation soient élaborées sans délai, sous l'égide de la Grande Assemblée nationale" et appelé à "mettre fin aux violations constitutionnelles et à prendre les dispositions nécessaires à la démocratisation".

La principale figure du CHP, le maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, a été arrété le 19 mars et placé en détention depuis.

M. Özel a demandé sa libération et celle des dirigeants politiques tel Selahattin Demirtas, leader du parti prokurde DEM, emprisonné depuis 2016, qui a salué lundi une "étape historique".

L'autodissolution du PKK est l'aboutissement d'un processus initié à l'automne par le principal allié du président Recep Tayyip Erdogan, le nationaliste Devlet Bahçeli, avec la médiation du parti DEM.

Ce dernier a espéré "qu'une porte vers une solution politique au problème kurde est désormais grande ouverte".

M. Bahçeli a lui dit souhaiter que "la page sanglante écrite (par le PKK) depuis 47 ans soit refermée pour ne plus jamais être rouverte".

Le PKK avait répondu favorablement le 1er mars à l'appel d'Abudllah Öcalan, son chef toujours respecté malgré ses 26 ans de prison à l'isolement, et annoncé un cessez-le-feu immédiat avec les forces turques.

Il avait ensuite fait valoir les difficultés de réunir son congrès alors que l'aviation turque continuait de bombarder ses positions.

A 76 ans il est peu probable que "Apo" (oncle, en kurde) quitte l'île-prison d'Imrali, au large d'Istanbul. Mais il devrait a minima voir son régime carcéral assoupli, selon la plupart des observateurs.

- "Opportunité historique" -

 Après avoir salué fin février une "opportunité historique" de paix à la suite de l'appel de M. Öcalan, le président Erdogan avait juré de poursuivre les opérations contre le PKK "si (ses) promesses n'étaient pas tenues".

Resté en retrait pendant toute la durée du processus, le chef de l'Etat a laissé son allié Devlet Bahçeli en première ligne.

Mais pour Gönül Tol, directrice du programme Turquie au Middle East Institute, jointe par l'AFP, "le principal moteur (de ce processus) a toujours été la consolidation du pouvoir d'Erdogan".

Selon elle, le chef de l'Etat pourra ainsi se présenter aux élections de 2028 renforcé face à une opposition divisée.

La chercheuse rappelle que la population kurde ne s'est pas jointe aux manifestations de l'opposition en mars pour dénoncer l'arrestation du maire d'Istanbul, pas plus qu'au  rassemblement du CHP samedi à Van (est), ville à forte population kurde.

Ce qui, pour elle, "montre que la stratégie d'Erdogan, qui consiste à diviser pour mieux régner, fonctionne".

Selon certaines estimations, la population kurde représente 20% des 85 millions d'habitants de la Turquie. (AFP, 12 mai 2025)


Le PKK s'est réuni "avec succès" en vue de sa dissolution

Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a réuni son congrès "avec succès" en vue de prononcer sa dissolution et de mettre un terme à des décennies de combats fratricides qui ont fait près de 40.000 morts en Turquie.

Selon les informations rapportées vendredi par l'agence prokurde ANF, proche du parti armé, les travaux se sont tenus du 5 au 7 mai dans "les zones de défense Media", terme utilisé par le mouvement pour désigner les montagnes de Qandil, dans le nord de l'Irak, où se trouvent le commandement militaire du PKK et ses combattants.

"Le 12e congrès du PKK s'est réuni avec succès à l'appel du leader Abdullah Öcalan et l'a salué avec nostalgie et respect", rapporte l'agence, citant un communiqué de la présidence du congrès.

Celle-ci précise que "des décisions d'une importance historique" ont été prises "concernant les activités du PKK, sur la base de l'appel" de M. Öcalan.

Le 27 février, le leader historique du PKK Abdullah Öcalan, "Apo" (oncle, en kurde) pour ses partisans, avait appelé son mouvement à déposer les armes et à se dissoudre.

Cet appel du leader de 76 ans, incarcéré depuis 26 ans sur l'île prison d'Imrali, au large d'Istanbul, faisait suite à une médiation initiée à l'automne par un allié du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, le nationaliste Devlet Bahceli, via le parti prokurde DEM.

Le PKK avait répondu favorablement le 1er mars, annonçant un cessez-le-feu immédiat avec les forces turques.

Le DEM a salué vendredi un "tournant historique". "Une nouvelle page s'ouvre sur la voie d'une paix honorable et d'une solution démocratique", a estimé le parti dans un communiqué, ajoutant que "toutes les institutions politiques démocratiques", en particulier l'Assemblée nationale turque, devraient "prendre leurs responsabilités pour une véritable démocratisation" du pays.

Un responsable du parti, troisième force au parlement turc, a indiqué à l'AFP que les travaux du congrès ont été retardés par le décès le 3 mai de l'un de ses membres, Sirri Süreyya Önder, qui était très impliqué dans cette médiation et proche de M. Öcalan.

 - "opportunité historique" -

Le Congrès du PKK lui a rendu hommage "avec respect et gratitude", et appelé "tout le monde à travailler ensemble pour atteindre les objectifs de paix et de société démocratique" défendus par M. Önder, rappelle l'ANF.

Après avoir salué une "opportunité historique" de paix, le président Erdogan avait juré de poursuivre les opérations armées contre le PKK "si (ses) promesses n'étaient pas tenues".

Mi-mars, le PKK s'était dit dans l'impossibilité de se réunir en raison des bombardements turcs persistants sur ses positions.

"Chaque jour, des avions de reconnaissance (turcs, NDLR) volent, chaque jour, ils bombardent, chaque jour, ils attaquent", avait insisté sur une chaîne de télévision kurde, Sterk TV, Cemil Bayik, l'un des dirigeants du mouvement.

Le sort de M. Öcalan à ce stade n'est pas connu, mais un responsable du parti au pouvoir AKP a laissé entendre que son régime de détention serait "assoupli", sans cependant évoquer sa remise en liberté, selon le quotidien turc progouvernemental Türkiye.

"Certaines mesures administratives seront prises. Un officier sera chargé de l'assister à Imrali. Les conditions de détention seront assouplies. (...) Les rencontres avec le DEM et la famille seront également plus fréquentes", selon ce responsable qui affirme que "Öcalan lui-même a déclaré ne pas vouloir quitter Imrali".

Selon ce responsable, le fondateur et leader du PKK, toujours respecté de ses partisans, craint pour sa vie s'il quitte sa prison. "Il sait qu'il aura un problème de sécurité lorsqu'il sortira".

L'Irak avait exigé en mars un retrait total de son territoire de l'armée turque et des combattants du PKK en cas d'accord de paix.

De leur côté, les combattants kurdes au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), dans le nord-est de la Syrie, s'étaient dits "pas concernés" par l'appel du PKK à désarmer. (AFP, 9 mai 2025)

Décès de Sirri Süreyya  Önder, figure du dialogue avec le PKK

Le député prokurde de Turquie Sirri Süreyya  Önder, décédé samedi, était une figure respectée même de ses adversaires,  capable de s'adresser au-delà de son cercle politique pour promouvoir la paix  avec le groupe armé kurde PKK.

L'élu du Parti de l'égalité et de démocratie des peuples (DEM, prokurde)  était né en 1962 dans une famille turque et socialiste d'Adiyaman dans le  sud-est à majorité kurde du pays.

Doté de cette double culture, d'une ténacité à toute épreuve et d'une  solide répartie, il a joué un rôle clé dans le dialogue entre Ankara et le  Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) depuis l'automne dernier, comme il  l'avait fait une première fois entre 2013 et 2015.

"Son tempérament et son parcours ont fait qu'il est devenu un virtuose dans  l'art de s'adresser à tous", indiquait à l'AFP l'ancien président du HDP (le  prédécesseur du DEM), Ertugrul Kürkçü.

A plusieurs reprises depuis la fin 2024, Sirri Önder avait rencontré avec  d'autres responsables du DEM le fondateur du PKK, Abdullah Öcalan, détenu  depuis 26 ans sur une ile au large d'Istanbul, et des responsables turcs, dans  le cadre d'un dialogue initié par Ankara.

Fin février, M. Öcalan a appelé le PKK à déposer les armes et à "se  dissoudre" pour mettre fin à quatre décennies de guérilla qui ont fait plus de  40.000 morts.

 - "Postier de la paix" -

 "Je serai le postier de la paix s'il le faut. Je donnerai ma vie pour  cela", affirmait M. Önder pour faire taire les critiques.

Son hospitalisation à la suite d'une rupture de l'aorte, mi-avril, avait  provoqué une émotion considérable dans la classe politique turque.

Le président Recep Tayyip Erdogan - qui ne manque jamais d'accuser le DEM  de liens avec le PKK - avait appelé la fille de M. Önder pour l'assurer qu'il  suivait "de près" son état de santé.

"C'est le résultat des efforts (de M. Önder) en faveur de la liberté, de la  justice et de la paix jusqu'à ses 62 ans", a écrit Ali Duran Topuz, sur le  journal en ligne Arti Gercek.

"Les événements semblent déprimants, mais des jours meilleurs sont en  réalité proches", affirmait Sirri Süreyya Önder en souriant en 2018, à la  veille de son incarcération pour un an pour "propagande terroriste".

La prison, il l'a connue dès ses 16 ans, pour avoir participé à une  manifestation, puis de nouveau après le coup d'Etat de 1980, torturé puis  incarcéré pendant sept ans.

- "Député des arbres" -

 Apprenti d'un photographe, camionneur puis ouvrier dans le bâtiment, il  devient par la suite réalisateur, chroniqueur presse et TV, auteur notamment  d'une fiction multi-récompensée en 2006, "Beynelmilel" (L'Internationale), sur  la répression du coup d'état de 1980.

"Alors que la plupart des films turcs sur le coup d'Etat de 1980 se  concentrent sur la défaite et le découragement de la gauche, Beynelmilel est  un des rares films à ce sujet à donner de l'espoir", souligne Mazlum Vesek,  spécialiste du cinéma turc.

 En 2013, il était aux premiers rangs des manifestations de Gezi, le grand  mouvement de contestation parti d'Istanbul initialement pour défendre un parc:  "Je suis aussi le député des arbres", lançait-il aux policiers.

Depuis sa prison, le chef historique du PKK Abdullah Öcalan avait publié  après l'hospitalisation de M. Önder un message soulignant "ses grands efforts  pour la paix".

 "C'est quelqu'un qui brise les préjugés. Il les a brisés dans la société,  au parlement et dans les rues", affirmait le leader kurde. (AFP, 3 mai 2025)

Hamit Bozarslan :"L’idée d’un Kurdistan reste puissante et mobilise les générations "

Le Point, 8 mai 2025, Propos recueillis par François-Guillaume Lorrain

Les Kurdes n'ont émergé des ténèbres de l'Histoire que dans les années 1980, à l'occasion de conflits concernant des pays dans lesquels ils vivaient, la guerre entre l'Iran et l'Irak. Mais on ne se soucia de leur sort que quelques années plus tard, quand Saddam Hussein, après la guerre perdue du Koweït, se vengea sur eux, alors que les Alliés les avaient incités à se rebeller.

L'histoire des Kurdes, en Occident, débute donc par un abandon. Un double abandon, devrait-on dire, puisque la première fois que le voile s'était levé sur eux, vers 1920, lorsqu'il fut question d'un Kurdistan au lendemain de la Première Guerre mondiale, la promesse ne fut pas tenue par les Français et les Anglais, prélude à des massacres multiples dans un Moyen-Orient dont les Kurdes, aujourd'hui, sont devenus des acteurs incontournables.

Répartis sur quatre États, les Kurdes vivent dans une dialectique permanente, entre unité et fragmentation nationale. C'est l'une des caractéristiques que souligne, dans cet entretien, Hamit Bozarslan, qui vient de diriger Histoire des Kurdes, des origines à nos jours, paru au Cerf. Après cette lecture, on ne pourra plus dire que les Kurdes sont un grand peuple inconnu.

Le Point : Comment expliquer que les Kurdes représentés dans des dynasties musulmanes comme les Ayyoubides (au XIIIe siècle avec Saladin) ou en Iran, avec les Safavides, jusqu'au XVIIIe, se retrouvent en minorité au sein de l'Empire ottoman à la fin du XIXe siècle ?

Hamit Bozarslan : Le XIXe siècle est, certes, marqué par des révoltes kurdes incessantes contre l'État central, notamment avec Bedir Khan en 1846, sur le modèle de Méhémet Ali en Égypte, mais la très grande brutalité du pouvoir à Constantinople scelle leur échec, comme pour certaines insurrections qui voient le jour dans les Balkans. Ce qui fait la force des Kurdes est aussi leur faiblesse : la fragmentation des structures tribales, des alliances toujours incertaines.

À partir de 1890, Constantinople mise sur la fraternité islamique pour enrégimenter les Kurdes dans des brigades qui apportent leur soutien à la répression des Arméniens. Le sultan a repéré le potentiel de violence kurde, mais il la canalise, l'instrumentalise pour aiguiser les lignes de fracture intrakurde ou pour l'utiliser contre les Arméniens. En jouant sur la peur d'un État islamique menacé de disparition, le Palais inféode une partie des Kurdes pour contrer les révolutionnaires arméniens qui ambitionnent de refonder l'Empire sur des bases égalitaires.

Pourquoi les Kurdes, qui ont prêté la main au génocide arménien, se retrouvent-ils en 1916 déportés en masse – près de 500 000 personnes – vers l'Anatolie par les Ottomans qu'ils ont pourtant aidés ?

À cette date-là, on est déjà dans le nationalisme turc à outrance. Des documents ont démontré que, très vite, aux yeux du Comité Union et Progrès qui a confisqué le pouvoir, les Kurdes remplacent les Arméniens. Dans le sillage du génocide, il décide de déporter les Kurdes et de les disséminer au sein des populations turques où ils ne représenteront jamais plus que 4 ou 5 % de la population, où leurs solidarités et hiérarchies internes seront détruites.

Au Traité de Sèvres en 1920, Anglais et Français promettent aux Kurdes un État. Hypocrisie, fausses promesses ou réelle volonté d'aller dans ce sens ?

Ces deux puissances sortent exsangues du conflit mondial. Leur expérience mandataire, en Irak pour l'Angleterre, en Syrie pour la France, se passe très mal sur le terrain : employer des troupes, de l'argent, pour faire aboutir le projet d'un Kurdistan, devient coûteux. Ce recul va de pair avec la lâcheté à l'égard des dirigeants nationalistes turcs qu'on avait promis de faire condamner pour crimes contre l'humanité, avant d'y renoncer.

Les Kurdes eux-mêmes sont divisés sur l'attitude à adopter à l'égard de Mustafa Kemal. Une partie de l'élite vise la fondation d'un État ; une autre, composée de religieux, de chefs de tribus, réclame seulement une autonomie. Ils croient aux discours de Kemal qui parle souvent de réunir les trois Kurdistan (Syrie, Turquie, Irak), de reconnaître l'égalité entre Turcs et Kurdes, qui légitime sa lutte par un discours panislamiste. C'est d'ailleurs du Kurdistan turc qu'est partie la résistance de Kemal face aux Grecs en 1920.

La révolte réprimée de Koçgiri en 1921 sonne-t-elle le glas de cette croyance ?

Les rebelles kurdes de Koçgiri ne croyaient déjà pas à ces promesses. Mais il faut avoir à l'esprit qu'ils étaient des Kurdes alévis – une confession en rupture avec le sunnisme – et qu'ils ont sauvé des Arméniens pendant le génocide. La répression turque est atroce et laissera un souvenir terrible et durable, les Alévis étant à nouveau massacrés en 1938. Le traité de Lausanne en 1923, favorable à la Turquie, enterre plus largement les espoirs kurdes.

Comment le rêve d'un Kurdistan peut-il perdurer en dépit de ces défaites ?

La nette défaite du mouvement kurde dans les années 1920, l'intériorisation de la victoire des 4 États – Iran, Irak, Syrie, Turquie –, où l'on trouve désormais éparpillés des Kurdes, vont conduire, malgré ces revers, à une unité qui s'opère symboliquement : on s'unifie par un imaginaire, on crée un drapeau kurde, il se structure un Panthéon de héros kurdes ; en 1946, on écrit un hymne national kurde. Tous ces symboles circulent dans l'espace, dans le temps, utilisés, radicalisés dans les années 1960, 1970, ce qui permet un dynamisme interne.

Mais les effets de la division sont réels. À partir des années 1920, les frontières entre l'Empire perse et l'ancien Empire ottoman, jusque-là perméables, ainsi que les nouvelles frontières entre la Turquie, l'Irak et la Syrie, se militarisent à outrance pour interdire tout déplacement de Kurdes. Aller voir son cousin en lui apportant du thé revient à trahir et à faire de la contrebande. La résistance kurde consiste à défier ce couperet des frontières. Deux logiques coexistent donc : on devient pleinement citoyen turc, iranien ou irakien, mais on devient aussi pleinement kurdistanais, grâce à un lien de solidarité et de transfrontalité qui ne cesse jamais. C'est une division qui est à la fois intériorisée et contestée.

Les Soviétiques, en Iran en 1945 où naît une très éphémère République kurde, les Américains, en Irak en 2003 ou en Syrie à partir de 2012, ont souvent utilisé les Kurdes pour lutter contre un ennemi commun…

Dès que les lignes bougent, dès que surgissent des alliés potentiels venus d'ailleurs, les acteurs kurdes se repositionnent, car ils offrent une force humaine indispensable. Sans les Kurdes, l'État islamique n'aurait pu être vaincu en 2015, et s'ils n'étaient pas là encore, rien n'empêcherait sa renaissance.

Comment se présente le tableau de leurs autonomies selon les quatre États où ils sont répartis ?

Dans les années 1940, 1950, il est unanimement répressif : aucune représentation politique n'existe. Cette collaboration entre les États se lézarde au fil des années 1960, 1970, et des tensions entre l'Iran et l'Irak, la Turquie et la Syrie, l'Irak et la Syrie. Les Kurdes ont joué de ces divisions, de ces conflits, disposant d'alliés à un prix moral parfois très haut.

En Irak, ils ont été lâchés par les Américains après la guerre du Golfe en 1991. Seuls les soutiens de François Mitterrand, qui a convaincu George Bush de revenir sur sa décision, et du président turc relativement réformiste Turgut Özal, qui a vu arriver deux millions de Kurdes dans son pays, ont persuadé les Américains de créer une zone d'autonomie complète qui demeure encore.

En Syrie, depuis 2012, l'autonomie au nord du pays est aussi une réalité, même si elle n'a pas de statut officiel. Malgré les incursions turques, aujourd'hui entravées sous la double pression américaine et israélienne, les négociations du PYD avec Damas laissent augurer d'une autonomie durable au Rojava (littéralement, là où le soleil se couche, ou « l'ouest du Kurdistan »), le nouveau pouvoir syrien ne pouvant se payer le luxe d'une seconde guerre civile.

En Iran, aucun parti n'est toléré, mais il existe une société souterraine, des cercles de sociabilité très dense. En Turquie, malgré les milliers d'arrestations, malgré les Escadrons de la mort, le parti légal kurde, le DEM, obtient 10 % des voix aux élections. Demeure la question du PKK, clandestin, de son avenir au sein d'un éventuel processus de paix.

L'idée d'un Kurdistan reste-t-elle encore vivace ?

Oui, elle est puissante et permet un effet d'ancrage, de mobilisation générationnelle, qui dure, malgré la répression. Elle est à la base d'une dialectique singulière : les Kurdes ont différentes références politiques selon les pays où ils se trouvent, différents alphabets, mais ils partagent une même histoire transmise dans les familles, les cercles de sociabilisation, de manière très précoce, je pense par exemple aux pique-niques en Turquie des années 1950-1960. Les Kurdes ont dès la fin des années 1990 créé de nombreux sites Internet, aujourd'hui, il en existe par milliers. Au final, c'est une communauté qui oscille entre une grande inquiétude et une forte espérance.

En Turquie, les négociations piétinent entre le gouvernement et le PKK

Courrier international 30 avril 2025

Les médias progouvernementaux turcs étaient formels : la guérilla kurde du PKK devait, à la fin du mois d’avril, organiser un grand congrès pour débattre de l’appel lancé le jeudi 27 février par Abdullah Öcalan, le fondateur du mouvement, emprisonné en Turquie depuis 1999, à rendre les armes et à dissoudre l’organisation.

Attendu depuis deux mois, ce congrès n’aura finalement pas lieu à la date prévue par les autorités turques, ont annoncé les dirigeants kurdes retranchés dans les montagnes du nord de l’Irak. “Depuis l’appel du 27 février, nous n’avons observé aucun changement concret qui nous permette de traduire cet appel dans les faits”, a déploré l’organisation dans un message diffusé le 28 avril, rapporte le quotidien Birgün.

Plusieurs questions en suspens

Le PKK réclame notamment que son fondateur emprisonné puisse présider le congrès dont il a demandé la réunion lors de son appel du 27 février. Une demande difficile à satisfaire pour Ankara, qui a refusé la possibilité que le leader kurde y intervienne en direct par vidéoconférence, notamment par crainte qu’il ne délivre un message différent de celui lancé il y a deux mois, rapporte le journaliste turc Murat Yetkin sur son blog, Yetkin Report.

Maintenu au secret pendant des années, Abdullah Öcalan a pu bénéficier de quelques visites ces derniers mois, notamment celle d’une délégation du parti prokurde de Turquie, le Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM). Mais les autres visites qu’il a réclamées lui ont jusqu’à présent été refusées. Outre la question du régime de détention d’Öcalan, de nombreuses questions restent en suspens, parmi lesquelles celle de l’avenir des milliers de prisonniers kurdes accusés de liens avec le PKK, et plus généralement celle du devenir des combattants du mouvement.

Le parti prokurde du DEM – dont de nombreuses mairies ont été saisies par le pouvoir islamo-conservateur ces derniers mois et plusieurs de ses élus emprisonnés – a aussi fait le choix de lancer des négociations avec le gouvernement turc, notamment sur le projet d’une nouvelle Constitution qui prendrait mieux en compte les droits – en particulier culturels – de la minorité kurde du pays (autour de 20 % de la population). Mais ces négociations tardent également à déboucher.

Combats dans le nord de l’Irak

Dans ce contexte, l’annonce d’un nouveau procès contre l’ancien dirigeant du parti, l’avocat Selahattin Demirtas, a été accueillie par le mouvement kurde comme une “tentative de sabotage” du processus de paix par le pouvoir, rapporte le média en ligne Kisa Dalga.

Emprisonné depuis 2016 malgré des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle turque exigeant sa libération, l’opposant a été condamné à quarante-cinq ans de prison en 2024 et pourrait se voir condamner à quinze ans supplémentaires pour un discours prononcé il y a neuf ans.

Sur le terrain, si l’intensité des combats qui opposaient en Syrie les mercenaires proturcs et les YPG (Unités de protection du peuple), proches du PKK, a diminué ces dernières semaines, les affrontements se poursuivent entre l’armée turque et le PKK en Irak.

La Turquie y occupe 2 000 km2, empêchant les déplacements et frappant parfois les populations civiles, relate un reportage de la BBC. En réponse aux bombardements aériens turcs, le PKK a lancé depuis la mi-avril plusieurs attaques avec des drones explosifs contre l’armée d’Ankara, selon le quotidien Hürriyet.

Cinq membres des forces kurdes tués en Syrie par l'EI (FDS)

Les Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes, ont annoncé mardi la mort de cinq de leurs combattants lors de deux attaques menées par le groupe jihadiste État islamique (EI) dans l'est de la Syrie.

"Cinq de nos combattants sont tombés en martyrs et d'autres ont été blessés en repoussant deux attaques terroristes contre une position militaire de nos forces" dans deux localités, ont indiqué les FDS, bras armé de l'administration autonome kurde.

Les FDS, qui ont fait état d'une série "d'opérations terroristes menées par l'EI dans la région de Deir Ezzor" ont annoncé avoir renforcé les "mesures de sécurité et patrouilles dans la région, avec la recrudescence des activités des cellules dormantes".

Le groupe ultraradical s'était emparé de vastes territoires en Syrie et en Irak, proclamant en 2014 un "califat" où il a imposé un règne de terreur, avant d'être défait territorialement en 2019 par les FDS, aidées par une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.

Les combattants repliés dans le vaste désert syrien ont continué cependant de mener des attaques sanglantes, notamment contre des civils.

Depuis la chute du président déchu Bachar al-Assad le 8 décembre, la fréquence des attaques du groupe a diminué dans les zones contrôlées par les nouvelles autorités islamistes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, à l'inverse des zones contrôlées par les Kurdes dans l'est et le nord-est.

Lors de sa première visite à Bagdad en mars, le chef de la diplomatie syrienne Assaad al-Chaibani avait assuré que la Syrie était prête à "renforcer la coopération avec l'Irak" pour lutter contre l'EI à leur frontière commune, longue de plus de 600 kilomètres.

Après la chute d'Assad, le président par intérim Ahmad al-Chareh et le commandant des FDS, Mazloum Abdi, ont signé un accord bilatéral le 11 mars visant à intégrer les institutions de l'administration autonome kurde dans l'Etat syrien.

Mais ils ont rejeté la déclaration constitutionnelle adoptée par Damas, qui accorde les pleins pouvoirs à M. Chareh, estimant qu'elle ne reflète pas la diversité syrienne. (AFP, 29 avr 2025)

Les Kurdes demandent la construction d'un Etat "démocratique et décentralisé" en Syrie

Plusieurs partis kurdes ont adopté samedi une position commune pour construire un Etat "démocratique et décentralisé" après la chute de Bachar al-Assad en Syrie, où leurs droits seraient garantis.

Soutenus par Washington, les Kurdes contrôlent de vastes territoires dans le nord et l'est de la Syrie, incluant les principaux champs pétroliers et gaziers, et voient dans la fin du pouvoir de Bachar al-Assad, évincé par les nouvelles autorités islamistes le 8 décembre, l'occasion d'être mieux représentés dans le pays multiethnique.

Plus de 400 figures kurdes syriennes et des représentants kurdes d'Irak et de Turquie, ont participé à cette conférence intitulée "Unité de la position et du rang kurdes" et à l'issue de laquelle les participants ont adopté un "projet de vision politique kurde commune, exprimant (...) une approche réaliste pour une solution juste à la question kurde en Syrie, en tant qu'Etat démocratique décentralisé".

Mohammad Ismaïl, responsable kurde, a indiqué que la déclaration finale constituait la "charte fondatrice" d'une "Syrie unifiée, pluriethnique, multiconfessionnelle et multiculturelle, dont la Constitution garantit les droits nationaux du peuple kurde, protège la liberté et les droits des femmes et favorise leur participation active à toutes les institutions politiques, sociales et militaires".

La déclaration appelle à adopter cette vision comme "base du dialogue national" entre les forces kurdes ainsi qu'avec la nouvelle administration de Damas et l'ensemble des forces nationales syriennes, et annonce la formation prochaine d'une délégation chargée de dialoguer avec les parties concernées pour concrétiser les objectifs de cette position.

Les nouvelles autorités ont rejeté toute tentative de division ou de séparatisme, visant implicitement les aspirations kurdes à consolider l'autonomie acquise au fil du conflit depuis 2011.

Le président Ahmad al-Chareh et le commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, ont signé un accord bilatéral le 11 mars visant à intégrer les institutions de l'administration autonome kurde dans l'Etat syrien.

Les FDS, bras armé de l'administration autonome, ont été le fer de lance de la lutte contre le groupe Etat islamique, qu'elles ont défait territorialement en 2019.

"La conférence n'a pas pour objectif, comme certains le prétendent, de diviser le pays, mais au contraire de promouvoir l'unité de la Syrie", a déclaré M. Abdi lors de l'ouverture de la conférence, à laquelle participaient également des partis kurdes rivaux de l'administration autonome.

"Nous voulons que toutes les composantes syriennes obtiennent leurs droits dans la constitution afin que nous puissions construire une Syrie démocratique, décentralisée et inclusive", a-t-il ajouté.

Les Kurdes ont rejeté la déclaration constitutionnelle adoptée par Damas, qui accorde les pleins pouvoirs à M. Chareh, estimant qu'elle ne reflète pas la diversité syrienne.

Dans un message publié sur X, Badran Ciya Kurd, responsable de l'administration autonome, a déclaré que la conférence marquait un "moment historique" qui permettra aux Kurdes de "jouer un rôle de premier plan dans les transformations démocratiques radicales en Syrie". (AFP, 26 avr 2025)

Minorités / Minorities

Souverainté nationale turque et génocide arménien

Ragip Duran, TVXS.GR, 26 avril 2025

La Turquie officielle célèbre le 23 avril la Fête de la Souveraineté  Nationale et des Enfants.

Une grande partie de la communauté internationale, à commencer par l’Arménie, toute la diaspora arménienne sur les 5 continents et plusieurs instances politiques y compris le Parlement Hellénique commémore le 24 avril, la 110e année du Génocide Arménien.

Le 23 avril 1923, Moustapha Kémal, vainqueur de la ‘’Guerre d’İndépendance’’ avait inauguré à Ankara, nouvelle capitale du nouvel Etat, la Grande Assemblée Nationale de Turquie, organe suprême qui détenait les trois pouvoirs: Le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Kémal, était également le chef des forces armées. 

‘’La souverainté nationale’’ n’était pour Kémal que l’élimination politique sinon physique de l’ensemble des populations non-turques, non-musulmanes et voir celles des musulmanes de secte alévi.

102 années plus tard, c’est-à-dire aujourd’hui, le Président Erdogan est en pratique aussi bien équipé politiquement que Kémal des années 1920. La continuité est un élément essentiel de l’Etat!

Le 24 avril 1915, donc à peine 8 ans avant la déclaration de la République turque, plus de 2000 Arméniens d’Istanbul, chefs et porte-paroles de la communauté, hommes politiques, journalistes, écrivains et intellectuels ont été arrêtés sous les ordres de Talat Pacha, ministre de l’Intérieur de l’Empire Ottoman. Ces Arméniens ont été exilés vers Anatolie Centrale et la majorité des membres de ce groupe a été assassinée sur la route. 24 avril est donc, selon les Arméniens le début du Génocide.

Ces deux dates, le 23 et le 24 avril sont intimement liées l’une à l’autre. Car ce fut le génocide arménien qui a ouvert la voie à la création de la République turque. Le pouvoir politique de l’époque (1908-1918), c’est-à-dire le Comité de l’Union et du Progrès (CUP), tout comme leurs successeurs les Kémalistes, croyait que la seule solution pour sauver la nation turque en faillite, était de créer un Etat-Nation. Ce dernier se définit comme ‘’une seule nation, un seul drapeau, un seul Etat, une seule langue’’. Le Prof. Hans-Lukas Kieser, grand historien de cette époque écrit que l’objectif du CUP et des Kémalistes plus tard, était ‘’de neutraliser et de chasser toutes les populations non-musulmanes et non-turques de l’Anatolie’’. Donc les Arméniens, les Grecs, les Assyriens, les chaldéens, les Juifs d’abord et plus tard les Kurdes, les alévis et les Arabes devraient être turquisés ou chassés de l’Anatolie. Les idéologues du CUP et du Kémalisme, croyaient que les non-turcs et les non-musulmans de l’Empire agissaient comme la Cinquième Colonne des puissances étrangères, en particulier de ‘’la France et de la Grande Bretagne qui désirent diviser et coloniser l’Empire’’. La direction du CUP était profondément pro-Allemand.

L’interdépendance entre le 24 et le 23 avril a été maintes fois démontrée par des faits et déclarations des officiels. Talat Pacha, nommé l’architecte du génocide par les historiens et arméniens, est encore vu par l’Etat turc comme ‘’un grand héros national’’. Plusieurs dizaines de boulevards, de places publiques et de rues en Turquie portent aujourd’hui le nom de Talat Pacha.

Les relations d’amitiés politiques entre Talat Pacha et Moustapha Kémal sont bien exposées dans la correspondance de ces deux personnalités. ‘’Talat Pacha a nettoyé la route devant nous’’ a-t-il affirmé à sa veuve selon le journaliste-historien Murat Bardakci.

Le ministre de la Défense Nationale M. Vecdi Gonul avait déclaré en novembre 2008 à Bruxelles la relation entre les génocides et la création de l’Etat-Nation turc: ‘’S’il y avait encore des Roums en Egée et des Arméniens dans les autres régions de la Turquie, est ce qu’on pourra avoir le même Etat national?’’.

Cette relation très intime et très forte entre le 24 et le 23 avril oblige les officiels turcs à faire une grande opération d’agitation et de propagande à propos du 23 avril et à se taire voire à renier le 24 avril.

La République turque d’aujourd’hui, 102 ans après sa création, n’est toujours pas capable de faire face à son propre histoire. 31 gouvernements ou parlements, y compris la Grèce ont déjà officiellement reconnu le Génocide Arménien de 1915, seule la Turquie et l’Azerbaïdjan renient ce fait tragique.

Politique intérieure/Interior Politics

L'accès au compte X du maire d'Istanbul bloqué par les autorités

Les autorités turques ont bloqué jeudi l'accès au compte X du maire incarcéré d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, principal rival du président Recep Tayyip Erdogan, qui compte près de 10 millions d'abonnés, a constaté l'AFP.

Un message précise: "Compte restreint -- @ekrem_imamoglu a été restreint en TR (Turquie) en réponse à une demande légale".

Ce blocage intervient au lendemain d'un rassemblement de l'opposition devant l'université d'Istanbul, suivi par des dizaines de milliers de personnes, la foule la plus importante depuis un mois.

En revanche le compte en anglais du maire, @imamoglu_int, reste accessible.

Depuis l'arrestation le 19 mars de M. Imamoglu, accusé de "corruption" - ce qu'il nie -, et son placement en détention, le maire continue de s'exprimer via des messages postés sur son compte X par des proches.

Dans son dernier message sur X, l'opposant incarcéré à la prison de Silivri, dans la banlieue d'Istanbul, exhortait ses partisans à rejoindre le rassemblement convoqué mercredi soir par son parti, le CHP.

Selon le groupe de surveillance EngelliWeb, qui rapporte la censure sur Internet et les sites bloqués en Turquie, l'accès au compte du maire a été bloqué pour des raisons de "protection de la sécurité nationale et de l'ordre public", en vertu de "l'article 8/A de la loi n° 5651".

L'arrestation d'Ekrem Imamoglu, alors qu'il s'apprêtait à être investi par son parti pour l'élection présidentielle de 2028, a jeté chaque soir pendant une semaine des dizaines de milliers de personnes dans les rues d'Istanbul, et provoqué des manifestations dans des dizaines de villes de Turquie.

Face à la répression et près de 2.000 arrestations, leur nombre avait progressivement diminué au cours des dernières semaines.

Selon Yaman Akdeniz, professeur de droit et directeur de l'Association turque pour la liberté d'expression (IFOD), les raisons du blocage n'ont pas encore été divulguées mais "grâce à notre projet EngelliWeb, nous avons pu détecter l'existence d'un ordre au titre de l'article 8/A ".

"Malheureusement, je ne suis pas surpris car des centaines de comptes ont fait l'objet d'ordres similaires depuis l'arrestation d'Imamoglu", a-t-il déclaré à l'AFP.

"X est officiellement devenu le bras des forces de l'ordre turques", a-t-il ajouté.

L'avocat Gönenç Gürkaynak a annoncé qu'il contesterait cette décision en justice: "à la demande de X et en ma qualité d'avocat indépendant de X, je déposerai ce matin une demande d'objection auprès du tribunal compétent", a-t-il annoncé sur son propre compte.

En signe de solidarité avec le maire, de nombreux abonnés ont affiché un portrait d'Ekrem Imamoglu en photo de profil. (AFP, 8 mai 2025)

Nouveau coup contre la mairie d'Istanbul, autour du canal de la discorde

Le projet décrié de "Kanal Istanbul", destiné à doubler la voie maritime du Bosphore sur 50 km, se retrouve au coeur du conflit entre la mairie de la mégapole et les autorités turques.

Le parquet d'Istanbul a annoncé samedi avoir émis des mandats d'arrêt à l'encontre de cinquante-trois personnes, dont quarante-sept ont été interpellées, des proches du maire d'opposition Ekrem Imamoglu, arrêté le 19 mars, et de son équipe.

Pour les responsables de son parti, le CHP, ces arrestations sont liées à leur volonté de contrer le projet démesuré de "Canal Istanbul" du président Recep Tayyip Erdogan.

En meeting à Mersin (sud), le chef du Parti républicain du peuple (CHP), Özgür Özel, a accusé le gouvernement d'avoir "relancé" le projet de "Kanal Istanbul" juste après l'arrestation d'Ekrem Imamoglu.

Ce qu'a démenti "le département de lutte contre la désinformation" du gouvernement, assurant que "l'opération fait suite à l'enquête ouverte le 19 mars contre le maire pour corruption".

- "Une poignée d'ambitieux" -

De sa cellule, Ekrem Imamoglu a dénoncé ces arrestations à un moment où Istanbul et ses 16 millions d'habitants vivent dans la terreur d'un séisme majeur, après celui de 6,2 qui a secoué cette ville mercredi, suivi depuis de nombreuses répliques.

Il s'en est pris à "une poignée d'ambitieux (...) qui se sont mis à remplir des dossiers vides de mensonges et de calomnies".

Le maire, l'un des plus farouches opposants au président Erdogan, a été placé en détention accusé de "corruption", alors qu'il devait être désigné pour être le candidat du CHP à la future élection présidentielle.

Parmi les personnes arrêtées samedi figurent, entre autres, selon la presse turque, son chef de cabinet particulier, le frère aîné de son épouse et plusieurs responsables de l'administration municipale.

Sur X, le responsable provincial du CHP d'Istanbul, Özgür Celik, a affirmé que "l'opération d'aujourd'hui" n'était "pas une coïncidence", les services municipaux ayant ordonné la démolition et l'arrêt des chantiers immobiliers le long du tracé du "Canal Istanbul".

"Les employés de la municipalité qui se sont opposés (au projet) sont actuellement au poste de police principal", a ajouté M. Celik.
 Le projet de canal présenté par le président Erdogan, alors Premier ministre, en avril 2011 n'a pas commencé à être réalisé mais des programmes immobiliers ont été lancés par l'Etat tout comme la vente des terrains.

Cette voie d'eau relierait la mer Noire à la mer de Marmara afin de désengorger le détroit du Bosphore, sur 50 km de long, 150 m de large et 25 m de profondeur.

Le président du CHP Özgür Özel a affirmé cette semaine devant le Parlement que l'arrestation de M. Imamoglu était liée à son opposition au "Kanal".

- "Maisons au bord de l'eau" -

"Ils n'arrivent pas à creuser le canal parce que le gardien d'Istanbul Ekrem Imamoglu s'y oppose. Mais ils ont entamé la construction de maisons tout autour ! Pourquoi ? Parce qu'ils les ont vendues", a-t-il martelé.

"Pendant que le maire est en prison" a-t-il renchéri samedi, "Recep Tayyip Erdogan est apparu dans des publicités sur les télévisions arabes. Il a promis des maisons avec vue sur le canal et des lacs à Istanbul, avec des passeports turcs en supplément".

Le projet est fortement décrié par les défenseurs de l'environnement car il empièterait sur les derniers terrains naturels et agricoles autour de cette mégapole.

En outre, le creusement du canal exposerait encore davantage Istanbul aux risques sismiques, ont rappelé cette semaine plusieurs experts, arguant qu'une faille active repose sous son tracé.

"Tous les experts disent que le tremblement de terre sera une question de +survie+ (pour Istanbul). S'il vous plaît, n'allouez plus de ressources à des projets pharaoniques ! Encore une fois : soit le Canal, soit Istanbul", a plaidé le Dr Bugra Gökce, le président de l'Agence de planification urbaine d'Istanbul.

"Que puis-je ajouter...? Bonne chance !", concluait également le Pr Övgün Ahmet Ercan, un géophysicien de l'Institut technique d'Istanbul (ITU).

Ekrem Imamoglu s'est toujours opposé au projet, affirmant dès 2021 que les terrains bordant le futur canal avaient été cédés à des partisans de M. Erdogan : "C'est un projet de BTP et d'immobilier", déplorait-il, avant d'affirmer que "la principale motivation d'Erdogan, c'est l'argent, l'argent et encore l'argent". (AFP, 26 avr 2025)

Forces armées/Armed Forces

CPT: Turkish military attacks intensify despite the PKK ceasefire

It has been over two months since the imprisoned PKK leader Abdullah Öcalan called for peace and the Kurdistan Workers' Party (PKK) declared a unilateral ceasefire. Yet, Turkish military activity has surged, according to a recent report by the Community Peacemaker Teams (CPT) on Saturday.

“In April, bombardments and attacks by the Turkish Armed Forces increased by 78%compared to the previous month—reaching levels similar to those seen prior to the ceasefire. Since April 1st, at least 210 bombardments and helicopter assaults have been recorded across Iraqi Kurdistan. These include 42 airstrikes, 153 artillery shellings, 14 helicopter attacks, and one incident of small arms fire that damaged a civilian home. In total, 3 civilian houses have been destroyed and 2 have been damaged by Turkish military operations,” CPT stated.

According to the CPT, the Duhok governorate bore the overwhelming majority of bombardments and attacks in April, accounting for approximately 92% of the total, with at least 198 incidents involving artillery and helicopter assaults. In contrast, the Erbil governorate experienced around 8%, with 12 recorded bombardments. Although Turkish drones were observed flying over the Sulaymaniyah governorate, no attacks were recorded in either the Sulaymaniyah or Nineveh governorates.

This intensification of military actions marks a return to the levels of bombardments and attacks seen prior to the ceasefire. The escalation has been heavily concentrated in the Amedi district, which alone accounted for 92% of all recorded bombardments and attacks in April. Notably, the highest number of strikes recorded in a single day this year—53—occurred near villages by Gara Mountain in the Amedi district.

Since the beginning of the year, there have been at least 616 bombardments and helicopter attacks inside Iraqi Kurdistan. So far this year, there have been nine civilian casualties, with three killed and six injured. Additionally, the Kurdistan Workers' Party (PKK) has conducted at least five attacks on Turkish bases on Matina Mountain and two attacks on Peshmerga bases, resulting in four Peshmerga casualties (all injured), after Peshmerga forces established a military position on Gre Dava, south of Belava village in the Amedi district.

Notably, on April 12th, two civilians were injured and one was killed on Chiadel Mountain after coming into contact with an unexploded Turkish ordnance (UXO), which then detonated. Additionally, on April 2nd and 7th, villagers from Bermiza, located in the Sidakan district, were prevented from accessing their land and collecting wild vegetables. Turkish soldiers set up a military checkpoint and informed residents they would be allowed to return only once and not go beyond a designated boundary. However, on April 7th, when villagers attempted to access the area, the Turkish Armed Forces blocked their passage and forced them to turn back. The Turkish military established a base in the area in December 2017 and has since constructed at least five additional outposts. (ANF, 11 May 2025)

Affaires religieuses / Religious Affairs

Plus de 50 arrestations dans l'armée liées au mouvement guléniste

Cinquante-six militaires ont été arrêtés vendredi en Turquie en raison de liens présumés avec le mouvement du défunt prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'avoir ourdi une tentative de coup d'État en 2016, a annoncé le parquet d'Istanbul.

Selon l'agence de presse étatique Anadolu, ces militaires, tous en service, ont été arrêtés dans 36 des 81 provinces du pays, tandis que sept autres restent recherchés.

Plusieurs médias turcs rapportent que neuf policiers ont également été interpellés vendredi pour les mêmes soupçons.

Fethullah Gülen, décédé fin octobre aux Etats-Unis où il vivait, fut un proche allié du président turc Recep Tayyip Erdogan, avant d'en devenir l'ennemi juré.

Ankara accuse les partisans de M. Gülen d'avoir patiemment infiltré les institutions turques, dont la justice, l'armée, la police et l'enseignement, pour mettre en place un "Etat parallèle".

Plus de 25.000 personnes accusées d'appartenance à la nébuleuse guléniste ont été arrêtées depuis le coup d'Etat manqué de 2016, selon le parquet d'Istanbul. Parmi elles, près de 9.000 ont été placées en détention.

Après la mort du prédicateur, le président Erdogan avait juré poursuivre ses partisans jusque "dans les endroits les plus reculés du monde". (AFP, 23 mai 2025)

Les Chypriotes turcs manifestent contre l'autorisation du voile au lycée

Une nouvelle manifestation de Chypriotes-turcs  est attendue vendredi à Nicosie-Nord pour protester contre la récente  autorisation du port du voile dans les lycées publics, une réforme dénoncée  par ses opposants au nom des traditions laïques locales.

Un appel à la grève générale a été lancé pour vendredi par plus d'une  centaine de syndicats pour exiger l'abrogation de la nouvelle règle, et  rendez-vous donné en début de soirée pour manifester, dans la partie chypriote  turque de la capitale divisée.

En mars, le conseil des ministre de la République turque de Chypre du Nord  (RTCN) - autoproclamée en 1983 et reconnue uniquement par Ankara - a réformé  le code de discipline scolaire pour autoriser le hijab au lycée, laissant les  collèges décider si faire pareil ou pas.

Le foulard, s'il est porté, doit être simple, de couleur unie et assortie à  l'uniforme scolaire, selon la nouvelle réglementation.

"Dans ce pays, il y a ceux qui ont des croyances religieuses et ceux qui  n'en ont pas. Ceux qui vont à la mosquée et ceux qui n'y vont pas. Ce sont des  choix individuels", a défendu lors d'une émission matinale le président de la  RTCN, Ersin Tatar.

Le changement, qui a déclenché un levée de bouclier de la part des partis  d'opposition, des milieux enseignants et des syndicats, a été décidé après un  incident relayé sur les réseaux sociaux en mars dans une école de  Nicosie-Nord, où une lycéenne s'était vue refuser l'entrée à cause de son  hijab.

Sur la vidéo, la jeune fille, un foulard bleu sur la tête est avec son père  devant les portes de l'établissement, engagée dans une discussion houleuse  avec ce qui semble être la direction tandis que les autres élèves entrent en  classe.

Les opposants à la réforme ont accusé le gouvernement de politiser le  système éducatif et de porter atteinte aux valeurs de laïcité.

 - Le risque d'une "confrontation" -

 "Faire une exception sur les symboles religieux dans les écoles publiques  est contraire à la laïcité et menace le bon développement des enfants",  s'insurge Burak Mavis, à la tête du syndicat des enseignants de la RTCN.

 "Les moins de 18 ans n'ont pas la capacité de faire leurs propres choix,  c'est une erreur de penser qu'un choix idéologique et symbolique comme le  foulard soit librement voulu", ajoute-t-il à l'AFP avant les rassemblements.

Plus de 10.000 personnes avaient déjà participé à une manifestation à  Nicosie-Nord le mois dernier, selon ce dirigeant syndical, rassemblant des  leaders du principal parti d'opposition, le Parti républicain turc (CTP), et  d'autres groupes de gauche.

"Avec cette réglementation, on est sûr de déclencher un débat de société  voire une confrontation à propos de l'éducation laïque et des libertés  individuelles", a fustigé sur Facebook Tufan Erhurman, le leader du CTP.

 Majoritairement musulmans, les Chypriotes-turcs s'identifient largement à  une pratique sécularisée de l'islam.

Le foulard est rarement porté, la consommation d'alcool courante pour  beaucoup et les plus pieux ont tendance à réserver leur pratique religieuse à  la sphère privée.

La population originaire de l'île se distingue en ce sens des habitants  venus de Turquie, volontiers plus conservateurs et religieux, et qui seraient  plus nombreux selon certaines estimations.

 Le débat n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui qu'a connu la Turquie en  2013 après la décision de lever l'interdiction du foulard pour les lycéennes.

Dans les établissements de la République de Chypre, grécophone,

reconnue  internationalement et membre de l'UE, les élèves peuvent porter le foulard et  d'autres signes religieux. (AFP, 2 mai 2025)

Socio-économique / Socio-economic

Erdogan décrète une "Décennie de la famille" face à la dénatalité

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a décrété vendredi une "Décennie de la famille" pour contrer la dénatalité en Turquie, fustigeant une fois de plus la "perversion LGBT".

"Nous déclarons la période 2026-2035 comme la Décennie de la famille et de la population", a déclaré le chef de l'Etat en ouverture du Forum international de la famille, à Istanbul.

"Le taux de natalité de la Turquie, pour la première fois dans notre histoire, a chuté à 1,48. C'est un désastre. Ce chiffre est bien en dessous du seuil critique de 2,1" enfants par femme, nécessaire au renouvellement des générations, a prévenu M. Erdogan citant les données de l'Institut national des statistiques (Tüik).

"Notre pays est confronté à un grand danger", a-t-il insisté. "C'est pourquoi nous avons lancé un appel à toutes les familles pour qu'elles fassent au moins trois enfants".

En 2001, le taux de natalité en Turquie atteignait 2,38 enfants par femmes selon le Tüik.

Ce n'est pas la première fois que le chef de l'Etat, pieux musulman lui-même père de quatre enfants, s'inquiète de la baisse démographique dans son pays.

Il avait déjà proclamé 2025 "Année de la famille", promettant une aide aux jeunes mariés par la création, en 2023, à la faveur d'une campagne présidentielle, d'un "Fonds pour la famille et la jeunesse".

Il a une nouvelle fois dénoncé vendredi le "fléau" et la "perversion LGBT": les personnes homosexuelles et transgenres étaient devenues sa cible récurrente lors de la campagne en 2023.

"La lutte contre la perversion LGBT est une lutte pour la liberté, la dignité et pour sauver l'avenir de l'humanité", a-t-il lancé vendredi affirmant que "ce mouvement déviant LGBT (...) s'est transformé en une forme de fascisme et d'oppression qui rejette toute autre idéologie différente".

Selon lui "des entreprises multinationales et certains États promeuvent ce problème" et le fait que "des artistes, des hommes politiques, des hommes d'affaires et des scientifiques critiquent les LGBT leur vaut d'être lynchés", a-t-il affirmé.

Il a refusé en revanche de considérer que la chute de la natalité est liée à la crise économique que subit le pays, frappée par une forte inflation et la dévaluation de sa monnaie, comme l'avance l'opposition.

"La baisse du taux de natalité en Turquie n'est pas due aux problèmes ponctuels de l'économie. À mesure que le niveau de prospérité augmentait, notre taux de fécondité commençait à baisser", a-t-il souligné. (AFP, 23 mai 2025)

Incendie meurtrier dans un hôtel en Turquie: lourdes peines requises

Le parquet a requis de lourdes peines de  prison pour 32 suspects mis en cause après l'incendie qui a fait 78 morts dans  un hôtel de luxe d'une station de ski du nord de la Turquie en janvier, ont  rapporté des médias turcs samedi, citant l'acte d'accusation.

L'incendie avait ravagé l'hôtel Grand Kartal, situé dans la station de ski  de Kartalkaya, le 21 janvier.

 Les témoignages de survivants et d'experts ont fait état de nombreuses  failles de sécurité.

 Selon l'acte d'accusation, le parquet de la ville voisine de Bolu requiert  que 13 suspects - parmi lesquels le propriétaire, la direction et les membres  du conseil d'administration de l'hôtel, ainsi que l'adjoint au maire, le  sous-chef des pompiers et un autre pompier - purgent jusqu'à 1.998 ans de  prison pour 78 chefs d'accusation de "homicide avec intention possible".

 Ils réclament également des peines de prison allant jusqu'à 22 ans et 6  mois pour "morts et blessures par négligence consciente", contre 19 autres  personnes, dont des membres du personnel technique et des cuisines de l'hôtel,  ainsi que plusieurs experts externes chargés de la maintenance.

 L'incendie s'était déclaré à 03H17 du matin le 21 mai lorsqu'une plaque de  cuisson électrique défectueuse dans la cuisine du quatrième étage avait  surchauffé et pris feu, enflammant le tuyau d'alimentation en gaz de la  cuisine. Dès 03H26, le brasier avait "dépassé les limites contrôlables".

 La chaleur intense a gazéifié les panneaux de particules et le bois vernis,  provoquant une épaisse fumée qui "s'est rapidement élevée aux étages  supérieurs, remplissant les couloirs de fumée toxique et de gaz inflammables".

 L'incendie s'est également propagé au bardage en bois extérieur du  bâtiment, provoquant une montée des flammes le long de la façade.

 L'acte d'accusation a conclu à l'absence de système d'alarme sonore et à  l'inadéquation du plan d'intervention d'urgence de l'hôtel, avec un personnel  "inexpérimenté et non formé" qui a accéléré la propagation de l'incendie en  ouvrant les portes du parking.

 L'incendie s'est déclaré en pleine saison haute, alors que 238 clients  séjournaient dans l'hôtel à l'occasion des vacances d'hiver. Nombre d'entre  eux ont tenté de s'échapper par les fenêtres en utilisant des draps comme  cordes pour descendre, et certains se seraient tués en tombant.

De nombreux survivants ont raconté qu'il n'y avait pas d'alarmes ni de  portes coupe-feu, et aucun moyen sûr de sortir de l'hôtel dans ces conditions. (AFP, 17 mai 2025)

La Turquie a découvert un nouveau gisement de gaz naturel en mer Noire, dit  Erdogan

La Turquie a découvert en mer Noire un  nouveau gisement de gaz naturel qui couvrira ses besoins énergétiques pendant  plus de trois ans, a annoncé samedi le président Recep Tayyip Erdogan.

"Nous avons découvert 75 milliards de m3 de gaz naturel", a-t-il déclaré.  "Avec ce volume, nous couvrirons les besoins de nos foyers pendant environ  trois ans et demi", a-t-il ajouté, estimant la valeur du gisement à 30  milliards de dollars.

"Nos travaux sur le puits Göktepe-3, commencés le 27 mars avec notre navire  de forage de septième génération Abdulhamid Han, se sont achevés hier", a  expliqué le président.

La Turquie reste fortement dépendante des importations pour couvrir ses  besoins énergétiques et M. Erdogan a souligné la volonté de son pays  d'atteindre l'indépendance énergétique.

 "Nous poursuivrons notre chemin sans interruption ni relâche et sans prêter  attention aux critiques ni aux obstacles jusqu'à ce que nous atteignions notre  objectif d'une Turquie dotée d'une entière indépendance énergétique", a-t-il  martelé. (AFP, 17 mai 2025)

Saisie en Syrie de 9 millions de comprimés de captagon pour le marché turc

Les autorités syriennes ont annoncé jeudi la saisie d'environ neuf millions de comprimés de captagon, stimulant illégal de type amphétamine, destinés à la Turquie.

Le ministère syrien de l'Intérieur a précisé que les "plus de neuf millions de pilules de captagon" avaient été saisies à l'issue d'une opération menée conjointement avec la Turquie.

"Environ cinq millions de ces pilules ont été introduites clandestinement en Turquie, tandis que la quantité restante était destinée à la contrebande", a indiqué le ministère sur Telegram.

Les forces turques et syriennes ont traqué les contrebandiers pendant un mois et les ont arrêtés dans la ville syrienne d'Alep, toujours selon le ministère, qui promet de travailler "sans relâche pour éradiquer ce dangereux fléau".

Le pouvoir de Bachar al-Assad, qui a transformé la Syrie en narco-Etat, était notoirement connu pour produire du captagon, une amphétamine dérivée d'un médicament censé traiter la narcolepsie ou les troubles du déficit de l'attention.

Après la chute d'Assad le 8 décembre, les nouvelles autorités ont mis au jour des stocks considérables de captagon dans des entrepôts ou d'anciennes installations militaires.

Les revenus générés par la vente de cette drogue de synthèse ont financé le pouvoir d'Assad tout au long de la guerre syrienne, déclenchée en 2011.

La Syrie est ainsi devenue l'un des plus grands producteurs mondiaux de stupéfiants, et le captagon sa principale exportation, dépassant à lui seul toutes ses exportations légales réunies, selon des estimations basées sur des données officielles collectées par l'AFP lors d'une enquête menée en 2022.

Les forces de sécurité d'Irak ont saisi en mars plus d'une tonne de captagon en provenance de la Syrie et qui avait transité par la Turquie.

La Jordanie avait pour sa part intercepté en avril une livraison de captagon syrien et confisqué "des centaines de milliers" de pilules. (AFP, 15 mai 2025)

Mesures à la turque contre le vrai danger de séisme

Ragip Duran, TVXS.GR, 7 mai 2025
La Turquie se trouve géographiquement au beau milieu d’au moins de trois grandes lignes de faille, donc est un pays de séisme par excellence.

Le pays a été dévasté depuis l’Empire Byzantin par des hordes de Mongols, de Croisés, de Turcs…Mais les grands tremblements de terre  ont également déformé l’environnement naturel, l’architecture historique, l’urbanisme voire la composition des populations. Plus de 20 séismes d’intensité de plus de 6 selon l’échelle de Richter depuis 1924 a causé la mort de plusieurs centaines de milliers de citoyens et la destruction de plus de 2 millions de bâtiments selon les statistiques de l’Observatoire Kandilli de l’Université de Bosphore.

Malgré ces données, les gouvernements turcs n’ont pas pu prendre les mesures nécessaires et préparer/éduquer ses citoyens contre ce fléau. Car la majorité de ces dirigeants croient que le séisme est un événement naturel et divin donc impossible d’empêcher. ‘’Les militaires prenaient de l’alcool, c’est pourquoi il y a eu le séisme de 1999 à İzmit’’ avait osé déclarer un imam local. ‘’Les femmes qui ne portent pas le foulard islamique ont provoqué le séisme’’ avait estimé un autre responsable religieux.

La seconde raison de la carence des mesures serait le manque de planification urbaine et de l’aménagement du territoire. Le Quartier Général de la marine turque ainsi que la plus grande usine pétrochimique du pays se trouvent sur la plus grande faille d’Anatolie qui est là depuis au moins mille an!

Enfin, l’avidité à fond de gagner de l’argent encourage les promoteurs à construire des bâtiments là où il ne fallait pas. Il suffit d’un pot-de-vin pour obtenir le permis de construire même au bord d’une rivière, juste sur la faille ou bien sur un terrain déjà glissant.

L’impunité est un autre facteur qui augmente les risques. Plusieurs promoteurs n’ont même pas été interrogés alors que les bâtiments qu’ils avaient construits avec du matériel de fortune s’étaient écroulés comme des châteaux de cartes lors du grand séisme de 1999. Précision importante: L’ensemble de ces promoteurs étaient proches du pouvoir.

Faut-il également rappeler que l’administration n’accorde pas assez d’importance pour contrôler les constructions en cours.

Plusieurs Zones de Rassemblement Urgent créées dans les centres des grandes villes pour protéger les citoyens après le séisme de 1999 ont été vendus aux sociétés qui y ont construit des centres commerciaux. L’argent était donc plus important que la vie humaine.

De nos jours, le régime d’Erdogan, à la suite de l’arrestation du maire Imamoglu, a réactualisé le fameux Canal Istanbul, immense projet d’urbanisation qui reliera une deuxième fois la Mer de Marmara à la Mer Noire. Les chaînes de télévision arabes diffusent des spots publicitaires pour vendre des terrains et des villas dans cette région. Un tribunal avait déjà décidé que ce projet n’était pas conforme aux normes juridiques, écologiques et urbaines. Le pouvoir ne respecte plus la loi, le droit et les verdicts des tribunaux. Les universitaires et l’opposition ont déjà démontré que ce projet ruinera complètement l’environnement où vivent environ un million d’habitants. De plus, la construction du Canal Istanbul peut déclencher le grand séisme de magnitude de plus de 7 prévu par les experts.

Les citoyens deviennent petit à petit des spécialistes amateurs du séisme. Mais ils n’arrivent pas toujours à bien choisir leur maître préfère. Les professeurs de géologie, de sismologie, de géographie font le tour des plateaux de télévision pour éclairer les citoyens. Baguette à la main devant des cartes de failles, ils expliquent d’une façon technique avec une terminologie presque incompréhensible les risques et les mesures. La société turque déjà polarisée politiquement, économiquement et culturellement se trouve encore une fois divisée devant les affirmations contradictoires des professeurs de séisme. ‘’Hier soir, les partisans du Prof. X sont allés calmement dormir dans leurs lits. Les militants du Prof. Y ont passé la nuit dans leurs voitures. Les abonnés du Prof. Z avaient déjà quitté la ville!’’ constate un internaute.

Le séisme peut être un événement naturel, mais l’administration centrale ne l’est pas en Turquie.

Top court rejects challenge to law allowing euthanasia of stray animals

The Constitutional Court has rejected an application to annul key provisions of a controversial animal protection law that allows for the euthanasia of stray animals. The decision drew criticism from animal rights advocates who had gathered outside the court in protest.

The main opposition Republican People’s Party (CHP) had filed the petition seeking the annulement of 16 articles in Law No. 7527 amending the Animal Protection Law, which was enacted last year.

The court reviewed the case on its merits and dismissed the challenge, unanimously for some articles and by majority vote for others, according to Mezopotamya Agency (MA) reporting. It has not yet issued its reasoning for the decision.

Animal rights groups, including the Animal Rights Commission of the Union of Turkish Bar Associations, joined civil society organizations in rallying outside the Constitutional Court from the early hours of the day. Protesters denounced the court’s ruling, and police attempted to block the demonstration with riot shields.

The law, enacted in August, grants municipalities the authority to capture stray animals, dogs and cats alike, keep them in shelters until adoption, and euthanize those that were determined to be dangerous or critically ill. It also authorizes local governments to define the procedures for carrying out euthanasia.

The legislation was introduced by the ruling Justice and Development Party (AKP) following sustained public campaigns prompted by a series of street dog attacks across the country. However, it also faced strong opposition from animal rights advocates, who argued that the law violated fundamental animal welfare principles.

Following the law’s enactment, the CHP filed a case with the Constitutional Court on Aug 15, citing violations of the right to life, public interest, and animal welfare. The party requested the annulment of 16 out of the law’s 17 articles.

The court’s decision to reject the request upholds the law, which remains in force. (BIA, 7 May 2025)

Relations turco-européennes / Turkey-Europe Relations

Et qu’en est-il de la liste noire de l’Union européenne ?



Doğan Özgüden, Artı Gerçek, 19 mai 2025

Si l’on veut que le nouveau processus évolue de manière à transformer la Turquie en un pays de démocratie et de paix, il faut que tous les pays du monde, et en particulier l’UE, déclarent immédiatement le retrait du PKK de la liste des « organisations terroristes».
Le 18 mai au matin, avant le lever du soleil, j’étais collé à mon écran d’ordinateur et je parcourais les journaux de Turquie lorsque je fus secoué par l’article d’Işıl Özgentürk qui m’a ramené à nos années 60… Dans son article poétique intitulé « En faisant nos adieux à un réalisateur de cinéma qui se promenait avec des poèmes en poche », elle parlait de son époux bien-aimé et compagnon de lutte Ali Özgentürk qui nous a quitté trois jours plus tôt.

J’ai connu Ali Özgentürk, au-delà de sa qualité de jeune militant révolutionnaire des années 60, en tant que directeur du Théâtre du Mouvement pour la Révolution qui, pour la première fois, sortait le théâtre à la rue. Mais il ne s’est pas contenté de cela, il était également devenu mon collègue dans la gestion du journal du syndicat des mineurs Maden İş affilié à la DİSK (Confédération des syndicats ouvriers révolutionnaires).

Comme l’a rappelé mon ami Faruk Pekin dans son article d’hier, c’est Ali Özgentürk qui fut l’auteur de la manchette « Classe ouvrière sois prête, la grande bataille commence » dans le journal Maden İş à la veille des 15-16 juin 1970, et celle intitulée « La classe ouvrière a aussi son ultimatum » après que les putschistes du 12 mars ont poussé le gouvernement à la démission en publiant leur fameux Mémorandum.

Işıl (Türkben) Özgentürk était aussi l’un des soutiens les plus actifs de la lutte de la classe ouvrière au sein du mouvement de la jeunesse de cette époque, et autrice de la revue Ant…

Le 29 décembre 1969, à l’occasion de la résistance enclenchée à la suite du licenciement de 124 ouvriers par le patron de l’usine de moteurs électriques Gamak à Istanbul, la police ouvrit le feu, tua Şerif Aygün et blessa par balles sept ouvriers.

Le lendemain, la presse de la Sublime Porte rapportait l’incident ainsi : « Les ouvriers ont attaqué les policiers, et la police a ouvert le feu pour sauver sa peau ». Işıl Türkben avait expliqué en détail les dessous de l’affaire dans son article intitulé « J’ai vu de mes propres yeux la manière dont Şerif a été abattu » dans le numéro de la revue Ant du 6 janvier 1970. Avec l’article d’Işıl, nous avions également publié les paroles de la chanson « Bayram benim neyime (Qu’en ai-je à faire de la Fête) » composée par Rahmi Saltuk à l’occasion de la mort de Şerif.

Le 18 mai était aussi l’anniversaire de trois évènements qui ont marqué de leur empreinte l’histoire des « coups d’État » en Turquie.

Le premier fait suite au coup d’État du 27 mai 1960… Notre grand-maître de l’humour Aziz Nesin fut, comme durant la période de parti unique, arrêté le 18 mai 1961, par le Comité d’union nationale qui avait pris le pouvoir en jurant « fidélité à l’OTAN et au CENTO », pour propagande communiste dans ses articles du journal Tanin où il travaillait.

Le même Aziz Nesin qui avait fait don à l’État de la Palme d’Or qu’il avait remportée lors du concours international de caricature de Bordighera, croyant qu’une ère de liberté allait naître du coup d’État du 27 mai.

Encore plus douloureuse fut la déclaration de Kasım Gülek publiée dans le journal Tanin le lendemain de l’arrestation : « L’écrivain Aziz Nesin placé hier en garde à vue a été remercié de notre journal il y a une semaine. En réalité, nous étions arrivés à la conclusion que cet écrivain, dont les écrits avaient été publiés dans de nombreux journaux et magazines avant le nôtre, et le sont encore, n’était plus utile à notre journal dans ces derniers temps, et avions rompu nos relations avec lui ».

Aziz Nesin allait encore être la cible de la terreur d’État après les coups d’État de 1971 et 1980, et jugé pour la dernière fois en qualité de prévenu numéro un dans le fameux procès de la Pétition des Intellectuels. Étant donné que la défense qu’il présente dans cette affaire fut interdite de publication en Turquie, nous publiâmes à sa demande cette défense dans les livres d’Info-Türk afin qu’elle puisse être entendue à l’étranger…

Le deuxième anniversaire fait suite au coup d’État du 12 mars 1971… Nous avions perdu İbrahim Kaypakkaya, l’un des jeunes dirigeants du mouvement révolutionnaire de Turquie dans une geôle le 18 mai 1973 des suites des tortures qui lui furent infligées.

J’avais connu Kaypakkaya comme leader étudiant militant de l’École supérieure de formation d’enseignants d’Istanbul. J’avais publié les documents relatifs aux pressions exercées par l’administration fascisante de l’école et la chasse à l’homme qui visait en particulier İbrahim Kaypakkaya dans les numéros de la revue Ant des 11 février et 22 avril 1969.

Lorsque Kaypakkaya venait rendre visite à Ant pendant ces luttes, il entretenait de longues conversations non seulement sur la résistance étudiante, mais sur les problèmes du mouvement socialiste. Nos publications sur les questions populaires et contre le militarisme étaient les sujets qui attiraient le plus l’attention de Kaypakkaya. Il accueillit avec enthousiasme notre publication de l’Histoire Kurde de Cheref Khan…

Après le coup d’État du 12 mars, il apporta une grande contribution à la lutte pour la liberté et la fraternité des peuples en Turquie, qui allait prendre dans les années suivantes une dimension de masse, en déclarant dans le mouvement politique dont il était membre : « Les Kurdes sont aussi une nation et ont le droit de déterminer leur propre destin ».

Le troisième anniversaire fait suite au coup d’État du 12 septembre 1980… Au Festival de Cannes en 1982, l’un de nos exilés politiques, Yılmaz Güney, reçut la Palme d’Or avec Costa Gavras pour son film Yol, et à la suite de cela, l’État turc demanda le 18 mai 1982 à la France son expulsion immédiate et son extradition pour la Turquie.

La France n’ayant pas obtempéré à cette demande, Yılmaz Güney, qui fut contraint de quitter son pays en toute illégalité pour éviter de devoir croupier en prison pendant des années, fut déchu de la nationalité turque.

Yılmaz Güney, qui tourna son dernier film, Le Mur, à Paris et participa aux activités de résistance contre le régime de la junte, malgré l’aggravation de ses problèmes de santé faute d’avoir pu recevoir les soins appropriés en prison, décéda le 9 septembre 1984, alors qu’il n’avait que 47 ans.

Il est amer que, 43 ans après cet incident, une nouvelle affaire honteuse pour l’État turc se produise au Festival de Cannes… Notre célèbre réalisateur Fatih Akın a déclaré que son manager Ayşe Barım, sous le coup de poursuites en lien avec les manifestations du Parc Gezi il y a 12 ans, était en détention sous l’accusation d’« avoir tenté de renverser le gouvernement », et qu’il pourrait lui aussi être incarcéré s’il retournait en Turquie.

Jusqu’au jour où Fatih Akın a fait cette déclaration, aucune mesure concrète n’a encore été prise du côté du pouvoir en Turquie dans le cadre du nouveau « processus de résolution » initié par Devlet Bahçeli, qui a pris de l’ampleur avec l’Appel à la Paix et à une Société démocratique d’Abdullah Öcalan et la décision d’autodissolution prise par le PKK.

De retour du 6e Sommet de Communauté politique européenne, le président Erdoğan a déclaré : « Notre agenda comprend l’élimination totale du terrorisme. L’organisation terroriste s’est autodissoute et dépose les armes. Nous ne consentirons pas à ouvrir à la discussion des sujets comme l’unité, l’intégrité, la structure unitaire, le régime, le drapeau et la langue officielle de notre État. Que personne n’en doute, notre État et notre gouvernement maîtrisent l’ordre du jour. L’Alliance du peuple est dans une totale solidarité ».

Il n’y a aucun signe que les revendications démocratiques avancées par le PKK lors de sa dissolution, et soutenues par le DEM et toutes les forces démocratiques, seront mises en œuvre dans les plus brefs délais avec l’approbation de la Grande Assemblée nationale de Turquie.

Ragıp Duran, l’un de nos amis journalistes en exil, a également écrit dans une analyse que nous avons partagée : « Le gouvernement n’a toujours pas annoncé les mesures de court terme que les Kurdes attendent depuis longtemps : une amnistie générale, le droit à l’espoir pour Öcalan emprisonné depuis 1999, de nouvelles lois de renforcement de l’autonomie des collectivités locales, la levée des dispositifs contre la langue et la culture kurdes… De surcroît, le régime n’a également aucun plan pour les 15 à 20 mille guérilleros du PKK et leurs leaders. On ignore comment et où le PKK déposera ses armes. Le cœur du problème et la revendication fondamentale de tous les Kurdes qui est la « reconnaissance collective et constitutionnelle de l’identité kurde » n’est pas non plus à l’ordre du jour du régime ».

Sur le plan international, les dirigeants du régime d’Ankara, qualifiés d’« antidémocratique » par les dernières résolutions du Conseil de l’Europe et du Parlement européen, sont toujours tenus en haute estime dans le cadre des relations internationales, comme en témoignent la réunion au sommet de la Communauté politique européenne et les pourparlers de paix russo-ukrainiens d’Istanbul…

En revanche, malgré sa décision d’autodissolution et de dépôt des armes, le PKK demeure toujours sur la liste des « organisations terroristes » de l’Union européenne. À tel point qu’il se dit que les dirigeants du PKK autodissous ne seront pas autorisés à s’installer en Syrie ou dans les pays européens, et encore moins à rentrer en Turquie.

Si l’on veut que ce nouveau processus puisse réellement évoluer de manière à permettre à la Turquie de devenir un pays de démocratie et de paix, tous les pays du monde, à commencer par l’Union européenne, devraient immédiatement déclarer le retrait du PKK de la liste des « organisations terroristes ».

Alors qu’Ahmad al-Chareh, le leader de Hayat Tahrir al-Cham, qui a pris le pouvoir en Syrie avec le soutien de l’État turc tout en se trouvant sur la liste des « organisations terroristes » du monde entier, est aujourd’hui reconnu comme le président de la Syrie par tous les pays, à commencer par les dirigeants des USA et de la France, et est un interlocuteur choyé alors même qu’il continue à menacer la structure autonome kurde dans son pays, le fait que le PKK qui, avec dévouement, poursuit la juste lutte de la nation kurde, en menant aujourd’hui le processus « de Paix et de Société démocratique », soit toujours maintenu sur la liste des « organisations terroristes » est un manque de respect envers tous les peuples du monde, et en premier lieu la nation kurde, qui sont pour la démocratie et la paix.

La lutte pour mettre fin à cette honte devrait être l’une des tâches principales, non seulement des organisations kurdes, mais aussi de tous les partis d’opposition en Turquie.

Traduction: Mazyar KHOOJINIAN


Le Conseil de l'Europe exige la libération du maire d'Istanbul

Le Conseil de l'Europe a exigé mercredi la libération "immédiate" du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, après avoir pu rencontrer cet opposant au président Recep Tayyip Erdogan en détention.

"À l'issue de notre échange de vues approfondi avec M. Imamoglu, nous restons convaincus qu'il est inacceptable, dans un Etat de droit, de priver Istanbul de son maire élu en le détenant sans procès ni charges fondées, et nous réitérons notre appel en faveur de sa libération immédiate", écrit dans un communiqué la délégation qui a rencontré l'opposant.

Le communiqué ne précise par quand exactement la délégation, conduite par le Belge Marc Cools, président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, un organe du Conseil de l'Europe, a rencontré M. Imamoglu, indiquant simplement que sa visite officielle en Turquie s'est déroulée les 5 et 6 mai.

Il s'est agi de "la première délégation internationale à rencontrer le maire Imamoglu après son arrestation" le 19 mars, selon la délégation, qui remercie les autorités turques d'avoir permis cet entretien.

M. Imamoglu est détenu à la prison de Silivri, à l'ouest d'Istanbul.

"L'arrestation d'élus locaux et de fonctionnaires municipaux, ainsi que leur remplacement sans procédure régulière ni procès fondé sur des preuves, portent atteinte aux principes démocratiques fondamentaux", dénonce le communiqué.

En outre, "les allégations de terrorisme (...) ne peuvent en aucun cas justifier le remplacement des maires par des administrateurs gouvernementaux. Ces mesures ignorent de fait la volonté des citoyens exprimée par les urnes", écrit la délégation.

Elle se dit préoccupée "par les violations des libertés fondamentales des manifestants qui ont été signalées à la suite des manifestations déclenchées par l'arrestation du maire d'Istanbul".

L'arrestation d'Ekrem Imamoglu, investi candidat du principal parti d'opposition (CHP, social-démocrate) à la présidentielle de 2028 le jour-même de son incarcération pour "corruption", a été le déclencheur d'une colère plus large, dans un pays dirigé depuis 2002 par le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan.

Les grandes manifestations de la première semaine, quand des dizaines de milliers de personnes déferlaient chaque soir devant l'hôtel de ville d'Istanbul, sont révolues mais le CHP s'efforce depuis d'entretenir la contestation.

Le Conseil de l'Europe, qui rassemble 46 pays, dont la Turquie, est la vigie des droits de l'homme et de la démocratie sur le continent. (AFP, 7 mai 2025)

Le Parlement de l'UE exige la libération d'un journaliste suédois

Le Parlement européen a exigé mercredi la libération "immédiate et sans conditions" du journaliste suédois Joakim Medin, arrêté fin mars en Turquie puis condamné par un tribunal d'Ankara pour "insulte" au président turc Recep Tayyip Erdogan.

Les eurodéputés "condamnent fermement" cette arrestation, et "réaffirment que la liberté de la presse est un droit fondamental et une valeur essentielle de l'Union européenne", ajoute le texte adopté lors d'un vote en session plénière à Strasbourg.

Il s'agissait d'un amendement associé à un "rapport" sur les relations UE-Turquie, sans valeur législative. Cet ajout était défendu par trois eurodéputés du groupe de La Gauche (The Left), deux suédois et un chypriote.

Reporter pour le journal suédois Dagens ETC, Joakim Medin, 40 ans, a été interpellé le 27 mars à son arrivée à Istanbul, où il venait couvrir les manifestations déclenchées par l'arrestation le 19 mars du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du président Erdogan.

La semaine dernière il a été condamné à onze mois de prison avec sursis par un tribunal d'Ankara, pour "insulte au président". Il a comparu par visioconférence depuis sa cellule dans une prison de la région d'Istanbul.

Malgré la condamnation à une peine avec sursis, Joakim Medin doit rester en prison dans l'attente d'un autre procès pour "appartenance à une organisation terroriste".

Le journaliste nie l'accusation de la justice turque selon laquelle il aurait participé en janvier 2023 à Stockholm à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie).

Dans le rapport voté mercredi par une nette majorité (367 voix pour, 74 contre et 188 abstentions) les eurodéputés constatent que "le recul démocratique continue en Turquie", dont le processus d'adhésion à l'UE "doit rester gelé".

"Plus les autorités turques s'orientent vers un modèle autoritaire- comme cela a été observé récemment avec l'arrestation d'Ekrem Imamoglu - plus elles s'éloignent de l'adhésion à l'UE", a commenté l'élu espagnol Nacho Sánchez Amor (Socialistes et Démocrates), rapporteur du texte.

La Turquie a été reconnue comme candidate à l'entrée dans l'UE en 1999 mais les négociations d'adhésion sont gelées depuis 2018. (AFP, 7 mai 2025)


Meloni et Erdogan visent 40 milliards d'euros d'échange commerciaux

La Première ministre italienne Giorgia Meloni et le président turc Recep Tayyip Erdogan ont signé mardi une "déclaration conjointe" par laquelle ils s'engagent à parvenir à 40 milliards d'euros d'échanges commerciaux entre les deux pays.

"Nous avons signé aujourd'hui une déclaration conjointe qui fixe comme objectif nouveau et vraiment ambitieux d'atteindre 40 milliards d'euros dans nos échanges commerciaux à moyen terme", a déclaré Mme Meloni, après la rencontre.

"L'objectif que nous visons avec nos partenaires turcs est de renforcer l'autonomie industrielle européenne et méditerranéenne", a-t-elle ajouté.

L'Italie est le deuxième partenaire commercial de la Turquie en Europe. Le commerce bilatéral s'est élevé à 32,2 milliards de dollars en 2024, selon Rome.

Les deux dirigeants se sont réunis en tête-à-tête avant une rencontre élargie à plusieurs ministres des gouvernements de Rome et Ankara.

Mme Meloni et M. Erdogan ont discuté de la guerre en Ukraine et de la situation au Moyen-Orient avant la rencontre élargie au cours de laquelle une série d'accords a été signée, notamment dans les domaines de l'énergie et de la défense, selon une source gouvernementale italienne.

"L'objectif est de renforcer la coopération et le partenariat stratégique entre les deux nations et d'encourager les relations économiques et commerciales, qui se sont considérablement développées ces dernières années", a indiqué la source.

Cette réunion intervient alors que l'invasion russe de l'Ukraine a poussé l'Union européenne à rechercher des liens plus étroits en matière de sécurité avec la Turquie, alliée de l'Otan et candidate de longue date à l'adhésion à l'UE.

La guerre en Ukraine a aussi propulsé l'industrie de la défense au plus haut, et l'entreprise italienne de défense Leonardo a ainsi convenu avec le fabricant turc de drones Baykar de développer conjointement des drones.

La lutte contre l'immigration illégale, un sujet cher à la Première ministre italienne, qui dirige le parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FDI), a été également évoquée.

Ankara a joué ces dernières années un rôle de premier plan dans la lutte contre les arrivées irrégulières en Europe, recevant en retour des milliards de la part de Bruxelles.

Les délégations ont cherché également à renforcer la coopération dans les domaines des transports, des infrastructures, de l'espace et du sport, l'Italie et la Turquie devant accueillir conjointement l'Euro-2032 de football. (AFP, 29 avr 2025)

Turquie-USA-OTAN / Turkey-USA-NATO

L'Otan sur la voie d'une hausse substantielle de ses dépenses militaires

Les pays de l'Otan semblent désormais sur la voie d'une hausse "ambitieuse" de leurs dépenses militaires et de sécurité, réclamée avec insistance par Donald Trump et à laquelle Berlin et Paris se sont ralliées.

"Je suis convaincu qu'à La Haye, nous nous engagerons à atteindre un objectif ambitieux en matière de dépenses", a indiqué devant la presse le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte, à l'issue d'une rencontre jeudi des ministres des Affaires étrangères de l'Alliance à Antalya, en Turquie.

Les 32 pays de l'Otan se retrouvent fin juin en sommet à La Haye, pour décider de cette hausse, sous la pression des Etats-Unis de Donald Trump.

Ce dernier exige du Canada et des pays européens de l'Otan qu'ils consacrent au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur défense.

Première puissance européenne, l'Allemagne s'est déclarée jeudi prête à "suivre" le président américain.

"Nous allons, bien sûr, en reparler aujourd'hui. Mais il faut regarder le résultat. Et le résultat est que ce sont les 5% que le président Trump a demandés. Et nous le suivons sur ce point", a déclaré le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul, avant le début de la réunion jeudi.

"L'Allemagne prend vraiment les devants", s'est félicité jeudi M. Rutte.

L'effort est en effet significatif. "Un pour cent du PIB représente actuellement environ 45 milliards d'euros pour la République fédérale d'Allemagne", a ainsi rappelé son chancelier Friedrich Merz, vendredi dernier à Bruxelles.

Selon des diplomates, le chef de l'Otan souhaite que les pays membres consacrent au moins 3,5% de leur PIB à des dépenses militaires stricto sensu d'ici 2032, mais aussi 1,5% à des dépenses de sécurité, plus larges, comme les infrastructures. Ce dernier objectif est plus facilement atteignable, particulièrement pour les pays les plus en retard.

"Il pourrait s'agir d'un objectif concernant les dépenses de base en matière de défense, mais aussi d'un engagement clair sur les investissements liés à la défense", comme les infrastructures, la mobilité militaire, la cybersécurité, a expliqué M. Rutte à Antalya, se refusant toutefois à confirmer le moindre chiffre.

 - "Besoin de temps" -

 Le ministre français Jean-Noël Barrot a de son côté laissé entendre que Paris pourrait également se rallier aux 5%, en raison de la menace russe mais aussi des demandes américaines d'un meilleur partage du fardeau des dépenses.

"L'objectif de 3,5% est le bon montant pour les dépenses de base en matière de défense", a-t-il expliqué. "Mais cela s'accompagne de dépenses qui vont concourir à l'augmentation de notre capacité de défense, qui ne sont pas des dépenses de défense directes, mais qui doivent être réalisées", comme la cybersécurité ou la mobilité militaire, a-t-il souligné.

Pour d'autres pays, en revanche, la marche reste très haute. Fin 2024, seuls 22 pays de l'Otan sur 32, avaient atteint l'objectif de 2% de dépenses militaires établi en 2014 lors d'un précédent sommet de l'Alliance. Plusieurs pays, dont l'Espagne, la Slovénie ou la Belgique, sont encore très en-deçà, mais ont toutefois promis d'y parvenir cette année.

La France et l'Allemagne ont atteint l'an dernier l'objectif des 2%. Seule la Pologne approche les 5%, avec de 4,7% de dépenses militaires.

Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a assuré jeudi que son pays avait d'ores et déjà atteint cet objectif de 2%, précisant que sa cheffe du gouvernement Giorgia Meloni l'annoncerait officiellement lors du prochain sommet de La Haye.

En revanche sur l'objectif de 5%, proposé par M. Rutte, M. Tajani s'est montré prudent.

"Nous sommes prêts à faire davantage pour notre sécurité dans les prochaines années", a-t-il assuré, soulignant toutefois que l'Italie avait "besoin de temps".

"Je préfère parler de sécurité, car la sécurité, ce n'est pas seulement les armes", a-t-il fait valoir, face à une opinion publique en Italie volontiers pacifiste et peu disposée à une forte hausse des dépenses d'armement.

Le sujet sera repris début juin par les ministres de la Défense de l'Otan, lors d'une ultime réunion au niveau ministériel avant le rendez-vous de La Haye. (AFP, 15 mai 2025)

Un juge américain ordonne la libération d'une étudiante turque

Un juge fédéral américain a ordonné vendredi la libération immédiate d'une étudiante turque arrêtée en mars par la police de l'immigration, devenue un symbole de la volonté de l'administration Trump de museler le mouvement de solidarité avec les Palestiniens de Gaza face à Israël.

La vidéo de l'arrestation le 25 mars de Rumeysa Ozturk, une doctorante de l'université Tufts dans le Massachusetts, par des agents en civil des services de l'immigration (ICE), visages masqués et pour certains capuche sur la tête, en vue de son expulsion, avait suscité l'indignation.

Un juge fédéral de l'Etat voisin du Vermont, dans le nord-est des Etats-Unis, a ordonné vendredi "au gouvernement de la relâcher immédiatement".

Le seul motif invoqué par l'administration Trump pour justifier l'expulsion de Rumeysa Ozturk est un article qu'elle avait cosigné en mars 2024 dans son journal universitaire, le Tufts Daily, critiquant la façon dont son établissement gérait le mouvement de protestation contre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza.

L'exécutif a eu depuis largement l'occasion de présenter d'autres éléments, mais ne l'a pas fait, a rappelé le juge William Sessions au terme d'une audience à laquelle elle a participé en visioconférence d'un centre de détention géré par ICE en Louisiane (sud) où elle est incarcérée depuis plus de six semaines.

"Dans le même temps, la prolongation de sa détention censure la liberté d'expression de millions de personnes qui ne sont pas citoyens de ce pays. N'importe laquelle d'entre elles peut maintenant hésiter à exercer sa liberté d'expression garantie par le Premier amendement (de la Constitution, NDLR) de crainte d'être embarquée vers un centre de détention loin de chez elle", a souligné le magistrat.

 - "Cauchemar constitutionnel" -

Le juge Sessions a refusé d'assortir cette libération des conditions suggérées par le gouvernement en matière de liberté de mouvement. Rumeysa Ozturk est "libre de retourner chez elle au Massachusetts" et de "se déplacer" au-delà de cet Etat, a-t-il précisé.

Il a néanmoins exigé que cette libération soit supervisée régulièrement par un centre municipal de réinsertion des détenus dans le Vermont qui lui en rendra compte.

Le magistrat a également proposé que les avocats de Rumeysa Ozturk et des services d'immigration conviennent de "conditions légères" à sa liberté d'aller et venir puisqu'elle reste sous le coup d'une procédure d'expulsion.

"Passer plus de six semaines en détention pour avoir écrit une tribune est un cauchemar constitutionnel. Sa libération est une victoire pour quiconque défend la justice, la liberté d'expression et les droits humains fondamentaux", a réagi dans un communique Monica Allard, une avocate de l'influente organisation de défense des droits civiques ACLU.

Dans une affaire similaire, un autre juge fédéral du Vermont avait ordonné le 30 avril la libération d'un étudiant palestinien impliqué dans le mouvement à l'université Columbia contre la guerre à Gaza et arrêté en pleine démarche de naturalisation deux semaines auparavant.

Mohsen Mahdawi est le cofondateur d'un groupe d'étudiants palestiniens à l'université new-yorkaise Columbia, avec Mahmoud Khalil, figure de la mobilisation estudiantine propalestinienne aux Etats-Unis, que l'administration Trump tente d'expulser depuis son arrestation le 8 mars.

Le président républicain Donald Trump a lancé une offensive contre les grandes universités américaines, les accusant de laisser prospérer sur leurs campus des mouvements de soutien aux Palestiniens face à l'offensive israélienne dans la bande de Gaza, qu'il assimile à des manifestations d'antisémitisme. (AFP, 9 mai 2025)

Trump veut "travailler" avec Erdogan pour mettre fin à la guerre en Ukraine

Donald Trump entend "travailler avec le  président (Recep Tayyip) Erdogan pour mettre fin à la guerre ridicule mais  meurtrière entre la Russie et l'Ukraine", a-t-il assuré lundi après un échange  téléphonique avec son homologue turc.

 Le président américain a assuré avoir eu une "conversation téléphonique  très bonne et productive" avec le dirigeant turc, qui a également porté sur  "la Syrie, Gaza et plus encore".

"Le président m'a invité à aller en Turquie et, de la même manière, il  viendra à Washington", a ajouté Donald Trump, rappelant avoir eu une relation  "excellente" avec Recep Tayyip Erdogan pendant son premier mandat (2017-2021).

Le président turc a remercié Donald Trump pour "son approche pour mettre  fin aux guerres", selon un communiqué de la présidence turque.

La Turquie, membre de l'Otan, a pris part aux réunions des alliés européens  et britannique de l'Ukraine.

Recep Tayyip Erdogan a plusieurs fois proposé d'accueillir des négociations  de paix dans son pays.

Le chef de l'Etat turc maintient aussi un contact avec le président russe  Vladimir Poutine, et les deux dirigeants ont par exemple dialogué récemment à  propos d'un accord sur la sécurité en mer Noire.

Ankara avait joué un rôle de médiation en 2022 pour la conclusion d'un  accord permettant l'exportation de céréales ukrainiennes par la mer Noire,  dont la Russie avait par la suite claqué la porte.

Recep Tayyip Erdogan a aussi poussé son homologue à alléger les sanctions  sur la Syrie, affirmant selon ses services qu'une telle décision, à la suite  de la chute de Bachar al-Assad, "contribuerait" à la stabilisation du pays  ravagé par la guerre.

Fin mars, Washington a assuré qu'un assouplissement des sanctions n'aurait  pas lieu tant qu'ils n'auraient pas constaté des progrès sur des priorités  telles que la lutte contre le "terrorisme".

Selon Ankara, Recep Tayyip Erdogan a également dit à Washington que l'aide  humanitaire devrait être délivrée "sans interruption" dans la bande de Gaza,  dévastée par la guerre et soumise à un blocus total d'Israël depuis plus de  deux mois. (AFP, 5 mai 2025)


Relations régionales / Regional Relations

La Turquie annonce une hausse de ses exportations d'énergie vers la Syrie

Le ministre turc de l'Énergie, Alparslan Bayraktar, a déclaré jeudi à Damas que son pays allait augmenter ses exportations d'énergie vers la Syrie pour renforcer la production d'électricité du pays dévasté par 14 ans de guerre civile.

"Nous voulons tripler nos exportations actuelles d'électricité pour répondre aux besoins de la Syrie, et atteindre une exportation d'environ 1.000 mégawatts dans les mois à venir", a déclaré Alparslan Bayraktar lors d'une conférence de presse avec son homologue syrien Mohammad al-Bachir.

Les deux parties ont signé un accord de coopération conjointe visant à développer et renforcer la collaboration dans le domaine de l'énergie.

"Nous allons très bientôt commencer à exporter du gaz, qui atteindra Alep et Homs, avec un volume d'environ deux milliards de mètres cubes par an afin de fournir une contribution supplémentaire de 1.200 à 1.300 mégawatts à la production d'électricité ici", a annoncé M. Bayraktar.

Il a dit espérer qu'à terme la Syrie puisse bénéficier de plus de dix heures d'électricité par jour.

Mohammad al-Bachir a déclaré pour sa part que les deux parties ont convenu d'activer un gazoduc reliant la Turquie à la Syrie en juin.

"L'accord que nous avons signé aujourd'hui dans les domaines de l'énergie, des mines et des hydrocarbures constitue une feuille de route importante pour les étapes à venir", a commenté M. Bayrakatar.

Il a affirmé que la Turquie était prête à contribuer à la reconstruction de la Syrie pour "améliorer les conditions de vie des Syriens", en mobilisant ses entreprises et partenaires.

Les deux pays avaient déjà annoncé, plus tôt en mai, être parvenus à un accord portant sur l'acheminement de gaz naturel turc vers la Syrie via un gazoduc frontalier reliant Kilis, en Turquie, à Alep, avec une capacité d'approvisionnement de six millions de mètres cubes par jour.

Le nouveau pouvoir islamiste syrien, qui a renversé Bachar al-Assad en décembre, cherche à reconstruire le pays ravagé par près de 14 années de guerre civile.

Le conflit a gravement endommagé les infrastructures électriques, avec des coupures pouvant durer plus de 20 heures par jour.

Les nouvelles autorités espèrent attirer les investisseurs en Syrie, en particulier après l'annonce ce mois-ci par les États-Unis et l'Union européenne de la levée des sanctions imposées depuis des années à la Syrie.

En mars, le Qatar avait annoncé le financement de livraisons de gaz à la Syrie depuis la Jordanie, dans le but de remédier aux pénuries de production d'électricité. (AFP, 22 mai 2025)

Violences en Libye: la Turquie évacue 82 de ses ressortissants

La Turquie a évacué 82 de ses ressortissants  de la capitale libyenne, Tripoli, après plusieurs jours de combats meurtriers  entre groupes armés, a indiqué une source du ministère des Affaires étrangères  à Ankara.

Ces "82 citoyens, qui voulaient retourner en Turquie, ont été aidés dans  leur départ de Libye et ont été autorisés à rentrer chez eux", en raison du  conflit et de l'"insécurité" qui ravage la Libye depuis plusieurs jours, a  déclaré cette source vendredi soir.

 Jeudi, l'ambassade de Turquie à Tripoli avait indiqué sur Facebook qu'elle  se préparait à évacuer ses ressortissants par autocar de Tripoli vers Misrata,  à environ 200 kilomètres à l'est de la capitale libyenne, puis par un vol  Turkish Airlines de Misrata vers Istanbul.

Le ministère n'a pas fourni de détails sur les personnes rapatriées et n'a  pas précisé si d'autres vols étaient prévus.

La violence a éclaté à Tripoli lundi soir entre les forces loyalistes et de  puissants groupes armés que le gouvernement tente de démanteler.

 Les violents affrontements de ces derniers jours ont fait "au moins" huit  morts civils, selon la Mission de l'ONU en Libye (Manul), et ont entraîné une  paralysie presque complète du trafic aérien.

 Bien qu'un calme relatif soit revenu à Tripoli vendredi, la situation reste  très volatile.

 La Turquie, qui soutient le gouvernement reconnu par l'ONU à Tripoli dirigé  par le Premier ministre Abdulhamid Dbeibah, a appelé mercredi à une trêve et a  déclaré qu'elle "surveillait de près" la situation.

 Minée par les divisions depuis la chute et la mort du dictateur Mouammar  Kadhafi en 2011, la Libye est gouvernée par deux exécutifs parallèles: celui  de M. Dbeibah dans l'ouest reconnu par l'ONU, et un autre dans l'est affilié  au maréchal Khalifa Haftar. (AFP, 17 mai 2025)

Ukraine et Russie s'accordent sur un échange de prisonniers, pas sur une trêve

Réunis vendredi à Istanbul pour leurs premiers pourparlers de paix depuis le printemps 2022, Russes et Ukrainiens ont discuté d'une rencontre Zelensky-Poutine et se sont mis d'accord sur un échange important de prisonniers mais pas sur un cessez-le-feu, pourtant "priorité" de Kiev, ne faisant ainsi que peu de progrès vers une résolution du conflit.

Si le négociateur en chef russe Vladimir Medinski s'est dit "satisfait" et prêt "à poursuivre les contacts" avec l'Ukraine après ces discussions très attendues, la partie ukrainienne a, elle, accusé Moscou d'avoir formulé des demandes territoriales "inacceptables".

En l'absence du président ukrainien Volodymyr Zelensky et de son homologue russe Vladimir Poutine, qui a ordonné à son armée d'envahir l'Ukraine le 24 février 2022 et qui n'a pas fait le déplacement en Turquie, les espoirs de progrès substantiels étaient minces.

Les deux délégations, menées par le ministre de la Défense côté ukrainien et par un conseiller présidentiel de second plan côté russe, ont échangé pendant environ 1H40, entourées des médiateurs turcs, au palais de Dolmabahçe.

La rencontre s'est soldée sans annonce de cessez-le-feu, pourtant "la priorité" affichée par Kiev et ses alliés.

Les deux camps doivent désormais "détailler" leur vision d'une telle trêve, a affirmé le négociateur russe Vladimir Medinski lors d'une brève allocution à la presse. (AFP, 16 mai 2025)

Libye: la Turquie prépare l'évacuation de ressortissants

Ankara prépare jeudi l'évacuation de ressortissants turcs vivant à Tripoli, la capitale libyenne qui connaît une trêve fragile après trois jours de combats meurtriers entre groupes armés.

"L'organisation d'un vol Turkish Airlines entre Misrata et Istanbul est à l'étude pour nos citoyens qui souhaiteraient quitter Tripoli", indique sur sa page Facebook l'ambassade de Turquie à Tripoli.

L'ambassade précise "travailler à assurer le transport en autocar entre Tripoli et Misrata", grande ville portuaire située à 200 km à l'est de la capitale.

L'aéroport de Tripoli est à l'arrêt quasi total depuis lundi en raison des violents combats intervenus ces derniers jours dans des quartiers densément peuplés, opposant de puissants groupes armés que le gouvernement de Tripoli tente de démanteler à des forces loyalistes.

La Turquie, soutien du gouvernement de Tripoli, a appelé mercredi soir à un cessez-le-feu "sans délai".

En proie au chaos et aux luttes fratricides depuis la chute et la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est actuellement gouvernée par deux exécutifs rivaux, celui d'Abdelhamid Dbeibah installé à Tripoli (ouest) et reconnu par l'ONU, et un autre contrôlé par le maréchal Khalifa Haftar, dans l'est.

Entre avril 2019 et juin 2020, le maréchal Haftar, avec le soutien d'alliés étrangers, la Russie et l'Egypte notamment, avait lancé une offensive pour s'emparer de Tripoli, stoppée in extremis par les forces du gouvernement avec l'appui de la Turquie.

Malgré un relatif retour au calme ces dernières années, des luttes d'influence opposent régulièrement une myriade de groupes armés, particulièrement à Tripoli et dans l'ouest libyen. (AFP, 15 mai 2025)

Damas et Ankara s'accordent sur un accord de gaz naturel pour la Syrie

Le ministre syrien de l'Energie, Mohammad al-Bachir, a annoncé vendredi qu'un accord avait été trouvé entre Damas et Ankara afin que la Turquie fournisse du gaz naturel à la Syrie, via un gazoduc situé dans le nord du pays.

"Je me suis mis d'accord avec mon homologue turc, Alparslan Bayraktar, pour que soient fournis à la Syrie six millions de mètres cubes de gaz naturel par jour via le gazoduc Kilis-Alep", a dit le ministre syrien dans un communiqué relayé par l'agence de presse officielle Sana.

Kilis est située près de la frontière turque, au nord de la ville syrienne d'Alep.

Cet accord contribuera "à augmenter les heures de fourniture d'électricité et à améliorer la situation énergétique en Syrie", a ajouté le ministre.

Le nouveau pouvoir islamiste syrien, qui a renversé Bachar al-Assad en décembre, cherche à reconstruire le pays ravagé par près de 14 années de guerre civile.

Le conflit a gravement endommagé les infrastructures électriques, avec des coupures pouvant durer plus de 20 heures par jour.

"Nous fournirons du gaz naturel à la Syrie depuis Kilis dans les trois mois à venir", a dit pour sa part le ministre turc de l'Energie jeudi soir à la chaîne privée CNN-Turk.

"Ce gaz sera utilisé pour la production d'électricité dans la centrale à gaz naturel d'Alep", a-t-il précisé, confirmant un débit quotidien prévu de six millions de mètres cubes.

En mars, le Qatar avait annoncé le financement de livraisons de gaz à la Syrie depuis la Jordanie, dans le but de remédier aux pénuries de production d'électricité.

La Turquie et le Qatar, qui entretiennent des liens étroits avec le gouvernement de transition syrien, ont été les deux premiers pays à rouvrir leurs ambassades à Damas après la chute de Bachar al-Assad, et ont appelé à la levée des sanctions imposées à la Syrie. (AFP, 9 mai 2025)

La Syrie au coeur de nouvelles tensions entre la Turquie et Israël

Les tensions se sont accumulées récemment  entre la Turquie et Israël sur le sol syrien après des mois d'escalade verbale  à propos de Gaza, les deux pays s'activant avec des visées contraires chez  leur voisin.

A peine six mois après la chute de Bachar el-Assad, seul un mécanisme de  coexistence et la pression américaine permettraient d'éviter une confrontation  potentiellement explosive entre les deux pays, préviennent les analystes.

Selon les médias turcs, la chasse turque a montré les dents la semaine  dernière après une série de frappes israéliennes sur Damas et Idleb  (nord-ouest), l'ex-fief rebelle du désormais président syrien par intérim  Ahmad al-Charreh.

Les F-16 turcs ont fait demi-tour avant tout incident mais l'épisode,  démenti par Israël, illustre la nervosité de chacun sur le territoire syrien.

La Turquie et Israël s'étaient rapproché juste avant les massacres du  Hamas, le 7 octobre 2023 et la riposte armée d'Israël sur Gaza.

 Ankara, proche du mouvement islamiste palestinien, s'inscrit en soutien des  nouveaux maîtres de Damas et maintient plusieurs milliers d'hommes sur leur  sol: deux raisons de friction avec le gouvernement israélien.

"Israël veut s'assurer que la Syrie ne constituera pas une menace militaire  et tente d'affaiblir son gouvernement tandis que la Turquie veut une direction  centralisée, qui affirme son contrôle et sa souveraineté", résume Soli Ozel,  professeur de Relations internationales et associé à l'Institut Montaigne, à  Paris.

"Avec des objectifs aussi contraires, le conflit est presque inévitable.  C'est comme si on attendait que l'accident se produise", indique-t-il à l'AFP.

 Les autorités turques ont montré une irritation croissante face aux frappes  israéliennes, officiellement destinées à protéger la minorité druze de Syrie  mais qui constituent pour Ankara une menace à la stabilité régionale.

"Israël tente de dynamiter la révolution du 8 décembre en attisant les  tensions ethniques et religieuses et en dressant les minorités de Syrie contre  le gouvernement" accusait le mois dernier le président turc Recep Tayyip  Erdogan. (AFP, 7 mai 2025)

 Inde-Pakistan: la Turquie alerte sur un "risque de guerre totale"

La Turquie a mis en garde mercredi contre le "risque de guerre totale" entre l'Inde et le Pakistan, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

"L'attaque conduite la nuit dernière par l'Inde fait courir le risque d'une guerre totale. Nous condamnons cette initiative provocatrice ainsi que les attaques visant des civils et des infrastructures civiles", a écrit le ministère.

Ankara appelle les deux parties "à faire preuve de bon sens" et à prendre "des mesures pour réduire la tension (...) y compris en matière de lutte contre le terrorisme".

A ce sujet, la Turquie dit "soutenir la demande d'enquête du Pakistan sur l'attentat du 22 avril" au Cachemire indien, qui avait fait 26 morts.

La Turquie et le Pakistan, deux pays à large majorité musulmane, entretiennent de longue date des relations et une coopération économiques et militaires.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est rendu à Islamabad en février où plus d'une vingtaine de nouveaux accords de coopération, notamment de défense, ont été signés. (AFP, 7 mai 2025)

Déploiement des forces de sécurité près de Damas après des violences meurtrières

Les forces de sécurité se sont déployées mercredi près de Damas après des heurts meurtriers entre combattants druzes et islamistes liés au pouvoir, l'ONU dénonçant ces violences "inacceptables" mais aussi l'intervention militaire d'Israël.

Affirmant vouloir défendre la communauté druze, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a mené des frappes sur le secteur des combats et menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Ces affrontements ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait plus de 1.700 morts, en grande majorité parmi la minorité alaouite dont était issu le président déchu Bachar al-Assad, renversé en décembre par la coalition islamiste au pouvoir.

Déclenchés lundi soir dans la localité à majorité druze de Jaramana, une banlieue de Damas, les heurts entre groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite et combattants druzes se sont étendus mercredi à Sahnaya, faisant 22 morts -tous des combattants- selon les autorités et l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les combats à Jaramana ont fait 17 morts d'après l'OSDH.

Les forces de sécurité ont annoncé se déployer à Sahnaya pour "rétablir l'ordre" après les violences impliquant les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam chiite dont les membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Le ministère de l'Intérieur a averti que les autorités "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie".

Il a mis en cause des "groupes hors-la-loi" ayant pris pour cible "des postes et barrages" des forces de sécurité aux abords de Sahnaya, une localité située à 15 km au sud-ouest de Damas et où vivent des druzes.

Le pouvoir du président Ahmad al-Chareh a aussi réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien sans exception, y compris la communauté druze", selon un communiqué des Affaires étrangères.

Il a exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

- "Les obus tombent" -

"Nous n'avons pas dormi de la nuit (...) les obus tombent sur nos maisons", a raconté à l'AFP Samer Rafaa, un habitant de Sahnaya. "Où sont les autorités? Nous les implorons d'assumer leur rôle. Les gens meurent et nous avons des blessés."

Un accord mardi soir entre des représentants du gouvernement syrien et les responsables druzes de Jaramana a mis fin aux affrontements dans cette localité. Selon l'OSDH, des tirs sporadiques sont encore entendus à Sahnaya.

L'attaque contre Jaramana a été menée par des groupes affiliés au pouvoir après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet.

L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message et les chefs spirituels de la minorité druze ont condamné toute atteinte au prophète.

L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, s'est dit "alarmé" par le "potentiel d'escalade supplémentaire d'une situation extrêmement fragile" après les violences autour de Damas et a exigé que cessent les attaques israéliennes.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

- "Alliés locaux" -

Mercredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Israël Katz ont annoncé conjointement que l'armée avait mené "une action d'avertissement" contre un "groupe extrémiste qui se préparait à attaquer la population druze de Sahnaya".

L'armée israélienne a annoncé que ses forces étaient prêtes à frapper des cibles du pouvoir syrien si "la violence contre la communauté druze persistait".

Elle a en outre affirmé avoir évacué trois druzes syriens, blessés dans les heurts près de Damas, vers un hôpital en Israël.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt a appelé les druzes à "rejeter toute ingérence israélienne".

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Les dignitaires druzes avaient rejeté ces propos, réaffirmant leur attachement à l'unité de la Syrie.

La Turquie, pays allié du pouvoir syrien, a appelé Israël à "cesser ses frappes aériennes" sur la Syrie. (AFP, 30 avr 2025)

Chypre et la Grèce / Cyprus and Greece

Key figure in slain Cyrpiot casino tycoon’s network shot dead in Netherlands

Cemil Önal, a close associate of Northern Cypriot casino tycoon Halil Falyalı who was assassinated in 2022, was shot and killed yesterday in the Netherlands nearly two weeks after giving an interview in which he warned of threats to his life.

Önal, known as the “financial brain” behind Falyalı’s operations, was targeted on the terrace of Hotel Hoevevoorde in the Rijswijk city around 5.45 pm local time. The gunman has not yet been caught.

Dutch police confirmed that an investigation is ongoing and stated that “all possibilities remain on the table.” Witnesses reported hearing three gunshots at the scene. Önal was reportedly under the protection of US and Dutch intelligence agencies at the time of the attack.

In a recent interview with  the Northern Cyprus-based Bugün Kıbrıs editor-in-chief Ayşemdem Akın, Önal had made serious accusations involving Turkish and Cypriot politicians and government officials. He alleged corruption, bribery, blackmail, and money laundering tied to Falyalı’s business empire. “I am a black box. They will want to silence me,” Önal said in the interview, openly expressing fears for his life.

Journalist threatened after interview

Following the interview, journalist Ayşemdem Akın received a death threat linked to her reporting. Akın had been publishing a series titled Halil Falyalı Is Alive, which delved into the tycoon’s enduring influence and network. She was contacted by phone from a Turkish number and warned to stop the series. A woman on the call said, “I want to protect you,” but threatened that Akın would be killed if she continued. She claimed three individuals were already on the island “to do what’s necessary.”

Akın shared the 27-minute audio recording with police and filed an official complaint. “I stayed calm at first because of the contradictions in the threat,” she said. “But I will not back down.” Police have since contacted Turkish authorities to identify the owner of the phone line and possible connections.

Killing of Falyalı

Halil Falyalı, a prominent figure in the gambling and betting industry in Northern Cyprus, was killed in a drive-by shooting in Girne (Kyrinea) Feb 2022. Falyalı had long been a controversial figure in Northern Cyprus, with a history of legal troubles including charges of assault, robbery, and false imprisonment.

In 2021, exiled Turkish mob boss Sedat Peker accused him of being a central player in an international cocaine trafficking network stretching from Colombia to Turkey, as well as an "illegal betting baron."

Falyalı had also been investigated by US authorities and faced legal action on suspicion of drug trafficking.
Less than a year after Peker's allegations, Falyalı was assassinated by a team of gunmen in Feb 2022 near his house in Girne (Kyrinea), who opened fire on his car with automatic rifles.

At that time, Mustafa Akıncı, former president of Norhtern Cyprus, had claimed that Falyalı was "protected" by his allied politicians in the ruling National Unity Party (UBP).

"Everyone knows that he supports UBP with all his financial means in elections at all levels. It is also known that there are allegations that Halil Falyalı has connections with various dirty and illegal relations," Akıncı had said. (BIA, 3 May 2025)

Immigration / Migration

Migrants: une femme et un enfant meurent en tentant de traverser la Manche

Une femme et un enfant sont décédés au large de la France dans la nuit de mardi à mercredi en tentant de traverser la Manche clandestinement, portant à cinq le nombre de décès ces dix derniers jours dans ces périlleuses traversées vers la Grande-Bretagne.

L'embarcation est partie de Gravelines, dans le nord de la France, avec environ 80 passagers à bord, et un navire de la marine française a aussitôt été engagé pour la surveiller, a indiqué la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar).

Au cours de la surveillance, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage est informé que deux personnes, une femme et un enfant, sont inconscientes, et les militaires français interviennent pour leur porter secours.

Les deux victimes sont déclarées décédées par une équipe médicale et ramenées à Calais, ainsi que dix autres passagers qui ont demandé assistance, poursuit la Prémar dans un communiqué. Leur embarcation a continué sa route vers la Grande-Bretagne.

Les victimes seraient un garçon de 8 ans et une femme de 40 ans de nationalité turque, ont rapporté les secours, indiquant que les personnes prises en charge ont indiqué être de nationalité turque en majorité, mais aussi Iraniens, Irakiens ou Soudanais.

De nombreux départs ont été enregistrés en raison "d'une fenêtre météo favorable aux départs, et nous avons reçu neuf messages d'alerte" de candidats à l'exil en déroute entre 23H30 (21H30 GMT) mardi et mercredi à la mi-journée, a rapporté un coordinateur de l'association d'aide aux migrants Utopia 56, Célestin Pichaud.

Parmi eux, un message vocal en anglais signalant avec désarroi "au moins deux personnes mortes à bord" d'un bateau en difficulté, a-t-il ajouté, déplorant "une politique de non-accueil qui entraîne des mises en danger".

 - "Centres de retour" -

 Les petits bateaux à moteur utilisés par les passeurs pour faire traverser la Manche aux candidats à l'exil sont parfois tellement surchargés que des passagers meurent étouffés ou piétinés dans le chaos du départ.

Ces nouveaux décès interviennent après une série de naufrages et incidents meurtriers. Au total, au moins 15 personnes sont mortes dans la Manche depuis le début de l'année, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels.

Lundi déjà, la Prémar avait annoncé qu'un naufrage avait fait un mort et un disparu après qu'une embarcation surchargée s'était disloquée.

Et le 11 mai, une personne migrante est morte et plusieurs ont été blessées lors d'un naufrage au large d'Hardelot, "suite à la perte du tableau arrière où était fixé le moteur".

Les décès se produisent parfois à terre également. Mi-mai, un Érythréen est mort à Marck, après avoir été percuté par un poids lourd sur lequel il tentait d'embarquer en direction du Royaume-Uni.

Signe de la multiplication des départs à la faveur d'une météo clémente, 200 migrants ont été secourus dans le détroit pour le seul weekend des 17 et 18 mai.

En 2024, 78 migrants sont morts dans ces dangereuses traversées, un record depuis le début de ce phénomène dans la région en 2018.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé mi-mai envisager des "centres de retour" hors du Royaume-Uni pour les demandeurs d'asile déboutés, une formule comparable à celle envisagée par l'Union européenne.

Sous pression avec la progression du parti d'extrême droite Reform UK, le travailliste s'est engagé à réduire l'immigration régulière comme irrégulière dans son pays.

Quelque 36.800 migrants ont gagné l'Angleterre l'an dernier, essentiellement des Afghans, Syriens et Iraniens.  (AFP, 21 mai 2025)

Une étudiante d'une grande école belge libérée de prison

Un juge turc a ordonné jeudi la remise en liberté d'une étudiante en photographie scolarisée en Belgique et incarcérée à Istanbul depuis début avril après avoir participé à une manifestation en soutien au maire emprisonné de la ville.

"Esila Ayik et nos deux autres jeunes sont libres. Sans contrôle judiciaire", a annoncé sur X son avocat, Göksun Canberk Ulug.

Joint par l'AFP, l'avocat a précisé que les poursuites contre sa cliente n'avaient cependant pas été levées.

L'étudiante, de nationalité turque, avait été interpellée avec deux amis dans la nuit du 8 au 9 avril pour avoir tenu une pancarte qualifiant le président turc Recep Tayyip Erdogan de "dictateur", lors d'une manifestation à Istanbul.

Accusée d'"insulte au président", l'étudiante, qui dit souffrir de problèmes rénaux, encourt jusqu'à quatre ans et huit mois de prison.

Une nouvelle audience est prévue en décembre, a précisé son avocat à l'AFP, soulignant que la jeune femme sera autorisée entretemps à regagner la Belgique pour y poursuivre ses études.

Esila Ayik, étudiante dans la section photographie de l'Académie royale des Beaux-Arts de la ville belge de Gand (nord-ouest), était arrivée à Istanbul début avril pour rendre visite à sa famille.

Un comité de soutien s'était formé en Belgique pour demander sa libération.

L'arrestation le 19 mars du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du président Erdogan, avait déclenché de grandes manifestations à Istanbul et dans plusieurs villes du pays.

Près d'une cinquantaine de jeunes Turcs restent incarcérés pour avoir participé à des rassemblements illégaux dans le cadre de cette vague de contestation, selon l'opposition. (AFP, 15 mai 2025)

L’appel juste de notre exil politique dans cette nouvelle phase de la recherche d'une solution pacifique


Doğan Özgüden
(Artı Gerçek, 11 mai 2025)
 
Aujourd’hui, 11 mai 2025, marque le 54e anniversaire du début de notre exil qui a dépassé depuis longtemps le demi-siècle et a radicalement changé notre vie et notre destin, à İnci et à moi.
 
Après la fermeture des éditions Ant par la loi martiale, nos noms figurèrent à plusieurs reprises sur les listes de personnes recherchées, annoncées à la radio, dans les journaux et sur les affiches murales. Les peines de prison requises dans le cadre des poursuites qui nous furent intentées dépassaient les 300 ans, et les menaces physiques de l’armée en raison de nos publications antimilitaristes s’intensifièrent. C’est pourquoi nous dûmes quitter la Turquie le matin du 11 mai 1971 en embarquant depuis Ankara, et avec un faux passeport, sur un avion de la Lufthansa…
 
Ce n’était pas seulement notre destin… Dans la dernière étape du processus de dialogue initié par le leader du MHP Bahçeli, à la suite de l’annonce par le PKK de la convocation d’un congrès extraordinaire et de l’adoption de mesures conformes à l’appel d’Öcalan, l’Assemblée des Exilés en Europe a publié cette déclaration expliquant la réalité des exilés de Turquie :
 
« À la suite des coups d’État militaires du 12 mars et du 12 septembre en Turquie, des milliers de personnalités politiques ont été contraintes, sous l’éventualité de la répression politique, de la torture, de l’exécution et de l’arrestation, de quitter la Turquie et de vivre en exil afin de pouvoir vivre en sécurité et en liberté, et de retrouver des conditions propices à une expression libre de leurs pensées et de leurs idées.
 
« Par suite des lois fascistes et des décisions judiciaires du 12 septembre ayant entrainé leur déchéance de nationalité et la confiscation de leurs biens et propriétés, de nombreuses personnalités politiques ont été injustement traitées et soumises à l’oppression d’État. Les pratiques dans la continuité de ces lois se sont poursuivies sous les gouvernements de l’ANAP, du DOĞRUYOL et de l’AKP ».
 
Bien sûr, des pratiques de bannissement ont existé dans l’histoire de la République de Turquie bien avant 1971… Le premier exil de masse survenu pendant la période républicaine fut l’exil en 1924 par le gouvernement kémaliste de 150 personnes dont la présence était jugée nuisible, suivi de leur déchéance de nationalité par une loi spéciale en 1927.
 
Durant la période de dictature à parti unique consécutive à l’adoption de la Loi sur le Maintien de l’Ordre en 1925, des communistes comme Nazım Hikmet, Şefik Hüsnü et İsmail Bilen, soumis à des poursuites, menaces, arrestations et condamnations régulières, furent contraints à l’exil par des voies illégales, même si aucune mesure de bannissement ne fut prise à leur encontre.
 
Durant le régime soi-disant multipartite qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, les organisations et publications de gauche furent dès le départ confrontées à des interdictions sous loi martiale, à des arrestations et à des condamnations. En raison de mon âge, j’ai également été témoin de ces pratiques inhumaines.
 
Après que le journal Tan a été réduit au silence en 1945 par une foule nationaliste, excitée par le CHP, deux de nos grands journalistes, Sabiha Sertel et Zekeriya Sertel, et notre grand poète Nazım Hikmet, libéré après avoir passé des années en prison et constamment menacé, furent contraints de quitter la Turquie sous le gouvernement du Parti démocrate, arrivé au pouvoir avec des promesses de « démocratie ». Nazım Hikmet fut immédiatement déchu de sa nationalité turque, et l’un de nos estimés hommes de sciences, Fahrettin Petek, dix ans après s’être exilé en France, fut déclaré « apatride » par le Comité d’union nationale qui s’était emparé du pouvoir avec, à nouveau, des promesses de « démocratie ». 
 
L’histoire de notre pays est une histoire d’exil, commençant à l’époque ottomane et se poursuivant sans discontinuité à l’époque républicaine avec les génocides des Arméniens, Assyriens, des Grecs, des Kurdes, des Yézidis et des Alévis, avec l’opération de nettoyage de la Thrace des Juifs, et avec l’instauration d’un Impôt sur la Fortune ciblant les non-musulmans et les non-Turcs.
 
Après le pogrom des 6-7 septembre 1955, le départ forcé de Turquie de nombreux citoyens grecs et arméniens, et de plus, en 1964, à nouveau sous un gouvernement CHP, l’expulsion de 12 000 citoyens grecs établis en Turquie avec une seule valise et 22 dollars, sont parmi les pages les plus honteuses de l’histoire récente.
 
Après le coup d’État du 12 mars qui nous contraint à quitter la Turquie, le nombre de personnes parties en exil ne fut pas très élevé. Hikmet Kıvılcımlı, Mihri Belli, Mehmet Ali Aslan, Kemal Burkay, Ahmet Aras, Mehmet Emin Bozarslan. Fuat Fegan, Latife Fegan, Zülfü Livaneli, Rahmi Saltuk, Bülent Tanör, Kamuran Bekir Harputlu, Ahmet Kardam, Nihat Akseymen et Gülten Savaşçı sont ceux qui viennent tout de suite à l’esprit…
 
Une autre branche de l’exil de la période du 12 mars était en Palestine… Teslim Töre, Bora Gözen, Faik Bulut, Melek Ulagay, Cengiz Çandar, Yücel Sayman, Şahin Alpay, Ömer Özerturgut, Atıl Ant, Sabetay Varol et Ercan Enç sont des noms bien connus du mouvement de gauche…
 
Bora Gözen fut tué avec six de ses camarades lors d’un raid des commandos israéliens sur le camp de Nahr El Bared près de la ville de Tripoli au Liban le 21 février 1973.
 
Le grand exil des Assyriens, des Arméniens et des Kurdes
 
Le premier grand courant d’exil politique vers les pays européens a commencé avec l’arrivée massive vers la fin des années 70 d’Assyriens, d’Arméniens et de Kurdes persécutés en Turquie, et a pris une grande ampleur avec les pratiques fascistes consécutives au coup d’État du 12 septembre 1980.
 
650 000 personnes furent arrêtées, 1 683 000 personnes furent fichées, 21 764 furent condamnées à des peines totalisant des millions d’années de prison, 50 personnes furent exécutées, 13 788 furent déchues de leur citoyenneté et condamnées à un exil permanent, et 380 000 devinrent candidates à l’exil à la suite du rejet de leur demande de passeport.
 
Parmi les personnes déchues de leur nationalité, 200, parmi lesquelles İnci et moi-même, furent accusées par Evren d’être « sans sang » et « traître à la patrie » parce qu’elles combattaient ouvertement le régime de la junte à l’étranger.
 
Cette pratique, qui a commencé par cibler la présidente du Parti ouvrier de Turquie (TİP) Behice Boran et le président du syndicat enseignant TÖB-DER Gültekin Gazioğlu, frappa également Yılmaz Güney, Şanar Yurdatapan, Melike Demirağ, Cem Karaca. Sümeyra Çakır, Şahturna, Fuat Saka, Nihat Behram, Demir Özlü, Yüksel Feyzioğlu, Mehmet Emin Bozarslan, Fuat Baksı, Kamil Taylan, Ali Baran, ainsi que de nombreux artistes, écrivains, syndicalistes et dirigeants d’organisation.
 
Alors que la résistance nationale kurde se renforça et gagna une dimension englobant non seulement les quatre parties du Kurdistan mais aussi les continents d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Australie, elle est devenue l’une des plus grandes diasporas politiques du monde à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle.
 
Il y a 12 ans, le 28 mai 2013, lors de la résistance de Gezi qui débuta à Istanbul, 11 personnes perdirent la vie, plus de 8000 personnes furent blessées et plus de 3000 manifestants arrêtés. Parmi les plus grands méfaits du régime Erdoğan, Osman Kavala, Çiğdem Mater Utku, Mine Özerden, Can Atalay et Tayfun Kahraman sont toujours détenus.
 
Quatre ans s’étaient à peine écoulés depuis Gezi, et tout comme après les coups d’État de 1971 et de 1980, une nouvelle page s’est ouverte dans l’histoire des exilés politiques après la tentative de coup d’État fantoche de 2016. Cependant, cette nouvelle page était différente des précédentes. Ceux qui furent contraints à l’exil après le 12 mars et le 12 septembre étaient généralement nos amis qui avaient assumé des responsabilités dans notre mouvement socialiste ou dans des organisations et publications kurdes, assyriennes, arméniennes, yézidies et alévies, et qui, de ce fait, étaient devenus la cible de l’oppression fasciste.
 
Toutefois, après 2016, une autre catégorie, n’ayant aucun lien de près ou de loin avec la gauche, déclarée ennemie par la dictature Erdoğan, a été contrainte à l’exil…
 
Un exemple en Belgique… Après les coups d’État du 12 mars et du 12 septembre, menés avec l’encouragement et le soutien de l’OTAN, il y avait parmi les forces de la République turque qui nous ont qualifié, nous les exilés, de « traitre à la patrie », nous ont dénoncé aux autorités politiques et militaires et aux services de renseignements de ce pays et entravé durant des années notre activité légale, les officiers turcs en poste au siège de l’OTAN à Bruxelles. Cette fois-ci, ils furent également pris pour cible et contraints de demander l’asile.
 
Après cette dernière tentative de coup d’État, de nombreux intellectuels, universitaires et journalistes progressistes, victimes de l’état d’urgence, ont aussi été contraints à l’exil. 
 
Les nouvelles pages honteuses de l’histoire de la République
 
L’une des pages les plus honteuses de l’histoire politique de la République de Turquie est sans nul doute le fait que des centaines de dirigeants politiques et dirigeants municipaux, à commencer par les coprésidents du HDP Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, et le maire d’Istanbul Ekrem İmamoğlu sont maintenus derrière les barreaux.
 
Depuis 2016, des curateurs ont été nommés à la tête de 164 municipalités, dont 159 dirigées par le HDP/BDP/DEM, tandis que les dirigeants de nombreuses municipalités qui n’ont pas être mises sous tutelle ont été contraints de démissionner de leur parti.
 
Cette pratique n’a pas ralenti après les élections locales de l’année passée… Depuis le 31 mars 2024, des curateurs ont été nommés dans les municipalités métropolitaines de Mardin et Van et dans les municipalités de Hakkari, Batman, Tunceli, Siirt, Esenyurt, Halfeti, Ovacık, Bahçesaray, Akdeniz, Kağızman et Şişli.

Tout comme les pressions, menaces et condamnations contre les opposants en Turquie ont été poursuivis sans relâche, les menaces et les pressions contre les opposants et exilés à l’étranger n’ont jamais cessé non plus… Cela continue avec l’émission de notices rouges, la prise pour cible par les rapports de la Fondation de recherches politique, économique et sociale (SETA) ayant pour mission la délation, et l’organisation de provocations et attaques par l’entremise des associations turques contrôlées par les missions diplomatiques turques et la Diyanet.
 
L’Assemblée des Exilés en Europe fait cette mise en garde dans sa dernière déclaration :
 
« En raison du contexte politique armé qui règne depuis les quarante dernières années, plus de cent mille personnes sont emprisonnées, à la suite de pressions et d’arrestations, pour des raisons politiques, et maintenues en détention avec des condamnations à de très longues années de prison. Certains sont malades et nécessitent des soins. Des centaines d’entre elles ont perdu la vie en prison. Ces prisonniers doivent être libérés, tout comme les personnalités politiques privées de liberté depuis des années.  
 
« Des milliers de personnes qui ont été soumises à l’oppression et à la persécution d’État pour leur participation à la lutte nationale kurde pour l’égalité et la liberté, ou à des groupes d’opposition revendiquant des droits démocratiques, sont aujourd’hui en exil dans les pays européens et hors de Turquie.
 
« Dans un processus où des efforts sont entrepris pour l’adoption de certaines dispositions légales et avancées en faveur d’une démocratisation en Turquie, des mesures devraient également être prises pour donner des garanties juridiques aux exilés contraints de vivre hors de Turquie afin qu’ils puissent rentrer librement dans leur pays et mettre fin à leur exil politique sans être soumis à la moindre poursuite, arrestation ou pression.
 
« Nous appelons l’État et le gouvernement à assumer leur responsabilité historique dans les avancées et dispositions juridiques à prendre pour une existence juste et égalitaire et une paix durable, et nous les invitons à prendre les dispositions légales qui restitueront aux exilés politiques tous leurs droits et leur permettront de retourner dignement dans leur pays ».
 
Cet appel de l’exil, parfaitement justifié, devrait être l’un des premiers points à l’ordre du jour des parties prenantes au « processus ».
 
Traduction: Mazyar KHOOJINIAN



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